Cela faisait un moment qu’on n’avait pas de nouveau roman de Raúl Argemí. Il revient chez nous avec un polar très sombre : A tombeau ouvert.
2012, Carles Ripoll est un publicitaire sur le déclin, à Barcelone quand il contacté sur facebook par un correspondant qui signe Thedead. Un correspondant qui en fait ne s’adresse pas au personnage inventé de Carles Ripoll, mais à Juan Hiram Gutierrez, argentin, membre d’un groupe de lutte armée d’extrême gauche dans les années 70, qui réussit à fuir les massacres de la junte de Videla.
Qui de ses anciens camarades, qu’il croit tous mort, ou d’anciens tortionnaires peut vouloir son retour à Buenos Aires ? Et pourquoi ? Cela aurait-il un lien avec un magot planqué dans une banque suisse avant le démantèlement du groupe ? Parce qu’il n’en peut plus de fuir et de vivre avec ses fantômes, Carles, ou Juan Hiram, décide de retourner en Argentine livrer une dernière bataille.
Attention, c’est très sombre, et ça secoue. Gutierrez est tout sauf un personnage aimable, la rage, la honte et l’amertume l’habitent, et sa violence ne demande qu’une étincelle pour exploser. Il se hait et se méprise pour avoir fui, même si la seule autre alternative était la torture et la mort et ne supporte pas celui qu’il est devenu en Espagne. Il vomit les tièdes, les lâches, ceux qui font de grandes phrases sans savoir, les socio-démocrates, ceux qui se croient révoltés alors qu’ils ne font que se mettre minables à force d’alcool et de drogue, les traitres, les amnésiques … Bref un personnage difficile à approcher et aimer, sans concession, ni pour les autres, ni pour lui-même.
Alors tout le monde en prend pour son grade, et le roman se dirige tout droit vers un final que l’on devine très moche. A la fin du roman Raúl Argemí remercie ceux, morts ou vivants, auxquels il a emprunté tel ou tel trait, telle ou telle anecdote. On ne peut s’empêcher de penser qu’il y a aussi un peu, ou beaucoup de lui dans ce personnage, avec qui il partage un passé de lutte armée. Cela rend le roman encore plus poignant.
Alors même si ce n’est pas un roman qui vous remontera le moral, et qu’à un moment ou un autre vous grincerez des dents, n’hésitez pas, foncez à tombeau ouvert vers l’abime.
A noter que Rivages a l’excellente idée de rééditer un précédent roman de l’auteur Patagonia tchou-Tchou, génial roman d’aventure en compagnie d’une magnifique bande de cinglés, dans les paysages merveilleux de Patagonie, sur les traces de Butch Cassidy et du Kid. A lire ou relire absolument.
Raúl Argemí / A tombeau ouvert (A tumba abierta, 2015), Rivages / Noir (2019), traduit de l’espagnol (Argentine) par Alexandra Carrasco.
« Patagonia tchou-Tchou » était drôle, rocambolesque, émouvant, une pépite ! Je note non « nouveau » roman, je dois aussi me faire « Le gros, le français… »
Celui-ci est beaucoup plus sombre que Patagonia, qui est, je suis d’accord, une vrai pépite.
Une pépite que j’ai lue et que je ne pourrai plus découvrir… Putain de vie de merde ! 😆
Heureusement il y en a d’autres.
Mais des comme lui, non ! C’est comme « le bikini de diamants », tu n’en auras jamais deux ainsi 🙂
Ben il y a Aux urnes les ploucs, la suite !
Oui, lu aussi… mais après, c’est fini, y’en a plus 😥
Patagonia tchou-Tchou quel bonheur. Celui-ci est effectivement beaucoup plus noir. Presque sans espoir.
Merci pour cette belle chronique
De rien !
😉 🙂