Archives pour la catégorie Polars des pays de l’est

Des meurtres qui font du bien

Je n’aurais jamais lu Des meurtres qui font du bien de l’allemand Karsten Dusse si ce n’avait pas été un cadeau. Est-ce que je serais passé à côté de quelque chose ? Je ne pense pas.

Björn, le narrateur, est un avocat surmené. Il travaille, fort efficacement, pour une véritable ordure psychopathe, s’engueule avec sa femme Katarina, ne voit jamais sa fille de 2 ans et demi. Jusqu’à ce que Katarina lui pose un ultimatum : Soit il va voir un coach pour faire de la méditation de pleine conscience, soit il ne les voit plus, ni elle ni sa fille.

Quand il se rend, à contre cœur, à son premier rendez-vous, Björn ne peut pas imaginer combien sa vie est sur le point de changer.

L’idée de départ n’est pas mauvaise, la description de certains travers de nos sociétés est plutôt réussie, avec entre autres un portrait au vitriol de quelques bons donneurs de leçons qui ne se rendent même pas compte de leurs contradictions et de leur ridicule.

Mais, car il y a un mais, ça devient lourdingue. Passé le fait que l’intrigue n’est pas crédible une minute (mais ce n’est pas forcément gênant si on se laisse prendre au jeu), on devrait se rabattre sur l’humour. L’auteur appuie sur le comique de répétition avec sa permanente référence à un supposé livre de développement personnel. L’ennui avec le comique de répétition, est qu’il est sur la corde raide avec le risque de tomber dans la lourdeur et la répétition sans le comique. Et de mon point de vue très subjectif l’auteur est tombé assez lourdement.

Le deuxième souci est le manque total d’empathie pour qui que ce soit dans le livre. A part le narrateur et sa fille, tous les autres personnages sont traités avec une misanthropie et un manque de distance qui finissent par donner l’impression que l’auteur règle ses comptes avec tous ceux qui l’emmerdent au quotidien, y compris son épouse, s’il en a une. Et cela finit par être complaisant et déplaisant.

Bref, malgré les bons avis que j’ai pu lire ici et là, pas convaincu.

Karsten Dusse / Des meurtres qui font du bien, (Achtsam morden, 2019), Le cherche midi (2022) traduit de l’allemand par Jenny Bussek.

Kalmann

Une belle découverte à La Noire : Kalmann de Joachim B. Schmidt.

Raufarhöfn, petit port de pêche dans l’extrême nord de l’Islande. Un village qui se meurt depuis que les quotas de pêche des pêcheurs locaux ont été rachetés. Il reste quand même une petite école et un hôtel pour les quelques touristes qui, l’été, viennent voir le soleil de minuit.

Robert McKenzie est le roi du village. C’est lui qui a les quotas restants, il est propriétaire de l’hôtel, il a des projets touristiques. Mais Robert a disparu.

Et puis il y a Kalmann. La trentaine, vivant seul dans la maison de son grand-père qui est en maison de retraite. Kalmann est différent, excellent pêcheur de requins, chasseur, il n’a jamais pu suivre à l’école et se promène dans le village avec son chapeau, son étoile et son pistolet de shérif, souvenir d’un père américain qu’il n’a jamais connu. Kalmann qui n’aime pas la nouveauté va être servi : en chassant il tombe sur une grosse flaque de sang …

Une excellente surprise que ce roman. Ce n’est pas la première fois qu’un auteur utilise un narrateur différent de la norme pour proposer un regard décalé qui met en lumière ce qui, dans la vie de tous les jours, nous parait normal. On peut citer deux exemples illustres, le gamin narrateur de Fantasia chez les ploucs de Charles Williams, ou le fou héros de la série barcelonaise d’Eduardo Mendoza.

Ces deux références utilisent le décalage pour créer un effet humoristique, c’est moins le cas ici. On sourit certes, mais on est surtout très ému par le narrateur. Petit à petit on s’attache à Kalmann, on partage ses joies, ses espoirs et ses souffrances, on est témoins de sa grandeur. A travers son regard c’est tout un monde et un mode de vie que l’on voit disparaitre. C’est le choc avec le monde moderne, ses media, sa violence nouvelle opposée à une autre forme de violence, celle que l’homme est obligé d’exercer quand il doit vivre dans un milieu naturel dur et parfois hostile.

