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Deux sorties et une grosse flemme

Je ne sais pas si c’est la lecture de Paresse pour tous, ou la fatigue de fin d’année, mais là j’ai une grosse flemme. Donc je ne vais pas faire de chronique, mais juste une info pour les fans.

Il y a en cette fin d’année un nouveau Andrea Camilleri, Le cuisinier de l’Alcyon, et un nouveau Craig Johnson, Le cœur de l’hiver.

Pour les fans (dont je suis), il suffit de savoir qu’on peut retrouver Salvo Montalbano et Walt Longmire, c’est un argument suffisant pour se procurer ces deux romans.

Pour ceux qui ne connaissent pas, je déconseille. Aucun des deux romans n’est le meilleur de la série (même s’ils restent très agréables), et pour Craig Johnson, on ne peut même pas en parler sans révéler un gros coup de théâtre de la fin du précédent.

Donc voilà, ils sont là, on passe un très bon moment, même si ce ne sont pas les meilleurs.

Andrea Camilleri / Le cuisinier de l’Alcyon, (Il cuoco dell’Alcyon, 2019), Fleuve Noir (2022) traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

Craig Johnson / Le cœur de l’hiver, (Depth of winter, 2018), Gallmeister (2022) traduit de l’anglais (USA) par Sophie Aslanides.

Mort en pleine mer

Pour nous faire patienter avant les derniers Montalbano, fleuve noir publie un recueil de nouvelles un peu ancien mais bienvenu du maître Andrea Camilleri : Mort en pleine mer.

Nous sommes de retour dans les années 80. Salvo Montalbano est déjà aidé de toute la joyeuse clique, Catarella est déjà fâché avec les noms propres et menace de faire s’écrouler le commissariat quand il ouvre les portes, Mimi est coureur, et l’engueulade vespérale avec Lidia est de rigueur.

Qu’il cherche à identifier l’occupant mystérieux d’une chambre d’hôtel, tente de comprendre comment un marin a été tué en pleine mer, ou qu’il courre (pas trop vite) derrière un voleur honnête, Salvo n’oublie jamais de passer par sa trattoria préférée et de faire sa marche digestive sur le quai.

Commère médisante, mafieux arrogants, voleur, travailleurs dignes … ils sont tous croqués dans le cadre familier de Vigata, pendant qu’ailleurs on tire sur le Pape (et oui, je vous ai dit, ce sont de vieilles nouvelles) et qu’un banquier véreux est empoisonné en prison.

Certes, je préfère les romans de la série à ce recueil de nouvelles, ils permettent à l’auteur de mieux creuser ses histoires, mais on ne va pas bouder son plaisir, il est toujours agréable de faire un tour en Sicile avec Montalbano.

Andrea Camilleri / Mort en pleine mer, (Morte in mare aperto, 2014), Fleuve noir (2021) traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

L’autre bout du fil

Grâce au retard dans la traduction française, il nous reste encore quelques Montalbano à découvrir. Une excellente préface du traducteur, Serge Quadruppani nous apprend que L’autre bout du fil est le premier roman qu’Andrea Camilleri, devenu aveugle, a dicté à sa secrétaire. Comme les précédents, c’est un vrai plaisir.

Mimi, Falzo, Catarella et Salvo sont à bout de force. En plus de leur travail habituel, toutes les nuits ils vont prêter main forte à l’équipe de police qui accueille les bateaux qui ont secouru des migrants en mer. Des bateaux qui portent leur lot de drames, de morts, de blessés, de gamins perdus et de violence. Un travail épuisant, trop dur émotionnellement pour le pauvre Cata, mais qui mine également le reste de l’équipe.

Pour compléter le tableau, Salvo a dû accepter de se faire confectionner un costume sur mesure pour accompagner Livia à un mariage. C’est comme ça qu’il rencontre la très belle et très aimable Elena. Qui se fait assassiner quelques jours après sa première visite à son atelier de couture. Comme si Montalbano n’avait pas assez de tracas.

Que dire. Soit vous êtes fan de Salvo, et la simple annonce de la parution de ce volume suffit à vous précipiter chez votre libraire préféré. Soit vous êtes réfractaire (il parait que c’est possible, même si je comprends mal comment), et cette chronique ne vous intéresse pas, nous sommes dans la droite ligne des précédents.

