L’horizon qui nous manque

Après un tour dans les Landes Pascal Dessaint retourne dans son nord natal avec L’horizon qui nous manque. Et ça lui va bien.

DessaintPas loin de Calais, entre dunes et océan Anatole s’est installé dans un mobil home. A la retraite il sculpte des oiseaux, sans grand succès, et chasse à ses heures, sans plus de succès. Il loue une caravane à Lucille, jeune institutrice qui s’est mise en chômage après avoir travaillé avec les migrants de la jungle. Le trio se complète avec Loïk, qui a fait de la prison et aménage dans une ancienne baraque à frites. Seul des trois à avoir un boulot, éreintant, usant, sur une machine qui concasse de vieux bâtiments du port pour construire une nouvelle digue.

Trois vies trop abimées, en équilibre trop précaire pour échapper à l’inévitable chute.

Un roman qui est à la fois dans la droite ligne des récentes œuvres de Pascal Dessaint, et assez différent de ce qu’il écrit habituellement.

Dans la droite ligne pour le lieu, un décor qui ressemble un peu à celui de Le chemin s’arrêtera là, avec un port en transformation, une zone industrielle en perte de vitesse, la mer qui se retire loin, loin, à marée basse, le ciel parfois infini et la nature jamais très loin, avec là-bas un faucon, ici un hibou.

Dans la droite ligne aussi pour les portraits sensibles de gens qui ont pris trop de coups, en ont rendu certains, sont plus ou moins mal dans leur peau, mais tentent quand même de survivre et de trouver une raison de continuer, même s’il faut parfois la chercher au fond d’une bouteille ; et de temps en temps essaient de passer quand même un bon moment. Des gens qui, comme nous tous, ne sont pas exempt de contradictions, de failles, qu’on a envie d’aimer malgré leurs côtés sombres.

Mais aussi différent, par son ton, par une légèreté parfois, bien dans le ton avec l’admiration des personnages pour Gabin. Une admiration que l’on ressent dans des répliques comme celle-ci, qui clôt un chapitre dans la bouche de Loïk :

« Quand un gars récidive, c’est pas qu’il est plus con qu’un autre. C’est seulement qu’il est con plus souvent. Nuance. »

Alors certes, on ne se tape pas sur le ventre et ce n’est pas le roman qui va vous refiler un moral d’enfer. La tonalité reste sombre, mais cette légèreté passagère, cet humour font qu’on referme le livre davantage avec une nostalgie, une tristesse souriante, une sorte de « saudade » qu’en étant totalement plombé.

Triste, beau et paradoxalement d’une certaine façon réconfortant.

Pascal Dessaint / L’horizon qui nous manque, Rivages (2019).

2 réflexions au sujet de « L’horizon qui nous manque »

  1. Jourdan

    Je ne connaissais pas du tout cet auteur . Belle découverte.
    Très bon roman,pessimiste, cruel, mais parfois avec des rayons de soleil..même à Calais.

    Répondre

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