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Des meurtres qui font du bien

Je n’aurais jamais lu Des meurtres qui font du bien de l’allemand Karsten Dusse si ce n’avait pas été un cadeau. Est-ce que je serais passé à côté de quelque chose ? Je ne pense pas.

Björn, le narrateur, est un avocat surmené. Il travaille, fort efficacement, pour une véritable ordure psychopathe, s’engueule avec sa femme Katarina, ne voit jamais sa fille de 2 ans et demi. Jusqu’à ce que Katarina lui pose un ultimatum : Soit il va voir un coach pour faire de la méditation de pleine conscience, soit il ne les voit plus, ni elle ni sa fille.

Quand il se rend, à contre cœur, à son premier rendez-vous, Björn ne peut pas imaginer combien sa vie est sur le point de changer.

L’idée de départ n’est pas mauvaise, la description de certains travers de nos sociétés est plutôt réussie, avec entre autres un portrait au vitriol de quelques bons donneurs de leçons qui ne se rendent même pas compte de leurs contradictions et de leur ridicule.

Mais, car il y a un mais, ça devient lourdingue. Passé le fait que l’intrigue n’est pas crédible une minute (mais ce n’est pas forcément gênant si on se laisse prendre au jeu), on devrait se rabattre sur l’humour. L’auteur appuie sur le comique de répétition avec sa permanente référence à un supposé livre de développement personnel. L’ennui avec le comique de répétition, est qu’il est sur la corde raide avec le risque de tomber dans la lourdeur et la répétition sans le comique. Et de mon point de vue très subjectif l’auteur est tombé assez lourdement.

Le deuxième souci est le manque total d’empathie pour qui que ce soit dans le livre. A part le narrateur et sa fille, tous les autres personnages sont traités avec une misanthropie et un manque de distance qui finissent par donner l’impression que l’auteur règle ses comptes avec tous ceux qui l’emmerdent au quotidien, y compris son épouse, s’il en a une. Et cela finit par être complaisant et déplaisant.

Bref, malgré les bons avis que j’ai pu lire ici et là, pas convaincu.

Karsten Dusse / Des meurtres qui font du bien, (Achtsam morden, 2019), Le cherche midi (2022) traduit de l’allemand par Jenny Bussek.

L’île invisible

Un roman qui, d’après ce que j’ai trouvé sur le net, avait été publié une première fois en 2013, et qu’Asphalte ressort cette année, L’île invisible du vénézuélien Francisco Suniaga.

L’île de Margarita a deux visages. Le bord de mer, ses hôtels pour touristes européens, ses bars et restaurants de plage, propre, moderne, rangé. Et l’intérieur plus délabré, les petits boulots, où l’on n’obtient rien si on en connait pas quelqu’un, les flasques de rhum pas cher, et les combats de coqs.

Edeltraud Kreutzer, la soixantaine, quitte son village en Allemagne à plus de soixante ans. Son fils Wolgang, venu ouvrir un restaurant il y a deux ans avec son épouse Renata, s’est noyé. Mais elle a reçu une lettre anonyme disant qu’il avait été assassiné par Renata et son amant. Et les vieux parents qui n’ont jamais quitté l’Allemagne veulent savoir ce qui est arrivé à leur fils. Mais pour cela ils auront besoin d’aide sur place, celle de l’avocat José Alberto Benitez, qui va essayer de comprendre ce qui est arrivé au couple pendant ces deux ans.

Si vous recherchez un polar tendu, avec une intrigue aux petits oignons, vous pouvez arrêter là la lecture. De même si vous n’aimez que les dialogues et l’action. L’île invisible est un polar étrange, à peine un polar d’ailleurs tant il n’y a pas vraiment d’enquête (sauf une, littéraire, assez inattendue), ni même de suspense.

