Archives pour la catégorie Polars belges

L’apparence du vivant

Une curiosité nous arrive de Belgique, L’apparence du vivant de Charlotte Bourlard.

La narratrice, jeune photographe, débarque chez les Martin, un couple qui tient un funérarium dans un quartier périphérique, en bord de canal à Liège. Elle vient pour photographier madame. Elle va sympathiser, se faire adopter et apprendre de sa bienfaitrice l’art de la taxidermie. Et tant pis si, pour s’entraîner, il faut bien que quelques chiens, chats et paumés disparaissent dans le quartier …

Attention, ce roman ne plaira pas à tout le monde. Il faut accepter le macabre, il faut accepter que l’humour et l’amour viennent se mêler intimement à la mort. Il faut accepter de prendre une certaine distance avec ce qui est raconté pour le prendre comme un de ces contes horrifiques que l’on lit quand on est gamin. Mais en plus explicite et plus actuel.

Si cela vous va, vous apprécierez une écriture d’une belle noirceur et l’humour très grinçant du récit, vous ressentirez l’amour de la narratrice pour la vieille dame qui l’a recueillie et qui lui a tout appris, vous apprécierez la beauté d’une vengeance. Je ne sais pas si cela vous servira tous les jours, mais vous y apprendrez aussi beaucoup de chose sur l’empaillage des êtres vivants.

Si vous décidez de vous en servir, comme la narratrice et madame, merci de me tenir au courant, je prendrai bien soin de ne jamais trop m’approcher de chez vous, comme j’éviterai soigneusement de croiser Charlotte Bourlard … Au cas où …

Charlotte Bourlard / L’apparence du vivant, Inculte (2022).

L’été sans retour

Que voilà une belle découverte dans la blanche de Gallimard, L’été sans retour, de l’écrivain belge d’origine italienne (comme son nom et son roman l’indiquent) Giuseppe Santoliquido qui aurait parfaitement eu sa place dans La Noire.

La Basilicate, c’est la région du sud de l’Italie coincée entre la pointe et le talon de la botte. Une région chaude, belle et pauvre. Dans le village de Ravina, le temps semble arrêté. Les mentalités sont figées, les hommes s’épuisent au travail de la terre, les jeunes fuient dès qu’ils peuvent. En cet été 2005, alors que se prépare la fête du village, Chiara, 15 ans disparaît entre sa maison et celle de sa cousine Lucia, 400 mètres plus loin.

C’est Sandro, jeune homme, infirmier, orphelin depuis l’âge de 15 ans et recueilli par les parents de Lucia le temps de pouvoir habiter seul sa maison qui va raconter l’horreur, les soupçons, l’invasion médiatique, l’indécence …

Un roman qui n’a donc de belge que la nationalité de l’auteur. Nous sommes bien dans le sud de l’Italie, dans un de ces villages qui justifie le dicton espagnol « pueblo chico, infierno grande ». L’auteur arrive à rendre la beauté de la nature, l’air limpide après une pluie, les senteurs, le calme, l’attachement viscéral à une terre, aussi dure soit-elle. Mais également l’ennui, la solitude, le rejet de la différence, l’impression d’enfermement dans un environnement où les mentalités n’ont pas changé avec leur époque et où tous savent tout sur tout le monde.

C’est déjà âpre, dur, à la fois coupant et beau comme un paysage semi-désertique. L’horreur intervient quand vient se mêler à tout ça ce que le monde extérieur et moderne a de pire : l’attrait pour le clinquant des pires émissions télé (et l’Italie en compte visiblement quelques-unes de gratinées) ou la fascination devant les célébrités factices des réseaux sociaux.

En résultent des jalousies, des mesquineries et des haines qui mènent à la folie furieuse. Une dégringolade que le lecteur suit, effaré par la mécanique subtile et implacable mise en place par l’auteur.

Giuseppe Santoliquido / L’été sans retour, Gallimard (2021).

Manger Bambi

Je découvre Caroline De Mulder avec ce titre : Manger Bambi qui parait dans la noire.

