Je ne suis pas amateur de ce que les anglo-saxons appellent narrative non-fiction. Mais comme beaucoup de collègues avaient dit du bien de Dévorer les ténèbres de Richard Lloyd Parry, j’ai décidé d’essayer. Je ne suis toujours pas amateur …
Le premier juillet 200, Lucie Blackman, jeune anglaise, grande et blonde qui travaille comme hôtesse dans le quartier de Roppongi à Tokyo disparaît après un dernier coup de téléphone à son amie Louise vers 17h00. Elle est partie à la plage avec un client du club où elle travaille, et plus personne ne la reverra.
L’enquête tarde à démarrer, la police de Tokyo étant peu encline à se préoccuper du sort des hôtesses étrangères. Mais grâce à la ténacité de sa famille qui fait le déplacement l’enquête finira par commencer, pour aboutir sur une arrestation et un procès qui durera plus de 6 ans.
Une affaire que Richard Lloyd Parry, journaliste basé à Tokyo, va suivre de bout en bout. Il rencontre la famille, les amis, les différents protagonistes et en tire ce livre, Dévorer les ténèbres.
Je n’ai rien d’objectif à reprocher à ce bouquin. L’enquête menée par l’auteur est très complète, il est allé voir tous les protagonistes qui ont accepté de le rencontrer, sa connaissance du Japon est très bonne, il sait à la fois être proche des personnes qu’il interviewe et prendre de la hauteur.
La partie la plus intéressante, de mon point de vue, est sa mise en lumière des particularités du Japon, en même temps que celle du regard que portent les européens sur ce pays et ses valeurs, entre admiration, fascination et racisme. Le plus étonnant étant l’explication de la piètre qualité de la police japonaise, malgré des flics qui travaillent comme des bêtes. Et cela tient à un fait qui incongru pour nous : le délinquant japonais, tout délinquant qu’il soit, quand il est pris, reconnaît sa faute. Et comme il l’écrit dans le cas qui l’intéresse ici :
« L’idée qu’un criminel se montre fourbe, obstiné et menteur et qu’avoir affaire à ce genre d’individu était précisément le rôle de la police ne venait quasiment jamais à l’esprit des enquêteurs. Ils n’étaient pas incompétents, il ne manquaient pas d’imagination, ils n’étaient ni paresseux ni complaisants – ils étaient simplement victimes d’un coup de malchance totalement inattendu : sur un million de criminels au Japon, il y en avait un de malhonnête, et c’est sur celui-ci qu’ils étaient tombés. »
Mais alors pourquoi ne suis-je pas amateur ? C’est tout bête, il me manque le romanesque. Tout d’abord la première partie qui présente la famille Blackman m’a profondément ennuyé. Une famille sans intérêt, du moins à mes yeux, et il y en a pas loin de 100 pages. J’ai tenu parce que les collègues en avaient dit du bien …
Ensuite la distance créée par le journaliste qui n’incarne pas les personnages et garde en permanence son objectivité fait que, paradoxalement, alors que c’est une histoire vraie, elle m’émeut beaucoup moins qu’une histoire inventée dans laquelle je me sens proche des personnages. La partie d’étude sociologique du Japon est très intéressante, mais je n’arrive pas à me passionner pour le reste : la victime, son entourage, les conférences de presse, le meurtrier, le journaliste, les rebondissements … Je m’en fiche.
Donc très recommandable si vous aimez le style, long si comme moi vous êtes un irréductible lecteur de romans.
Richard Lloyd Parry / Dévorer les ténèbres, (People who eat darkness, 2012), Sonatine (2020) traduit de l’anglais par Paul Simon Bouffartigue.