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Le génie de Gosciny

Je ne sais plus ce qui nous a pris avec mon fils, mais nous avons entamé, et bouclé, la relecture de tous les Astérix de Gosciny.

Et comme je viens de publier deux notes ronchonnes, pour sourire un peu avant de nouvelles lectures, j’ai fait la liste des jeux de mots un peu cachés des volumes historiques (ceux de Uderzo ET Gosciny donc), sans relever les noms des personnages (ce serait trop long), ni les jeux de mots qui sont fait ouvertement, quand un des personnages se moque d’un autre.

J’ai trouvé tout ça, je suis prêt à expliquer ceux qui ne disent plus rien aux plus jeunes, et à compléter bien entendu si jamais j’en ai oublié, ce qui n’est pas impossible. Sachez qu’avec cette relecture attentive, j’en ai trouvé de nouveaux, alors que j’ai bien dû les lire tous pas loin d’une dizaine de fois.

Vive Gosciny ! J’espère que ça vous donnera envie de les relire.

Astérix le Gaulois :

Mise en place de la série, et peu de jeux de mots si ce n’est les noms, mais déjà la première version d’une grande série de citations de César détournées :

Les Gaulois sont venus, ils ont vu et ils ont emporté Caligula Minus

Astérix chez les Goths :

Astérix, Obélix et Panoramix ont dans ce numéro leur dessin définitif (pas les autres). Téléféric, ancien chef des Goths, vient d’être détrôné par Cloridric gavé de potion qui lui dit :

Ta vie ne tient qu’à un fil Téléféric

Le troisième à recevoir la potion : Electric. Qui part enthousiaste en s’exclamant :

Je vais être général ! Le Général Electric !

Astérix gladiateur :

Astérix et Obélix vont à Rome récupérer Assurancetourix, ils sont invités chez un Gaulois qui leur montre son appartement. A la question de savoir comment s’appelle ce logis :

HLM … Habitations Latines Mélangées

A noter la première apparition des pirates.

Le tour de Gaule d’Astérix :

Les dessins d’Assurancetourix et Abraracoucix sont définitifs, et pour la première fois Obélix se vexe qu’on dise qu’il est gros. Un peu fort peut-être, mais pas gros. Et Idéfix apparaît, il suit nos amis depuis Lutèce mais n’a pas encore de nom.

Premier d’une longue série de jeux de mots, lors de la première bataille avec les Romains, on entend :

Par Jupiter ! Par Toutatis ! Par Pitié !

Obélix et Astérix montent sur un bateau qui vogue sur la Seine. A bord un couple de Romains. Lui veut les débarquer, son épouse accepte de les garder, ce qui vaut cette phrase d’Astérix :

Allons quoi Romain ! Sois bon comme la romaine !

Pour aller à Lugdunum nos amis volent le char de la Poste Romaine. Ce qui nous vaut cette réflexion du conducteur qui finit attaché et bâillonné :

Je vous promets qu’on n’a pas fini d’en parler de l’affaire du courrier de Lugdunum !

 

Astérix et Cléopatre:

Idéfix est adopté, et d’emblée ce chef-d’œuvre quand Numérobis (d’Alexandrie) arrive au village et rencontre Panoramix qu’il est venu chercher

– Je suis, mon cher ami, très heureux de te voir

– c’est un Alexandrin

Explique Panoramix en le montrant aux autres villageois.

Devant les pyramides, Panoramix fait la leçon à Obélix :

Du haut de ces pyramides, Obélix, vingt siècles nous contemplent !

Astérix à Obélix qui veut emporter un obélisque :

– Non, non et non Obélix ! Cet objet au milieu de la place du village ? Mais ce serait ridicule voyons !

– Nos opinions ne concordent jamais !

Une nouvelle bataille entre nos amis et les légions romaines :

Les légionnaires ont adopté, pour attaquer, la redoutable tactique dite de la « Tortue »

Pour battre en retraite, les légionnaires adoptent l’efficace tactique dite du « Lièvre »

Et quand Cléopâtre demande à Astérix ce qu’il veut en remerciement :

Si un jour vous avez envie de construire autre chose en Egypte, un canal entre la Mer Rouge et la Méditerranée par exemple …

Le combat des chefs:

L’aide de camp explique le principe du combat des chefs :

Si les deux chefs sont de force égale, ils ont le droit de se jeter des ballots à la tête, on dit alors qu’ils sont en ballotage

Une qui vient de loin … Des légionnaires doivent capturer le druide, s’ils réussissent ils seront récompensés, s’ils échouent ils seront consignés. Ce qui donne le dialogue suivant :

– J’aimerais autant être consigné tout de suite …

– MISERABLE VER DE TERRE ! VA, ET JE TE CONSEILLE DE REVENIR VICTORIEUX

– Ca n’a pas marché !

– Eh non ! Le ver n’est pas consigné !

Le rêve d’Aplusbegalix, le chef gallo-romain

Je vais construire des thermes ! Des thermes à péage ! Tous les trois mois les Gaulois paieront les thermes !

Les romains en patrouille reçoivent sur la tête une marmite qui sent le poisson. Exclamation du centurion :

Ils se souviendront de la marmite de poisson.

Astérix chez les Bretons :

Un des monuments de la série. Il serait fastidieux de relever toutes les traductions mot à mot de l’anglais vers le français, cet album est génial d’un bout à l’autre. Reste Jolitorax qui file en barque vers la Gaule :

Jolitorax a été élevé dans la tribu des Cambridges qui sont, avant tout, d’excellents rameurs.