Bambi, 16 ans est bien décidée à se sortir de la merde dans laquelle elle se trouve. Une mère alcoolique adepte des cachetons, des « beaux-pères » au mieux minables, sinon violents ou pire, la vie dans un taudis non chauffé, et au lycée … Alors avec sa copine Leïla, Bambi profite de ses longues jambes, de son regard de faon, et de son flingue, seul héritage laissé par son père, pour dépouiller de vieux dégueulasses empressés de devenir ses sugar daddys. Mais parfois les choses tournent mal.

Je reconnais, c’est un très bon roman, cohérent, avec un personnage principal fort et un choix stylistique parfaitement assumé et maîtrisé. Mais ce n’est pas pour moi.

On commence par le style. Le parler djeunes c’est un choix et un choix logique vu le personnage principal, mais au bout de 3-4 chapitres, j’avoue que ça me fatigue.

« Ta robe sortie, sérieux, je me demande, spéciale cacedédi à l’abbé Pierre ou bien ? on y croit pas une seconde, elle pue l’antimite. Quand le boloss t’a vue avec moi, au lieu d’être joisse, il s’est méfié, je peux te dire qu’il était à deux doigts de se barrer .

J’ai fait comme t’as dit, une robe swag mais pas trop reuche. »

Et je ne parle pas des textos qu’il faut déchiffrer comme des rébus. Donc c’est très bien, c’est un choix, tenu jusqu’au bout, il y a une cohérence, mais ça me fatigue.

Le deuxième chose qui m’a fait sortir du roman c’est Bambi. Là encore Caroline De Mulder fait un choix, et s’y tient parfaitement. Rien à reprocher littérairement parlant. Elle montre comment une parfaite victime (car il n’y a pas de doute, Bambi est victime, de la misère, d’un manque d’amour, de la violence masculine …) peut se transformer en parfait bourreau. Parce que si les sugar daddys n’ont que ce qu’ils méritent, la rage de Bambi s’exerce sur tous, même ceux qui ne cherchent qu’à l’aider, maladroitement parfois, ou sur ceux et celles qui ont quelque chose qu’elle veut. Pour résumer, Bambi est certes une victime, mais également une sale conne qui n’a d’autre valeur et d’autre but que la satisfaction de pulsions consommatrices.

Et là encore, sur une nouvelle je peux, sur presque 200 pages je fatigue, et je me désintéresse de ce qui lui arrive.  Fait révélateur, j’ai tardé, tardé, à lire ce roman pourtant court, préférant tous les soirs me plonger dans les trois derniers volumes jubilatoires de The boys.

Dans le style portrait d’une victime devenue bourreau, je conseille la novella magistrale de Massimo Carlotto Rien, plus rien au monde. Ce bouquin m’avait totalement retourné les tripes. Là je cale. A vous de voir si vous êtes sensible, ou non, à l’univers de Bambi.

Caroline De Mulder / Manger Bambi, La Noire (2021).

Le second disciple

Le second disciple du belge Kenan Görgün a de très bonnes chroniques un peu partout sur la toile. Un roman très intéressant, auquel, de mon point de vue, il manque un petit quelque chose pour être un très grand roman.

GorgunXavier Brulein a eu une enfance pauvre dans un quartier populaire de Bruxelles. Avant de s’engager dans l’armée. Quand il revient à la vie civile, lors d’une bagarre dans un bar, il esquinte salement un homme et se retrouve en prison. C’est là qu’il rencontre Abu Brahim, condamné pour avoir organisé un attentat meurtrier, et devient Abu Kassem.

Quand il ressort, son mentor lui a fixé deux objectifs : trouver qui l’a trahi et a permis son arrestation, et préparer un nouvel attentat qui frappe les esprits, encore plus que le 11 septembre. Au dehors Xavier Abu Kassem trouve une travail grâce à un de ses anciens officiers, s’intègre dans le réseau islamiste, et commence à préparer un attentat inédit. Dans le même temps, en bordure du quartier de Molenbeek, des milices d’extrême droite préparent elles aussi la terreur.