Et pourtant c’est un roman prenant, intéressant, avec une force d’évocation surprenante qui embrasse de multiples sujets. L’auteur arrive à nous faire voir un couple allemand à la fois passionné et très raisonnable et sérieux, l’ambiance survoltée des combats de coqs, la beauté d’un lever de soleil sur une plage paradisiaque, la chaleur écrasante sur un trottoir défoncé …

Il excelle dans la description de la différence entre les modes de vie en Europe (et spécialement en Europe du nord) et sur une île des Caraïbes, et il y a un petit côté Mario Conde dans la description de réunions entre amis, la désillusion de ceux qui ont cru en un avenir radieux et se sentent toujours de gauche, mais une gauche trahie et perdue.

De cet étrange mélange émerge un roman mélancolique, à la fois triste et parfois plein de vigueur, mais surtout empreint d’une humanité qui fait du bien.

Francisco Suniaga / L’île invisible, (La otra isla, 2005), Asphalte (2013 puis 2021) traduit de l’espagnol (Venezuela) par Marta Martinez-Valls.

Comme au cinéma

Comme au cinéma était le seul roman d’Hannelore Cayre que je n’avais pas lu. Grâce aux vacances, ce manque est comblé.

CayreAbdelkader Fournier est mal barré. En appel il va être jugé pour 12 cambriolages à Chaumont, par celui qu’on appelle le boucher de la Haute-Marne, un gros con raciste, méchant comme une teigne. Jean Bloyé, ténor du barreau et son épouse Anne qui le seconde se demandent comment il vont tirer le jeune homme des griffes du bourreau. En attendant ils se restaurent dans la seule auberge correcte de la région à Colombey-les Deux-Eglises, fameuse pour son bal tragique.

Ils y croisent Etienne Marsant, monstre sacré du cinéma à la retraite depuis son infarctus qui a accepté de venir préciser un obscur festival. Ajoutez quelques rôles secondaires et la pièce peut commencer.

Si j’ai trouvé le roman de Peter May un peu trop gentillet pour moi, là ça m’a bien décapé les neurones. Hannelore Cayre n’est pas connue pour sa gentillesse. Elle a la langue acérée, la formule qui claque, et n’a pas son pareil pour assassiner en quelques mots les travers de notre époque et de nos contemporains (ainsi que les nôtres, tout le monde en prenant pour son grade).

Mais elle n’est pas pour autant misanthrope, sait aimer les gens et faire preuve d’empathie et de tendresse. Tout en restant sans pitié pour les gros cons. Dire que j’adore son style et son écriture est un doux euphémisme. Je suis un inconditionnel.

Elle est ici particulièrement jubilatoire dans sa description d’une petite ville de province, et dans celle du vide intersidéral du monde des réseaux sociaux. Tout en étant capable de vous tirer une larme en évoquant le charisme irrésistible d’un acteur que je vois comme un croisement entre Depardieu et Noiret.

Je sais que je ne suis jamais objectif, encore moins quand je parle d’Hannelore Cayre, mais c’est vraiment un plaisir incomparable et inimitable de lecture.

Hannelore Cayre / Comme au cinéma, Métailié (2012).

Feu pour feu

On a découvert Leye Adenle avec Lagos Lady. Ce fut un choc. Il persiste et signe avec Feu pour feu.

AdenleLagos, alors que les élections pour le poste de gouverneur sont lancées. Celui qui a le plus de chances d’être élu est le protégé du pouvoir en place, chief Ojo. Mais chief Ojo est un pervers qui aime les très jeunes filles, et aime tabasser les prostituées qui lui tombent sous la main.

Amaka, fille d’un homme de pouvoir, avocate, c’est juré de protéger toutes les prostituées, et pour elle il est impensable qu’Ojo arrive à ce poste qui lui garantirait une totale impunité. Coups fourrés, corruption, lynchages, meurtres … tous les coups vont être permis dans une capitale bouillonnante en permanence au bord de l’explosion.

Je vais tout de suite me débarrasser du détail qui m’a un peu gêné. Il y a dès le départ beaucoup de personnages, beaucoup d’actions en parallèle, et par moment, dans le premier quart du bouquin, on est un peu perdu.

