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Prix Violeta Negra

Voici la liste des nominés pour le prix Violeta Negra d’octobre prochain lors du salon TPS. Vous verrez que la liste est très italienne cette année, signe de la vitalité du polar chez nos voisin … et de mon goût prononcé pour l’Italie littéraire et ses auteurs vu que je ne suis pas complètement étranger à cette sélection.

On retrouvera donc :

Mercedes Rosende / L’autre femme (Uruguay)

Miguel Szymanski / Château de cartes (Portugal)

Antonio Manzini / Ombres et poussières (Italie)

Gioacchino Criaco / La maligredi (Italie)

Giancarlo de Cataldo / Alba Nera (Italie)

Antonio Paolacci et Paola Ronco / Nuages baroques (Italie)

Pour rappel, on trouve au palmarès du prix Violeta Negra quelques noms bien connus des lecteurs de polar comme Carlo Lucarelli, Rosa Montero, Carlos Salem, Mauricio de Giovanni, Valerio Varesi, Victor del Arbol … des habitués de TPS et d’actu du noir.

Tous les auteurs, sauf Antonio Manzini qu’on n’arrive pas à inviter seront là en octobre prochain pour TPS.

Ombres et poussières

Fin du coup de mou grâce au retour de Rocco Schiavone dans  Ombres et poussières. Toujours sous la plume d’Antonio Manzini.

Rocco Schiavone est toujours en val d’Aoste, et toujours poursuivi par ses fantômes romains. Comme si ça ne suffisait pas, voilà des emmerdements de niveau 10 qui arrivent : le cadavre d’une transsexuelle est découvert, et sa hiérarchie décide de punir Rocco et de le confiner dans un petit bureau de type placard à balais.

Pour couronner le tout, un autre cadavre, inconnu, est trouvé pas loin de Rome. Un cadavre sur lequel on trouve un papier avec le numéro de téléphone de … Rocco. Tout va de mal en pis, et ce n’est pas ça qui va améliorer l’humeur déjà sombre de notre romain préféré. Alors gare à qui se trouve sur son chemin.

Que ça fait du bien de retrouver le sens de la formule et la dent dure de Rocco Schiavone. J’ai éclaté de rire plusieurs fois (et pourtant la période ne s’y prête guère). Rien que pour ça, qu’Antonio Manzini soit mille fois remercié. Mention spéciale aux deux couillons du service de son équipe (ceux qui connaissent las série savent de quoi je parle) et à une nouvelle chef de la scientifique pas piquée des hannetons.

Ce qui n’empêche pas la gravité et l’émotion dans un épisode qui, hors éclats de rire, est un des plus sombres de la série. Et c’est aussi une des grandes réussites de l’auteur d’arriver à nous faire passer aussi vite du rire aux larmes et à la colère. D’autant qu’il ne sacrifie jamais la vraisemblance et que ce ne sont pas toujours les « gentils » qui gagnent. Les puissants et arrogants ont malheureusement parfois le dernier mot, comme dans la réalité.

C’est juste, pertinent, émouvant, très drôle, vivement le prochain.

Antonio Manzini / Ombres et poussières, (Pulvis e umbra, 2017), Denoël (2022) traduit de l’italien par Samuel Sfez.

07.07.07

C’est le retour du très caustique Rocco Schiavone d’Antonio Manzini dans un roman qui revient sur son passé : 07.07.07.

Rocco Schiavone est attaqué par la presse du val d’Aoste qui se demande pourquoi une femme a été assassinée chez lui en son absence (voir les volumes précédents). Comme sa hiérarchie lui met la pression, il accepte de raconter presque tout ce qu’il s’est passé à Rome, en ce mois de juillet 2007. Rocco était alors sous-préfet dans la capitale, vivait avec son épouse Marina, voyait ses potes d’enfance un peu truands, et enquêtait sur la mort de deux jeunes hommes d’une vingtaine d’années.

Cela faisait un moment que l’on n’avait pas de nouvelles de Rocco, le romain en Clarks perdu dans les neiges du val d’Aoste. Et voilà le roman qui révèle les événements de ce mois de juillet 2007 qui a fait basculer sa vie, et dont on n’avait eu que des échos jusqu’ici.

Un volume moins drôle que les précédents, plus émouvant, Rocco dans son élément. Rocco avec Marina, et Rocco immergé dans les rues du Trastevere, avec les amis de son enfance, souvent à la limite de la légalité.

Incontournable pour les fans qui découvrent enfin ce passé auquel il est fait souvent allusion, ce volume peut également être un excellent point d’entrée pour ceux qui voudraient découvrir le personnage et attaquer ainsi une des excellentes séries du polar italien qui n’en manque pas.

