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Rue Mexico

Chastity Riley de Simone Buchholz est de retour dans Rue Mexico.

Nouri Saroukhan, du clan Saroukhan de Brême est retrouvé mort dans sa voiture incendiée. Il s’avère rapidement que c’est un assassinat. Il semblerait qu’une jeune femme ait été témoin de l’affaire, mais elle a disparu. Chastity Riley et son collègue flic Ivo Stepanovic sont en charge de l’affaire et vont devoir aller à Brême interroger la famille. Problème, dans le clan Saroukhan, comme dans toute la communauté dont ils font partie, on considère les lois allemandes comme nulles et non avenues. Pour ne pas arranger les choses, pour une raison inconnue, ils considère que Nouri ne fait plus partie de la famille.

Un plaisir de retrouver Chastity, ses déambulations dans Hambourg, ses nuits de cuite, ses relations compliquées, sa bande. Tout ce que vous avez aimé dans les précédents volumes est là dans Rue Mexico.

En prime cette fois la description au vitriol de deux communautés. La première les Mahallami, originaires de l’empire turc, passés par le Liban, rejetés de partout, venus s’installer en Allemagne. Une communauté qui n’obéit qu’à ses propres lois, où le clan prime tout, et où l’individu, surtout s’il est de sexe féminin, ne compte pas.

La deuxième, les groupes de mâles blancs travaillant dans des secteurs de la finance et des assurances où on brasse beaucoup d’argent et où la réussite se matérialise par la voiture. Une communauté qui tourne autour de quelques valeurs : le fric, la bagnole et la coke qu’on s’enfile dans le pif.

Les deux communautés prennent cher. Le tout entre deux balades poétiques et alcoolisées dans Hambourg. Que voulez-vous de plus ?

Simone Buchholz / Rue Mexico, (Mexikoring, 2018), L’Atalante/Fusion (2023) traduit de l’allemand par Claudine Layre.

Brandebourg

Cela faisait un bon moment que je n’avais pas lu de roman du britannique Henry Porter, un des élèves talentueux du maître Le Carré. J’ai profité du calme relatif du début d’été pour lire Brandebourg que j’avais dans mes piles.

En cette fin des années 80, Rudi Rosenharte est professeur d’art en RDA. Il traine quelques casseroles. Il est le fils d’un ancien dignitaire nazi et son frère jumeau Konrad, cinéaste contestataire, est dans le viseur de la Stasi. Il se retrouve donc obligé, pour sauver la vie de son frère et sortir sa belle-sœur et ses neveux de prison, d’aller retrouver Annelise, une ancienne taupe britannique qui a refait surface du côté de Trieste.

Là où tout se complique, c’est que les services anglais et américains aussi s’intéressent à Rudi et Annelise. Et surtout, Rudi sait que la femme qu’il doit rencontrer est morte depuis des années. Pour sauver son frère et sa famille, Rudi va devoir commencer un jeu compliqué, d’autant plus que le KGB est aussi sur le coup, et que la RDA durcit ses positions en réaction à l’ouverture prônée à l’Est par Gorbatchev.

Quand vous prenez un excellent auteur de romans d’espionnage, et une période fascinante comme ces derniers jours précédents la chute du mur, le résultat ne peut qu’être passionnant. Et il l’est.

L’auteur s’attache ici à décrire ce moment, et les intenses manipulations des différents pays au travers de leurs agences d’espionnage (MI6, CIA, KGB et Stasi en tête) au travers de personnages qui, s’ils sont pris dans cette folie, ne sont pas de purs espions. L’accent est bien évidemment mis sur l’intensification de l’action de la Stasi au moment où l’état est allemand sent la situation lui échapper. Et en miroir, le bouillonnement, caché et réprimé dans un premier temps, explosif à la fin, dans une société civile qui sent que tout se lézarde et qu’un changement est possible.

Tout cela au travers de destins individuels et de personnages de chair et de sang auxquels on s’attache très vite. C’est passionnant au premier degré, grâce au suspense de cette histoire d’espions. C’est aussi passionnant parce l’époque l’est que l’auteur sait superbement la transcrire.

Même s’il est plus court que La compagnie (500 pages quand même), un roman qui vous tiendra en haleine pour quelques heures de vacances.

Henry Porter / Brandebourg, (Brandenburg Gate, 2005), Points/Policier (2009) traduit de l’anglais par Jean-François Chaix.

Béton rouge

Chastity Riley, de Hambourg, nous revient sous la plume de Simone Buchholz dans Béton rouge. C’est un vrai plaisir.

