Cela faisait un moment que je n’avais pas lu de roman consacré à Smokey Dalton, le privé noir de Kris Nelscott. Je m’y suis remis avec Quatre jours de rage, et j’ai été très déçu.
Pour ceux qui ne connaissent pas le personnage, Smokey Dalton a recueilli un gamin quasi abandonné, Jimmy quand il habitait à Memphis. C’est là que Jimmy a vu le véritable assassin de Martin Luther King. Depuis Smokey et Jimmy sont recherché par le FBI et en danger de mort. Ils se sont installés à Chicago sous un faux nom, et Smokey travaille souvent pour Laura Hathaway, fille et riche héritière d’un ancien truand, qui essaie d’utiliser sa fortune pour contrer les anciens associés de son père, assainir la situation, et aider les plus démunis.
Ce petit rappel étant fait, alors qu’il inspecte pour le compte de Laura une vieille maison vide qui lui appartient, il tombe sur un sous-sol avec trois cadavres, anciens de toute évidence. Alors que dans la ville les manifestations contre la guerre au Vietnam se succèdent et que les flics matraquent les Black Panthers, Smokey essaie d’enquêter en gardant l’affaire secrète. Il va mettre à jour un véritable charnier.
Très déçu donc. Et c’est entre autre dû à une très mauvaise première impression, avec dans les trois pages du prologue, ces phrases que je trouve d’une maladresse rédhibitoire :
« L’eau lançait des reflets noirs et maléfiques, il semblait impossible d’en sonder la profondeur.
Des lumières en provenance de l’usine se reflétaient légèrement à la surface de l’eau, révélant des traînées d’essence et moult déchets de papier. »
Désolé, mais c’est horriblement mal écrit. Je ne sais pas si c’est d’origine, ou si c’est un problème de traduction, mais ça m’a sorti illico du bouquin. Et si je n’avais pas déjà lu et apprécié certains romans précédents, je ne serais pas allé plus loin.
Là j’ai persévéré. Après, c’est moins pire. Mais ça reste très plat, sans émotion, sans implication. Le moment choisi est un moment de chaos, de manifestations, de répression, on ne le ressent jamais (lisez Hard revolution de George Pelecanos, ou Un pays à l’aube de Dennis Lehane pour voir ce qu’est une véritable plongée dans une ville livrée au chaos). Donc même si les faits relatés et le moment historique sont intéressants, j’ai ramé péniblement pour aller au bout. Pas d’énergie, pas de souffle, des personnages restés sous forme de silhouette, et aucune thématique vraiment creusée, ni les mouvements noirs, ni les manifestations, ni la difficulté de vivre dans un quartier noir, ni la corruption de la police …
La question que cela me pose est la suivante : Est-ce cet épisode qui est raté, bâclé par une auteur en panne d’inspiration ? ou est-ce moi qui suis devenu plus exigeant ? Mystère. Je pourrais relire les précédents pour voir, mais je crains de n’en avoir ni le temps, ni l’envie. Peut-être avez-vous un avis éclairant si vous connaissez le série.
Kris Nelscott / Quatre jours de rage (Days of rage, 2006), L’aube noire (2019), traduit du l’anglais (USA) par Pierre Sérisier.
J’ai lu trois des quatre premiers (pas le deuxième). Le premier reste le meilleur, grâce à une construction remarquable et un fort enjeu dû à la présence de MLK. Sur le plan stylistique, ils sont tous assez ternes mais se lisent sans ennui. Cependant tout cela ne nous fait pas oublier Chester Himes (pour les héros noirs ou, avec Plan B, une ville livrée au chaos).
PS : je me suis ennuyé à mort en lisant Un pays à l’aube, n’est pas James Ellroy ou Don Winslow qui veut.
PS 2 : pour une ville livrée au chaos, il y a aussi Tourville, d’Alex D. Jestaire, que très injustement quasiment personne n’a lu. L’idée centrale (une ville coupée du monde) à été utilisée quelques années après par un auteur américain peu connu, Stephen King (Dôme).
A été utilisée (merci le prédicteur de mots).
C’est certain, ce n’est pas Chester Himes. Et je note Tourville, pour le cas, certes improbable, où j’aurais du temps un jour …
Formidable roman, disponible au Diable Vauvert. Le narrateur souffre d’un trouble psychiatrique qui lui fait reprendre conscience dans les endroits les plus inattendus, ce qui n’est pas pour rien dans la réussite (littéraire) du livre.
PS : je regrette ma provocation sur Dennis Lehane, auteur que tu apprécies.
Y a pas de mal, et je ne le vois pas comme une provocation, mais un avis qui diffère du mien. Tant que les échanges restent corrects mais virils comme on dit au rugby, pas de soucis, tout se règle à la troisième mi-temps autour d’un verre !
Je ne connais pas du tout cet auteur mais ta chronique est pleine d’humour ainsi que tes commentaires, je retourne vite vers d’autres romans plus intéressants.
Les premiers de la série sont intéressants. Là c’est raté.