Je ne comprendrai jamais pourquoi, en France, les auteurs scandinaves ont tant de succès alors que les irlandais ne trouvent pas leur public. Un mystère. Toujours est-il que l’on retrouve, enfin Adrian McKinty et son flic catholique en Irlande du Nord Sean Duffy dans Ne me cherche pas demain.
Sean Duffy n’a pas la vie facile. Personne ne l’a du côté de Belfast en 1983, mais quand on est flic, irlandais, catholique, il vaut mieux vérifier sous sa voiture tous les matins qu’il n’y a pas de bombe. Quand en plus on est grande gueule et mal vu de sa hiérarchie, les choses se compliquent. C’est comme ça que Sean se fait virer et passe ses journées à boire.
Jusqu’à ce que le MI5 viennent le chercher. Dermot McCann, artificier génial de l’IRA évadé et parti s’entrainer en Lybie préparerait son retour. Dermot était à l’école avec Sean, et Sean est un bon, un très bon flic. C’est peut-être le seul qui a une chance de le retrouver avant qu’il ne frappe un grand coup. Plus au sud, Thatcher est en train de briser les mouvements ouvriers, dockers et mineurs.
Que ça fait du bien de retrouver la littérature noire irlandaise. Cette façon unique de décrire les pires horreurs en gardant lucidité désespérée, humanité et sens de l’humour. Ca m’avait manqué depuis qu’Adrian McKinty et l’immense Ken Bruen n’étaient plus traduits chez nous. Espérons que cette parution tardive marche bien et qu’elle redonne l’envie aux éditeurs (et surtout aux lecteurs) d’aller regarder du côté de l’Irlande. C’est d’ailleurs à l’occasion d’une telle sortie que l’on mesure à quel point les blogs ont une influence nulle sur les chiffres de vente, sinon Ken Bruen serait la star des tables de libraires.
Bref, une excellente intrigue, à double détente, mais je vous la laisse découvrir, des personnages que l’on adore, Sean Duffy en tête et la peinture de l’horreur d’une guerre que l’on a déjà oubliée, mais également celle de la misère sociale de l’Irlande du Nord. La connerie des argumentaires des uns et des autres (la visite d’un membre du clan Kennedy est à ce titre particulièrement réussie), la connerie encore plus grande d’une répression aveugle qui précipite des jeunes dans les rangs de l’IRA par brassées, et les petites pourritures qui, là comme ailleurs, profitent des plus faibles pour les exploiter.
Bref, du grand roman noir, désespéré et pourtant pas désespérant, du 100 % irlandais, comme je les adore. Encore !
Adrian McKinty / Ne me cherche pas demain, (In the morning I’ll be gone, 2014), Actes Sud/ Actes Noirs (2021) traduit de l’anglais (Irlande) par Laure Manceau.