Chastity Riley donc, procureur que l’on affecte généralement aux cas désespérés, ou désespérant se retrouve face à un homme nu, enfermé dans une cage, devant l’entrée d’un grand groupe d’édition. L’homme a été visiblement torturé. Pour ajouter à son bonheur, plus tôt dans la matinée, plusieurs employés lui ont craché dessus en venant bosser. Et ce n’est que le début.

Il est clair que vous ne lirez pas Béton Rouge pour son intrigue qui a un petit air de déjà vu. Mais c’est le reste qui fait tout le charme et l’intérêt du roman. A commencer par Chastity : Une héroïne qui déclare : « Selon moi, c’est le fait même qu’il existe un chef et qu’il puisse décider du destin d’autrui qui est incroyable, mais personne ne me demande mon avis. » ne peut que me plaire. Chastity et, comme dans le roman précédent, tous ceux qui gravitent autour d’elle. On a beaucoup de plaisir à tous les retrouver.

Et puis il y a Hambourg et le quartier qu’elle fréquente, son ambiance, ses bars, la nuit sous la pluie … Moi qui ne suis pas particulièrement attiré par l’Allemagne (vous avez dû remarquer que je suis plus latin que germain), elle me donnerait presque envie d’aller passer quelques jours dans cette ville.

En plus dans ce volume, une petite virée en Bavière qui n’est pas décrite sous un jour particulièrement attirant …

Ajoutez à cela une belle écriture, vive, enlevée, et des dialogues superbes, et vous comprendrez que je suis en train de devenir un fan de Chastity Riley et de Simone Buchholz.

Simone Buchholz / Béton rouge, (Beton rouge, 2017), L’Atalante/Fusion (2022) traduit de l’allemand par Claudine Layre.

Nuit bleue

Les éditions de l’Atalante relancent une collection polar, l’héritière de « Insomniaques et Ferroviaires » ? Toujours est-il que ça commence très bien avec Nuit bleue de l’allemande Simone Buchholz.

Chastity Riley est procureur à Hambourg. Du moins était jusqu’à ce qu’elle fasse tomber un chef corrompu et soit en délicatesse avec son institution. Et se retrouve au placard à s’occuper de la protection des victimes. Heureusement elle a son voisin/barman/amant, ses amis, et les bières.

Jusqu’à ce qu’elle se trouve responsable d’un homme grand, costaud, mystérieux, qui a été copieusement tabassé, et refuse de parler, même pour dire son nom. Le début d’une enquête où elle aura besoin de toute l’aide de sa tribu.

Ce qui frappe dès les premières lignes de Nuit Bleue c’est qu’il y a un style, une écriture. C’est vif, enlevé, ça donne la pêche. Partant de là, pour moi, l’affaire est déjà entendue. A cela il faut ajouter Chastity et sa bande. Et ça aussi ça m’embarque immédiatement. Je suis sensible aux tribus. Celle de Conde, celle de Rebus, celle de Montalbano … Et maintenant celle de Chastity. Et ce style enlevé, c’est en fait celui de l’héroïne et narratrice. Ironique, directe, décontractée, un brin décalée. J’aime beaucoup.

Le roman m’aurait plu, ne serait-ce que pour toutes ces raisons. Si on ajoute une construction originale (que je ne révèlerai pas), l’ambiance portuaire et populaire de Hambourg très bien décrite, un regard humain sur les défauts des uns et des autres, et une intrigue qui tient la route, on a un excellent polar.

La quatrième nous promet que Chastity va revenir, c’est une excellente nouvelle, je serai enchanté de la retrouver.

Simone Buchholz / Nuit bleue, (Blaue nacht, 2016), L’Atalante/Fusion (2021) traduit de l’allemand par Claudine Layre.

Le plongeur

Une découverte, un polar grec, ce qui est rare : Le plongeur de Minos Efstathiadis.

Chris Papas est privé à Hambourg. Chris Papas est le nom qu’il utilise en Allemagne, son vrai nom est Christos Papadimitrakopoulos, du nom de son père, grec du Péloponnèse. L’histoire commence de la façon la plus classique qui soit, il s’agit de suivre une jeune femme, Eva Döbling pendant 48 heures.

Mais son client se suicide, les flics allemands lui demandent des comptes et Eva est partie à Aigion, près de là où est né Chris. Le voici en route pour sa terre natale, où il aura rendez-vous avec de nombreux cadavres, et des résurgences d’une histoire ancienne.

Un roman bien étrange. Presque tout du long il s’apparente à une errance. Commencée en Allemagne elle se poursuit en Grèce. Un pays fort éloigné des clichés touristiques, l’auteur ayant choisi de la décrire en hiver, froide et grise, comme en hommage à certains films de Théo Angélopoulos (qui est d’ailleurs cité nommément dans le roman).

