Archives pour la catégorie Polars canadiens

Bienvenue à Meurtreville

Un fidèle lecteur m’avait signalé qu’il était possible de trouver les romans du québécois André Marois aux éditions Le mot et le reste. J’ai donc lu Bienvenue à Meurtreville.

Mandeville, un village un peu mort en bordure de forêt et de lacs au Québec. Après un été pourri, la commune et ses commerces qui dépendent fortement du tourisme sont exsangues. Réjean, entre autres, patron du garage, vient plaider sa cause au conseil municipal, il est au bord de la faillite. Mais qu’est-ce qui pourrait bien attirer du monde dans ce village endormi ?

Un mort, ou plus précisément, un assassinat. C’est ce que découvre les conseillers municipaux quand un voleur de cannabis est retrouvé la gorge tranchée d’un coup de sécateur. Mais malheureusement, dans un monde où une nouvelle chasse l’autre, l’attention va très vite retomber. A moins que …

Ce n’est pas le polar qu’il ne fallait absolument pas manquer cette année, mais …

Mais c’est court, enlevé, délicieusement amoral, grinçant. Les dialogues sont savoureux et les personnages bien croqués. Un vrai bonbon, bien acidulé, qui se déguste avec grand plaisir. Et l’occasion de découvrir un peu le polar canadien bien trop mal distribué chez nous. Alors pourquoi ne pas se faire plaisir ?

André Marois / Bienvenue à Meurtreville, Le mot et le reste (2021).

Le silence des bois

Les auteurs québécois publiés en France sont trop rares pour laisser passer une occasion. L’occasion c’est Le silence des bois de Maureen Martineau.

Quelque part en pleine nature, Agathe qui fait du camping sauvage est assassinée. Sa fille Lorie qui ne l’a pas accompagnée pour la première fois alors que c’est leur semaine de vacances traditionnelle ne se le pardonnera jamais. Un an plus tard, elle vient, comme en pèlerinage.

Pas loin de là, deux indiennes, la mère et la fille, débarquent elles aussi près du même lac. Elles viennent venger leur fille et petite-fille, qui s’est suicidée après avoir été violée l’hiver précédent. Comme la police a ignoré la plainte, elle se sont mise en chasse.

La dernière dans le coin, une ourse, doit accumuler du gras et du sucre pour tenir l’hiver et mettre au monde les deux vies qu’elle sent en elle.

Du grand classique dans le point de départ, la vengeance de ceux qui ne peuvent pas compter sur la justice. L’originalité est dans le décor avec cette nature québécoise intimidante. C’est bien mené sans manichéisme ni jugement. Dommage quand même que la thématique du sort réservé aux indiens ne soit qu’effleurée, mais ce n’est pas le point de vue choisie, le personnage central étant plutôt Lorie.

La langue est « exotique » pour les français, Maureen Martineau faisant le choix d’un style très parlé et local qui sonne bien, naturel et jamais forcé. Et si on est loin de la puissance évocatrice et de l’écriture d’Andrée Michaud, l’autre romancière polar québécoise connue ici, Le silence des bois vous procurera un bon moment de lecture dépaysant.

Maureen Martineau / Le silence des bois, L’aube noire (2021).

Tempêtes

L’année s’ouvre chez Rivages avec un nouveau roman d’Andrée Michaud, Tempêtes, qui m’a laissé perplexe.

MichaudQuelque part sous le Massif Bleu, montagne oppressante qui fait peser son ombre sur toute la région, Marie Saintonge s’installe dans la maison isolée léguée par son oncle. Pourquoi est-elle venue là ? On ne sait pas trop, peut-être pour comprendre ce qui a poussé son oncle au suicide. Elle vient d’arriver quand une tempête de neige s’abat sur le massif, la coupant de tout. Pourtant un homme semble roder, et Marie s’enfonce peu à peu dans l’horreur et la folie.