Et on pourra retenir ces explications limpides d’Obélix à propos du Breton Jolitorax cousin germain d’Astérix :

C’est un Germain breton, mais il ne faut pas le secouer trop fort même s’il le demande.

Astérix et les Normands :

Revoilà les injonctions aux Dieux :

Par Thor ! Par Odin ! Par exemple !

Les Normands installent leur campement :

Commencez à creuser les trous pour planter les piquets. De beaux trous normands !

Et le jeune Goudurix essaie d’alerter le village du danger :

Les normands sont à nos portes ! Ils vont tout mettre à feu et à sang ! Ils sont une foule ! Une masse ! C’est un débarquement de la Normandie !

Nous revoilà avec un détournement du grand Jules :

Je ne sais pas ce que Jules César a dit, mais ne pas y aller et ne pas voir, c’est le meilleur moyen de ne pas être vaincus !

Et un autre :

Par Thor ! Par Odin ! Partons !

Astérix qui refuse un banquet proposé par les Normands et leur demande de partir :

Partir c’est nourrir un peu

Astérix légionnaire:

Étonnamment peu de jeux de mots dans ce volume pourtant exceptionnel.

Quand même une image, les pirates qui ont rencontré la galère romaine à ord de laquelle se trouvent Astérix et Obélix, finissent sur un radeau, dans une attitude très « classique », le capitaine a ce dernier commentaire :

Je suis médusé.

Obélix à Astérix qui lui demande s’il se souvient du mot de passe pour rentrer chez Scipion :

oh, tu sais, moi les langues étrangères … et puis, toi tu penses, moi je suis,

Le mot de passe étant bien entendu Cogito, ergo sum.

Le bouclier arverne:

Avec cette excellente, qui risque de ne pas évoquer grand chose aux moins de … quelques années. Dans les thermes où ils ont accompagné leur chef, Astérix et Obélix veulent se baigner. Obélix plonge, vidant une des piscines. Quand le responsable vient voir où ils sont, Abraracourcix, dans la piscine vide, répond à la question « où sont tes Gaulois » en montrant celle d’à côté où sont allé nager les deux compères :

Mes Gaulois sont dans la pleine.

Pour une fois, un nom. Le Tribun envoyé par César s’appelle Tullius Fanfrelus, ce qui ne veut rien dire, sauf dans la bouche des Arvernes (rappelons que ce sont les auvergnats) où il devient Fanfreluche.

Sauf erreur de ma part, dans les trésors ramenés de ses campagnes par César, il y a dans un coin le Faucon Maltais.

Et cet échange entre le tribun qui ne trouve pas le bouclier de Vercingétorix et César :

– Nous n’avons pas de souvenirs de la Guerre des Gaules.

– Sans commentaires.

Revoilà César et son sens de la formule :

Bon. Veni, Vidi, et j’ai compris.

Astérix aux jeux olympiques :

A un nouveau légionnaire qui demande qui est Cornedurus, le champion de la garnison :

On voit bien que tu es un bleu Deprus.

Le dit Cornedurus à son centurion, Mordicus, qui lui demande de ne pas le laisser tomber :

Ne crains rien, je te soutiens Mordicus

A propos d’Assurantourix qui vient de prendre une beigne parce qu’il voulait chanter :

– Qu’est-ce qu’il a ?

– Je pense qu’il a dû rater une marche

Un athlète grec qui se plaint de l’ordinaire, avec les romains qui bâfrent à côté :

Si vous voulez des jeux, donnez-nous du pain

Pour le défilé des athlètes grecs Gosciny c’est surpassé :

Cela commence par le défilé des Thermopyles, ils sont suivis par ceux de Samothrace, sûrs de la victoire ; ceux de Milo sont venus aussi … ceux de Cythères viennent de débarquer ; ceux de Marathon arrivent en courant ; ceux de Macédoine sont mélangés, Spartiates sont pieds nus … Rhodes n’a envoyé qu’un seul représentant, un colosse.

Et ça continue avec le départ de la course :

Pour donner le départ, un officiel invoque le nom du fils du Dieu Hermés … PAN !

Et pour finir, alors que les athlètes romains ont bu de la potion truquée et ont la langue bleue :

Je souhaite que notre langue reste une langue vivante.

Astérix et le chaudron:

Pas le meilleur de la série, et peu de chose si ce n’est à propos du collecteur d’impôts qui après une première visite dans le village bien connu n’est jamais revenu :

– Et il n’est jamais revenu ?

– Jamais ! Donc pas de revenu, pas d’impôts !

Astérix en Hispanie:

Cette fois le village est au complet avec Agecanonix, Ordralfabetix le poissonnier et Cétautomatix le forgeron.

Et il y a de sacrées perles, dont une des plus belle. Lors du triomphe de César à Rome, un barbare rouquin prisonnier applaudit émerveillé. D’un geste auguste César le libère ce qui fait dire à deux spectateurs :

– Que fait César ?

– Il affranchit le rubicond.

En arrivant en Hispanie, pour ramener Pepe, le fils du chef qui résiste, nos amis tombe sur des files de chariots de vacanciers qui vont en Espagne pour le soleil et parce que le cours de la sesterce est avantageux, quoique, dit l’un, les prix ont monté depuis l’année précédente. Ce qui lui fait dire :

Tous les étés les ibères deviennent plus rudes.

Pour passer la frontière sans passer devant les légionnaires, il leur faut un guide. C’est un vaccéen qui les fera passer, ce qui fait dire à Obélix :

Je ne savais pas qu’il fallait un vaccéen pour entrer en Hispanie.