Chris Papas est plus un prétexte qu’un enquêteur. Il enquête fort peu et se déplace, ou plutôt est déplacé par les gens qu’il rencontre, et les informations lui sont fournies plus qu’il ne les cherche. Le lecteur déambule avec lui, découvre un pays structurellement délabré qui ne tient que grâce au dévouement de certains. Il découvre aussi des habitants naturellement accueillants et chaleureux.

Puis arrivent les dernières pages qui plongent le lecteur dans le passé, et lui font l’effet d’une énorme gifle glacée. Pour le laisser en état de choc.

Un roman très étonnant, original, gris puis très noir. Un autre regard sur la Grèce et son histoire, bien différent de la rage et l’humour chaleureux du commissaire Charitos de Petros Markaris.

Minos Efstathiadis / Le plongeur, (O Δύτηϛ, 2018), Actes sud (2020) traduit du grec par lucile arnoux-Farnoux.

Soleil de cendres

Je découvre Astrid Monet avec un roman catastrophe, Soleil de cendres. Et je ne suis pas vraiment convaincu.

Dans un futur plus ou moins proche, l’Europe crève de chaud, l’eau est rare, les lacs sont à sec. Marika qui vit sur la côte atlantique avec son fils Solal de 7 ans revient pour la première fois depuis la naissance de Solal à Berlin où vit le papa Thomas, un homme de théâtre. Alors qu’elle a laissé le père et le fils faire connaissance, une éruption volcanique et un tremblement de terre transforment Berlin en décor de film catastrophe. En plein chaos Marika part à la recherche de son fils.

Je n’ai rien à reprocher à l’écriture du roman, et l’évocation d’une Europe suffocant de chaleur est assez convaincante. La description de Berlin est belle, elle donne envie d’aller visiter une ville qui semble libre et animée.

Mon problème est que l’auteur n’a pas réussi à me faire croire à son histoire. Et pourtant, si c’est bien emballé je peux marcher, croire le temps d’un roman à un monde porté sur le dos d’une tortue, au retour de requins préhistoriques, ou à un créateur d’émissions de télé poubelle qui a des états d’âme. Mais là je n’ai cru à quasiment aucun des ressorts de l’intrigue. Ni le volcan, ni le tremblement de terre, ni la façon violente dont est gérée l’évacuation, rien.

Et ça m’a totalement sorti du récit, et m’a désintéressé de la recherche de Marika (en plus je me doutais bien de comment ça allait se terminer). Je crois que je n’ai pas non plus été convaincu par la relation d’amour exclusif, limite maladif entre la mère et son fils. Autant Vanda m’a bouleversé, autant là je suis resté de marbre.

Pour résumer, malgré une belle écriture et un décor intéressant, je n’ai ni saisi, ni embarqué par ce Soleil de cendres.

Astrid Monet / Soleil de cendres, Agullo (2020).

Encore ronchon …

L’année 2019 avait commencé sur les chapeaux de roues, là une fois de plus je suis moyennement convaincu. Par Le magicien de Magdalena Parys.

parysDans un immeuble squatté par les Roms, à Berlin, la police découvre un cadavre mutilé. Frank Derbach, un obscur employé aux archives, qui fut, en son temps, employé par la Stasi.

Dans le même temps, à Sofia, Gerhard Samuel, photographe et vidéaste de presse meurt d’une crise cardiaque. Il connaissait Frank Derbach, et a laissé à la réception de son hôtel des papiers pour sa belle-fille, journaliste à la télévision allemande.

Le commissaire Kowalski devrait être en charge de l’enquête à Berlin, mais il est écarté, de façon incompréhensible, pour que l’affaire soit confiée à un policier totalement incapable.

Que cache toutes ces manœuvres ? Et quel est le lien avec Christian Schlangenberger, ancien membre de la Stasi qui est en train de devenir l’homme politique en vue et en vogue ?

J’avais très envie d’aimer ce bouquin. Parce que j’aime habituellement les publications de chez Agullo, parce qu’on m’avait dit beaucoup de bien du précédent roman de cette auteur que je n’ai malheureusement pas lu, et aussi et surtout parce que quelqu’un capable de citer Terry Pratchett et Poutine en exergue de chapitres est forcément quelqu’un d’intéressant.

Et il y a beaucoup de bon dans Le magicien. Les personnages sont intéressants, même si, malgré les fréquents retours en arrière pour expliciter leur passé, on reste un peu à leur surface. La thématique est également passionnante. Je n’avais jamais lu de polar sur la reconversion des anciens de la Stasi, ni sur les assassinats des habitants des pays de l’Est tentant de passer à l’ouest par la frontière bulgare.

