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The Wire

Catastrophe des catastrophes, j’ai terminé The Wire. Cela faisait quelques jours, voire quelques semaines que je trainais et trouvais des prétextes pour ne pas regarder les 4 ou 5 épisodes qu’il me restait à voir. Mais j’ai finalement craqué, et maintenant je suis foutu, j’ai fini. Plus de nouvelles d’Omar, Marlo, Prop Joe, Stringer Bell, McNulty, Daniels, Namond, Michael, Randy, Duquan, Bubbles, Kima, Lester, Bunk, Snoop, Presbo, Cutty, Colvin, Carcetti, …

Je suppose que la majorité d’entre vous a déjà vu cette série monumentale. J’ai une excuse, jusqu’à très récemment je n’avais pas le temps de regarder des séries. Ce n’est d’ailleurs que la troisième que je vois en entier, après Treme, du même David Simon et Chernobyl (qui ne comporte que 5 épisodes). Pour ceux qui ne connaissent pas, et qui partagent mes goûts littéraires (sinon je ne sais pas trop ce que vous faites ici), c’est simple, elle est absolument indispensable. Noël approche, l’intégrale en DvD se trouve facilement à moins de 60 euros. Je sais, ce n’est pas rien, mais 60 euros pour 60 heures de bonheur, d’émotion, d’intelligence, ça se tente quand même non ?

Alors pourquoi voir et revoir The Wire ?

Parce que c’est le portrait global et complet d’une ville, Baltimore. Regardée au travers du prisme du travail d’une équipe de flics sur le trafic de drogue. Mais on passe partout. Police, système éducatif, presse, mairie, tribunal, la rue, travail associatif, bars, misère, port … On y croise des flics, des trafiquants, des profs, des junkies, des syndicalistes, des dockers, des journalistes, des juges des avocats, de politiciens, des tueurs, des travailleurs sociaux, des agents du FBI. On passe des squats aux bureaux de la mairie, des négociations entre vendeurs de drogue aux magouilles immobilières, de la salle de rédaction d’un journal aux coins de rues où ça deale. On se passionne autant pour les campagnes électorales que pour les guerres de territoire, on a en parallèle les tractations entre un maire démocrate et un gouverneur républicain, et celles entre deux caïds pour négocier les prix de la dope en gros.

Parce que tous les personnages sont magnifiquement construits. Avec justesse et beaucoup d’humanité. Pas de chevalier blanc, pas non plus de monstre ou de pourriture intégrale (sauf quelques exceptions particulièrement réussies d’ailleurs). Des personnages joués à la perfection, avec une vérité qui vous donne l’impression de suivre un reportage et pas de voir une fiction. Des personnages que vous n’oublierez jamais plus, qui vous marqueront à jamais. Avec pour moi une mention spéciale pour les mômes. Ils sont absolument éblouissants, d’une vérité et d’un naturel ahurissants.

Parce que si vous acceptez de vous accrocher sur les premiers épisodes qui sont denses et présentent beaucoup de personnages, ensuite la progression de l’histoire sur les 60 épisodes est impeccable. Tout se tient, tout s’enchaine, aucune facilité, et pas de cadeau au spectateur. Il faut dire qu’aux côtés de Ed Burns et David Simon, les créateurs, on trouve au générique pour les scénarii des noms comme Dennis Lehane, George Pelecanos ou Richard Price.

Parce que vous allez sourire, rire, pleurer, rager, aimer, détester, trembler.

Ce n’est pas une série style thriller, avec cliffhanger systématique, de celles dont on attend la révélation suivante fébrilement, ou qui propose trois renversements de situation par épisode. C’est une chronique qui va s’insinuer dans votre âme, s’incruster dans votre tête et votre cœur et que vous porterez à jamais avec vous. Et vous aurez l’impression de mieux connaître et aimer McNulty et les autres que beaucoup de vos connaissances ou collègues.

Si vous me faites un peu confiance, si vous avez un cadeau à faire, ou à vous faire, débrouillez-vous, trouvez The Wire, et faites-vous autant plaisir que moi.

A peine libéré

C’est chez les Nyctalopes que j’ai eu l’info, il y a un nouveau George Pelecanos, il se déroule toujours à Washington, il s’appelle A peine libéré.

PelecanosC’est en prison, en attente de son procès, que Michael Hudson découvre la lecture, grâce aux ateliers d’Anna. Il ressort plus rapidement que prévu, son accusateur, un dealer qu’il avait volé, ayant étrangement renoncé à sa plainte pour vol. Il est aujourd’hui bien décidé à trouver un boulot et tenter de refaire sa vie.