Mais ce défaut est compensé, même au début, par l’énergie, la fureur, la rage, la violence, l’enthousiasme du récit et de l’écriture. D’emblée on en prend plein la figure. Lynchage, cris, souffrance, révolte, corruption, magouilles, c’est parti, vous êtes immédiatement plongés dans le chaudron bouillant.

Ca déménage, le portrait de la classe politique, des magouilles électorales, de l’impunité des puissants est sans pitié. Heureusement il y a aussi quelques personnages qui surnagent. La magnifique Amaka bien entendu, mais aussi quelques flics intègres. Et puis les affreux sont vraiment réussis, et tout lecteur de polar sait qu’un méchant réussi est gage de polar réussi.

Si vous n’avez pas l’estomac trop délicat, si vous aimez la littérature relevée, prenez la peine de passer un démarrage parfois confus et vous ne regretterez pas ce nouveau voyage à Lagos, même si je doute que cela vous donne envie d’y aller en vacances.

Leye Adenle / Feu pour feu, (When trouble sleeps, 2018), Métailié/Noir (2020) traduit de l’anglais par (Nigéria) David Fauquemberg.

700 pages de divertissement signées Nick Stone

Cela faisait longtemps que l’on n’avait plus de nouvelles de Nick Stone, auteur de l’excellente trilogie consacrée à Max Mingus. Il revient avec un roman complètement différent, Le verdict.

StoneTerry Flint est greffier chez KRP, un gros cabinet d’avocats londonien. Il a coupé les ponts avec sa famille qui vit encore dans un quartier populaire de la capitale. Ainsi qu’avec les souvenirs embrouillés d’une jeunesse qui l’a vu souvent perdre les pédales sous l’emprise de l’alcool. Il est maintenant casé, marié, père de deux enfants.

Sa vie pourrait changer quand sa chef, Janet Randall, le prend comme assistant pour un procès retentissant : l’homme d’affaire Vernon James, très en vue depuis quelques années est accusé du meurtre d’une jeune femme. Toutes les preuves sont contre lui et Janet est en charge de la défense. L’occasion pour Terry de se faire remarquer et la première marche pour devenir avocat. Mais, car il y a un mais, Terry connait bien Vernon, son ami d’enfance et d’adolescence. Et surtout l’homme qui l’a trahi et l’a fait plonger dans l’alcool. Un passé que ses employeurs ignorent complètement.

Ceux qui ont lu les trois premiers romans de Nick Stone, avec leur enracinement dans l’histoire des haïtiens, que ce soit chez eux ou dans la communauté de Miami risquent d’être surpris, et peut-être un peu déçus. Cette toile de fond est ici absente et ce dernier livre est moins dense que les trois premiers.

Par contre quel plaisir de lecture. Nick Stone rentre dans un cadre très anglo-saxon et très codifié : le thriller judiciaire. Et il le fait très bien. Il respecte tous les codes, n’élude aucune scène obligatoire, passe par tous les clichés, fait monter le suspense, et termine sur le point d’orgue attendu : le procès, qu’il mène de main de maître avec ce qu’il faut de tension, de coups de théâtre, et de joutes d’avocats … Je ne lirais pas que ça, mais quand c’est aussi bien mené, c’est une vraie récréation.

Mais alors me direz-vous, pourquoi lire Le verdict plutôt que n’importe quel autre roman de procès ? Et vous aurez raison ! Je ne vais pas rentrer dans de la publicité comparative, juste vous dire que l’auteur a réussi à imprimer sa patte à cet exercice de style.

Grâce à Terry, personnage attachant, qui se débat avec ses problèmes et avec son passé (passé qui sera aussi révélé petit à petit avec une vraie science de l’intrigue), grâce à l’accusé qui est particulièrement antipathique, et qu’on voudrait quand même voir innocenté, vu que l’on suit son équipe de défense, grâce à une réflexion sur la justice, sur le rôle de la défense et celui du jury.