Mais je ne suis pas totalement convaincu, plusieurs choses me gênent.

Tout d’abord l’intrigue et la façon de raconter l’histoire. L’auteur a multiplié les allers-retours chronologiques, pas seulement vers le passé ancien (ceux-là sont utiles), mais en rembobinant plusieurs les actions récentes, et je ne vois vraiment pas ce que ça apporte, sinon une complexité artificielle. Et surtout je n’ai pas cru une seconde à la résolution du mystère, qui nous sort un personnage miracle dans les dernières pages. Un peu facile et pas très cohérent avec le reste.

On en arrive ensuite à l’écriture. Première gène, elle use et abuse d’un procédé qui finit par être agaçant : on suit un personnage, et elle annonce alors ce qui va lui arriver, ou ce qui est déjà arrivé mais que ce personnage ignore, sous la forme « il/elle ne le savait pas encore, mais bidule était déjà mort(e) ». Une fois pourquoi pas, à la cinquième, ça lasse.

Et cela renforce mon impression sur l’écriture. Celle que Magadalena Parys n’a pas su, ou voulu, choisir un ton. On est parfois dans le burlesque, parfois dans le dramatique, elle prend une certaine distance qui, j’imagine, est censée donner un côté comique. C’est d’ailleurs traduit par ces exergues où l’on trouve donc Pratchett au côté de Poutine, Staline, Kennedy et bon nombre d’auteurs allemands, russes … Le problème est que ça aurait sans doute fonctionné sur un roman court. Sur 500 pages, ça m’a fatigué. Ou je suis imperméable à l’humour polonais. Ou j’étais de mauvaise humeur. Mais le résultat est qu’au final, j’ai fini par trouver le procédé lourd.

Donc de bonnes idées, des personnages intéressants, que j’aurais aimé voir plus fouillés pour certains, mais un style qui m’a complètement sorti de l’histoire, et une intrigue pas convaincante.

Magdalena Parys / Le magicien (Magik, 2016), Agullo Noir (2019), traduit du polonais par Margot Carlier et Caroline Raszka-Dewez.

Don Winslow : parfait une fois de plus

Don Winslow ne peut pas écrire que La griffe du chien ou Cartel, entre il a bien besoin d’une respiration, et ses lecteurs aussi. Alors il nous offre d’excellents romans, de purs moments de lecture jouissive, comme ce Missing : Germany.

WinslowVous vous souvenez peut-être de Frank Decker, ex Marine, ex flic, qui avait tout laissé tomber dans Missing : New-York pour retrouver une gamine disparue. Cette fois encore il s’agit de retrouver quelqu’un. Charles Sprague, troisième du nom ne devrait rien avoir en commun avec Frank : héritier d’une famille richissime de Miami, milliardaire du secteur de la construction. Mais Charles Sprague était en Irak avec Franck, il lui a sauvé la vie, et est revenu avec la moitié du visage brûlé.

Contre tout attente, il a épousé Kim, ancienne modèle, incarnation de la beauté américaine hollywoodienne. Et Kim a disparu, un soir. Elle est allé dans son centre commercial préféré, on a retrouvé sa voiture, plus aucune nouvelle d’elle. Alors Frank va faire ce qu’il fait de mieux, fouiller le passé et le présent, mettre à jour les pires secrets, et retrouver Kim. Coute que coute.

Que c’est bon ! Certes ce roman n’a pas l’ampleur et la puissance de Cartel, mais qu’il est jouissif ! Que c’est bon de voir un maître s’emparer de ce que le polar peut avoir de plus classique pour le mettre à sa sauce et embarquer son lecteur.

Car quoi de plus classique qu’un privé qui recherche une femme disparue et, de fil en aiguille, met à jour de vilains secrets que personne ne voulait voir ressurgir ? Rien. Si peut-être l’arrivée d’une femme fatale. D’ailleurs là aussi il y a des femmes fatales. Classiquissime donc, mais quand c’est pris en main par un conteur comme Don Winslow c’est le pied total.

C’est aussi bon qu’un Elmore Leonard, on retrouve une maîtrise des dialogues, et une écriture qui font paraître tout si facile, si évident, alors que c’est la marque des grands, des très grands même.

Et quand au détour d’une phrase on lit : « J’ai vu pas mal de choses dans les couloirs de la mort. Il y en a une que je n’ai encore jamais vue : c’est un homme blanc et riche. » on s’aperçoit que, sous couvert de vous faire prendre un immense plaisir de lecture, de vous scotcher à votre bouquin, Winslow ne renonce pas à décrire le monde tel qu’il est, malheureusement.