La zizanie :

D’entrée de jeu :

A Rome, dans le sénat, le vieux sénateur Stradivarius, de sa voix bien modulée habituée à faire vibrer les foules

Et cette tactique militaire limpide :

L’arrière-garde n’a pas fait son travail, ce qui a transformé l’avant garde et arrière-garde. Retourne en arrière et en avant !

Le domaine des Dieux :

Une des plus connues vient de cet album. Astérix vient de donner la potion aux esclaves qui construisent le domaine. Un gardien vient crier sur le chef des esclaves qui est un numide et prend une énorme baffe. Commentaire :

Il ne faut jamais parler sèchement à un Numide.

Et juste après, quand les légionnaires tentent de mater la révolte des esclaves :

Sonnez l’alerte !! C’est une guerre servile !

Échange entre le maître et l’esclave :

– Est-ce clair esclave ?

– C’est dur à admettre, maître.

Et ça continue vite après avec un Gosciny décidément très en forme : Les gaulois font repousser, le jour, les arbres que les esclaves déterrent la nuit. Le problème est que les esclaves ne seront libres qu’une fois le Domaine construit, ils viennent donc plaider leur cause auprès des gaulois. Qui voient un problème :

– En arrachant les arbres vous faites de la peine à Idéfix, aux sangliers

– Aux corneilles

– Oui, c’est un problème cornélien, entre autres.

Les lauriers de César

Entendu au marché des esclaves pour vanter la marchandise

Suivez mes Thraces, Suivez mes Thraces

Une un peu tirée par les cheveux. Chez un romain dont le fils tient une belle cuite. Le père l’appelle pour venir manger. Dialogue

– Je serais mieux allongé sur ma cubile, mais …

– Le fait d’avoir décubilé ne te donne pas le droit d’être mal élevé.

Astérix en Corse

Alors que tous les clans corses se rassemblent pour l’attaque d’Aleria, et en se souvenant que les cris de ralliement des chefs corses ressemblent à s’y méprendre à celui du cochon sauvage (au moins pour Obélix), cette tirade de Ocatarinetalabellatchixtchix :

Oui, c’est une grande armée. Ils sont tous là, mes grognards … Regardez là-bas, la colonne qui arrive en retard … Ah, Osterlix son chef a du mal à se lever tôt …

C’est qu’il est célèbre chez nous le sommeil d’Osterlix.

Et ce commentaire des papis qui regardent la bataille :

Ca se termine d’ailleurs. La garde se rend mais ne meurt pas.

Le cadeau de César

Pas le plus inspiré, mais quelques vannes quand même. Un légionnaire part à la retraite avec en cadeau un lopin de terre du côté de Nice :

J’ai un lot près de Nicae je vais y faire pousser des salades.

Cette réplique d’Astérix qui, pour une fois, se bat à l’épée avec un romain qui lui dit qu’il a un gros nez :

Ce n’est pas très drôle Romain ! Tu aurais pu dire c’est un Menhir ! Que dis-je, un menhir ? C’est un dolmain !

Après deux volumes ratés (à mon humble avis), la grande Traversée et Obélix et compagnie, Gosciny retrouve son humour dans son dernier Astérix :

Astérix chez les belges :

Échange entre nos amis et les belges :

– Ce n’est pas très accidenté chez vous !

– Oué, dans ce plat pays qui est le mien, nous n’avons que des oppidums pour uniques montagnes.

Quand deux chefs belges se disputent la langue de sanglier, une épouse commente

Il y a toujours un problème de langue entre ces deux castars là !

Au sénat, un sénateur tente d’attirer l’attention de César sur des cultivateurs près de Pise :

Les planteurs de Brassica de la région de Pisae sont dans une situation angoissante dur à la sécheresse persistante. Nous devons nous pencher sur Pisae.

Et quand le repas servi avant la bataille contre les légions de César est composé d’un simple Waterzzooie :

Waterzoobie ! Waterzoobie ! Waterzoobie ! Morne plat !

Voilà, et après malheureusement, plus de Gosciny.

 

Quelques BD

Ca faisait un moment que je n’avais pas causé BD, essentiellement parce que je n’avais pas essayé grand-chose de nouveau. Revoici donc, avec malheureusement une petite déception française, puis de très bonnes choses et un énorme coup de cœur.

La déception, non ce n’est pas le dernier Astérix (là ce n’est pas une déception, c’est une catastrophe, je l’ai trouvé indigent), c’est le volume 4 des Vieux Fourneaux : La magicienne, toujours de Wilfrid Lupano et Paul Cauuet.

VieuxFourneaux

Ça bataille ferme autour du village : L’entreprise locale a déposé un permis pour s’agrandir, permis accordé, mais depuis ça bloque, on a trouvé une espèce de sauterelle protégée sur le terrain en question qui a été transformé en ZAD. L’occasion pour les papis de la troupe Ni Yeux Ni maîtres de venir foutre le bordel, et d’appuyer les zadistes. Antoine lui est favorable à l’extension qui pourrait créer un peu de boulot, et Sophie qui se débat avec son théâtre de marionnettes, n’est pas insensible au charme d’un beau biologiste, et essaie de faire réparer son toit.

A priori, tous les ingrédients sont là. La mauvaise foi des uns et des autres, les papis indignes, les dialogues du bistrot, et la possibilité de mettre le souk. Et pourtant la mayonnaise ne prend pas, il manque un fil conducteur un peu tendu, il manque de la matière, tout se dénoue trop vite et trop facilement, grâce à un personnage qui n’a pas d’épaisseur. On arrive à la fin beaucoup trop vite avec l’impression d’avoir lu un épisode de transition. C’est certain, ou sourit souvent, on passe un bon moment, mais cela reste un cran en dessous des trois premiers.