Antonio Manzini / 07.07.07, (07.07.2007, 2016), Denoël/Sueurs froides (2020) traduit de l’italien par Samuel Sfez.

La course des rats

Denoël a traduit le premier roman publié par Antonio Manzini : La course des rats.

ManziniRené, Linceul, Franco et le Chinois sont sur un braquage, qui tourne mal. René réussit à s’enfuir mais est vite rattrapé par les flics. Mais c’est certain, même si c’est une récidive, il ne dira rien. Rapidement, il a des doutes, ces flics sont étranges et s’il y avait eu une trahison ?

Pas si loin, Diego végète dans son boulot, pour une caisse d’assurance. A quarante ans ses perspectives sont minces, pour ne pas dire inexistantes. Sauf s’il avait une étrange promotion …

Diego et René sont frères, mais ne se voient que très rarement, et pourtant, dans les jours à venir, ils se croiseront de nouveau dans les rues de Rome, pour le meilleur ou pour le pire ?

On apprend dans la préface, que c’est le premier roman de l’auteur, republié alors qu’il connait un immense succès en Italie avec son excellente série consacrée à Rocco Schiavone. Je ne sais pas si cette réédition, et sa traduction en français étaient vraiment indispensables.

Je ne peux pas dire que je me sois ennuyé, le style est alerte, on perçoit par moment l’humour vache qui va être l’une des marques de fabrique de la série, et une des raisons de son succès. Les chapitres courts s’enchaînent bien, les personnages sont hauts en couleur, et les hommes de pouvoir, qu’il soit petit ou grand (le pouvoir), sont caricaturés de façon incisive. Pour finir le jeu de casse pipe final est rondement mené sans concession. Donc le roman est plaisant.

Mais l’ensemble est quand même bien moins abouti que ce qui suivra, hésite entre deux tons, le réalisme style affreux sale et méchants et la fable sociale irréaliste, et du coup on a du mal à vraiment s’attacher aux personnages et à vraiment accrocher à l’histoire. Pour résumer, j’ai lu avec un certain plaisir, mais tout en restant extérieur et peu touché par l’ensemble.

C’est déjà pas mal, mais loin du niveau de la série Rocco Schiavone qui arrive en même temps à me faire rire et presque pleurer. Un coup d’essai et pas encore un coup de maître pour l’auteur qu’il vaut mieux découvrir au travers de ses romans suivants.

Antonio Manzini / La course des rats (La giostra dei criceti, 2017), Denoël (2019), traduit du l’italien par Samuel Sfez.

Prix Violeta Negra 2018

Vous connaissez peut-être déjà le prix Violeta Negra décerné chaque année à l’occasion du festival Toulouse Polars du Sud. Voici les 6 romans qui devront être départagés par le jury cette année, 2 italiens, un mexicain, un argentino-espagnol, un espagnol et un portugais.

  • Mimmo Gangemi / La vérité du petit juge (Seuil Noir)
  • Antonio Manzini / Maudit printemps (Denoël)
  • Martin Solares / N’envoyez pas de fleurs (Bourgois)
  • Carlos Salem / Attends-moi au ciel (Actes Sud)
  • Alexis Ravelo / La stratégie du pékinois (Mirobole)
  • Pedro Garcia Rosado / Mort sur le Tage (Chandeigne)

Rocco Schiavone en pleine déprime

Vous avez sans doute remarqué que j’aime les personnages récurrents, et que j’ai un faible particulier pour les italiens. Dont l’acide Rocco Schiavone d’Antonio Manzini qui revient dans Un homme seul.

ManziniNous sommes juste à la suite de Maudit printemps. Donc ceux qui pensent le lire bientôt, arrêtez là la lecture de cette chronique, et surtout ne lisez pas, par hasard, le résumé en quatrième de couverture.

C’est bon ? Il ne reste plus que ceux qui ont lu les trois premiers romans ?

 

 

Bien. Rocco est en pleine déprime dans ces montagnes du Val d’Aoste qu’il déteste. Le printemps qui arrive ne peut le sortir de l’horreur. Adele, la fiancée de Seba, un de ses meilleurs amis a été tuée, à sa place, dans son appartement où elle était venue pleurer la relation difficile avec Seba. Et même s’il a fait la lumière sur une sombre affaire de corruption dans laquelle trempait la ‘ndrangheta, il reste des zones d’ombre.