Et c’est également toute la beauté d’une nature respectée à la fois pour sa majesté et pour le danger qu’elle représente qui est révélée également à travers le regard au premier degré de Kalmann.

Ajoutons que l’intrigue qui prend son temps est très bien menée, avec une montée quasi imperceptible de la tension vers un final superbe. Un vraie belle réussite et une magnifique découverte pour moi.

Joachim B. Schmidt / Kalmann, (Kalmann, 2020), La Noire (2023) traduit de l’allemand (Suisse) par Barbara Fontaine.

Rue Mexico

Chastity Riley de Simone Buchholz est de retour dans Rue Mexico.

Nouri Saroukhan, du clan Saroukhan de Brême est retrouvé mort dans sa voiture incendiée. Il s’avère rapidement que c’est un assassinat. Il semblerait qu’une jeune femme ait été témoin de l’affaire, mais elle a disparu. Chastity Riley et son collègue flic Ivo Stepanovic sont en charge de l’affaire et vont devoir aller à Brême interroger la famille. Problème, dans le clan Saroukhan, comme dans toute la communauté dont ils font partie, on considère les lois allemandes comme nulles et non avenues. Pour ne pas arranger les choses, pour une raison inconnue, ils considère que Nouri ne fait plus partie de la famille.

Un plaisir de retrouver Chastity, ses déambulations dans Hambourg, ses nuits de cuite, ses relations compliquées, sa bande. Tout ce que vous avez aimé dans les précédents volumes est là dans Rue Mexico.

En prime cette fois la description au vitriol de deux communautés. La première les Mahallami, originaires de l’empire turc, passés par le Liban, rejetés de partout, venus s’installer en Allemagne. Une communauté qui n’obéit qu’à ses propres lois, où le clan prime tout, et où l’individu, surtout s’il est de sexe féminin, ne compte pas.

La deuxième, les groupes de mâles blancs travaillant dans des secteurs de la finance et des assurances où on brasse beaucoup d’argent et où la réussite se matérialise par la voiture. Une communauté qui tourne autour de quelques valeurs : le fric, la bagnole et la coke qu’on s’enfile dans le pif.

Les deux communautés prennent cher. Le tout entre deux balades poétiques et alcoolisées dans Hambourg. Que voulez-vous de plus ?

Simone Buchholz / Rue Mexico, (Mexikoring, 2018), L’Atalante/Fusion (2023) traduit de l’allemand par Claudine Layre.

Dans les règles de l’art

Un nouvel auteur grec chez Asphalte, Makis Malafékas dans la jungle de l’art contemporain : Dans les règles de l’art.

Mikhalis Krokos qui vit à Paris arrive à Athènes pour le lancement de son livre sur Coltrane. Mauvaise période. C’est le plein été, la chaleur est accablante, et la Documenta, grande foire de l’art contemporain s’est installée dans la ville. Difficile dans ces conditions de donner de la visibilité au lancement d’un bouquin confidentiel.

Pour arranger le tout, son amie Kris se retrouve dans la mouise après le vol d’un tableau a priori sans la moindre valeur artistique mais qui pourrait cacher des informations gênantes pour pas mal de monde. Et voilà Krokos embarqué dans une embrouille qui pourrait bien lui coûter la vie.

Avis mitigé sur ce roman. Tout d’abord il faut vous dire que je suis absolument hermétique à l’art contemporain, et que je n’y connais absolument rien. Mais ce n’est pas une raison.

C’était bien parti. Le ton est vif, il y a de l’humour, la description du monde de l’art et de ceux qui tournent autour est acérée, avec en particulier quelques dialogues qui sentent le vécu. Une bonne tension est installée et la description d’une ville d’Athènes écrasée de chaleur et envahie par l’art contemporain est bien faite, en particulier à partir de dialogues plaisants avec les chauffeurs de taxi.

Malheureusement, à mon goût, ça finit par tourner en rond, ça manque d’approfondissement du propos, la construction des personnages reste superficielle, et de plus je n’ai pas cru un instant au ressort de l’intrigue. Du coup j’ai lu le dernier tiers en roue libre sans trop m’intéresser à ce qu’il se passait.

Avis très subjectif, à vous de vous faire le vôtre.

Makis Malafékas / Dans les règles de l’art, (Δε λες koυβεντα, 2018), Asphalte (2022) traduit du grec par Nicolas Pallier.