Passons à ce qui est très bon :

Le premier … N’est pas une série. The private eye, de Brian K. Vaughan, Marcos Martin et Muntsa Vicente. Dans un futur plus ou moins proche, internet n’existe plus. Suite à une « explosion » du cloud, qui rendit publiques toutes les données privées, le chaos qui s’ensuivit a poussé les gouvernements à interdire internet et à mettre en place des mesures drastiques : Respect total de la vie privée, tout le monde se déplace avec un masque et se cache derrière un pseudo.

Seule une presse autorisée peut enquêter sur les gens. Détective privé (assimilé à paparazzi) est un des métiers les plus interdits et les plus infamants qui soit. C’est pourtant un Private Eye que nous allons suivre dans une affaire on ne peut plus classique : un jour une cliente entre dans son bureau. Sous le masque, une beauté fatale, qui lui demande, étrangement, d’enquêter sur elle-même, pour voir si sa vie privée est bien privée. Avant même le début de l’enquête, la cliente est tuée, et tout part en vrille.

The_Private_Eye

Excellente œuvre qui métisse un point de départ classiquissime (Un privé qui effectue une recherche pour une femme fatale qui meurt assassinée, et se retrouve ensuite client de la sœur de la victime), avec un monde de SF passionnant qui pose tout un tas de questions. Et s’offre le luxe de ne pas apporter de réponses, laissant le lecteur à sa réflexion.

Le fond de l’histoire nous interroge donc sur notre rapport à internet, à la perte de vie privée, en ayant la malice et l’intelligence de mettre en scène des jeunes horrifiés par l’étalage d’intimité qu’était internet avant l’explosion du cloud face à un grand-père nostalgique de l’époque des Ipad et des Iphone.

On réfléchit donc, mais pas tout de suite. Dans un premier temps, on est surtout embarqué par l’histoire policière, parfaitement rythmée et magnifiquement illustrée, dans des tons flashy, où les fonds unis et très colorés répondent aux masques des personnages. Superbe, prenant et intelligent.

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Pour la suite, malheureusement, vous allez me haïr, parce qu’on attaque de nouvelles séries (nouvelles pour moi, elles en sont à plusieurs épisode déjà traduits).

EastWest 01La première, East of West de Jonathan Hickman et Nick Dragotta est un excellent divertissement.

Quelque part dans le désert trois personnages émergent des sables. Ils auraient dû être quatre. Ce qui veut dire que Mort, le quatrième cavalier de l’Apocalypse leur a fait faux bond, et est devenu l’ennemi. Nous sommes dans une Amérique étrange : une météorite a mis fin à la guerre de Sécession, le pays en a été changé. Trois siècles plus tard, il est divisé en sept Nations dont les chefs, secrètement inféodés aux trois cavaliers restants, préparent la fin du monde.

C’est dans une esthétique de western spaghetti futuriste que les différents protagonistes vont s’affronter, et que l’on va découvrir (j’espère) petit à petit, ce qui anime les uns et les autres.

EastWest 02

Il y a (sauf erreur de ma part), 7 volumes publiés en France, j’en ai lu que 2, je ne peux donc proposer qu’un avis partiel. Première constatation, j’aime beaucoup le mélange de SF et de western, avec, s’il vous plait, une pincée de fantastique. C’est riche, et cela permet au dessinateur d’explorer quantité de décors, de cadrages, de personnages. De ce côté c’est un vrai plaisir.

La contrepartie étant qu’au début il faut s’accrocher. Le scénario multiplie les personnages, rien (ou très peu) n’est expliqué, et il faut accepter d’avancer à l’aveugle pendant une bonne partie du premier volume. Alors on commence à s’y retrouver, ce qui ne veut pas dire qu’on comprenne vraiment de quoi il retourne, mais on est moins perdu.

Une autre contrepartie étant que, si les thématiques et les personnages sont très très nombreux, cela se fait un peu au détriment de leur épaisseur. Moins d’émotion donc, mais plus de rebondissements. Au final, c’est beau, très accrocheur dans l’intrigue, et il me tarde de retourner chez mon dealer de BD pour attaquer la suite.

Je termine avec le coup de cœur, encore pour une série, de pure SF cette fois : Descender de Jeff Lemire et Dustin Nguyen.

descender 02Un jour, sans raison compréhensible, de gigantesque robots, surnommés les Moissonneurs sont apparus dans le ciel des neuf planètes du Conglomérat Galactique Unifié. Puis sont passés à l’attaque, ont tout dévasté, avant de disparaître, toujours sans raison. Dix ans plus tard, dans des mondes tentant de se reconstruire, de nombreux groupes se sont lancés dans une opération d’anéantissement des robots.

Le récit commence avec le réveil, sur une lune déserte, de Tim21, un petit robot en sommeil depuis plus de dix ans. Il a été conçu pour tenir compagnie à un jeune garçon, et devient l’objet le plus convoité du CGU : Sa signature de construction est la même que celle des Moissonneurs. La course est lancée pour le récupérer, entre des groupes qui ont des intérêts contradictoires.

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Magnifique début de série, dont je n’ai pour l’instant lu que 2 volumes sur les 4 disponibles en France. D’emblée l’intrigue accroche le lecteur qui avec les personnages, va chercher à comprendre d’où viennent ces Moissonneurs, et s’ils risquent de revenir. Des personnages inoubliables, les robots en tête, que ce soit le très humain Tim21, où les deux qui l’accompagnent, mais également tous ceux qui leur courent autour, chacun avec ses intentions cachées, ses secrets inavouables, ses fêlures.

descender_04Rien que pour ça, on a envie de continuer. Mais que dire des dessins ?