Alors Rocco se terre dans une pension sordide et ne met plus les pieds au bureau. Jusqu’à ce qu’un des malfrats qu’il a contribué à faire arrêter soit tué en prison. Et qu’il décide qu’Adele doit être vengée. Alors il va se remettre au boulot, pour finir le travail, et pour retrouver qui pouvait lui en vouloir au point de venir le tuer.

Donc je confirme, impossible de lire Un homme seul si on n’a pas lu Maudit printemps, car ce nouveau roman en est la suite directe.

Ceci dit, on retrouve tout ce qu’on aime dans cette série romano-alpine. Romaine car Rocco est, et reste, totalement romain, malgré ses quelques mois en Val d’Aoste, et malgré les plaisirs qu’il commence, à son corps défendant, à éprouver à se trouver au cœur d’une nature qui revit avec le printemps. Et alpine, ben parce qu’il est dans les Alpes.

Rocco tel qu’en lui-même, mauvais comme une teigne quand on l’embête, fidèle en amitié, la langue acérée, et parfois, quand on s’y attend le moins, le cœur sur la main. Il est méchant, attentif, drôle, humain, sans pitié … Excessif en tout, dans ses qualités comme dans ses défauts.

Les personnages secondaires prennent de l’importance, avec en particulier un duo d’imbéciles qui offrent un pendant nordique très convainquant à l’incontournable Catarella sicilien du Maître.

Rocco et Antonio Manzini continuent à combattre les imbéciles, ceux qui croient que leur argent les met à l’abris de la loi, les pourris et ceux qui aiment faire souffrir leurs semblables, surtout quand le semblable est plus faible. Et s’il faut pour cela faire quelques entorses à la loi, qu’à cela ne tienne.

Bref, j’adore Rocco Schiavone et sa bande, et il me tarde déjà de les retrouver.

Antonio Manzini / Un homme seul (Era di maggio, 2015), Denoël/Sueurs froides (2018), traduit de l’italien par Samuel Sfez.

Printemps froid en Val d’Aoste

Ils sont très forts ces auteurs de polar italiens. Noirceur, justesse de ton, humour … C’est encore le cas avec ce troisième volet des aventures de Rocco Schiavone d’Antonio Manzini : Maudit printemps.

ManziniChiara, lycéenne, fille d’une famille d’industriels du Val d’Aoste ne répond plus au téléphone et ne vient plus au lycée. C’est une sa meilleure amie qui alerte Rocco Schiavone alors que les parents n’ont rien signalé. C’est donc de façon non officielle que notre peu conventionnel policier commence une enquête qui va mettre à jour bien des magouilles. Alors que lui continue à bousiller ses Clarks, et que les souvenirs de sa vie romaine ne le laissent jamais en paix.

Je persiste et signe, ils sont très forts ces italiens. Ils font partie de ces rares auteurs, avec, dans un style d’humour plus désespéré, les irlandais, à réussir à décrire la noirceur totale d’une situation et d’un pays tout en gardant le sens de l’humour et en faisant sourire, voire rire, leur lecteur.

Parce qu’elle est sacrément noire la situation de Rocco, ses fantômes, ceux qui s’acharnent sur lui, et ses pauvres chaussures ruinées paire après paire. Et il est rude Rocco avec ceux qui s’approchent de lui. Il faut accepter de se faire salement secouer pour prétendre à son amitié. Quant à ceux qui veulent s’opposer à lui, ils ont intérêt à avoir la couenne dure.

Et pourtant, plus ça va plus on l’aime, plus on s’attache à ce personnage tout en paradoxes et en faiblesses, qui souffre et cache sa peine sous des dehors d’ours. On aime son intégrité, sa cohérence avec ses valeurs et ses discours, sa façon de privilégier l’humain par rapport à la loi.

Et on finit aussi par aimer son Val d’Aoste, malgré la pluie, la neige de mai, le froid, les habitants qui se surveillent tous …

Un beau personnage, que l’on suivra, on l’espère bien longtemps.

Antonio Manzini / Maudit printemps (Non è stagione, 2015), Denoël/Sueurs froides (2017), traduit de l’italien par Samuel Sfez.

Rocco à la montagne, suite.

On a découvert Antonio Manzini et son flic odieux, Rocco Schiavone, romain exilé dans le val d’Aoste dans Piste noire. Le revoici dans Froid comme la mort.

ManziniRocco est donc toujours flic dans le val d’Aoste, il use toujours ses Clarks à une vitesse incroyable, refuse toujours de porter des chaussures de montagne, et est toujours aussi désagréable avec presque tout le monde. Alors que partout ailleurs le printemps s’annonce (ici il neige !) il est appelé chez les Baudo. La femme de ménage a trouvé l’appartement dévasté et a appelé la police. Qui trouve Ester pendue dans sa chambre.