Pour les premiers, sachez juste que l’on retrouve tout ce que l’on aime, l’humour, l’amour pour la cuisine, les joutes verbales avec Livia et avec le docteur Pasquano, les bourdes de Catarella et sa façon très pirsonelle d’interpréter les noms propres, la langue camillerienne …

Un volume souvent plus grave et émouvant que les derniers parus, quand Camilleri évoque les arrivées de migrants, l’enfer qu’ils ont vécu, la bêtise des politiques européennes, ou la connerie du Questeur qui incarne ici un discours trop entendu en Italie et ailleurs. Signalons également pour les fans et connaisseurs un clin d’œil à un autre enquêteur qui nous est cher, Rocco Schiavone d’Antonio Manzini.

Et si par le plus grand des hasards, certains n’ont jamais lu de romans de cette série, je ne saurais trop vous conseiller de profiter de l’été pour découvrir cette œuvre, en commençant de préférence par le premier (La forme de l’eau) puis en les lisant tous. Cela devrait illuminer vos vacances.

Andrea Camilleri / L’autre bout du fil, (L’altro capo del filo, 2016), Fleuve Noir (2021) traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

Le manège des erreurs

Vous le savez tous, le maestro Andrea Camilleri est décédé l’année dernière, mais comme nous avons un peu de retard à la traduction en France, il nous reste encore quelques aventures de Montalbano à découvrir. La dernière en date : Le manège des erreurs.

Deux enlèvements étranges sont signalés à l’équipe du commissaire Montalbano. Deux jeunes femmes ont été chloroformées, enlevées, puis abandonnées en pleine campagne, sans avoir été touchées, sans que rien ne leur ait été volé. Les deux travaillaient dans des banques. Un vrai casse-tête, mais notre commissaire préféré sent qu’il y a quelque chose de sinistre là-dessous, et que le pire est à venir.

Entre ses passages à la trattoria d’Enzo, les coups de fil à Livia et les engueulades avec le Questeur, en plein doute quant à ses capacités diminuées par l’âge, une fois de plus, Montalbano finira par démasquer le coupable.

Je sais, les Montalbano se suivent et se ressemblent. Et je suppose qu’il ne faudrait peut-être pas en lire une dizaine les uns à la suite des autres. Mais là, un par an, qu’est-ce que c’est bon ! et particulièrement en cette année de merde, qu’est-ce que ça fait du bien ! j’ai éclaté de rire une bonne dizaine de fois.

Eclats de rire déclenchés, comme toujours, en grande partie par l’ineffable Catarella. Les dialogues avec le génie méconnu du commissariat de Vigata sont une source inépuisable de joie, que dis-je de joie, d’hilarité. Je suis peut-être bon public, mais avec moi ça marche à tous les coups. C’est automatique. Comme chaque fois que je revois La grande vadrouille, The party ou The big Lebowski.

Cette fois, le lecteur a droit à quelques grands moments supplémentaires, en particulier quand Montalbano a l’excellente idée de faire un appel à témoins. Les appels qui en résultent valent leur pesant de cacahouètes, et on imagine combien le maestro a dû se régaler à les imaginer et à les raconter.

Bref, un bon cru qui illuminera un quotidien bien morne. Indispensable, recommandé par toutes les autorités de santé pour combattre la dépression.

Andrea Camilleri / Le manège des erreurs, (La giostra degli scampi, 2015), Fleuve Noir (2020) traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

Merci pour tout Maître

C’est une copine qui m’a appris la très mauvaise nouvelle, Salvo et Catarella sont orphelins, le maître est mort.

Bien entendu, à 93 ans, Andrea Camilleri a eu une belle vie et on ne peut pas dire que ce soit une grande surprise. Mais très égoïstement, je pense à moi. Jusque là je pouvais croire Salvo éternel, croire que tous les ans, jusqu’à la fin des temps, ou du moins du mien, je pourrais retrouver la bande de Vigata.

Et bien non. Il en reste forcément quelques uns non traduits, mais c’est un nombre limité, fini, comme nos vies, et viendra une année où le dernier sera traduit. Sale temps.

En attendant cette année funeste, d’ors et déjà, mille fois merci pour tout Maître.

Montalbano patauge dans la boue

Le voilà, il est là ! Qui ? Le Montalbano de l’année. La pyramide de boue, de l’indestructible Andrea Camilleri.

CamilleriIl pleut, il pleut, il pleut … Et Livia déprime, là-bas, dans le nord, au point de ne plus avoir la force pour les engueulades téléphoniques. Si on ajoute des soupçons de baisse de l’audition, et une mémoire qui semblerait flancher, on se doute que notre commissaire Montalbano n’est pas de la meilleure humeur du monde.

Alors quand le téléphone sonne à 6h05 pour l’avertir de la découverte d’un cadavre dans un chantier arrêté pour cause de boue et de désaccord entre les commanditaires publics et la société de construction, Salvo finit de se mettre en rogne. Et ce n’est pas une enquête où les différentes familles mafieuses et les entreprises de construction qu’elles possèdent le prennent pour un couillon qui va arranger les choses.