Le choix de l’aquarelle, à priori pas évident pour peindre des machines, des vaisseaux spatiaux et des robots, se révèle génial. Il adoucit l’histoire, met de la lumière et de la clarté dans les pages, se concentre sur les regards, les expressions, jetant un flou magnifique sur les décors. Les planches sont absolument superbes, au point que je suis retourné plusieurs fois en arrière juste pour les regarder, moi qui suis en général un lecteur vorace qui fonce au travers des histoires. Magique.

Wilfrid Lupano (scénario) Paul Cauuet (dessin) / Les vieux fourneaux : La magicienne (T4) Dargaud (2017).

Brian K. Vaughan (scénario), Martin Marcos (dessin) et Muntsa Vicente (couleur) / The private eye (The private eye, 2013), Urban Comics (2017), traduit de l’anglais (USA) par Jérémy Manesse.

Jonathan Hickman (scénario), Nick Dragotta (dessin) et Frank Martin Jr. (couleur) / East of West / La promesse (Tome 1) (The Promise, 2013), Urban Comics (2014), Nous ne sommes qu’un (Tome 2) (We are all one, 2014), Urban Comics (2014), traduits de l’anglais (USA) par Jérôme Wicky.

Jeff Lemire (scénario) et Dustin Nguyen (dessin) / Descender / Etoiles de métal (Tome 1) (Tin stars, 2015), Urban Comics (2016), Lune mécanique (Tome 2) (Machine Moon, 2016), Urban Comics (2016), traduits de l’anglais (USA) par Benjamin Rivière.

PS. Juste pour le plaisir quelques dessins juste pour me faire engueuler par la ministre de la santé. On pensait avoir touché le fond de la bêtise politique avec les Morano, Estrosi et compagnie, ben non, visiblement certains continuent à creuser.

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Un nouveau Sandman

Je pensais la série Sandman de Neil Gaiman terminée, et là, cadeau de Noël, un tout nouvel épisode : Ouverture.

Ce nouvel ouvrage se situe avant le premier de la série originale. Il se termine par la capture de Sandman, épuisé, qui revient d’une quête qui va le mettre en relation avec son père et sa mère, le voir affronter une étoile folle et tenter d’empêcher la disparition de l’univers.

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Pour une fois, je ne vais pas insister sur le scénario du génial Neil Gaiman. Car je dois avouer que, pour la première fois j’ai eu un peu de mal à suivre et que je ne suis pas certain d’avoir saisi tous les tenants et aboutissants de cette quête de Dream. Alors que dans toute la série j’ai toujours été scotché par l’art du maître et l’incroyable facilité avec laquelle il tisse ses histoires, mêle mythes, personnages historiques et inventions propres, cette fois certains passages m’ont laissé perplexe.

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Mais, car il y a un mais, cette BD est époustouflante de beauté. Toutes les pages, sans exception sont hallucinantes. Explosions de couleurs, noirs et blancs magnifiques, montages et cadrages toujours changeants et somptueux. On peut ouvrir la BD n’importe où, faire quasiment abstraction du texte (dont même la mise en bulle est magnifique) et se régaler.

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Un cadeau de Noël superbe, même pour qui n’est pas forcément fan de la série. Indispensable pour les fans. Seule restriction, ce n’est pas forcément par ce numéro qu’on entre le plus facilement dans cet univers fabuleux.

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Neil Gaiman (scénario), J.H. Williams (dessin), Dave Stewart (couleur)/ Sandman : Ouverture (Sandman : Overture, 2013-2015), Vertigo/Urban comics (2016), traduit de l’anglais par Patrick Marcel.

 

Tout sur ma mère

Après la découverte du magnifique L’art de voler d’Antonio Altarriba et Kim, j’avais pisté la sortie de L’aile brisée, le volet consacré à sa mère. Et comme je savais qu’ils venaient tous les deux pour Toulouse Polars du Sud, j’ai attendu, sagement, pour l’acheter et me le faire dédicacer.

altarriba-01Pozuelo del orden, tout un programme (le petit puits de l’ordre !), un village complètement perdu de Castille. Sofia meurt en donnant naissance à Petra. Fou de douleur le père, Damian, veut tuer le bébé, mais des parents l’en empêchent. Dans la bagarre le bras de la petite est cassé, elle ne pourra plus jamais le plier.

Bien des années plus tard, Antonio Altarriba, le fils de Petra, découvre sur son lit de mort le handicap de sa mère. Il ne s’en était jamais aperçu, le mari non plus. Il va remonter le temps pour essayer, bien tardivement, de comprendre cette femme qui fut sa mère qu’il avait toujours vu comme une bigote sans histoire. Une recherche dans une Espagne qu’il ignore autant qu’il « connaît » celle de son père (celle, sociale, des vaincus de la guerre), l’Espagne monarchiste et catholique.

« Et votre mère ? » demanda une femme au fond de la salle. C’est ainsi, explique Antonio Altarriba, qu’il s’aperçut qu’il ignorait tout de la vie de sa mère, qui était toujours restée dans l’ombre, qui pour lui n’avait pas eu une vie romanesque, à l’inverse d’un père témoin privilégié et victime des soubresauts de l’histoire espagnole. Au point de découvrir, à quelques jours de sa mort, qu’elle avait toujours eu un bras paralysé.

Après l’Espagne des vaincus de la République c’est celle, silencieuse, des femmes servantes, bigotes, tenues pour quantité négligeable qu’on découvre ici avec lui. Le dessin très sobre mais sans concession de Kim est en parfaite adéquation avec la vie de cette femme, soumise d’un côté, mais inflexible sur des valeurs (que l’auteur ne partage pas forcément), et finalement plus courageuse qu’il ne pouvait l’imaginer.

