Je connais mal l’œuvre de Catherine Dufour, mais j’avais beaucoup aimé Le goût de l’immortalité. La voir éditée dans une collection polar ne pouvait qu’exciter ma curiosité. Et je n’ai pas été déçu par Le bal des absents.

Claude est arrivée au bout du bout. 40 ans, pas de boulot, pas de vie de couple, expulsée de son appartement. Alors quand un avocat américain la contacte pour qu’elle aille enquêter sur la disparition d’une famille, quelque part dans une campagne paumée, elle accepte. Elle sera logée dans la demeure où on a vu en dernier la famille en question, et touche 1000 euros pour commencer.
Une aubaine, et Claude ne peut pas se permettre d’être trop regardante. Et elle arrive au « Logement de tante Colline ». Il ne faut quand même pas oublier que dans ce manoir, une famille de 7 personnes a disparu.
Autant avertir le lecteur tout de suite, même si ce roman parait dans la collection cadre noir du seuil il y a de vrais morceaux de fantastique dedans. Donc si vous êtes résolument allergiques à tout ce qui n’est pas 100 % rationnel, ce n’est pas pour vous.
Pour les autres, vous allez commencer par vous régaler avec l’écriture de Catherine Dufour. Humour noir, au vitriol parfois. Dans un autre genre, le style vachard d’Hannelore Cayre. Un petit exemple, dès le début du roman :
« Les liens affectifs dont elle disposait étaient du genre à tolérer la distance : quelques anciennes collègues avec lesquelles elle échangeait des chats sur Facebook, et une nichée de cousins-cousines éparpillée autour de Vitry-le-François. Elle n’avait pas d’autre relations, et surtout pas sexuelles. De plus, suite à un épisode pénible, elle s’était fait ligaturer les trompes. Pour finir, elle était allergique aux poils de chat. Tout cela, bien qu’assez mélancolique, la laissait libre de toute attache. »
J’adore, je me suis régalé tout au long du roman et j’avais envie de noter au moins une phrase par page. Mais je suis fainéant …
Ensuite l’histoire, particulièrement réjouissante. Bel hommage à la littérature et au cinéma fantastique, dans lesquels Claude va aller chercher les solutions pour se débarrasser de l’horreur qui la guette dans le manoir. Hommage parfois moqueur, souvent sincère. Les scènes d’horreur sont particulièrement réussies, mélange de tension flippante et d’un léger second degré absolument délicieux. Le récit est d’une totale cohérence d’un bout à l’autre. Et certains affreux meurent de façon résolument satisfaisante.
Mais ce qui fait de ce roman bien plus qu’une bonne histoire avec un personnage attachant, c’est que Catherine Dufour en profite pour régler son compte avec notre société et la façon particulièrement dégueulasse qu’elle a de se débarrasser de ceux qui ne lui rapportent pas assez. Là encore, c’est taillé au scalpel, c’est sanglant, méchant et tellement juste. Et la description des horreurs vécues, non à cause d’une improbable créature, mais à cause de la façon dont on réduit à une pauvreté épuisante et dégradante des femmes comme Claude est bien plus dure, effrayante et émouvante que toutes les attaques du fameux clown du King. Magistral.
Quant à la fin, elle est tout simplement géniale, et je suis prêt à offrir à celui qui la devinerait avant le dernier chapitre son poids en cacahouètes. La conclusion parfaite d’un roman rageur et enthousiasmant.
Catherine Dufour / Au bal des absents, Seuil/cadre Noir (2020).
une belle déclaration d’amour pour ce livre ! et merci de nous avertir, je passe mon chemin (le fantastique et l’horreur n’étant pas du tout ma tasse de thé …)
Dommage, parce que si c’est le prétexte du roman, il y a une énergie qui fat tout passer, et le fond est très réaliste.