La femme du deuxième étage

Après L’eau rouge, revoilà Jurica Pavičić : La femme du deuxième étage.

Bruna est en prison. Elle termine de purger une peine d’une douzaine d’années pour meurtre. Comme le dit la seule amie qui vient la voir de temps en temps, tout aurait été différent si elles n’étaient pas allées à cette fête d’anniversaire. Celle où Bruna a rencontré Frane, beau marin qui va devenir son mari. Et l’amener à cohabiter avec sa belle-mère Anka.

C’est ce soir-là que tout a commencé. Et bientôt une page va se tourner avec la sortie de prison de Bruna.

Ce qui impressionne dans ce roman, c’est comment au travers d’une histoire très intime, limitée à quelques personnages, centrée sur celui d’une jeune femme en prison, l’auteur arrive à en dire autant sur l’état et l’évolution de son pays. Sans jamais, bien au contraire, négliger de nous passionner pour le sort de Bruna, dont la vie est pourtant pour le moins étriquée et répétitive.

Quand on y repense, une fois le roman refermé, la richesse de thématiques et la finesse avec lesquelles elles sont abordées sont assez époustouflantes. Relation familiale toxiques, lâcheté, enfermement domestique, fragilité de ceux qui vivent de leur travail, évolution du capitalisme en Croatie, bouleversement du tourisme, peur du vieillissement … et j’en oublie.

Et tout cela au travers de la seule « petite » histoire d’une jeune femme en prison, sans grand coup de théâtre, sans grande scène dramatique, par petites touches qui nous rendent Bruna aussi proche que si elle vivait à côté de nous.

Chapeau l’artiste.

Jurica Pavičić / La femme du deuxième étage, (Žena s drugog kata, 2015), Agullo (2022) traduit du croate par Olivier Lannuzel.

Tu sais qui

Une excellente découverte chez Métailié, Tu sais qui du polonais Jakub Szamalek.

Julita voulait être journaliste. Elle se retrouve à pondre des articles putaclic pour un site de merde, à grands coups de : L’EFFROYABLE DECOUVERTE DE BIDULE, ou L’HORRIBLE SURPRISE DE TARTANPION.

Jusqu’au jour où, au détour d’une vidéo bien crapoteuse sur un accident, elle croit voir une incohérence et une petite possibilité de faire du vrai journalisme. Jusqu’à ce qu’un mystérieux correspondant lui intime l’ordre d’arrêter, la menaçant de la détruire. Julita l’envoie paître, ne voyant pas comment on peut la détruire sur le net. Erreur, grosse erreur, sa vie devient alors un enfer. Mais perdue pour perdue …

Excellente découverte donc. Qui offre, et c’est déjà très bien, un plaisir de lecture immédiat. Le style est enlevé, teinté d’humour, l’héroïne Julita très attachante et l’intrigue parfaitement menée. Plaisir de lecture au premier degré donc.

Mais ce n’est pas tout. La description des métiers de merde, abrutissants, comme celui de Julita qui pond à la chaine les articles les plus putassiers juste pour attirer les cons et les mener sur le pub. Ou les campagnes de marketing d’un autre des protagonistes pour des produits tous plus inutiles les uns que les autres est excellente.

Ajoutez la description de la société polonaise, de sa corruption, (qui ressemble fort à la nôtre par bien des aspects), et celle des conséquences de notre addiction à internet et de notre utilisation d’une technologie à laquelle, pour la plupart d’entre nous, nous ne comprenons rien et que donc nous ne maîtrisons absolument pas.

Au final vous avez un polar divertissant et instructif. Et joie, la suite est déjà annoncée, on retrouvera Julita.

Jakub Szamalek / Tu sais qui, (Cokolwiek wybierzesz, 2019), Métailié (2022) traduit du polonais par Kamil Barbarski.

Béton rouge

Chastity Riley, de Hambourg, nous revient sous la plume de Simone Buchholz dans Béton rouge. C’est un vrai plaisir.

Chastity Riley donc, procureur que l’on affecte généralement aux cas désespérés, ou désespérant se retrouve face à un homme nu, enfermé dans une cage, devant l’entrée d’un grand groupe d’édition. L’homme a été visiblement torturé. Pour ajouter à son bonheur, plus tôt dans la matinée, plusieurs employés lui ont craché dessus en venant bosser. Et ce n’est que le début.