Et avec cette vie de femme, c’est une autre Espagne que l’on découvre, ainsi que l’histoire, totalement inconnue (au moins de moi) d’une frange qui, après avoir été du côté de Franco lors de la guerre, a comploté pour remettre le roi à la tête du pays et a payé cela de sa vie. Des hommes et des femmes qui, tout en ayant des valeurs très différentes de celles de l’auteur (et des miennes !) méritent le respect pour leur cohérence et leur humanité.

Bref, L’art de voler et L’aile brisée sont bien deux œuvres complémentaires et indispensables pour qui s’intéresse à l’histoire de l’Espagne au XX° siècle. Deux œuvres qui, comme le dit souvent Victor del Arbol, s’intéressent à ces personnages que l’on voit sur les photos mais dont on ne connaît jamais les histoires.

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Antonnio Altarriba (scénario) Kim (dessin) / L’aile brisée (El ala rota, 2016), Denoël Graphic (2016), traduit de l’espagnol par Alexandra Carrasco.

Pour rester de bonne humeur

Le programme de ce matin sur France Culture (oui, j’écoute France Culture dans ma voiture le matin, je suis un abominable bobo), m’a donné envie de vous remettre une couche sur quelques BD.

La thématique ? La vérité compte-elle encore en politique. Bon poser la question est déjà assez rigolo … mais comme souvent sur cette radio, et même si je n’aime guère l’animateur que je trouve beaucoup trop bavard, il y avait des invités intéressants qui avaient le temps de développer. Et de montrer, en l’occurrence, que oui, le mensonge en politique remonte à la plus haute antiquité comme disait l’autre, mais qu’avec Trump ou la campagne du Brexit entre autres on était passé à une autre dimension.

Ellis TransUne dimension déjà prévue et somptueusement mise en scène par Warren Ellis et Darick Robertson à la fin des années 90 dans le génial Transmetropolitan. Si vous voulez savoir à quoi pourraient bien ressembler les années à venir, je vous conseille d’attaquer les cinq volumes sans tarder. C’est méchant, férocement drôle, scatologique, explosif, jouissif … Et prémonitoire.

Et puis comme il a été question, entre autres, de croyance, et de comment, face aux mensonges éhontés de certains, toute tentative de démonter le mensonge ne fait que renforcer la croyance des fanatiques, ben j’ai pensé à une autre BD géniale, Preacher, de Garth Ennis et Steve Dillon. Je vous avais causé du numéro 1 de l’intégrale. Je m’étais rué sur les volumes 2 et 3, et le 4 est paru fin août.

Preacher 01Ca tape toujours aussi fort sur mes amis les curetons, avec un descendant de Jésus pas piqué des hannetons, une espèce de pape dont vous me direz des nouvelles, et les « biographies » des certains personnages qui s’étoffent. On retrouve le délicieux Tête de Fion qui devient une star, des vrais fachos croyants comme on les aime, c’est parfois gras mais putain que c’est bon !

Voilà, c’était la bonne humeur rageuse de la journée …

 

Mes bien chers frères …

A Bédéciné, ils ont Kti pour la SF, et ils sont aussi de très bon conseil pour les comics. Après l’immense Transmetropolitan, ils m’avaient conseillé Fables, bonne pioche. Et là, pour mon anniversaire, mais chers petits m’ont offert une autre merveille, Preacher de Garth Ennis et Steve Dillon. Le grand pied !

Jesse Custer est le Preacher d’une bourgade merdique au Texas. Il boit pour oublier (oublier quoi, on le saura en lisant …) jusqu’au jour où Genesis, une entité divine fruit de la copulation entre un archange et une démone s’échappe du ciel et vienne s’unir à lui (cramant au passage 200 fidèles).

Jesse Custer a maintenant la Voix de Dieu, tout le monde lui obéit automatiquement. Et avec l’aide d’une tueuse à gage (qui fut sa femme avant qu’il ne devienne pasteur) et d’un vampire irlandais porté sur la bibine, il va fuir les autorités et un tueur inquiétant envoyé par le Ciel, rechercher Dieu pour lui dire sa façon de penser, et régler ses comptes avec une famille pénible.

Et au passage croiser Tête de fion, un tueur en série et quelques bandes de bouseux attardés et agressifs. Tant pis pour eux, faut pas chercher Preacher.

Preacher 01

« OK, c’est pas le genre de BD que tu feras lire à ton prêtre local, mais le clergé chercherait même la bagarre dans une salle vide, de toute façon. Alors à tous les télévangélistes, les réactionnaires et les associations de parents : laissez-moi tranquille et je ferai de même. Moi, je n’essaie pas de vous apprendre à arnaquer les bouseux crédules pour qu’ils vous filent leur économies … » C’est un tout petit bout de la présentation par l’auteur dans le premier épisode, vous voilà avertis.

Pour parler aux habitués de ce blog qui s’y connaissent sans doute plus en polars et SF qu’en BD américaines, Preacher, au niveau scénario et dialogues ce serait les délires et l’imagination du duo Gaiman-Pratchett associés à la « poésie » de Pine et Collins de Lansdale … Et pour les moins jeunes, c’est aussi trash et sans limite que, par exemple, le Rank Xerox de ma jeunesse (pour ceux qui ne connaissent pas, je vous laisse chercher sur internet).