Très rapidement, l’hypothèse du suicide est écartée, et l’enquête commence, alors que Rocco rumine son passé, se languit de Rome, et envoie bouler tout le monde.

J’avais beaucoup aimé le premier, j’aime beaucoup la suite.

Une fois de plus, rien de révolutionnaire dans une intrigue par ailleurs fort bien troussée. Une fois de plus, tout repose sur le personnage central et sur l’acidité de l’écriture. Rocco a la dent toujours aussi dure, il est toujours aussi désagréable, toujours très limite dans son application de la loi. Et pourtant on l’aime encore plus que dans le premier.

Ses fêlures, ses fragilités se révèlent, son passé remonte à la surface, et sous la carapace l’humanité à vif du personnage perce. Un vrai régal pour un roman qui termine sur des notes très émouvantes (comme le précédent).

Bref, c’est ma période italienne, de la Calabre aux Alpes, de Gangemi à Manzini, de Lenzi à Schiavone je me régale avec ces enquêteurs au caractère de cochon, dignes héritiers du grand Montalbano.

Viva Italia !

Antonio Manzini / Froid comme la mort (La costola di Adamo, 2013), Denoël/Sueurs froides (2016), traduit de l’italien par Anaïs Bouteille-Bokobza.

Prix Violeta Negra

Je ne sais pas si je vous ai déjà parlé du prix Violeta Negra, décerné lors du festival Toulouse Polars du Sud et qui récompense un polar écrit dans une langue du sud. Pour être plus clair, pas en français, pas en anglais, pas en scandinave … En général en espagnol ou italien, avec parfois des incursions de grec, ou d’égyptien, ou de …

Tout ça pour dire que la sélection que va lire le jury est tombée.

Avec un espagnol : Toutes les vagues de l’océan de Victor del Arbol.

Un argentin presque espagnol : Le dernier fils de Dieu de Carlos Salem

Un argentin : Puerto Apache de Juan Martini

Un chilien : Tant de chiens de Boris Quercia

Et deux italiens :

Piste noire d’Antonio Manzini

Et La revanche du petit juge de Mimmo Gangemi.

Résultat en octobre prochain. Sachez qu’en 2015 c’est La ballade des misérables d’Aníbal Malvar qui avait gagné le prix.

VictorDelArbol  Salem-Dieu  Martini

Quercia  manzini   Gangemi

Des Clarks dans la poudreuse

Tout le monde dit du bien de Piste noire, d’Antonio Manzini. Il fallait que je le lise, c’est chose faite, je suis d’accord, c’est très bien.

manziniRocco Schiavone était commissaire à Rome. Il a gêné des gens influents et se retrouve dans les Alpes italiennes, chez les ploucs qui mettent au pied des chaussures ridicules (mais chaudes !), dans le Val d’Aoste. Et comme Rocco n’est pas du genre à garder ses réflexions pour lui, il ne manque pas de dire à tous ces arriérés ce qu’il pense d’eux, de leurs montagnes et de leur neige.

Quand en plus les emmerdements arrivent sous la forme d’un cadavre complètement explosé par une dameuse, son humeur déjà sombre devient carrément exécrable. Et tant pis pour ceux qui se trouvent sur son chemin.

Excellente nouvelle que ce polar, d’autant plus excellente qu’il semble bien être le début d’une série. Et ça c’est génial.

Parce que si l’intrigue est assez classique, la description de ce bout de montagne très réussie, mais là aussi classique, ce qui emporte immédiatement une adhésion enthousiaste c’est Rocco Schiavone. Quel personnage ! Un vrai sale con, machiste, désagréable au possible, corrompu, facilement violent, imbu de lui-même, méprisant, misanthrope … Et j’en passe et des meilleures.

Et pourtant tellement attachant. Et oui, cela paraît impossible mais on s’y attache. Pour commencer parce qu’il est drôle et qu’il a la méchanceté fine et implacable et manie le sarcasme et l’insulte avec maestria. Parce qu’il faut avouer que parfois il se moque de ceux dont on ne se moque pas par courtoisie … mais on n’en pense pas moins. Et parce qu’il est aussi capable d’éclairs d’humanité et de gestes totalement désintéressés pour lesquels il est prêt à prendre tous les risques.

Et puis l’auteur prend bien soin de laisser quelques éléments de son passé dans l’ombre, ce qui introduit un suspens de bon aloi. Vivement la suite.

Antonio Manzini / Piste noire (Pista nera, 2013), Denoël/Sueurs froides (2015), traduit de l’italien par Samuel Sfez.