Un excellent cru. Qui démarre sur les chapeaux de roues, avec un gag qui marche d’autant mieux qu’on est un habitué de la série, on voit devenir la chute, ou sourit, et quand elle arrive, c’est l’éclat de rire. Je suis peut-être bon public, mais avec moi ça marche à tous les coups.

On retrouve bien entendu ce qui fait tout le sel de la série, les dialogues hilarants, l’ineffable Catarella, les repas sacrés de Salvo. On est avec les potes.

On découvre un Montalbano touchant, préoccupé par l’état de santé de Livia, et Andrea Camilleri dresse le tableau effarant des mécanismes de mises en coupe réglée de l’île par les familles mafieuses, par le biais d’entreprises de construction qui se partagent le gâteau, avec la complicité d’une classe politique pourrie jusqu’à la moelle.

Entre le paysage de boue désolant après des jours de pluies, et le constat désespérant de la corruption généralisée, le roman écrit par n’importe qui d’autre aurait été sinistre. Comme c’est le maître qui est aux manettes, sans rien enlever à la noirceur du constat, on referme quand même le livre avec la patate. Un talent unique.

Andrea Camilleri / La pyramide de boue (La piramide di fango, 2014), Fleuve Noir (2019), traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

Une visite à notre famille sicilienne

Que l’on soit à la fin d’un printemps pourri, au début de l’hiver ou en plein été, l’arrivée d’un nouveau Montalbano est toujours une bonne nouvelle. Cette année Nid de vipères d’Andrea Camilleri arrive en juin.

CamilleriLe comptable Cosimo Barletta a été assassiné chez lui un dimanche matin tôt. Il laisse un fils et une fille pas franchement éplorés. Et il s’avère que feu le comptable était une véritable pourriture. Agresseur sexuel profitant de sa richesse et de son pouvoir pour séduire ou faire chanter de nombreuses jeunes femmes, usurier sans pitié … C’est peu de dire que ceux qui se réjouissent de sa mort sont légion. Ce qui ne va pas faciliter l’enquête de Montalbano.

Peut-on dire quelque chose de nouveau à propos d’un roman de la série de Salvo Montalbano ? Difficile. La recette est bonne, aussi bonne que celles de la trattoria où Salvo a ses habitudes. Les produits sont d’excellente qualité, le cuisinier est parfait. L’humour, la dent dure de Salvo, toute la fine équipe autour de lui … Et chaque fois quelques épices inédites.

Ici un étrange vagabond très bien élevé, un Tommaseo amené au bord de la crise cardiaque (mais je ne vous dirai pas pourquoi), et le portrait d’un prédateur sexuel, qui semble tomber à pic, en ligne avec l’actualité de cette dernière année. Sauf que le roman a été publié en Italie en 2013, et qu’il avait été commencé bien plus tôt (2008), pour être abandonné un temps comme l’explique le maître dans une note finale qu’il ne faut surtout pas lire avant d’avoir terminé le roman.

Comme toujours, cette visite de quelques jours à Vigata, nous permet de revoir cette étrange famille que nous avons là-bas. Une visite qui nous laisse émus et souriants, attendant avec impatience les prochaines nouvelles de nos potes siciliens. Un vrai régal.

Andrea Camilleri / Nid de vipères (Un covo de vipere, 2013), Fleuve Noir (2018), traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

Noli me tangere

Un roman d’Andrea Camilleri, que ce soit un Montalbano ou non, ça ne se rate pas. Voici donc Noli me tangere Ne me touche pas.

CamilleriMais qui est donc Laura, belle et brillante épouse d’un écrivain romain de renom ? Et où a-t-elle bien pu disparaître ? Son époux, dévasté, fait appel au commissaire Maurizi, tout en lui demandant la plus grande discrétion. Après tout Laura est une personne adulte qui a tout à fait le droit de disparaître. Messages, conversations, témoignages contradictoires des uns et des autres, petit à petit, il va voir apparaître le portrait d’une femme bien plus complexe et profonde que l’image qu’en ont tous ceux qui l’ont approchée. Et à défaut de la retrouver, peut-être réussira-t-il à la comprendre un peu.

Le Maître prouve ici qu’il n’est pas besoin de pondre un pavé de plus de cinq cent pages pour écrire un roman subtil, intelligent, émouvant et profondément humain.

En moins de 150 pages, par petites touches impressionnistes, lettres, dialogues, coups de téléphones, le portrait sensible, parfois drôle, complexe et toujours touchant d’une femme fascinante se dessine, et avec lui, celui de notre monde, ou du moins d’une partie de notre monde.