L’été suivant, toujours à l’ombre du massif, Ric Dubois qui servait de nègre à un écrivain connu vient s’isoler au camping des Chutes pour écrire enfin son livre. Ce sont les orages d’été qui vont révéler la malédiction du Massif, et quand les cadavres s’accumulent il fait un coupable parfait et se demande, à son tour, s’il n’est pas en train de devenir fou.

J’ai vraiment beaucoup aimé les trois premiers romans que j’ai lus d’Andrée Michaud, mais là j’avoue qu’elle m’a perdu.

Et pourtant il y a de sacrés bons moments dans ce roman. Des montées d’angoisse, des ambiances oppressantes où l’on sent la folie, la terreur prendre le dessus sur les personnages. Des pages superbes sur une nature effrayante, imposante, déchainée, qui nous fait nous sentir si petits, si impuissants.

Ma première réserve est que je trouve le texte parfois un peu … Lourd n’est pas le terme exact, mais manquant de respiration. Trop introspectif pour moi, trop de de paragraphes denses qui tournent en rond sur les monologues de la peur et de la folie de Marie, ou les délires de Ric. Parfois ça marche et je me suis laissé hypnotiser, à d’autres moment ça m’a sorti de la lecture.

Le problème principal, pour moi du moins, c’est qu’elle fait le choix très difficile de ne rien expliquer, de ne pas relier les fils des différents cauchemars, de laisser le lecteur, qui la suit avec de plus en plus d’attente, sans aucune résolution. De deux choses l’une, ou je suis complètement, mais vraiment complètement passé à côté de quelque chose, ou l’auteur a décidé de ne rien expliquer des peurs, des origines de la folie, des liens entre les personnages, et, même si ça parait puéril dit comme ça, mais c’est quoi ce bordel ? C’est du fantastique ? Il y a un meurtrier ? J’ai rien compris moi !

Au final, malgré l’ultime pirouette, j’étais assez frustré. Donc je reste perplexe, ne voyant absolument pas où elle voulait en venir. Et je suis très curieux de lire d’autres avis.

Andrée Michaud / Tempêtes, Rivages/Noir (2020).

Lazy Bird

Comme beaucoup de français, j’ai découvert Andrée Michaud avec Bondrée, et je n’avais pas lu Lazy bird. C’est fait.

MichaudBob Richard est albinos, seul au monde, amateur de cinéma et de jazz. Sans attache, il accepte un poste d’animateur radio, pour la tranche de nuit, dans la petite ville de Solitary Mountain, aux US, près de la frontière avec le Canada. Rapidement, il reçoit des coups de fils inquiétants, d’une certaine Misty, référence évidente pour l’amateur de films de Clint Eastwood qu’il est.

En parallèle ce solitaire semble attirer les âmes en détresse, Lazy bird, adolescente en fuite, le Sauvage, un homme qui vit dans une cabane dans les bois, et quelques autres … Mais qui est Misty ? Et jusqu’où va t’elle aller dans la folie, jusqu’au meurtre comme dans le film ?

Etonnant comme je partage les références cinématographiques et musicales de Bob Richard, et sans doute d’Andrée Michaud. Tout me parle dans ce roman, tout me remet en mémoire une scène, un chorus, un thème de Bird ou Lady Day.

L’écriture vous fend l’âme, vous partagez en permanence la mélancolie, la détresse ou la rage de Bob Richard, ses coups de cœur, ses coups de blues. C’est tendre, déchirant, en permanence au bord de la folie et ça vous remue jusqu’au fond des tripes.

Ca parle d’amitié, de solitude, d’incompréhension, de peur, d’espoir, d’amour, de détresse, de mort. L’intrigue tissée sans en avoir l’air finit par vous surprendre au moment où vous y attendez le moins. Un vrai bijou, mais pourquoi avons nous attendu autant pour découvrir Andrée Michaud ?

Andrée Michaud / Lazy bird, Rivages/Noir (2018).