Autant se débarrasser de ce qui me gêne. Je trouve la construction de l’intrigue parfois bancale. Difficile d’en dire plus sans trop dévoiler de points essentiels, mais des détails de cohérence m’embêtent, m’ont parfois fait sortir de ma lecture, et m’ont empêché d’être complètement emballé : Tout d’abord je ne vois dans le roman rien qui explique la libération étrange du mentor Abu Brahim, et ça m’a tracassé tout du long. Je vois bien son importance comme autre visage de la haine, mais je ne vois pas pourquoi il fallait le laisser dehors, de façon aussi peu convaincante. Ensuite j’ai un doute sur le personnage de Xavier Abu Kassem : les valeurs qu’il défend face aux autres membres du réseau pour justifier l’attentat qu’il prépare me semblent en contradiction totale avec son admiration pour son mentor. Pour finir je ne suis pas du tout convaincu par la solution proposée pour l’attentat qu’il prépare, mais difficile d’en dire plus sans être trop explicite.

On peut considérer que je pinaille, mais c’est ce qui fait que je n’ai pas été emporté par le souffle.

Ceci dit, ces problèmes de cohérence n’empêchent pas le roman d’être extrêmement pertinent. La dualité Xavier / Abu Kassem, appuyée sur le mythe de Jekyll et Hyde est finement et intelligemment décrite, en évitant soigneusement les gros sabots ; les différences au sein de la communauté musulmane dépeintes sans manichéisme et sans lourdeur ; la progression de l’intrigue bien menée ; la ville est un personnage convaincant du roman ; et le contexte et son évolution, qui voit des gamins autrefois voisins qui a défaut d’être amis partagent une même pauvreté, devenir ennemis mortels prêts à semer la terreur de façon aveugle sont bien exposés.

Tout cela est fait de façon romanesque, au travers d’un personnage assez fascinant, qui amène le lecteur à comprendre un cheminement, celui de Xavier / Abu Kassem, soldat jusqu’au bout des ongles, d’une efficacité totale dans tout ce qu’il fait, qui tente, en vain, d’évacuer tout ce qui pourrait nuire à la perfection de ses actes, qui pourrait n’être qu’un robot programmé pour tuer (que ce soit au service d’un pays ou d’une religion), et pourtant … C’est un être humain, avec des faiblesses, qui font sa singularité, à cause doute, cette créature étrange, et du fait que s’il y a du Hyde chez chacun de nous, il reste aussi du Jekyll chez tous ceux que l’on qualifie de monstres.

Un roman intelligent, original dans sa façon de traiter une thématique qui, à ma connaissance, n’avait pas encore été abordée par le polar, qui a le mérite de ne pas chercher à simplifier et fait confiance à son lecteur. Il lui manquait, à mon goût, très peu de choses pour être un très grand roman ; un auteur à suivre.

Kenan Görgün / Le second disciple, Equinox/Les arènes (2019).

Contre les cons, Mémé.

Seule mémé Cornemuse a le pouvoir de nous consoler en ces jours :

« Parce que la vraie obscénité n’est pas dans le vocabulaire. Elle est dans la violence gratuite. Dans ces trous-du-cul qui nous font gober n’importe quoi pour s’en mettre plein les poches. Dans ce putain de monde où tout part en couilles, où les riches se pavanent sur le tas de pognon sans même jeter un regard à ceux qui crèvent la dalle. La grossièreté c’est pas causer comme un pilier de comptoir, mais c’est avoir un langage châtié et de foutre la planète en l’air en remplissant des piscines alors que des mômes crèvent de soif. » (Les vacances d’un serial killer).

« Alors si un jour tu vois un mirage qui te fait penser à un prince, change de trottoir, va au sex-shop et achète-toi un gode. T’auras moins d’emmerdes. » (Mémé goes to Hollywood)

« Tu t’appelles comment ?
Belette sautillante et vous ?
Gazelle pipeuse. » (Mémé goes to Hollywood)

Un peuple qui abrite Mémé en son sein est indestructible. Courage.

