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Matthias Tannhauser à Paris

Me rv’là.

Je me réservais le pavé pour les vacances. Avalé en quelques jours ! Quel pavé ? La suite très attendue des aventures de Mattias Tannhauser, Les douze enfants de Paris de grand Tim Willocks.

WillocksAoût 1572, Carla, l’épouse de Mattias Tannhauser enceinte jusqu’au yeux est invitée à aller jouer de la viole au mariage de la sœur du roi avec Henri de Navarre. Mattias, rentré trop tard d’Afrique manque son départ et décide de la rejoindre à Paris. Quand il arrive, c’est la Saint Barthélémy, les haines entre catholiques et protestants ont atteint le point d’explosion. Carla, pour une raison qu’il ignore a été prise dans un tourbillon de complots et il a quelques heures pour la retrouver et fuir une capitale qui sombre dans la folie. Une folie meurtrière dans laquelle Mattias, plus que quiconque est dans son élément.

Bien entendu, une question se pose : Les douze enfants de Paris est-il à la hauteur du choc que fut La religion ? De mon point de vue, non pas tout a fait. Reste-il un roman très au dessus de ce qu’on peut lire ici ou là ? Sans aucun doute.

Ceux qui ont été complètement estomaqués par le précédent se doutent bien que Mattias Tannhauser lâché dans une boucherie de l’ampleur du massacre des protestants lors de la Saint Barthélémy, cela ne peut être que sanglant, très sanglant, avec profusion de tripes, de cris et de fureur. Et là, pas de doute, on n’est pas déçu. Tim Willocks sait très bien faire sentir l’horreur physique du massacre, les odeurs, les hurlements, le côté très charnel de la chose.

On lui fait aussi confiance pour décrire les scène de bataille et de baston, pour donner vie et chair à une multitude de personnages, et pour éclairer les raisons du massacre au-delà de la rhétorique religieuse qui n’est jamais là que pour donner du cœur aux ventre à ceux qui vont mourir :

« Des différences dans les exégèses bibliques, si infimes que seuls quelques évêques les comprenaient, étaient la prétendue cause de la violence entre catholiques et protestants, mais pour Tannhauser de telles causes n’étaient rien de plus que les inventions habituelles grâce auxquelles les élites persuadaient les crédules de mourir et de s’avilir en masse, en leur faveur et à leur avantage ».

Voilà c’est dit dès le début.

Alors pourquoi moins puissant que La religion ? Je sais, plus ou moins, mettre le doigt sur ce qui m’a moins emballé : Dans son déluge de violence La religion a une dimension héroïque et, d’une façon très troublante fait ressentir le « plaisir » que l’on peut ressentir à se camper, dos à dos avec son frère, face à l’assaillant. Très troublante car on y ressent la jouissance de la violence, sa fascination en même temps que son horreur. Ici, rien d’héroïque, comme il le dit lui-même, Mattias ne se bat pas contre des soldats, il égorge des moutons qui se sont pris pour des loups. Pour moi, sans cette fascination trouble, on en arrive à un côté presque répétitif, et c’est moins intéressant car moins ambigu …

Ceci dit, cela reste un grand roman. Avec des scènes et des personnages inoubliables, et que j’ai dévoré en quelques jours, les premiers de tranquillité estivale, avec un immense plaisir. Et au final cette question : reverrons-nous Mattias ?

Tim Willocks / Les douze enfants de Paris (The twelve children of Paris, 2013), Sonatine (2014), traduit de l’anglais par benjamin Legrand.

Frank Bill, Donnybrook

On a découvert Frank Bill l’an dernier avec Chiennes de vie, un recueil de nouvelles qui secouait. Comme un roman était annoncé pour cette année, c’est peu de dire que je l’attendais avec impatience. Par rapport au peu qu’on pouvait connaître de l’auteur au travers de son recueil, Donnybrook surprend, mais ne déçoit pas.

BillQuelque part dans l’Amérique des petits blancs, le chômage fait des ravages, l’alcool et les cristaux de met bon marché n’aident pas. Au milieu de ce nulle part sinistré, un margoulin organise tous les ans des combats clandestins : Vingt combattants, mains nues, et le dernier qui reste debout gagne. Au bout de quelques jours de ce régime, les différents vainqueurs se rencontrent pour la finale. C’est le Donnybrook. C’est là que vont converger : Marine, un pugiliste surdoué et complètement fauché qui doit gagner pour faire manger ses gamins, Angus La Découpe, légende des combats retiré depuis quelques temps qui veut récupérer la dope qu’on lui a volée, Liz, sa sœur, décidée à trahir tout le monde et à butter ceux qui se mettent en travers de son chemin, et quelques autres tout aussi recommandables. La rencontre promet d’être explosive.

