Comme je me considère comme en vacances, le moment est venu de faire un bilan très subjectif de de cette année de lecture. Une année de merde, tout le monde en conviendra, mais malgré tout de très bon bouquins. Comme tous les ans, impossible de me restreindre à mes 5, 10 ou 15 préférés, et après tout, pourquoi le faire, je ne suis ici que pour donner envie de lire les livres qui m’ont touché, amusé, remué … Et on ne sait jamais, peut-être que quelques chroniques ont pu vous échapper, donc c’est parti.
On a eu les parutions attendues avec une grande impatience de nos amis récurrents que l’on retrouve tous les ans avec un immense plaisir, seuls amis d’ailleurs qui n’ont pas souffert de ce satané virus et de l’impossibilité dans laquelle on se trouve de voir ses potes, non littéraires, en vrai. On a retrouvé le Kub de Wojciech Chmielarz (qui s’améliore de roman en roman) dans La cité des rêves ; notre ami Soneri de Parmes de Valerio Varesi dans Or, encens et poussière ; Charlie Parker accompagné de ses deux « anges gardiens » dans Le pacte de l’étrange de John Connolly ; mon très cher commissaire Ricciardi dans la Naples fasciste de Maurizio de Giovanni dans Des phalènes pour le commissaire Ricciardi .
Walt Longmire s’est un peu fait attendre, mais on l’a retrouvé avec Vic et l’Ours dans un volume drôle et léger, Une évidence trompeuse de Craig Johnson ; malgré la disparition de son créateur Andrea Camilleri, Salvo Montalbano est toujours en charge des affaires de Vigata dans Le manège des erreurs, mais pour combien de temps ? Et pour finir, Antonio Manzini lève le voile sur le passé romain de Rocco Schiavone dans 07.07.07
Auprès de ces habitués, de ces amis même, d’autres séries sont en train de démarrer et de se construire du moins ici, certaines sont déjà bien installées chez leurs auteurs. C’est en particulier le cas du norvégien Jorn Lier Horst dont on découvre un quatrième volume avec Le disparu de Larvik, solide polar qualité scandinave. Plus noir et plus rock, McCoy d’Alan Parks revient dans la Glasgow des années 70 dans L’enfant de février, on retrouve Aidan Waits de Joseph Knox toujours à Manchester, toujours dans la mouise avec Somnambule, et les premiers flics noirs d’Atlanta créé par Thomas Mullen sont de retour dans les années 50 dans Temps noirs.
IQ, le privé atypique des quartiers pourris de LA créé par Joe Ide revient dans Lucky, toujours sur un rythme trépidant, et c’est avec beaucoup de plaisir que l’on retrouve deux suites attendues. Celle de René Denfeld qui reprend sa détective privée en quête de son passé dans La fille aux papillons, et la suite de l’excellente série historique d’Abir Mujherkee dans l’Inde coloniale, Les princes de Sambalpur. Finalement Keith McCafferty vient occuper le créneau « pêche et polar au Montana » avec son duo privé/flic avec un vrai savoir-faire pour un polar qui aère la tête : La vénus de Botticelli creek. De son côté l’anglais Mick Herron, dans la très british spécialité du roman d’espionnage change de personnages pour un excellent Agent hostile.
Pour ceux qui voudraient voyager loin, très loin, ou dans des pays moins habituels malgré l’épidémie, on a pu faire un petit tour du monde cette année, autant avec des auteurs français qu’étrangers. Vous avez le choix : L’Albanie du communisme au chaos du libéralisme et de la mafia avec Les aigles endormis de Danü Danquigny. Une version hallucinée de la guerre du Vietnam dans Je suis le fleuve de T. E.Grau, ou un roadtrip, tout aussi halluciné au Mexique sous la plume de Sébastien Rutés : Mictlan. Vous pouvez vous perdre dans la pampa désolée de l’argentin Ricardo Romero de Je suis l’hiver, ou dans le foule du Caire avec La cité des chacals de Parker Bilal.