Il est clair que vous ne lirez pas Béton Rouge pour son intrigue qui a un petit air de déjà vu. Mais c’est le reste qui fait tout le charme et l’intérêt du roman. A commencer par Chastity : Une héroïne qui déclare : « Selon moi, c’est le fait même qu’il existe un chef et qu’il puisse décider du destin d’autrui qui est incroyable, mais personne ne me demande mon avis. » ne peut que me plaire. Chastity et, comme dans le roman précédent, tous ceux qui gravitent autour d’elle. On a beaucoup de plaisir à tous les retrouver.

Et puis il y a Hambourg et le quartier qu’elle fréquente, son ambiance, ses bars, la nuit sous la pluie … Moi qui ne suis pas particulièrement attiré par l’Allemagne (vous avez dû remarquer que je suis plus latin que germain), elle me donnerait presque envie d’aller passer quelques jours dans cette ville.

En plus dans ce volume, une petite virée en Bavière qui n’est pas décrite sous un jour particulièrement attirant …

Ajoutez à cela une belle écriture, vive, enlevée, et des dialogues superbes, et vous comprendrez que je suis en train de devenir un fan de Chastity Riley et de Simone Buchholz.

Simone Buchholz / Béton rouge, (Beton rouge, 2017), L’Atalante/Fusion (2022) traduit de l’allemand par Claudine Layre.

Le dernier afghan

Les polars russes sont rares par ici. Malheureusement, je n’ai pas été convaincu par Le dernier Afghan d’Alexeï Ivanov.

Guerman, dit l’allemand, chauffeur pour le compte de Chtchébétovski qui possède une bonne partie de la ville de Batouïev décide de changer de vie, pour lui, mais surtout pour son amante Tatiana. Il braque le camion contenant la recette du centre commercial qu’ils acheminent, lui et d’autres Afghans, anciens de l’Afghanistan. L’enjeu sera maintenant de rester en vie et de pouvoir disposer de l’argent.

Sur cet événement symbolique s’achève définitivement la fraternité des anciens combattants, ces jeunes considérés comme des brutes, que le flamboyant Sergueï Likholiétov avait organisés en une union qui avait mis la ville à leurs pieds au début des années 1990.

Dommage que ce roman souffre, à mon goût, de trop de longueurs. Parce qu’il commence très bien avec un récit de braquage parfaitement mené. Parce que ce qu’il raconte est intéressant et complètement nouveau pour le lecteur français qui ne sait rien de la vie de ces soldats revenus d’Afghanistan. Autant côté américain les lecteurs de polars sont familiers des privés, flics ou braqueurs anciens du Vietnam, puis d’Irak ou toute autre guerre américaine, autant on avait ici peu d’équivalent sur le pendant russe. Parce que certaines scènes sont particulièrement réussies, comme le récit de la guerre de Guerman et Sergueï, l’installation des Afghans dans des immeubles réquisitionnés ou les guerres de gangs à Batouïev.

Mais il y a beaucoup trop de longueurs, de chapitres s’attardant sur les vies des différents protagonistes qui n’apportent rien et trainent, trainent … Et plus on avance dans les plus de 600 pages du roman, plus ces longueurs deviennent lourdes, pénibles à la lecture, incitant à sauter allègrement quelques paragraphes pour aller voir comment tout cela va finir.

Dommage, je pense que j’aurais trouvé ce roman passionnant s’il avait été resserré, amputé de 200 bonnes pages. Là, au final, malgré les bons moments, c’est l’impression de lassitude, et l’envie d’en finir qui restent à la fin de la lecture.

Alexeï Ivanov / Le dernier Afghan, (HEHACTbE, 2015), Rivages / Noir (2021) traduit du russe par Raphaëlle Pache.

Mort aux hypocrites

Ce qui devait au départ être la trilogie de la crise de Petros Markaris est devenu une série sans fin, à l’image malheureusement de la situation grecque. Mais il faut bien le reconnaitre, une série qui a tendance à s’essouffler, en particulier avec le dernier épisode Mort aux hypocrites.

Grande nouvelle pour le commissaire Charitos et sa très chère épouse Adriana, ils sont devenus grands-parents. Malheureusement pour lui, Charitos va avoir moins de temps que prévu à consacrer à Lambros, son petit-fils. Le patron d’une chaine d’hôtels, connu pour ses actions en faveur des jeunes, meurt dans l’explosion de sa voiture.