Faut r’connaître … C’est du brutal.

Si je suis surpris c’est qu’à la lecture des nouvelles précédemment publiées je m’attendais à un roman très sombre, brutal, et désespérant. C’est certes brutal, très sombre si on regarde sous le vernis, mais pas désespérant du tout tant l’auteur joue la carte de l’outrance. On est plus dans le style Machete, ou de certaines scènes de Kill Bill que dans le social qui tire des larmes.

Alors avertissement, si vous n’aimez pas trop la castagne, le sang et les tripes, les dents qui volent, passez votre chemin. Sinon, ça déménage tellement, les personnages ont une résistance aux gnons tellement absurde, que ça en devient drôle, ou au moins jouissif. On se demande où Frank Bill va s’arrêter, et … Ben il ne semble pas avoir de limites. C’est là que ça devient jouissif. Mieux, le final laisse entrevoir une suite. OUAIS !!!!!!!!!!!!!!!! Comme braillent les gaulois avec fairplay à l’entrée d’Astérix dans l’arène.

Alors certes c’est pas ce qui s’écrit de plus fin, ni de plus nuancé, mais quelle énergie ! Et mine de rien, sous le vernis à la testostérone, la peinture d’une Amérique blanche, pauvre, campagnarde et inculte, qui noie son désespoir dans l’alcool, la drogue et la violence. Une Amérique qui n’a plus d’autre valeur que l’appât du gain et la satisfaction individuelle.

C’est particulier, mais moi je me suis régalé. Et j’attends la suite avec impatience.

Frank Bill / Donnybrook (Donybrook, 2012), Série Noire (2014), traduit de l’américain par Antoine Chainas.

Bob Lee Swagger samouraï

Je continue avec mes chroniques en retard. Après une chronique un peu rose, retour de balancier pour un roman très poil aux pattes parfumé à la testostérone. Un roman que j’avais gardé pour l’avion de retour de vacances. Dans ces cas-là, quand on ne peut pas dormir, rien de tel qu’une bonne série B qui cartonne, fait tourner les pages et ne sollicite pas trop des méninges fatiguées. J’avais le bouquin parfait sous la main (c’est que je suis organisé comme garçon). Le 47° samouraï de Stephen Hunter.

HunterBob Lee Swagger, le sniper, le vétéran du Vietnam à caractère de cochon, fils Earl Lee Swagger autre héros de guerre, ayant participé à cinq débarquements dans différentes iles du Pacifique lors de la seconde guerre mondiale. Au fond de sa retraite de l’Idaho il est contacté par Philip Yano, militaire japonais de son âge : Son père a été tué en 1945 par le père de Bob sur l’île d’Iwo Jima et il est à la recherche du sabre qu’il portait ce jour là.

Bob Lee Swagger retrouve le sabre, et comme il a apprécié son interlocuteur décide de le lui porter en personne. Il ne se doute pas qu’il a entre les mains une pièce mythique qui attire toutes les convoitises et que certain sont prêts à tout pour le récupérer.

Je voulais une bonne série B qui cartonne, j’ai été servi. Si l’on passe sur certains détails de vraisemblance un poil gros, et en particulier sur ce brave Bob Lee qui est certes un guerrier hors du commun, mais qui apprend en une semaine à devenir un champion du maniement du katana … Si donc pour certains détails on accepte de mettre le cerveau en veille, on se régale.

De l’action en veux-tu en voilà, une histoire bien racontée, des scènes de baston toujours aussi efficaces. Une fois de plus Stephen Hunter fait le boulot. C’est ce qu’on lui demande, et c’est très bien comme ça.

Cerise sur le gâteau, j’ai bien aimé la postface où Hunter explique que oui, il s’est renseigné, mais que c’est une œuvre de fiction et que les râleurs de services et autres coupeurs de cheveux en douze (même avec un sabre), peuvent aller … râler ailleurs.

Stephen Hunter / Le 47° samouraï (The 47th samouraï, 2007), Folio/Policier (2013), traduit de l’américain par Guy Abadia.