Andrée Michaud bouleversante

J’avais découvert Andrée Michaud il y a deux ans avec Bondrée. Rivages a l’excellente idée de poursuivre la publication de ses romans avec Rivière tremblante.

MichaudUn jour d’été 1979, en plein orage, Michael Saint-Pierre, douze ans, disparait dans la forêt, au bord de la rivière, sous les yeux de son amie inséparable Marnie Duchamp. Marnie, gamine, n’a pas compris pourquoi son ami est parti en courant dans la forêt pour ne jamais revenir. Les habitants de la petite ville de Rivières-au-Tremble et les gendarmes, ont toujours cru qu’elle mentait. C’est pourquoi, dévastée, elle a quitté les lieux avec son père.

Trente ans plus tard, à la mort de ce père revenu habiter dans son village, elle décide de s’installer à Rivières-au-Tremble. Elle va y croiser Bill Richard, auteur de livres jeunesse, venu s’enterrer là par hasard, lui qui ne peut plus vivre en ville depuis que, trois ans auparavant, sa fille Billie a disparu à jamais entre l’école et son cours de danse.

Deux deuils impossibles, qui vont se télescoper quand le Michael, onze ans, ne rentre pas d’une balade à vélo. Pour les habitants du village et pour des flics pressés, Marnie et Bill ne sont pas des victimes mais de potentiels bourreaux.

Autant avertir le lecteur tout de suite : Lecteur, si les seuls polars qui t’attirent sont ceux qui proposent une enquête trépidante, des investigations poussées, de l’action, du suspense et des coups de théâtre, passe ton chemin, Rivière tremblante n’est pas pour toi. Si par contre la plongée dans une âme humaine au bord du gouffre te tente, si tu aimes les ambiances brumeuses, les personnages hantés par leurs fantômes, tu peux te précipiter.

Oui ce roman est très lent, oui il restera des mystères. Mais que cette lecture vous prend aux tripes ! Plus de 350 pages à tenter de sortir du deuil, à essayer de trouver une raison de vivre, à s’enfoncer dans une tristesse insondable, à se débattre avec une culpabilité d’autant plus difficile à surpasser qu’elle ne s’appuie sur rien de tangible. Et tout à la fin, dans les toutes dernières lignes, Andrée Michaud arrive encore à vous émouvoir.

Je ne vous dirai pas que c’est une lecture aimable. Au-delà d’une nature envoutante et parfois terrifiante, le portrait qu’elle brosse de cette petite ville et de la police québécoise n’est guère flatteur. Mais surtout l’écriture toute en finesse, mais d’une grande force prend le lecteur à la gorge dès les premières pages pour ne plus le lâcher. Préparez vos mouchoirs, et plongez dans Rivière tremblante.

Andrée Michaud / Rivière tremblante, Rivages/Noir (2018).

Une belle découverte pour commencer

C’est Lionel Besnier, rencontré à l’époque où il dirigeait la collection Folio Policier qui a attiré mon attention sur ce roman au titre étrange que je n’aurais surement pas lu autrement : Taqawan d’Eric Plamondon. Et il aurait été bien dommage que je le rate.

PlamondonNous sommes au Québec, en 1981. Plus de trois cent policiers viennent de rentrer en force dans la réserve des indiens mig’maq. Les fauves sont lâchés, les coups pleuvent, les matraques fracassent cranes et côtes, une vingtaine de prisonniers sont embarqués. Leur tort ? Refuser les quotas de pêches de saumons que le gouvernement québécois veut leur imposer, eux qui ont de tout temps sans jamais mettre l’espèce en péril.

Une répression brutale qui va entraîner la démission d’un garde-chasse, la disparition d’une adolescente, et bien d’autres événements, plus violents les uns que les autres.