On ne se fait pas secouer comme chez Don Winslow, on n’apprend pas autant de choses que chez Colin Niel, on n’est pas ému comme chez Nicolas Mathieu, mais on passe un très bon moment de lecture, les pages tournent toutes seules, et on n’a pas l’impression d’avoir été pris pour un imbécile. C’est parfois ce que l’on cherche en lisant un polar.

Nick Stone / Le verdict (The verdict, 2014), Série Noire (2018), traduit de l’anglais par Frédéric Hanak.

Attica Locke de retour à Houston

Après un détour par la campagne, Attica Locke revient à Houston et retrouve Jay Porter, son avocat dans Pleasantville.

LockeNous sommes à Houston, en 1996, un soir de premier tour d’élections. Axel Hathorne, ancien chef de la police, est bien placé pour devenir le premier maire noir de la ville, entre autres grâce au soutien des habitants de Pleasantville, quartier de la bourgeoisie noire, créé par son père Sam, le patriarche. Pourtant tout dérape ce soir-là, quand Sandy Wolcott, 18 ans, qui tractait pour les élections disparaît.

Jay Porter, avait juré de ne plus retourner plaider dans un tribunal après la mort de son épouse, pour pouvoir consacrer du temps à ses deux enfants. Mais entre son action contre de gros pollueurs qui ne veulent pas payer les dédommagements promis, et Sam qui lui demande de venir soutenir son petit-fils, soupçonné contre toute attente de la disparation, puis de meurtre de Sandy, il va devoir revenir sur ses promesses, quitte à mettre les pieds dans un véritable nid de vipères.

Bon je retrouve le sourire.

Car voilà un bon polar solide, pas l’œuvre du siècle, mais du beau travail bien fait, qui reprend, entre autres, la thématique de Marée noire : la place des noirs dans la société américaine. Mais pas seulement bien entendu. Nous ne sommes plus au lendemain des luttes pour l’égalité, mais nous voyons, des années plus tard, ce qu’est devenu la bourgeoisie noire qui a pu profiter des avancées des années 70.

Et nous plongeons droit dans la politique, ses campagnes, la place des médias, et surtout la place de conseillers en communication qui parlent de tactique, de sondages, mais jamais d’idées ou de valeurs. Il est d’ailleurs frappant de constater que dans un roman qui tourne autour d’une élection nous ne savons jamais exactement à quel camp appartiennent les deux candidats, et quelles sont leurs valeurs. Déjà en 1996.

Voilà pour le fond de l’histoire.

Une histoire très bien racontée, avec ce savoir-faire des auteurs américains pour tout ce qui tourne autour de la justice et des procès et une montée du suspense parfaitement maîtrisée. Le tout servi par de beaux personnages, qui doutent, qui souffrent, qui parfois sont complètement perdus, des personnages humains qui ont une belle épaisseur.

Un bon roman, bien mené, qui se lit avec plaisir, et qu’on referme un peu plus informé, un peu plus intelligent, et un peu plus en colère. Très recommandable donc.

Attica Locke / Pleasantville (Pleasanville, 2015), Série Noire (2017), traduit de l’anglais (USA) par Clément Baude.

Le plan Condor côté chilien

On l’attendait, on savait qu’il le préparait, on l’a enfin : Condor de Caryl Férey.

FéreySantiago du Chili. Gabriela est mapuche, jeune, belle, talentueuse, révoltée. Elle est vidéaste et vit chez Stefano, un ancien fidèle d’Allende revenu au Chili après des années d’exil. Quand le fils d’un de ses amis, quatorze ans, est découvert mort par les habitants de La Victoria, elle décide de faire quelque chose : c’est le quatrième gamin du quartier qui meurt ainsi dans la semaine. Un quartier pauvre, ancien bidonville qui n’intéresse ni la police ni la justice.