Ca castagne avec Druss

Je viens de me faire traiter (très gentiment) d’intellectuel bourgeois par le père Leroy. D’ailleurs j’assume, quitte à prendre lourd … Ben l’intellectuel bourgeois, comme tout le monde, a droit lui aussi a sa petite régression, à son moment de retour en arrière, à son quart d’heure de détente. Surtout quand il a la chance d’avoir des minots qui grandissent en lisant. Gaby vient donc de découvrir (j’y suis pour quelque chose) un des bouquins qui, il y a une vingtaine d’année, m’avait enchanté, à savoir Légende de David Gemmell. Je m’en souviens encore, quatre cent pages de castagne, pour une version médiévale de Fort Alamo qui tient en haleine du début à la fin. Du coup, je lui ai aussi acheté Druss la légende … et je lui ai piqué.

gemmell_ drussDruss est un jeune bucheron pas forcément très fin ni très malin, mal à l’aise avec les autres, coléreux et très costaud. Il ne trouve la paix qu’auprès de sa jeune épouse Rowena. Pas de quoi écrire une histoire … Jusqu’à ce qu’une bande de pillards débarque, massacre son village, trucide son père et enlève Rowena en faisant une seule erreur : laisser Druss en vie. Son père mourant a juste le temps de lui révéler la cache où il trouvera Snaga, la hache de son grand-père, tueur de sinistre mémoire. Avec l’aide d’une sorte de justicier, Druss va partir à la poursuite des ravisseurs, et commencer à forger sa légende.

Attention, c’est de la fantasy style poil aux pattes. Beaucoup de castagne, pas beaucoup de personnages féminins (sauf comme moteur des aventures), glorification du courage, de la résistance à la douleur, de la fidélité, humour de vestiaire de rugby … Même s’il a ses zones d’ombres (toutes petites) Druss est le héros dans toute sa splendeur, plus John Wayne que Harvey Keitel ou Christopher Walken. Donc prière de poser la partie du cerveau trop sujette aux pinaillages avant d’ouvrir le bouquin.

Mais, mais … Quel putain de talent de conteur ! Scrogneugneu, je me suis fait attraper comme il y a vingt ans ! Une fois le bouquin ouvert, impossible de le lâcher, je l’ai lu en deux soirées. Pour le pur plaisir de l’histoire, comme un môme, les yeux écarquillé attendant le prochain exploit de l’insubmersible Druss. Il était une fois … et c’est parti.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas, je conseille quand même de commencer par Légende, premier roman de David Gemmell qui raconte la fin de Druss. Parce ce que quand un grand conteur s’empare d’une histoire style Fort Alamo, ça déménage.

Ici, étrangement, j’ai trouvé une forte influence de la série d’Elric de Moorcock (autre grand souvenir de lectures anciennes), dans la construction qui ressemble à une suite d’histoires sommairement reliées par un mince fil conducteur, et surtout avec Snaga, arme maudite, pendant de Stormbringer d’Elric, avec Druss qui, comme Elric, doit combattre parfois son penchant à la violence … Avec la différence que Gemmell, plus gentil ou plus hollywoodien, (ou moins subtil ?) retombe toujours du côté « du bien » là où Elric est beaucoup plus sombre.

Bref, si vous avez envie d’une bonne récréation et que vous avez un peu de temps devant vous, essayez David Gemmell … d’ailleurs, pour les vacances à venir, j’ai déjà acheté à mon fils la trilogie Waylander, et je sens que je vais la lui emprunter, j’ai besoin de vacances.

David Gemmell / Druss la légende (The first chronicles of Druss the legend, 1994), Bragelonne (2002), traduit de l’anglais par Alain Névant.

Roger Smith, l’autre auteur du Cap.

Cela faisait un moment que je lisais des papiers sur le net au sujet de ce nouvel auteur sud-africain. Roger Smith. J’avais raté son premier bouquin traduit. Je me rattrape avec Blondie et la mort. Je n’ai pas été déçu.

SmithLe Cap. Roxie est belle, blonde, américaine, mariée avec Joe Palmer, un connard de première. Ce soir là, devant leur portail, ils sont attaqués par deux petits malfrats qui tirent dans la jambe du mari et volent leur Mercedes. Sans réfléchir, Roxie profite de l’occasion et abat Joe d’une balle dans la tête. Sans se douter qu’elle vient de mettre le pied dans un nid de serpents.