Campagne noire

Décidément, je ne vais guère vous faire sourire en ce début d’année. Après un Néonoir glaçant et un James Lee Burke décevant, la rentrée à la série noire est impressionnante et … très noire. D’un autre côté, elle s’appelle la série noire, pas la série rose : Si tous les dieux nous abandonnent de Patrick Delperdange.

DelperdangeCéline fuit. Un sac à dos, un pull taché de sang, un couteau … Sur une route de campagne, l’hiver, la nuit, Léopold la prend en stop. Depuis que sa femme est morte Léopold vieillit seul dans sa ferme qui tombe en ruine. L’arrivée de Céline ne va pas passer inaperçue dans le petit village de Valmont.

Tous le remarquent et se demandent ce qu’elle peut bien faire chez le vieux Léopold. Josselin n’est pas bien malin, il vivote comme il peut et fantasme sur Céline.

Parce que la jeune femme s’est défendue quand les chiens de Maurice, le frère de Josselin, l’ont attaquée, les choses vont déraper.

Pour reprendre le titre d’un excellent recueil de nouvelles d’Emmanuelle Urien, voici un roman Court, noir, sans sucre.

Chapitres courts, narration à trois voix (Céline, Léoplod et Josselin), juste le minimum de contexte et de passé pour comprendre ce qu’il se passe, près d’un an de vies entremêlées en deux cent pages. Impeccable.

Céline, paumée, est le catalyseur d’une réaction en chaine qui va faire remonter à la lumière des secrets, des frustrations, des mensonges et des hontes cachés depuis des années. Un catalyseur qui subit, fuit une menace longtemps mystérieuse, et n’y échappe que pour se remettre dans le pétrin.

Ici, pas de grands criminels ou de croquemitaine, juste la misère, économique, sociale, culturelle et intellectuelle, la bêtise, la méchanceté mesquine et ordinaire, l’envie, le manque total d’avenir ou de projet, la solitude aggravée par le regard permanent porté par les quelques voisins.

Elle n’est guère tentante la « ruralité » de Valmont. Elle est grise, déprimante, flirte souvent avec la folie, et peut se révéler salement agressive, voire mortelle.

L’auteur rend magnifiquement tout cela, en tendant son récit dès le début avec le mystère qui entoure Céline. Et arrive très habilement à remettre de la tension en cours de récit en faisant remonter les secrets des différents protagonistes.

Le roman a la beauté de la noirceur, éclairée par moment de raies de lumière, d’instants miraculeux d’empathie, de joie simple, ou éclaboussée d’explosions de violence. On navigue entre la chronique d’une mort annoncée et Les chiens de paille, avec parfois des relents de Délivrance … Une découverte.

Patrick Delperdange / Si tous les dieux nous abandonnent, Série Noire (2016).

Le dernier bal de Mémé Cornemuse ?

Apparue dans Les vacances d’un serial killer, mémé Cornemuse est devenue une vraie star sous la plume de Nadine Monfils. Elle revient pour une dernière (vraiment dernière ?) aventure dans Maboul Kitchen.

Monfils-maboulMémé est à l’asile pour vieux siphonnés. Et elle s’y éclate. Du moins un moment. Mais elle finit par en partir avec un vieux beau qu’elle croit riche (et qui l’est quand même un peu), dont elle se débarrasse dès qu’elle l’a épousé, et qui a lui a légué un superbe manoir en Normandie, à Saint-Amand-Sur-Fion.

Châtelaine, pourquoi pas, mais mémé a une nouvelle idole, la mère de Stallone (92 ans), championne toutes catégories du ravalement de façade à grands coups de botox. Donc le manoir va devenir tour à tour chambre d’hôtes, bordel ou haut lieu de pèlerinage avec un seul but : ramasser du pognon pour aller à LA se faire transformer en nouvelle BB. ET tant pis s’il faut refroidir quelques clients récalcitrants.