Quel beau roman qui prouve qu’il n’est pas indispensable d’écrire un pavé pour raconter une histoire, créer des personnages, planter un décor et émouvoir le lecteur. Car Eric Plamondon réussit parfaitement tout cela en moins de 200 pages.

Les chapitres courts passent d’un personnage à l’autre, reviennent sur le passé plus ou moins récent, racontent des légendes ou des histoires indiennes, parlent de l’hiver canadien, de l’odeur de la neige, de l’importance du saumon dans le monde. Et tout cela semble couler de source, facile, évident.

C’est plein de poésie mais aussi de violence, la situation des indiens, méprisés par tous, pions dans les luttes de pouvoir entre le Québec et le gouvernement fédéral est décrite avec précision, clarté, empathie mais aucun misérabilisme.

Le rythme est bon, on enchaine naturellement entre le récit présent, et des épisodes passés, voire des informations n’ayant (en apparence), aucun rapport avec l’histoire, mais qui à l’arrivée complètent le tableau. Et cela sans jamais tomber dans la démonstration ni le plaidoyer.

Un très beau roman, juste, sur une situation que nous connaissons mal ici. Un roman qui se lit tout seul, avec un véritable plaisir de lecture au premier degré, et que l’on referme en se sentant plus intelligent. Une belle réussite à ne pas manquer.

Eric Plamondon / Taqawan, Quidam éditeur (2018).

Andrée Michaud passe l’Atlantique.

Quand on suit quelques blogs de fans de polars québécois, on connaît le nom d’Andrée A. Michaud. Mais de notre côté de l’Atlantique, on n’en avait encore jamais lu (moi, du moins, je n’en avais jamais lu). Grâce à Rivages, on va pouvoir la découvrir avec un roman envoutant : Bondrée.

bondree.inddBoundary Pond, ou Bondrée, un lac entouré de forêts sur la frontière entre le Maine et le Québec. Autrefois entièrement sauvage, en cet été 67 il abrite quelques familles venues passer les vacances en pleine nature. Un camping, quelques chalets et des familles qui ne se fréquentent pas vraiment.

Emma a une douzaine d’année et court partout, en admiration devant les deux filles scandaleuses du coin, Zaza Mulligan et Sissy Morgan, belles, libres, sensuelles, inséparables, riant de tout et de tous, se moquant de ce que pensent les autres. Jusqu’à ce que Zaza disparaisse et qu’on la retrouve morte, la jambe sectionnée par un vieux piège à ours.

Un accident. Mais quelques jours plus tard, c’est Sissy qui meurt de la même manière. La peur et la suspicion s’installent, on reparle d’un trappeur, sauvage, mort pendu des années auparavant et l’été fuit définitivement Bondrée.

Même si un tueur rôde autour de Bondrée, et même si on est en pleine nature, inutile d’attendre ici une traque sanglante à grand spectacle. Bondrée est un roman tout en finesse, en petites touches, qui fait la part belle aux ambiances : le bruit de la pluie quand on est à l’abri, l’odeur des peaux au soleil, la liberté totale de gamines, soudain perdue à cause de la peur, les rires et les chansons de deux jeunes filles, deux filles qui jouent à se faire peur dans les bois … Ou qui ont raison d’avoir peur …

La puissance et la justesse des évocations fait que l’on ressent tout cela. Qu’on revit forcément des sensations d’enfance (même sans jamais être allé là-bas).

Ca c’est côté Emma … Pour les flics, là aussi sans jamais jouer le côté sensationnel, c’est la fatigue, la présence des morts croisés en chemin, le poids insupportable de quelques cas où le coupable n’a jamais été retrouvé, le mauvais café pris au milieu de la nuit, la difficulté de maintenir une vie familiale.

Autant de pages très justes qui s’appuient sur une belle écriture. Une écriture avec laquelle l’auteur s’amuse, jonglant avec les niveaux de langages : les dialogues qui mêlent français et anglais que l’on entend, qui claquent à l’oreille et sonnent parfaitement juste, alternent avec des descriptions qui se font tour à tour oniriques, lyriques, dramatiques ou romantiques.