Elle se retrouve la cible des deux petits truands soudain accusés de meurtre, de Billy Afrika, un mercenaire à qui feu son époux devait une forte somme d’argent, de quelques flics qui ne croient pas à sa version trafiquée de la mort de Joe, sans compter un psychopathe, récemment évadé de taule et quelques autres figurants du même acabit. La vie de Roxie devient tout d’un coup très mouvementée, et très sanglante.

Comme Roger Smith est sud-africain, bêtement, on compare forcément à Deon Meyer. Pour moi, il reste un cran en dessous, non pas dans la qualité d’écriture ou la maîtrise de la narration, mais dans le fond de son roman. Là où Deon Meyer assortit son récit d’une réflexion historique (au moyen souvent d’aller-retour présent-passé), sociologique ou politique, là où il montre une véritable empathie avec ses personnages et propose, sans jamais sacrifier le rythme du récit, un tableau raisonné de son pays, Roger Smith fait dans la brutal. Pas de réflexion, très peu d’empathie, de l’action et de la baston.

Ceci dit, le temps que dure la lecture ça secoue. Ca secoue même sévèrement. Rythme trépidant, violence, aucune concession, du sang, des tripes, des larmes. Bienvenue au Cap ! Impossible de lâcher le bouquin une fois qu’on l’a ouvert et, on s’attache tant bien que mal à Roxie et Billy, on tremble tant l’auteur ne fait de cadeau à personne, et on embarque, « les doigts dans la prise » comme ils disent sur France Inter à 18h00 dans une cavale sanglante et trépidante.

Jusqu’à la dernière page où, enfin, on peut souffler. Un autre style, moins profond, mais tout aussi efficace.

Roger Smith / Blondie et la mort (Wake up dead, 2010), Calman-Lévy/Robert Pépin (2012), traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Mireille Vignol.

Chamamé de Leonardo Oyola

Décidément, une rentrée bien contrastée. Après les deux romans lents et tout en nuances, une bonne bourrinade qui part dans tous les sens. Leonardo Oyola, découvert avec Golgotha revient avec Chamamé, un road bouquin complètement allumé. Un machin speedé qui fait penser à du Tarantino, mais plus le producteur de Machete que le réalisateur de Jackie Brown.

OyolaPerro et Pasteur Noé sont associés, à la vie à la mort … Pirates de la route dans le nord-est de l’Argentine, près de la frontière paraguayenne. Jusqu’au jour où Noé double son ami. Commence alors une traque sans pitié sur les routes argentines. Une traque qui se complique quand un truand qu’ils ont affronté lors de leur passage en prison sort de taule, bien décidé à se venger.

Amateurs de vraisemblance et de bon goût passez votre chemin. Chamamé est outrancier, hyper violent, foutraque, cinglé … Et jouissif. Pas de quoi non plus crier au nouveau génie du polar latino-américain, il ne faut pas exagérer. Mais une vraie écriture, une énergie folle, une imagination débordante et une vraie cohérence dans le style, les références et les personnages (oui on peut être cohérent mais pas vraisemblable).

Un plaisir de lecture donc qui, mine de rien, brosse en négatif le portrait d’une Argentine violente, religieuse (comme Golgotha d’ailleurs où la religion est omni présente) et à la culture étrange, patchwork de traditions, de légendes, de télénovelas de bas étage, de jeux vidéo et de musique populaire américaine et locale.

Si vous voulez avoir une idée de style, regardez plutôt la bande annonce c’est l’esprit.

Leonardo Oyola / Chamamé (Chamamé, 2007), Asphalte (2012), traduit de l’argentin par Olivier Hamilton.

Un Stephen Hunter, pour les vacances

Vacances, soleil, JO … Voilà qui n’incite pas forcément à attaquer une lecture dense et exigeante. Par contre, un bon thriller (il y en a, peu, mais il y en a) avec plein de muscles et de bastos, pourquoi pas. Et vous savez que dans ce cas, j’ai deux ou trois noms en réserve. Dont Stephen Hunter qui m’a régalé avec la réédition chez folio de Shooter.

