Adieu Charlie.

J’ai déjà écrit dans un billet antérieur que John Harvey, c’est la Rolls du polar, la qualité du fait main anglais. Ce n’est pas Ténèbres, ténèbres qui va me faire changer d’avis.

HarveyCharlie Resnick ne fait plus réellement partie de la police de Nottingham. Il est citoyen réserviste et aide, de temps à temps, ses anciens collègue. Il mène quelques interrogatoires, classe de la paperasse. Sinon il écoute ses disques de jazz en compagnie du seul chat qui lui reste.

Quand on découvre, en rasant une vieille maison, le cadavre d’une femme enterré sous les fondations depuis une trentaine d’année, la responsable de l’enquête qui connaît Charlie fait appel à lui. Le voici au cœur de l’enquête sur la mort d’une femme qu’il connaissait, Jenny Hardwick, disparue pendant les grandes manifestations de mineurs de 1984 que Thatcher avait fait réprimer dans le sang. A l’époque, pas très fier de lui, Charlie Resnick faisait déjà partie des « forces de l’ordre ».

La Rolls du polar, et c’est encore plus vrai quand on retrouve Charlie. Une fois de plus, la grande classe. Une humanité sensible, à toutes les pages, sans jamais tomber dans la sensiblerie. Charlie est un homme ordinaire, un honnête homme. Pas un héros, pas un redresseur de torts, pas un vengeur … Il essaie de vivre, comme il peut, avec ses deuils, la vieillesse, ses disques, ses souvenirs et le seul chat qu’il lui reste.

L’enquête avance sans avoir l’air de rien, et par petites touches John Harvey nous peint le portrait de trente ans d’évolution de la société anglaise.

Comme David Peace, comme Martyn Waites, il revient sur cette année 84 et sur la façon dont Thatcher et son gouvernement, épaulés par une presse unanime, ont détruit le mouvement ouvrier anglais. Par la calomnie, le mensonge, la famine et une répression physique d’une violence qu’on a sans doute trop vite oubliée. Comme eux il nous montre, sans jamais démontrer, qu’aujourd’hui comme hier ce sont toujours les plus faibles qui trinquent.

La postface le confirme, voici qui clôt définitivement une des séries marquante du polar, laissant un personnage extrêmement attachant définitivement à la retraite, seul sur son banc, avec son café, un air de Monk dans la tête. On referme le bouquin la gorge serrée, heureux d’avoir connu Charlie, déjà triste de ne plus le revoir.

Tout amateur de polar devrait avoir la série des Charlie Resnick dans sa bibliothèque ; Ténèbres, ténèbres en est la mélancolique et bouleversante conclusion.

John Harvey / Ténèbres, ténèbres (Darkness, darkness, 2014), Rivages/Thriller (2015), traduit de l’anglais par Karine Lalechère.

21 réflexions au sujet de « Adieu Charlie. »

  1. Rennette

    Je les ai tous et j’adore toujours autant… John Harvey, que j’ai rencontré au festival de Lamballe il y a longtemps, est de plus très charmant et intéressant.

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      1. lectriceencampagne

        Ben tu sais, par ici, les bibliothèques ne sont pas au top de la nouveauté et ont des budgets plus que rabougris ( faut les chercher au fond du tiroir…)et la médiathèque toute neuve qui va ouvrir ce WE boude la littérature anglo-saxonne ( et quand je dis « boude » c’est « ignore », que c’en est une honte ). Bientôt je vais aller m’inscrire plus loin, mais je trouverai ce que j’aime; Sinon, prêts entre copines!

      2. lectriceencampagne

        j’ai bossé bénévolement avec ces gens, c’est une des pires expériences de ma vie, alors…un vrai scandale ! des stocks de livres neufs, pas un Gallmeister ( et quand je dis pas un c’est pas un ) mais les 50 albums de …Sylvain et Sylvette, t’y crois, toi ??? L’actu du noir, ils n’y comprendraient rien ! Naaan ! Je vais aller dans une vraie bibliothèque, avec de vrais bibliothécaires !

  2. Meyer Meyer

    Chic Charlie est revenu. Je vais courir l’acheter en moins de temps qu’il ne lui en faut pour tâcher sa cravate. Et je l’attaque dès que j’ai fini mon polar japonais de 600 pages

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  3. Regis

    Zut, il n’a plus qu’un chat!
    Petite confidence: c’est en lisant Harvey que j’ai pu compléter ma culture Jazz!i
    j’adore john harvey; Il figure dans mon Top 3!
    J’ai lu hier son billet qu’il a écrit à Lamballe où il était lors des attentats..
    Merci et même si on ne reverra plus Charlie, on espère revoir ses autres héros.i

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  4. Le Noir

    Disgression… Charlie c’est (c’était plutôt) un canard satirique que Denis Robert raconte très bien dans son bouquin « Mohicans ». Si Charlie a compté dans votre vie, c’est le livre qu’il faut lire pour mettre les bons points sur les bons i.

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  5. Meyer Meyer

    Ça y est c’est fini je viens de refermer le livre et je suis un peu dans le même état que quand j ai refermé le dernier volume des enquêtes de Martin Beck ou à l’annonce de la mort de Mc Bain ou de Mankell, la sensation de perdre un proche. Curieux sentiment à la lecture, on hâte de le terminer pour savoir et en même temps on sait que chaque nouvelle page nous rapproche de la séparation. Pour en revenir au livre, c’est un bon Resnick, une enquête sur un crime commis 30 ans avant’ une enquête un peu semblable à celles d’Erlandur. Un livre émouvant et mélancolique où l’on croise les fantômes de protagonistes parfois secondaires des opus précédents. On en redemande. …..mais il n’y en aura plus.
    Merci Charlie

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