Soit la série s’essouffle un peu, soit c’est moi qui commence à me lasser, mais j’ai été moins emballé cette fois. Rien de grave non plus. Peut-être l’effet de surprise qui se tasse.

Reste qu’il y a quand même de bons moments, que les interviews réelles de la mère Stallone qui ont remplacé les monologues de JCVD (si vous ne savez pas qui sait, relisez la série !) valent leurs pesants de cacahouètes, et que la mauvaise foi l’égoïsme et la méchanceté de mémé font toujours mouche.

Donc je ne me suis pas ennuyé, sans toutefois retrouver l’enthousiasme des débuts, et cela reste un très bon divertissement.

Nadine Monfils / Maboul kitchen, Belfond (2015).

Mém Cornemuse se marrie

Tant que je suis dans le bizarre, autant continuer, même si je change de style. En avant donc pour les aventures de la mamie la plus indigne de la littérature belge, et même de la littérature tout court. Vous avez deviné, il s’agit de la suite des aventures de Mémé Cornemuse, l’infâme vieille de Nadine Monfils, celle auprès de qui Carmen Cru et Tatie Danielle font figure de Pom Pom girls. Et cette fois, Mémé goes to Hollywood.

MonfilsCe n’est un secret pour personne, mémé en pince pour JCVD, le grand Jean-Claude, le belge le plus anglophone de Belgique. Mais son héros vit à Hollywood. Qu’à cela ne tienne, rien n’arrête une femme amoureuse et gare à quiconque se mettrait en travers de son chemin. On se doute bien que Cornemuse n’arrivera pas à L.A., mais avec mémé, ce n’est pas la destination qui compte, c’est le voyage.

Je ne vais pas prétendre qu’on a là une intrigue tricotée au millimètre, que le suspense vous scotchera à votre fauteuil ou que l’angoisse vous empêchera de dormir. Par contre c’est vous qui risquez d’empêcher votre voisin de lit / train / salle d’attente de dormir tranquille tant vous éclaterez de rire.

Si Mémé n’est ni Sherlock ni Miss Marple elle est la championne toutes catégories en vannes qui tuent, mauvaise foi, méchanceté et énergie. Quelle rigolade, quelle galerie de personnages tous plus absurdes les uns que les autres !

Et au milieu de cette absurdité, quelques phrases qui font bien plaisir. Petit florilège :

« La vraie vulgarité, c’est pas de causer comme une marchand de loques, mais de débiter des âneries en étant contre le mariage pour tous. »

Conseil de mémé à une gamine qui rêve du Prince Charmant :

« Alors si un jour tu vois un mirage qui te fait penser à un prince, change de trottoir, va au sex-shop et achète-toi un gode. T’auras moins d’emmerdes. »

et pour finir ce dialogue définitif avec un scout pris en stop :

  • « Tu t’appelles comment ?
  • Belette sautillante et vous ?
  • Gazelle pipeuse. »

On pourrait en remplir des pages. Et c’est d’ailleurs ce que fait Nadine Monfils !

Nadine Monfils / Mémé goes to Hollywood, Belfond (2014).

Mémé Cornemuse Présidente !

Depuis que je l’ai découverte, par hasard, dans Les vacances d’un serial killer, je suis devenu accro à Mémé Cornemuse. C’est donc avec un sourire d’anticipation que j’ai ouvert La vieille qui voulait tuer le bon dieu, le dernier roman de Nadine Monfils.