Donc, à lire, sans faute.

Don Winslow / Missing : Germany (Missing : Germany, 2017), Seuil (2018), traduit de l’anglais (USA) par Philippe Loubat-Delranc.

Gordon Ferris et la filière nazi

La filière écossaise est déjà le troisième volet des enquêtes de Douglas Brodie, l’ex flic de Glasgow, de retour dans sa ville après la seconde guerre mondiale. Et c’est toujours aussi bien, toujours sous la plume de Gordon Ferris.

ferrisDans une ville de Glasgow encore très marquée par la guerre, le terrible hiver 1947 fait des ravages. Douglas Brodie, ex flic, ex soldat qui a participé aux premiers procès contre les nazis et travaille maintenant comme journaliste spécialisé dans les faits divers est contacté par son ami Isaac au nom de la communauté juive de la ville : une série de cambriolages a eu lieu, pendant les offices à la synagogue.

Il accepte de prêter main forte à son ami et de devenir, un temps, détective privé. Il ne se doute pas qu’il vient de mettre les pieds dans une affaire qui va l’amener à affronter ses pires cauchemars : la libération des camps et les interrogatoires des tortionnaires nazis.

Ce troisième volume tranche un peu avec les deux précédents.

Si l’on retrouve bien le personnage très attachant de Douglas Brodie, ainsi que les rues (ici complètement gelées) de Glasgow, ce n’est plus la vie de la ville, ses relations sociales, et l’ambiance d’un journal qui dominent. L’intrigue devient plus internationale et prend un certain recul pour s’approcher des manœuvres des services secrets, revenir sur les horreurs de la guerre, et décrire la guerre froide naissante, mais également les effets, jusqu’en Ecosse, de la naissance de l’état d’Israël.

Un recul qui n’empêche pas l’auteur de rester au ras des rues enneigées et très proches de ses personnages. Un excellent troisième épisode, qui échange, pour une fois, la description implacable d’une société écossaise très stratifiée, pour celle, non moins implacable, des magouilles pas vraiment morales des vainqueurs au nom de la « raison d’état ».

Gordon Ferris / La filière écossaise (Pilgrim soul, 2013), Seuil/Policier (2017), traduit de l’anglais (Ecosse) par Hubert Tézenas.

Belle partition de Christian Roux

Christian Roux passe au grand format chez Rivages avec Adieu Lili Marleen. Et c’est très bien comme ça.

adieu lili marleen.inddJulien, dit Monky, vivote. Après être passé très près d’une carrière de pianiste concertiste, il a fait de la prison (on apprendra dans quelles circonstances) et il survit maintenant en jouant deux soirs par semaine dans un restaurant de la rue Saint-Jacques. Parmi ses « fans », Magalie de Winter, une vieille dame visiblement fort riche qui vient tous les soirs et n’a qu’une exigence : qu’il joue Lili Marleen au moment de son café.

Cette routine s’effondre quand un truand dont il espérait ne plus avoir de nouvelles lui impose d’aller jouer sur un yacht d’un russe lors d’une croisière en Méditerranée. L’affaire semble louche, mais Monky n’a guère le choix. Quand il s’aperçoit que Magalie de Winter fait partie des invités, il commence à se demander dans quelle galère il s’est embarqué. Une galère qui prend sa source bien des années auparavant, lors des années les plus sinistres de l’histoire allemande.

Chouette personnage que ce Monky. Et belle construction de Christian Roux qui amène son histoire petit à petit, sans heurt, mais avec un grand sens du rythme (la moindre des choses quand tout tourne autour de la musique). Les allers retours avec le passé (avec la montée puis l’installation du nazisme) apportent une touche rapidement sinistre et intrigante, et, petit à petit la solution se dessine. Tout cela est très habilement mené.

C’est déjà un vrai plaisir de lecture au premier degré.

Mais ce n’est pas tout. On finit en ayant appris beaucoup de choses sur une période sur laquelle on pourrait pourtant croire que tout a déjà été écrit. Pourtant je n’avais jamais entendu parler de l’histoire qui se trouve au centre de l’intrigue (et dont je ne vous dirai rien). Et le récit qu’en fait l’auteur est à la fois érudit et parfaitement amené : on apprend sans jamais avoir l’impression de subir une leçon.

Pour finir, la culture musicale de Christian Roux est immense et il sait magnifiquement faire partager ses passions. Un très beau roman.

Christian Roux / Adieu Lili Marleen, Rivages/Thriller (2015).