Gabriela va voir Esteban, avocat, fils d’une des familles les plus riches du pays. Esteban vomit sa famille et s’est spécialisé dans les causes perdues. Porter plaintes au nom de quatre familles pauvres du quartier de La Victoria, voilà bien une cause perdue. Avec Gabriela, ils ne savent pas qu’ils vont remuer une vase qui fera remonter à la surface les fantômes de la dictature, des fantômes que la société chilienne veut oublier, des fantômes qui n’ont rien perdu de leur violence et de leur nocivité.

Comme Haka et Utu il y a quelques années, Mapuche et Condor se complètent et se répondent. Avec une différence. Si Utu prenait la suite de Haka, Condor est le frère (ou plutôt la sœur) de Mapuche.

Un sœur (Gabriela) qui vit au Chili, mais la cordillère est-elle vraiment une frontière pour les mapuches, qui vivaient, et vivent toujours entre l’Argentine et le Chili ? Comme Jana, Gabriela est mapuche, artiste, engagée, révoltée.

Comme dans Mapuche, une partie des saloperies commises aujourd’hui prennent racine dans le récent passé sanglant des deux pays, comme en Argentine, au Chili, ceux qui sont en place aujourd’hui sont ceux qui ont tiré parti de la dictature, ou qui ont su étouffer leurs scrupules pour profiter de la fin des pouvoirs militaires.

Comme en Argentine, encore plus qu’en Argentine, les comptes avec le coup d’état et les années qui ont suivi sont loin d’être soldés. Comme dans Mapuche, la tension va grandissant jusqu’à l’explosion de violence finale.

Un vrai diptyque donc qui ici se termine dans les somptueux et intimidants paysages du désert d’Atacama, un lieu imposant, où la dictature a envoyé mourir les opposants, où l’industrie minière continue à faire mourir les ouvriers, dans l’immense mine de Chuquicamata.

Auparavant, Caryl Férey aura remué la boue des quartiers pauvres de Santiago, longé le mythique port de Valparaiso, mis en scène quelques véritables ordures, des victimes plus ou moins consentantes, plus ou moins susceptibles de se transformer en bourreaux, et rendu hommage à ceux qui ont lutté en 73, et à ceux qui luttent aujourd’hui.

Tout ça pour dire que j’aime ses personnages, j’aime sa façon de raconter les histoires, j’aime la façon dont il raconte les pays qu’il visite. Et j’aime Condor !

Hasard des parutions, autour du même sujet – les dictatures latino-américaines des années 70 et le plan Condor – difficile de faire deux romans plus différents que La peine capitale et Condor, et impossible de ne pas conseiller de les lire tous les deux.

Caryl Férey / Condor, Série Noire (2016).

Note : Pour les toulousains, Caryl Férey sera à Ombres Blanches vendredi 6 mai à 18h00.

Le dernier polar de 2015

Je n’ai pas lu beaucoup de polars israéliens, aucun même à part deux ou trois de Batya Gour. Je me suis donc dit que j’allais terminer l’année avec une découverte (pour moi) : Une proie trop facile de Yishaï Sarid.

Mise en page 1Le narrateur a trente ans, il est avocat sans succès, son seul client est moitié fou et il végète dans son cabinet minable de Tel-Aviv. C’est pourquoi il accepte l’appel d’une connaissance de la police militaire qui voudrait qu’il rempile pour quelques jours, le temps de tirer au clair une affaire qui embarrasse l’armée : Une jeune femme, soldate, accuse un brillantissime capitaine de l’avoir violée.

Tout semble aller contre elle : elle est instable alors que le jeune homme a des états de service irréprochables et est adoré de ses hommes. Des cabinets de Tel-Aviv à un avant poste au Liban, en passant par les petites villes perdues dans le désert, le pauvre avocat va s’apercevoir que tout est plus compliqué qu’il n’y paraît.

Je ne demandais pas plus que d’aimer ce bouquin. Et j’aurais voulu terminer l’année sur une note enthousiaste. Mais je me suis un peu ennuyé.