Fin des références. C’est ordurier, jouissif, explosif, inventif, trash, totalement incorrect … Il y a du rythme, de l’invention, du suspense, de l’humour, de la rage … Et de belles histoires d’amour et d’amitié. Les dessins sont à la hauteur :

Preacher_03

J’ai dévoré ce premier volume qui reprend les 12 premiers épisodes (il y en a 66 en tout), je vais me ruer (enfin me ruer dès que j’ai le temps), chez mon fournisseur pour acheter le 2 et le 3 qui semblent déjà sortis. Et je me prépare quelques heures d’intense jubilation.

Au passage, je remarque que tous les scénaristes de comics qui m’emballent et que je ne peux pas encore mettre entre les mains de mes mômes, à l’exception de celui de Fables qui est « mignon » à côté des autres sont british : Neil Gaiman, Alan Moore, Warren Ellis et maintenant Garth Ennis

Garth Ennis (scénario) et Steve Dillon (dessin) / Preacher (Volume I) (Preacher, 1995 …), Vertigo/Esssentials (2015), traduit de l’anglais (Irlande) par Jérémy Manesse.

Fables, j’ai fini, snif.

En fin d’année dernière je vous parlais de la série Fables découverte grâce à mon libraire BD. Je venais de démarrer et je me réjouissais qu’il y ait 25 volumes. En fait il y en a 23, et malheureusement c’est fini, j’ai tout lu, et je regrette déjà leur compagnie.

Fables 4Si vous vous souvenez, les Fables existent et ont été chassées de leurs différents royaumes par un envahisseur mystérieux. Elles ont trouvé refuge dans le dernier monde qui lui résiste, celui des communs, à savoir le nôtre. Et grâce à la magie (entre autres) leur présence à Fableville (dans New York), et dans leur ferme est restée cachée à nos yeux.

Alors des volumes 4 à 23 que se passe-t-il ? L’envahisseur va être identifié, combattu, battu même, mais suite à cela de nouveaux adversaires, tout aussi redoutables vont apparaître. Les fables orientales vont faire leur apparition, le Fables 3choc avec New York va faire mal … certains vont essayer de reconstruire, d’autre de détruire, les rivalités vont s’exacerber, le Grand Méchant Loup (mon personnage préféré) va avoir à faire à sa famille, et en particulier à son père, Cendrillon va se révéler d’une efficacité redoutable, des enfants vont naître, d’autres vont mourir … Bref, 20 volumes foisonnants, éblouissants, inventifs qui finissent par faire de ces Fables que nous connaissons pour la plupart depuis notre enfance des personnages familiers et très proches de nous, à la manière d’un Montalbano ou d’un Charlie Parker !

Au longs de ces volumes, la saga sait être drôle, pétillante, sinistre, angoissante, touchante … On passe par toutes les émotions et on en redemande.

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Je ne vous dirai pas qu’il n’y a aucun passage à vide. Certains albums sont un peu plus faibles, ou certaines parties d’album, mais comment maintenir une inspiration au sommet autant de temps ? Mais ça redémarre toujours, et on referme le volume 23, qui se conclue par quelques planches sur le devenir des personnages principaux avec un gros pincement au cœur.

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A titre d’info, mon grand de 14 ans les a tous lus, dévorés même. En fait il me les piquait dès qu’ils arrivaient à la maison et c’est lui qui a fini avant moi ! Pour toute la famille donc, pour le plaisir jouissif de voir les personnages de contes s’émanciper et ressembler davantage à une version revue par Tex Avery ou les frères Coen que Disney !

Bill Willingham (scénario) et / Fables Tomes 1 à 23, Vertigo/Urban Comics (2015), traduit de l’anglais par Nicole Duclos.

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Allende et Pinochet

Dernier cadeau de Noël dont je n’avais pas encore parlé, une BD au titre intrigant : Maudit Allende ! de Jorge González et Olivier Bras.

Allende11 septembre 1973, Salvador Allende est renversé par le coup d’état de Pinochet. Le monde entier s’émeut et pleure. En fait non, pas le monde entier. Le jeune Leo a sept ans, ses parents, chiliens, sont partis travailler dans des mines d’Afrique du Sud avant l’accession d’Allende au pouvoir. Pour eux Pinochet est un héros qui a sauvé le pays de l’horreur communiste.

25 ans plus tard, Leo est à Londres quand Pinochet y est retenu, Baltazar Garzón veut le faire juger pour ses crimes. L’Angleterre et Thatcher vont tout faire pour qu’il puisse rentrer chez lui. L’occasion pour Leo de revenir sur toute l’époque et mettre en doute les convictions familiales.

Pour quelqu’un qui, comme moi, a grandi dans une famille abonnée à L’Humanité et Révolution, qui a vu, à Bayonne, un des premiers concerts des Quilapayun en exil en France, une famille où on écoutait, en plus des chiliens, Paco Ibañez et Jean Ferrat (entre autres), sans oublier d’aller voir Missing au cinéma … Disons que je n’ai pas appris grand-chose.

Mais elle est très belle cette BD. Avec des choix esthétiques passant de la BD classique à de magnifiques aquarelles. Reprenant avec bonheur quelques photos devenues légendaires, sachant aussi bien montrer que suggérer.

Et elle présente l’intérêt de s’approcher au plus près des deux figures mythiques de cette histoire : Salvador Allende, le héros, Augusto Pinochet, le monstre. Qui, vus de près, deviennent des hommes. Des hommes avec un entourage, des hommes qui peuvent avoir, en privé, une attitude et une image différentes de l’image publique.

