Un polar qui se déroule en Albanie, ce n’est pas commun. Les aigles endormis de Danü Danquigny, à la série noire.
Août 2017, Arben laisse ses deux enfants devenus adultes en France où ils vivent avec lui depuis plus de vingt ans et revient dans son village d’origine, en Albanie.
Bien longtemps auparavant, il a joué avec une bande de copains, il a grandi, a vu ses espoirs réduits à néant durant la dictature sanglante d’Enver Hoxha, et a participé à de nombreux trafics durant la période qui a suivi sa chute et l’installation d’un capitalisme sauvage qui n’a guère amélioré la situation de la population. Jusqu’à l’événement tragique qui l’a poussé à quitter le pays, et qui le ramène aujourd’hui, en quête de vengeance.
Il serait dommage de passer à côté de ce polar, le premier que je lis qui se déroule en Albanie. Ce n’est pas le roman de l’année, mais c’est du beau travail et le lieu est pour le moins original.
La structure, très classique, faite d’aller-retour entre un temps présent et le passé qui l’explique, est particulièrement bien adaptée au propos et parfaitement maîtrisée. Le narrateur est intéressant, l’auteur réussissant à le complexifier au fur et à mesure du récit, jusqu’à en faire personnage assez fascinant, pour lequel on oscille entre empathie et dégout ; une belle réussite.
Et bien entendu, l’originalité du roman vient du lieu, des paysages et des gens qu’il décrit. Réussissant à bien rendre l’horreur de la dictature, le chaos de la transition, les espoirs trahis et l’arrivée d’une mafia et d’une corruption qui finissent d’anéantir toute possibilité de sortir de la misère. Le tout de façon ramassée, efficace, sans pathos ni lourdeur.
Crise sur le gâteau, j’ai souri à cette référence glissée l’air de rien au détour d’une phrase : « Mon abri grisâtre était un fort, il dominait la plaine d’où l’ennemi viendrait, qui me ferait héros. », il y en a peut-être d’autres que j’ai ratées … Je vous laisse découvrir le double hommage.
Une belle découverte en ce début d’année que ce roman d’un auteur français qui a l’air de savoir de quoi il parle quand il écrit sur l’Albanie.
Danü Danquigny / Les aigles endormis, Série Noire (2020).
Je m’appelle Zangra etc
Exactement.
Un polar sur l’Albanie, ça a immédiatement attisé ma curiosité, et je sens que je vais pas tarder à le lire, sans doute juste après les derniers romans parus de Joseph Knox (Chambre 413) et Benjamin Myers (Noir comme le jour) et juste avant de me replonger dans le 3ème tome de la magistrale trilogie de Greg Iles chez Actes Sud (commencée avec Brasier noir).
Par contre, je n’ai pas saisi la référence que tu cites dans ta chronique. Ca vient d’où ?
PS : Une bonne année 2020 au fait !
Bonne année.
Ahah, pour la référence, qui est double, c’est là
et c’est bien entendu une référence au désert des tartares de Buzzati.
Une chanson de Brel que je ne connaissais pas, mais je ne les connais pas toutes non plus ! 😀
Je note, l’Albanie dans un livre, on prend moins de risque à lire qu’à voyager !
Et le roman ne donne pas trop envie de faire le voyage. Comme souvent pour les polars il faut bien l’avouer.
Mais nous aimons ce genre de voyage, nous… Littéraire, bien entendu 😉
Bonjour, je vous remercie pour cette belle chronique, et je crois bien que vous êtes le premier à avoir relevé Zangra/Buzzati.
Au sujet de la perception qu’on peut avoir de l’Albanie, précisons tout de même que Les Aigles endormis est une fiction noire, qui force le trait sur les aspects les plus sombres. L’Albanie est un pays magnifique, chaleureux et accueillant, que je fréquente avec régularité depuis une quinzaine d’année sans le moindre problème. Le voyage vaut le coup.
De rien, merci à vous pour ce moment de lecture. Ensuite, effectivement, les lecteurs de polar, en général, n’ont pas une très belle vision des pays qu’ils visitent en littérature, c’est la loi du genre !