C’est sans le moindre doute la première très grosse claque de l’année : Que la guerre est jolie de Christian Roux.
Une ville désespérément normale à une heure au nord de Paris. Un maire qui magouille, un quartier ancien qui se meurt et sur lequel lorgnent des investisseurs qui sentent la bonne affaire, une « cité » aux mains de trafiquants où les imans s’excitent, des jeunes qui s’emmerdent et font des conneries, un squat d’artistes plus ou moins auto-proclamés dans le quartier qui se meurt …
Ajoutez une flic qui veut faire son boulot, un ancien photographe grand reporter qui noie ses pires souvenirs dans l’alcool et ne veut plus faire que des photos pour la plaquette de la mairie, un mercenaire venu aider aux magouilles du maire, une jeune femme bien décidée à sauver le quartier où elle est née, et quelques personnages parfois bien plus complexes qu’il n’y parait.
Vous avez là une poudrière ordinaire, qui ne demande qu’à exploser. Et tant pis pour les dommages collatéraux.
Ce qui impressionne le plus dans ce dernier roman de Christian Roux c’est sa capacité à faire vivre autant de personnages, même si on ne les croise que pendant quelques pages. En quelques lignes il leur donne chair, nous intéresse à leurs rêves, à leurs blessures et à leurs espérances. Même ceux que l’on voit très peu, comme Samia ou Odette, à peine croisées, restent dans notre mémoire.
Autre chose parfaitement réussie : il illustre de façon magistrale une phrase entendue dans le bouche de Jérôme Leroy lors d’une table ronde il y a quelques années : à quelqu’un qui disait que je ne sais plus quelle situation était « plus compliquée que ça », phrase fétiche des enfumeurs il avait répondu, plus ou moins : « C’est faux, la situation est très simple, parce qu’une barricade n’a que deux côtés. Ce qui peut être compliqué, ce sont les raisons des uns et des autres pour être d’un côté ou de l’autre ».
Et c’est bien de cela qu’il s’agit ici, et ce à plusieurs reprises. Plusieurs fois les personnages vont être amenés à faire des choix, à se placer d’un côté ou de l’autre de la barricade, ou à faire comme si elle n’existait pas (ce qui revient bien en général à se placer d’un côté !). Jamais Christian Roux ne jugera ses personnages, mais toujours on comprendra pourquoi ils ont choisi. Et c’est le lecteur qui décide si ces raisons sont en accord ou non avec ce qu’il pense.
Autre force du roman, c’est de ne pas chercher absolument à conclure, à finir sur une situation définitive. Il nous invite à une bataille, fin de parcours pour certains, début pour d’autres. Et pendant cette bataille il nous aura ému, profondément, en partageant avec nous quelques moments de la vie de ces magnifiques personnes qu’il nous a présentées.
Le tout au travers d’une construction complexe mais parfaitement maîtrisée qui ne perd jamais le lecteur, passant d’un personnage à l’autre, se permettant quelques plongées dans un passé traumatisant. Superbe.
Merci Christian Roux pour ce très beau roman.
Christian Roux / Que la guerre est jolie, Rivages/Thriller (2018).
Comme je te fais confiance, je note précieusement.
Je suis très fier de cette confiance, et j’espère que je ne vais pas te décevoir !
Si vous nous prenez par les sentiments en citant Jérôme Leroy! ..
Je cite Jérôme, mais le style est très différent. Ceci dit ils sont très bien tous les deux.
J’avais bien compris !:)
J’ai pris à la bibliothèque tout à l’heure, BRAQUAGES, le premier roman de Christian Roux, édité au Serpent à Plumes (le serpent noir) en 2002.
Je ne l’ai pas lu, j’avais découvert Christian Roux avec le suivant Placards, qui secoue salement son lecteur.
Je l’ai lu ces trois derniers jours. Faisant durer, parce qu’on n’a pas envie de finir les livres qui vous prennent. Et pourtant, je reprends votre expression : on est salement secoué oui !
Un grand bouquin.
Christian Roux écrit bien. La construction de « Braquages » est très efficace. Et j’aime l’écrivain qu’on sent derrière tout ça…
Et il est très agréable, très humain.
Zut, ça sent le carnet de note direct !
Lu et aimé aussi !! Tout à fait d’accord pour les personnages !! Un excellent polar :o)
http://mesmiscellanees.blogspot.fr/2018/02/que-la-guerre-est-jolie-christian-roux.html
D’accord avec tout ce que t’as écrit. Sauf pour le début, j’ai pas de phobie donc je n’ai pas eu de problème au démarrage !