Une très belle découverte pour les lecteurs français.

Andrée A. Michaud / Bondrée, Rivages/Thriller (2016).

Emily St. John Mandel, On ne joue pas avec la mort.

Décidément, la rentrée nous gâte. Après une dernière nuit à Montréal remarquée Emily St. John Mandel revient avec un autre roman étrange et intrigant : On ne joue pas avec la mort.

Anton, jeune new yorkais, est en voyage de noce dans un village italien avec Sophie, une violoniste virtuose au caractère instable. Contre toute attente, il décide de rester et de ne pas rentrer avec elle. Et attend. A New York, une agente du FBI enquête sur Anton, ses parents et sa cousine Aria. Pourquoi avant de partir Anton avait-il été mis au ban de son entreprise ? Dans quels trafics trempe Aria ? Qu’attend Anton dans l’ile d’Ischia ? Et quel est le rôle d’Elena, son ancienne secrétaire ? Autant de questions qui ne trouveront leur réponse que petit à petit.

J’ai relu ce que j’avais dit à propos de Dernière nuit à Montréal, et je pourrais en reprendre une bonne partie ici. Une fois de plus, de façon très fine et subtile l’auteur met en scène des personnages sans attaches, sans racines, capables de quitter un lieu du jour au lendemain pour s’installer ailleurs. Un ailleurs avec lequel ils ont de nouveau des liens assez lâches.

On pourrait même dire qu’ici, les racines sont plus des freins ou des poids qu’autre chose : Ils sont en particulier la malédiction d’Anton qui veut échapper à sa famille et à ses activités, et d’Elena qui veut absolument quitter son grand nord natal.

Intéressant de voir, en opposition à des auteurs de polar traditionnellement très attachés à un lieu, une ville, une terre (on ne compte plus les couples enquêteur/ville), où les personnages se définissent en grande partie par leur appartenance à des clans, des familles, des classes sociales ou des lieux d’histoire, comme Emily St. John Mandel écrit des polars flottants comme des ballons gonflés d’hélium, dérivant au gré des vents.

Mais je vais redescendre sur terre, pour vous dire qu’au-delà de ces considérations, il convient de souligner l’habileté de la construction, la maîtrise du suspense et de l’intrigue et la finesse dans la description des personnages. Souligner également comment l’écriture jamais appuyée est en accord avec le discours, même dans les moments les plus dramatiques, et il y en a.

Une vraie réussite, qui ne ravira certes pas les amateurs de thrillers pleins d’action, de baston, de sang et de larmes, mais qui séduira certainement tous ceux qui prendront la peine de rentrer dans son monde original et envoutant.

Emily St. John Mandel / On ne joue pas avec la mort (The singer’s gun, 2010), Rivages/Thriller (2013), traduit de l’anglais (Canada) par Gérard de Chergé.

Nouvelle auteur canadienne

C’est la rentrée. Pas encore pour les petits (restent quelques jours), mais pour les romans. A cette occasion une petite nouvelle, canadienne, fait son entrée chez Rivages. Je pouvais difficilement trouver un plus grand contraste avec le roman de George Martin. Autant Armageddon Rag est politique, fantastique et puissant, plein de bruit et de fureur, autant Dernière nuit à Montréal d’Emily St. John Mandel est discret, fugace, tout en nuance et en finesse.

MandelA sept ans Lilia est enlevée par son père par une nuit d’hiver. Avec lui elle passe la frontière entre le Canada et les US puis, jusqu’à 16 ans, ils voyagent à travers tous les Etats-Unis, changeant de nom, de coiffure, d’allure, pour échapper à sa mère et au détective privé qui la cherche. Elle commence alors à voyager seule, incapable de se fixer quelque part.