Le meurtre est rapidement revendiqué par un groupe, « L’armée des idiots nationaux » qui met la police au défi de trouver la raison de cet assassinat. Et bien entendu, ce n’est que le début d’une sinistre série.

Malheureusement donc on commence à tourner en rond. Les fans absolus, qui veulent retrouver Charitos, sa famille et les amis qui forment sa tribu seront sans doute contents de retrouver tout ce joli monde. Et on ne peut pas dire que l’on s’ennuie vraiment. Mais cette fois cela m’a lassé.

Le procédé est toujours le même, des vengeurs trucident une partie des responsables de la crise grecque ; bien qu’il comprenne leurs motivations Charitos finira par les arrêter. En chemin on a droit aux différentes rues embouteillées d’Athènes, aux petits plats d’Adriana, à l’appétit de Charitos pour les brochettes que la même Adriana ne veut pas lui cuisiner …

Seules nouveautés, le petit-fils et le fait que le commissaire s’entend maintenant bien avec toute sa hiérarchie. J’avoue que cette fois cela n’a pas été suffisant pour vraiment éveiller mon intérêt au-delà d’un ou deux sourires polis. Je crois que j’en resterai donc là.

Petros Markaris / Mort aux hypocrites, (Η εποχή της υποκρισίας, 2020), Seuil/cadre noir (2021) traduit du grec par Hélène Zervas et Michel Volkovitch.

Eblouis par la nuit

Un auteur polonais chez Rivages, c’est rare. J’ai essayé Eblouis par la nuit de Jakub Zulczyk. J’ai détesté.

Jacek est dealer de cocaïne à Varsovie. Toute la nuit, et une bonne partie de la journée il parcourt la ville en voiture pour livrer ses clients. Contrairement à la majorité de ses collègues, Jacek fait profil bas. Il ne boit pas, ne consomme pas ses produits, ne s’achète rien d’ostentatoire, ne sort pas, ne fréquente pas les prostituées. Il investit son fric pour rester invisible et il accumule en prévision de vacances en Argentine.

Personne ne sait où il habite, il n’a pas d’amis, pas de couple, pas de vie. Quand un nouveau truand apparait en ville, son fragile équilibre commence à se fissurer, jusqu’à la chute inévitable.

Mettons tout de suite les choses au clair. Je ne dis pas que c’est un mauvais roman, et il est parfait dans sa forme et son fond, et sans doute en adéquation avec ce qu’a voulu l’auteur. Mais j’ai détesté, et je me suis copieusement ennuyé.

Essentiellement parce que plus de 500 pages à décrire le vide d’une vie de vendeur (que ce soit de cocaïne ou de chaussettes), qui n’a aucun lien social avec personne, aucune aspiration, aucune valeur morale (à part c’est vrai : on ne tape pas une femme, ce qui en fait le gène surtout quand c’est les autres qui le font) … c’est long, très long.

Plus de 500 pages à répéter à longueur de paragraphe que les polonais sont tous des cons, sans cervelle, sans culture, uniquement occupés à s’arnaquer et se voler, et à baiser des putes, boire de la vodka ou snifer de la cocaïne pour ceux qui en ont les moyens, c’est long. Ah j’oubliais, et toutes les polonaises sont des putes. Et en plus d’être long c’est au mieux discutable, au pire très con. A ma connaissance il n’existe pas de communauté aussi homogènement dépourvue de la moindre humanité.

Plus de 500 pages centrées sur un personnage qui a plus peur de vivre que de mourir, c’est long.

La question est sans doute, pourquoi suis-je allé au bout. Il me faut avouer que j’ai sauté de plus en plus de passages. Que ce soit les rêves de Jacek, ou ses monologues répétitifs où il se glorifie de son intelligence et crache sur ses compatriotes. Et je voulais voir si l’auteur allait enfin m’amener quelque part. Et bien non, c’est 500 pages de surplace, juste de plus en plus violent, ce qui ne l’a pas rendu moins ennuyeux.

Bref, c’est sans doute bien fait, mais j’ai détesté.Jakub Zulczyk / Eblouis par la nuit, (Ślepnąc od świateł, 2014), Rivages/Noir (2021) traduit du polonais par Kamil Barbarski.