Benoit Viktine nous amène en zone de guerre, à la frontière entre la Russie et l’Ukraine dans Donbass, et c’est avec plaisir que l’on retrouve Lagos, en pleine campagne électorale dans Feu pour feu de Leye Adenle.
Une nouveauté cette année, l’arrivée des éditions Matin Calme qui nous font découvrir le polar coréen. J’en ai lu deux très différents, Sang Chaud, version coréenne de Little Caesar de Un-Su Kim, et le très déjanté Carnets d’enquêtes d’un beau gosse nécromant de Jung Jaehan. Pour finir, attention au chaud et froid avec le dernier roman de Colin Niel, Entre fauves qui vous fera passer sans transition de la vallée d’Aspe en hiver au désert namibien.
Voyage également dans le temps et dans l’ouest américain avec Les dynamiteurs de Benjamin Withmer et Le sang ne suffit pas d’Alex Taylor. Et comment passer sous silence la superbe conclusion d’une non moins superbe série, Les rues de Laredo qui voit la fin de la bande de Lonesome Dove de Larry McMurtry.
Quelques belles découvertes cette année, avec de vraies surprises, tout autour du monde. Bel hommage au genre avec le très classique et très efficace Riposte du canadien David Albertyn. L’espagnol Agustín Martinez confirme son talent et sa phobie de la campagne et des petits villages dans La mauvaise herbe. Un autre espagnol, Andres Barba nous amène dans une ville imaginaire sous les tropiques, et nous interroge sur l’innocence de l’enfance, entre autres, dans Une république lumineuse. Alessandro Robecchi démontre une fois de plus la richesse et le talent du polar italien, avec Ceci n’est pas une chanson d’amour. Et en Grèce, Le plongeur de Minos Efstathiadis nous amène dans un décor à la Angelopoulos.
Chez les français, j’ai belle découverte de Alain Van der Eecken et Des lendemains qui hantent, avec un magnifique tempête bretonne, Laurent Petitmangin a fait une quasi unanimité méritée avec le très beau Ce qu’il faut de nuit, Catherine Dufour dont je connaissais quelques titres en SF m’a emballé avec le très réjouissant Le bal des absents, je suis retourné en Bretagne avec un roman dans la grande lignée du roman noir social avec Fin d’exploitation de Denis Flageul, et Marion Brunet a confirmé son talent pour camper de magnifiques personnages féminins dans Vanda.
Et pour finir il y a les grands qui nous emballent chaque fois qu’ils publient un roman. Cela faisait un éternité que je n’avais pas lu de Stephen King, j’ai dévoré L’institut, Hannelore Cayre est toujours aussi drôle, cinglante et pertinente avec Richesse oblige, La fabrique de la terreur conclut parfaitement la trilogie incontournable de Frédéric Paulin, j’ai retrouvé avec plaisir Marseille décrite par Dominique Manotti, Marseille 73.
Un immense auteur nous a quitté, mais nous avait offert un dernier roman magistral, Retour de service de John Le Carré, Deon Meyer revient au polar avec La proie entre l’Europe et l’Afrique du Sud, David Joy est déjà un grand, Ce lien entre nous le confirme, et toujours aux US, le grand Jérôme Charyn campe son Isaac Sidel en … Président des USA dans Avis de grand froid. Un autre personnage illustre revient, le roi d’Espagne, sous la plume, bien entendu de Carlos Salem dans La dernière affaire de Johnny Bourbon, et Don Winslow nous régale avec 6 novellas qui reprennent, pour certaines certains de ses personnages emblématiques dans Le prix de la vengeance.
Je sais, je suis long et je ne sais pas choisir, mais je ne pouvais pas conclure ce tour d’horizon sans parler de deux bouquins, qui ne sont pas des polars, mais à côté desquels il serait dommage de passer. Il s’agit du roman plébiscité de Tiffany McDaniel, Betty, et de la novella très flippante de Robert Jackson Bennett, Vigileance. Je sais aussi, il est trop tard pour les cadeaux de Noël, mais il n’est jamais trop tard pour se faire plaisir, piochez là-dedans et vous ne devriez pas vous ennuyer.