Des années plus tard, Eli l’accueille quelques mois à New York. Quand elle s’en va, un matin, sans rien dire, il décide de la chercher à Montréal où elle est allée. Montréal où vivait Christopher, le privé qui l’a suivie pendant des années, où vit Michaela, sa fille, qui a l’âge de Lilia. C’est dans cette ville, en plein hiver, que les secrets enfouis vont être révélés.

Un roman étonnant quasi évanescent et pourtant marquant. Les personnages n’ont aucune attache, et ressemblent à ces ballons lâchés lors d’une fête qui partent, avec un petit mot attaché. Un petit mot ou l’une des pièces d’un puzzle qui ne sera entièrement reconstitué qu’à la toute fin, même si le lecteur, peu à peu, commence à deviner la forme dessinée.

Il y a aussi quelque chose de Mortelle randonnée dans l’histoire de ce privé qui suit une fille pendant des années sans jamais l’aborder, de plus en plus obsédé se transformant en une ombre, une silhouette à peine entraperçue.

Il y a à la fois un curieux détachement du monde, un manque d’accroche et d’investissement, et en même temps une vraie réflexion sur la solitude sur l’engagement, sur le rapport aux autres.

Et dans la construction, peu à peu, une tension grandissante, un suspense qui s’installe insidieusement, et une belle et forte résolution …

Un roman un peu hypnotique, qui vous attache sans en avoir l’air, tout en finesse, avant de vous laisser sur le quai, une impression douce amère dans la tête.

Emily St. John Mandel / Dernière nuit à Montréal (Last night in Montreal, 2009), Rivages/Thriller (2012), traduit de l’anglais (Canada) par Gérard de Chargé.

Marre du rugby ? Essayez le hockey !

C’est grâce à l’ami Holden que j’ai pu lire ce nouveau petit roman de François Barcelo dont j’avais beaucoup aimé les série noire (Cadavres, Chiens sales et L’ennui est une femme à barbe). Merci donc pour ce réjouissant J’haïs le hockey.

Antoine donc hait le hockey. Ce qui n’est pas facile à porter quand on est québécois. D’autant plus que ce n’est pas une détestation tiède :

« J’haïs le hockey !

J’y ai joué juste assez pour savoir que je suis le plus nul des joueurs. Et j’en ai vu juste assez pour savoir que c’est le plus nul des sports. »

Voilà donc un bon point de départ quand sait qu’Antoine, la quarantaine, en instance de divorce est appelé au dernier moment pour être le coach de l’équipe de son ado de fils lors d’un déplacement. Malgré ses réticences, parce qu’il n’a rien à faire et qu’il n’est pas particulièrement dynamique (même pour dire non il manque d’énergie !) Antoine finit par accepter. Bien entendu, il sera un coach pathétique, mais surtout, il va découvrir que son prédécesseur a été assassiné ; entre autres découvertes qui vont l’amener à se poser beaucoup de questions sur son fils …

C’est un peu court, on en aurait bien repris quelques pages de plus … Mais pas de doute, c’est bien du Barcelo, même si le final est plus noir et grinçant que ce que j’avais lu précédemment.

Du Barcelo ça veut dire une écriture gouleyante, de l’humour noir, des histoires déjantées et des personnages de paumés, minables pathétiques et pourtant incroyablement attachants.

Et on a bien tout ça ici. Avec une mention spéciale pour un looser particulièrement gratiné. Pauvre Antoine qui ne comprend rien à rien, se fait chaque fois des films plus tordus et invraisemblables les uns que les autres et provoque, avec une bonne volonté touchante, catastrophe sur catastrophe.

C’est lu en deux temps trois mouvements, on se régale, on sourit beaucoup, on compatit. Et au final … Mais je n’en dirai pas plus pour vous laisser la surprise.

François Barcelo / J’haïs le hockey, Coup de tête (2011).

PS. Je sais, j’ai classé à polars français et c’est québécois … Il faudra que je crée une catégorie de plus.