Pourtant ce polar n’est pas inintéressant : la peinture de la société israélienne par l’auteur est riche, complexe, et très éloignée de ce qu’on peut imaginer vu d’ici. Très contrastée mais finalement moins conflictuelle qu’on pourrait l’imaginer au vu des informations qui nous arrivent. Contrastée entre les arrivistes intéressés uniquement par l’argent, les fanatiques religieux, les patriotes qui n’agissent qu’en fonction de l’intérêt de l’état, et une bonne partie de la jeunesse qui erre, sans trop savoir que faire de sa vie. Mais ces gens là, comme dans toute société, cohabitent, vivent les uns à côté des autres, sans vraiment se croiser ni s’affronter. Seul l’enquêteur, obligé d’aller partout, se frotte à tout le monde.

Belle description donc, mais pourquoi ma réticence ?

Essentiellement parce que c’est mou, très mou. A l’image d’un narrateur mou et sans relief, qui passe son temps à dormir quand il n’est pas vraiment obligé de travailler. Et, à l’image du personnage principal qui n’a rien d’enthousiasmant, l’écriture aussi est molle et plate. Pas d’humour, pas d’éclats, pas d’enthousiasme. On ne sent pas la peur du narrateur quand il doit s’avancer en zone de guerre, on ne sent pas sa colère quand on se moque de lui, on ne sent pas sa pitié …

Dommage, avec une situation de départ qui aurait pu être brulante, j’ai eu la sensation de baigner dans une eau tiède. Il paraît que c’est le premier roman de l’auteur, le suivant, déjà publié en France, est peut-être plus réussi …

Maintenant, ciao, et à l’année prochaine.

Yishaï Sarid / Une proie trop facile (Teref Kal, 2000), Actes Sud/Actes Noirs (2015), traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz.

Je retrouve Asa Larsson

J’avais découvert Asa Larsson avec Horreur boréale publié à la série noire. Puis j’ai cru qu’elle n’était plus traduite. Et voilà que je découvre le troisième volume consacré à son héroïne chez Albin Michel : La piste noire. C’est toujours bien.

LarsonTout au nord de la Suède, du côté de Kiruna, le cadavre gelé d’une femme est trouvé dans une de ces cabanes dans lesquelles les habitants du coin vont pêcher sur la glace. L’enquête est confiée à la police locale qui va très vite avoir besoin de l’aide de l’ancienne avocate Rebecka Martinsson, à l’aise dans le droit des affaires et les méandres financiers, qui travaille maintenant pour le bureau du procureur.

En effet, la victime se révèle être la très belle Inna Wattrang, responsable de la communication d’une grosse multinationale minière. Une entreprise qui veut investir dans la région mais qui, comme toute entreprise minière, trempe dans quantité d’affaires louches tout autour du globe, et particulièrement en Afrique.

La mort d’Inna ne fait qu’ouvrir la boite de Pandore.

Je retrouve ici ce qui m’avait plu dans le premier volume consacré à Rebecka : Des personnages intéressants, Rebecka, mais aussi les deux enquêteurs de Kiruna, ou le portrait très sensible d’Esther, jeune artiste au parcours étonnant.

Une intrigue qui tient la route, bien menée, et dans laquelle l’auteur a l’intelligence d’éviter les facilités et le happy end. Je n’en dis pas plus, mais tout le récit reste solide et cohérent, sans jamais tenter de forcer une fin plus rose ou moralement satisfaisante que ce que la réalité nous offre tous les jours. Je sais, ce n’est pas très clair, mais vous comprendrez si vous lisez.

Pour finir, comme dans Horreur boréale, le roman dresse le portrait de cet extrême nord de la Scandinavie. Paysages, habitudes de vie, effets de l’hiver et du froid … un pays rude, parfois cruel, mais dont la chaleur humaine n’est pas absente.

Bref, sans crier au génie, un très bon polar qui se lit avec plaisir.

Asa Larsson / La piste noire (Svart stig, 2009), Albin Michel (2015), traduit du suédois par Caroline Berg.