A noter que si l’on est loin de la Sicile et de l’exubérance de notre ami Montalbano, Andrea Camilleri montre ce qu’il pense de l’autorité avec un personnage de questeur qui ressemble comme un frère à celui qui pourrit la vie de son commissaire préféré. Même bêtise, même soumission veule à l’autorité.

C’est la pincée d’humour qui vient agrémenter ce très joli roman. Encore un grand plaisir de lecture qui nous vient d’Italie.

Andrea Camilleri / Noli me tangere Ne me touche pas (Noli me tangere, 2016), Métailié (2018), traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

Après Adamsberg, Montalbano

J’y faisais allusion dans le papier précédent, le plaisir du lecteur de polar moyen passe aussi par les retrouvailles avec des potes personnages. Et quel meilleur ami que l’irascible Salvo Montalbano du génial Andrea Camilleri ? Que voici dans : Une voix dans l’ombre.

CamilleriJournée pourrie à Vigata. Montalbano fait mettre à l’ombre une jeune con excité qui l’a bêtement insulté et agressé dans sa voiture. Manque de chance, c’est le fils du Président de la province. Que son avocat fait rapidement ressortir de prison. Un peu plus tard, appelé pour interroger le gérant d’un supermarché qui s’est fait cambrioler, Salvo et Mimi son adjoint tombent sur un homme au bord de l’hystérie qui les accuse de le torturer pendant l’interrogatoire. Peut-être parce que le supermarché appartient en réalité à une famille influente de la mafia, soutenue par le député local … Bref en une journée, Salvo s’est mis à dos les deux politiques les plus influents du coin, et donc le Questeur et la télévision aux ordres. Ce qui explique que, lorsque le cadavre de la fiancée de l’excité est retrouvé, charcuté chez lui, Montalbano hésite à s’en mêler. Mais il n’en a pas fini avec une classe politique totalement corrompue.

Comme pour Fred Vargas, oui c’est toujours du Camilleri, oui c’est toujours du Montalbano, oui c’est toujours Vigata. So what ?

Pour commencer j’ai éclaté de rire plusieurs fois, m’attirant les regards curieux de mon fils qui n’a pas l’habitude que je rigole avec mes bouquins. Lors des engueulades avec Livia, lors des dialogues avec Catarella, plus un ou deux autres occasions. Et un bouquin qui vous fait éclater de rire est un bouquin précieux.

Aux plaisirs habituels (humour, description de plats, enquête), s’ajoute ici la description au vitriol d’une classe politique totalement pourrie, d’une presse qui lui lèche les bottes (pour ne pas dire autre chose), et d’un public totalement amorphe, content d’être décérébré par une télévision imbécile. On rit donc un peu jaune. Mais c’est si bon. Vivement le prochain.

Andrea Camilleri / Une voix dans l’ombre (Una voce di notte, 2012), Fleuve noir (2017), traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

Un Montalbano, pour le moral

Je ne comprends plus très bien le rythme de sortie de Montalbano, mais un roman du maestro Andrea Camilleri fait toujours du bien. Une lame de lumière ne déroge pas à cette règle.

camilleriLa vie n’est pas simple pour Salvo Montalbano. A peine remis d’un rêve qui pourrait s’avérer prémonitoire, il doit affronter les explications confuses (forcément confuses) d’un Catarella en grand forme : Un vol qui en est un, sans en être un. Sans compter une cabane en pleine campagne à laquelle on a ajouté une porte !

Pour encore lui compliquer la vie, il tombe raide amoureux d’une belle galeriste et continue à s’engueuler par téléphone avec l’éternelle Livia. Pas simple vous disais-je.

Encore et toujours un grand plaisir de lecture grâce à Camilleri et Montalbano. On rit toujours autant (mon premier éclat de rire est intervenu avant la fin du premier chapitre), on prend plaisir à partager les repas de Salvo (on aimerait même les partager vraiment), le maestro n’épargne pas les puissants et ses coups de griffes sont toujours aussi précis et acérés.

Ce qui différencie cet épisode des autres c’est une façon douloureuse de revenir sur un des Montalbano les plus émouvants, un des premiers. Mais je en vous en dirai pas plus pour vous laisser le plaisir su suspense et de la découverte.

Sinon, retrouver la bande, c’est comme se retrouver avec une bande d’amis qu’on ne voit pas très souvent mais avec lesquels, dès la première minute, on se sent bien et on a l’impression de ne s’être jamais quittés.

A lire donc, comme d’habitude.

Andrea Camilleri / Une lame de lumière (Una lama di luce, 2012), Fleuve Noir (2016), traduit de l’italien par Serge Quadruppani.