MonfilsMémé est concierge à Pandore, cette ville imaginaire qui se trouve quelque part du côté de la Belgique. Elle est toujours fan d’Annie Cordy et de Jean-Claude Van Damme (JCVD pour les intimes dont elle estime faire partie). Et elle a un casse en vue qui lui permettra de devenir riche et de convoler, avec JCVD justement. Manque de bol, ce soir-là, Ginette (une des locataires de l’immeuble) s’envoie en l’air hors mariage pour la première fois. Et en rentrant plus tard que d’habitude, elle retrouve son mari (qui est un gros con) égorgé, mains et kiki coupés. Or avec le casse en préparation mémé n’a aucun intérêt à voir la police débarquer, donc il va falloir se débrouiller sans appeler les flics …

Non ce n’est pas sérieux. Non ce n’est même pas recommandable pour les jeunes esprits malléables (quoi que …). Non ce n’est pas politiquement correct. Non on n’y apprend rien sur le trésor des templiers ni sur l’élection du Pape. Non on n’y trouve pas une analyse poussée de l’état du monde en général, de la Belgique en particulier (quoi que …). Non ce n’est pas réaliste. Non Mémé n’est pas gentille. D’ailleurs, ici, personne n’est gentil. Non, non et non.

Par contre, qu’est-ce qu’on rigole ! Et le pire, c’est que ce machin foutraque tient la route !

Ya vraiment pas de justice, dire qu’il y en a des qui s’emmerdent à faire des recherches pendant des années, des qui écrivent des plans sur 300 pages, des qui prennent des airs constipés, inspirés pour expliquer d’un air torturé que l’écriture se fait dans la douleur, mais qu’ils ont un message à faire passer merde kôa …

Je suis presque certain que Nadine Monfils ne fait aucune recherche, n’a aucun plan, et surtout, je suis prêt à parier qu’elle s’amuse comme un folle à écrire ces horreurs. Au moins autant que nous, lecteurs à les lire. Ya pas de justice je vous dis.

Nadine Monfils / La vieille qui voulait tuer le bon dieu, Belfond (2013).

Léon de Montmartre

Les éditions Belfond ont eu l’excellente idée de rééditer les aventures du commissaire Léon de la fantasque Nadine Monfils. Je l’avais croisée il y a quelques années à Frontignan, et l’avais trouvée drôle et chaleureuse en débat. Je m’étais donc promis de lire ses bouquins, et puis, l’oubli, l’avalanche de titres, la routine … Je ne l’ai finalement découvert qu’avec Les vacances d’un serial killer, qui m’a enchanté. C’est pourquoi je suis si content d’avoir l’occasion de découvrir ses romans plus anciens avec ce premier titre : Madame Edouard.

Le commissaire Léon, de Montmartre se traine quelques handicaps pour faire une brillante carrière : A plus de quarante ans il vit chez sa mère, se passe les nerfs en tricotant, est affublé d’un chien très fainéant répondant au doux nom de Babelutte qui a les pattes arrière plus longues que les pattes avant et d’une secrétaire nymphomane collectionneuse de boucles d’oreilles pour le moins originales. Malgré tout, il est plutôt efficace. Et il va en avoir bien besoin pour découvrir qui sème les cadavres de jeunes femmes dans les différents cimetières de la capitale. Des cadavres auxquels il manque un bras, et toujours sommairement enterrés à côté de tombes de grands peintres …

Dès qu’un auteur fait preuve d’un peu d’imagination et crée des personnages un poil originaux on a droit à la tarte à la crème des personnages « hauts en couleur ». En l’occurrence, ici, l’expression est particulièrement adaptée. Un commissaire qui tricote pour se passer les nerfs, une secrétaire botoxée de partout qui porte de vrais aquariums avec poissons à chaque oreille, des clients de bar que ne renierait pas Westlake pour son O.J. Bar … Et bien d’autres.

Le plus beau est qu’elle les aime ces personnages, et nous aussi (nous aussi on les aime). Aucune méchanceté, aucune condescendance, on sent que l’auteur adore toute cette humanité extravagante, parfois souffrante, parfois emmerdante, parfois même limite dangereuse. Un vrai régal, d’autant plus que de façon étonnante dans ce beau bazar l’intrigue tient la route.

Ajoutez le plaisir anticipé de lire la suite, le volume regroupant deux romans et vous crierez avec moi : « Vive Léon ! Vive Nadine ! »

Nadine Monfils / Madame Edouard, Belfond (2012).