Hunter_shooterAncien tireur d’élite au Vietnam Bob Lee Swagger vit seul dans ses montagnes, avec son chien et ses armes. Il ne veut plus avoir de liens avec le monde. Mais le monde vient le chercher. D’anciens militaires viennent le voir pour lui demander de les aider à protéger le Président et lui offrent la possibilité de se venger du sniper russe qui a tué son meilleur ami et mit fin à sa carrière, là-bas, au Vietnam. Bien que méfiant, Bob ne peut résister.

Il va se trouver pris dans piège, bouc émissaire, ennemi de toute l’Amérique, manipulé par une frange de la CIA. Mais ces hommes n’ont pas bien évalué à qui ils ont affaire, et les chasseurs vont devenir chassés …

Donc si vous avez besoin d’une petite récréation avec complot, testostérone, suspense, coups de théâtres et batailles, une bonne piste : Stephen Hunter et cette première apparition de Bob Lee Swagger.

Impeccable, bien écrit, histoire au cordeau, impossible de lâcher quand on a commencé. Ne nous mentons pas. Ce n’est pas la dénonciation de quelques-unes des saloperies de la CIA qui m’a attiré ici. C’est la certitude de trouver un roman écrit par un orfèvre, grand artisan à défaut d’être grand artiste, qui sait faire plaisir, et faire frémir son lecteur du début à la fin.

Rien de plus, mais c’est déjà énorme, surtout quand c’est ce que l’on cherche. Une parfaite lecture de détente.

Stephen Hunter / Shooter (Point of impact, 1993), Folio/ Policier (2012), traduit de l’américain par Elisabeth Luc.

Castagne SF

C’est les vacances. Même si je suis toujours au boulot, à partir du 1 juillet je me considère comme en lectures d’été. Et c’est l’été que, profitant d’une brève accalmie dans les sorties polar, je fais quelques incursions dans les rééditions, la blanche et la SF. En plus, là j’ai encore la tête sous l’eau et j’avais besoin d’un bouquin qui donne un avant-goût de la plage : pas trop déprimant, pas trop « réflexionnant », avec les pages qui tournent toutes seules. J’ai suivi les conseils de ma libraire SF préférée, hop Entité 0247 de Patrick Lee.

Lee 0247Cela fait juste un an que Travis Chase, ex flic ripoux, est sorti de taule (c’est un bon départ ça, de la SF mais avec un personnage typiquement polar …). Il a décidé de fêter sa libération en partant, seul, quelques jours en Alaska. Pour réfléchir à son avenir. Pour la réflexion, c’est raté. Car le troisième jour il tombe sur un 747 crashé. A son bord tout le monde a été assassiné d’une balle dans la tête. Y compris un passager de marque, la Première Dame elle-même. Qui a eu le temps de laisser un appel au secours en forme de marche à suivre. Travis Chase vient de mettre le doigt dans un piège fatal, un piège qui va remettre en question tout ce qu’il croit savoir sur lui, et sur le monde.

J’anticipe tous les reproches qui ont été et vont être faits à ce bouquin :

Il est bourrin : Oui.

La fin est au mieux tirée par les cheveux, au pire je m’enfoutiste : Oui.

Il fait pas réfléchir : Oui.

Mais.

Il est bourrin et ça fait du bien de temps en temps.

Il fait pas réfléchir et ça fait du bien de temps en temps.

Et surtout, l’auteur a une écriture sèche et fluide qui vous emballe aussi sec, et un sens de la construction qui fait qu’on ne peut s’arrêter nulle part. Essayez, si vous mordez à l’hameçon il n’y a plus une seule fin de paragraphe, encore moins de chapitre où stopper la lecture, les personnages sont en permanence sur le point de tomber dans le gouffre ou dans la fosse aux serpents, de se prendre une balle, un coup de couteau …

Certains y verront une surenchère (et ils auront raison), mais j’ai marché, couru même, et je me suis retrouvé bouche bée comme quand j’ai découvert Indiana Jones à sa sortie (et oui, je suis assez vieux pour avoir découvert Indy à sa sortie).

Bref de l’adrénaline et de la castagne pures, avec un assaisonnement SF qui fonctionne. Et comme l’auteur a inventé un « bidule » (je vous laisse le découvrir) qui permet autant d’épisodes indépendants qu’il veut, ben j’ai le second en réserve pour quand j’aurai un coup de mou …

Patrick Lee / L’entité 0247 (The breach, 2010), L’Atalante/ la dentelle du cygne (2012), traduit l’américain par Patrick Couton.