Elle présente également l’intérêt de décrire l’itinéraire d’un jeune homme qui prend conscience, bien des années après les faits, de l’histoire de son pays. Elle montre comme on est conditionné par ce qu’on a appris plus jeune, mais comment on peut désapprendre, sans forcément se mettre à haïr une famille finalement assez ordinaire.

Et pour ceux qui ne connaissent pas bien cette période, avec assez peu de textes, de très belles images, et une grande variété graphique, vous saurez tout sur l’arrivée d’Allende au pouvoir, sur le coup d’état, sur l’appui du gouvernement et des sociétés privées américains à Pinochet, sur le soutien, jusqu’au bout de la mère Thatcher au dictateur, sur les espoirs et répressions etc …

Une BD belle et passionnante, hautement recommandable pour tous donc.

Olivier Bras (scénario) Jorge González (dessin) Maudit Allende ! Futuropolis (2015).

Du grand journalisme illustré

Encore un beau cadeau de Noël. Celui-là je l’avais repéré sur le site de bibliobs. C’est Cher pays de notre enfance de Benoît Collombat et Etienne Davodeau.

DavodeauLe 3 juillet 1975 le juge François Renaud est assassiné à Lyon. Il enquêtait, entre autres, sur le hold up de l’hôtel des postes de Strasbourg, un butin énorme. Il était sur la piste du SAC, Service d’Action Civique, service d’ordre gaulliste et en même temps repère de truands.

Le 30 octobre 1979, le ministre Robert Boulin se « suicide » dans trente centimètres d’eau. Gaulliste historique, résistant, il avait des dossiers sur le … SAC.

Aucune de ces deux affaires n’a été éclaircie. Les proches des victimes, ceux qui ont enquêté, tous ont été menacés.

Benoît Collombat, journaliste à France Inter n’a jamais lâché ses investigations sur ces deux meurtres. A partir de 2014, Etienne Davodeau va le l’accompagner, et faire un documentaire dessiné reprenant leurs discussions et les différentes interviews des témoins de l’époque.

Une BD documentaire sur les côtés sombres des années 70-80, du RPR, du gaullisme, de la françafrique, un véritable travail de journalisme illustré.

Attention, ce n’est pas Spirou, ce n’est pas la BD qui se lit rapidement en 30 minutes entre le fromage et le dessert (et je n’ai rien contre Spirou). C’est dense, documenté, et absolument passionnant, en même temps que très frustrant. Frustrant de voir une impunité totale, une impunité qui dure plus de 35 ans après les faits.

Le dessin d’Etienne Davodeau suit les rencontres au plus près, arrive à mettre quelques, rares, touches d’humour. Avec une mention spéciale à la superbe couverture, subtile et implacable.

Une BD à lire absolument, pour se faire une idée un peu plus complète du Cher pays de notre enfance, ce pays des droits de l’homme, une idée sur une classe politique donneuse de leçons qui est ici montrée, soit complice, soit impuissante.

A lire au risque d’avoir un peu envie de vomir.

Benoît Collombat (scénario) Etienne Davodeau (scénario et dessin) Cher pays de notre enfance Futuropolis (2015).

Les pépés aiment la castagne

Ca faisait un moment que ces BD me faisaient de l’œil, et un moment que je résistais, bêtement. J’ai profité de Noël pour suggérer quelques cadeaux (en évitant soigneusement les polars !) et me voilà l’heureux possesseur des trois volumes de la série Les vieux fourneaux de Lupano et Cauuet.

VieuxFournaux02Mimile, Antoine et Pierrot, trois copains de toujours, qui ont fait les 400 coups il y a longtemps, très longtemps. Antoine le syndicaliste, Pierrot l’anarchiste, Mimile le voyageur.

Ils se retrouvent à l’occasion de la mort de Lucette, la femme d’Antoine, et ne vont alors plus trop se quitter, imposant leur présence à Sophie, la petite fille d’Antoine, très proche de feu sa grand-mère qui vient de se retirer à la campagne.

VieuxFournaux03La mort de Lucette, les retrouvailles … suscitent des révélations vont faire remonter un passé pas toujours reluisant mais toujours combattif et les trois vieux fourneaux vont montrer, à la campagne et à la ville, qu’ils sont encore capables de chauffer dur. Quitte à exploser de temps en temps.

« Mourir, la belle affaire, mais vieillir … ô vieillir ». Si c’est vieillir comme ces trois zigotos, je signe tout de suite !

Quelle énergie, quelle patate dans ces trois BD et leurs protagonistes. Ils sont enthousiasmants, horripilants, généreux, mesquins, excessifs, puérils, sages … Ils pètent le feu, même quand le coup de barre leur tombe dessus. Et ils ne lâchent jamais. Fidèles à leurs rêves, leurs valeurs, leurs amis et même leurs conneries.

VieuxFournaux01Quel bol d’oxygène que ces BD, quel encouragement à ne jamais céder face aux cons.

Et pourtant, ce ne sont ni des enfants de cœur, et ils n’ont pas de quoi être fiers de tout ce qu’ils ont fait. Mais ils vivent bordel, et ils luttent. Parfois mal, parfois à côté de la plaque, ils peuvent être excessivement pénibles et assez cons, mais ils vivent !

Le scénario a le feu sacré, le dessin est aussi explosif que les papis, un vrai régal.

Merci les Vieux fourneaux pour cette leçon, et vivement le quatrième volume. Puissiez-vous ne jamais passer l’arme à gauche.

Wilfrid Lupano (scénario) Paul Cauuet (dessin) / série Les vieux fourneaux : Ceux qui résistent (T1) Dargaud (2014 ?). Bonny et Pierrot (T2) Dargaud (2014), Celui qui part (T3) Dargaud (2015).