BEf toujours à fond

En France on a découvert BEF alias Bernardo Fernandez avec Une saison de scorpions. Hielo negro prouve que depuis il ne s’est guère calmé et carbure toujours à un mélange de noir violent mâtiné d’un zeste de Tarantino.

BEFAu Mexique les gangs de narcos ne rigolent pas. Douze gardiens d’une société privée viennent d’être découpés et/ou criblés de balles par un groupe de rigolos en costume de singes. Accessoirement un énorme stock de produits pharmaceutiques servant à fabriquer des sirops contre la toux, mais pouvant aussi se transformer en pilules qui font rêver a été volé. Andrea Mijangos, flic, tireur d’élite, trop grande et grosse à son goût se fait immédiatement retirer l’affaire par les « federales », ce qui ne va pas l’empêcher de mener sa guerre contre Lizzy Zubiaga, reine d’un des cartels les plus dangereux du moment.

Revoilà donc Lizzy la cinglée, croisée dans le roman précédent, qui a repris en main les affaires de son père. Au passage les lecteurs attentifs reconnaîtront un chapitre publié séparément dans le Mexico Noir

Pour le reste, le constat ne change pas : police corrompue, cartels tout puissants et sans pitié, ville tentaculaire, tueurs, rythme survolté et écriture au scalpel. Tout est cohérent, court, sec et sanglant avec en permanence un zeste d’humour, une référence BD ou ciné qui pimentent le texte et font passer la pilule (sans jeu de mots).

Du coup, sans crier au génie, le lecteur prend un grand plaisir à cette lecture.

Bernardo Fernandez / Hielo negro (Hielo negro, 2011), J’ai Lu (2012), traduit du mexicain par Marianne Millon.

Stephen Hunter, Le sniper

J’ai un aveu à vous faire. Je ne suis pas l’intellectuel cérébral et raffiné que vous imaginez. Dans ma folle jeunesse, il m’est arrivé de … jouer au rugby ! Et j’ai adoré ça. Surtout les quand, bien lancé, en planche, on découpe le gus d’en face qui vient de récupérer la chandelle ; ou qu’après un premier impact dans le gros d’en face, on sent les siens de gros, derrière, qui poussent, et que ça avance, ça avance et on finit par leur marche dessus. C’est bon !

HunterTout ça pour dire que parfois, un bon coup de testostérone c’est bon ! Et quand je recherche une montée d’adrénaline littéraire, je vais voir du côté des grands artisans américains de la baston. Et je me régale. Comme ces jours-ci, avec Le sniper de Stephen Hunter.

Quatre anciens activistes des mouvements contre la guerre du Vietnam sont abattus coup sur coup par un tireur lointain. Deux jours plus tard, Carl Hitchcock, ancien sniper au Vietnam qui déprimait se suicide. Chez lui, toutes les traces de la folie et les biographies des quatre victimes. Affaire réglée. Sauf que tout parait trop facile à Nick Memphis, en charge de l’enquête pour le FBI. Il demande à un vieil associé, l’ancien sniper Bob Lee Swagger de passer les faits en revue … Et bientôt Bob trouve le détail qui cloche. Sans se douter qu’il met alors le pied dans un nid de serpents et, qu’une fois de plus, il va devoir se battre pour sa vie.

C’est vrai, Bob n’est pas le genre de héros que l’on croise généralement dans les polars chroniqués ici. Ancien tueur, grand amateur d’armes, fier de son combat au Vietnam, individualiste … Le vrai loup solitaire pour reprendre une expression à la mode. Mais un homme que l’on ne peut s’empêcher de respecter, et même d’aimer. Parce qu’il est aussi honnête, fidèle à ses valeurs et en amitié, incorruptible, inoxydable … En résumé, le grand Clint dans sa grande époque.

Et quel putain de talent de conteur que celui de Stephen Hunter. Dès les premières lignes vous ne pouvez plus lâcher le bouquin. Et il se permet un final d’anthologie, un final tellement gonflé qu’on en reste baba. Un vrai bon grand moment de plaisir.

En parlant de Clint, je le verrai bien adapter ce genre de romans, avec, par exemple, Tommy Lee Jones en Swagger …

Stephen Hunter / Le sniper (I, sniper, 2009), le Rocher (2012), traduit de l’américain par Elisabeth Luc.