Mais Phil Ornazian, le privé borderline qui a « convaincu » le dealer de retirer sa plainte a besoin d’un chauffeur pour une de ses arnaques. Il vient voir Michael et lui demande de rembourser sa dette, au risque de plonger de nouveau.

On le répète tous depuis quelque temps, la priorité de George Pelecanos n’est plus la littérature, et ses romans n’atteignent plus le niveau de ceux de la série Peter Karas, Nick Stefanos ou Derek Strange. Mais, car il y a un mais, même un Pelecanos moyen reste un roman très recommandable à la lecture duquel j’ai pris beaucoup de plaisir.

On retrouve toutes ses thématiques habituelles : la description de Washington D. C. et de son évolution, la possibilité de rédemption pour des jeunes hommes ayant eu une jeunesse agitée, les tentations, la dignité de ceux qui se lèvent tous les jours pour gagner leur vie.

Il n’a rien perdu de son écriture, et même s’il manque le grand souffle de certains de ses romans antérieurs, on prend un grand plaisir à suivre le retour de Michael Hudson à la vie hors de prison. Les habitués apprécient les clins d’œil aux romans précédents. Sans jugement et sans pathos, on voit les effets de la gentrification de certains quartiers, on subit l’arrogance de ceux qui ont de l’argent, on sent le coût des études. Comme toujours avec le grand Goerge, on a un bon aperçu de la société américaine, dans sa diversité.

Et puis un roman qui met en avant les effets bénéfiques de la lecture, et qui conseille Hombre et Valdez d’Elmore Leonard ne peut pas être un mauvais roman. Donc très recommandable, même si ce n’est pas le meilleur de l’auteur.

George Pelecanos / A peine libéré, (The man who came uptown, 2018), Calman Levy/Noir (2020) traduit de l’anglais (USA) par Mireille Vignol.

Un exception : Treme

Je ne suis pas un habitué des séries. Non que je trouve ça mauvais, c’est juste un manque de temps. Une fois soustrait le temps pour bosser, s’occuper des gamins, passer un peu de temps en famille, un peu de musique, un peu de sport et de balades, il reste un temps limité, très limité, que j’ai choisi de consacrer essentiellement à la lecture, et quand c’est possible au cinéma.

Bilan, pas de temps pour les séries. Juste Game of Thrones regardée presque jusqu’au bout pour avoir une activité avec mon fils ainé, un début de Breaking Bad pareil, mais qui m’a lassé au milieu de la deuxième saison.

J’ai quand même vu une série jusqu’au bout, même si m’a pris plus de deux ans : Treme de David Simon et Eric Overmyer, avec la participation soutenue (surtout vers la fin) d’un certain George Pelecanos. Un véritable régal.

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Tout commence trois mois après Katrina, à la Nouvelles-Orléans, autour du quartier de Treme, quartier historique, populaire, un des hauts lieux de la musique dans une ville phare de la culture noire. On va suivre les vies d’une douzaine de personnages, musiciens, cuisinière, avocate défendant les causes perdues, flic, animateur radio, patronne de bar, grand chef indien (il faut le voir pour comprendre).

On va suivre les parcours de mômes d’un lycée populaire, voir se mettre en place les magouilles autour de la reconstruction, enquêter sur la corruption et les violences de la police locale, assister au travail dans les cuisines d’un grand restaurant, pêcher la crevette avec des pêcheurs d’origine vietnamienne., suivre l’élection d’Obama.

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On va partager la cuisine locale dans les bars, les stands de rue, les cuisines des restaurants les plus gastronomiques.

On va entendre et voir de la musique en répétitions, concerts, lors parades pour le carnaval ou des enterrements, dans des studios d’enregistrement, en direct à la radio, avec des musiciens des rues. On va entendre du jazz traditionnel, du bop, du blues, de la soul, du rap, du folk, du funk, du rock … on va voir en vrai Ron Carter, McCoy Tyner, Cassandra Wilson, Dr John, Fats Domino …

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Pendant ces trois ans on va assister à la lutte de tous pour faire revivre une ville meurtrie, malgré l’abandon du reste du pays, malgré la violence des trafiquants et de la police, malgré le pillage organisé pour récupérer l’argent de la reconstruction, malgré ceux qui veulent en profiter pour chasser hors de la ville les plus pauvres, et ce grâce au travail acharné, obstiné, de flics intègres, d’avocats, de menuisiers, de musiciens, de cuisiniers, de profs de musique, et de tous ceux qui se refusent à laisser mourir une ville et sa culture.

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Tous les acteurs sont extraordinaires, avec eux on va s’émouvoir, rire, pleurer, assister à trois carnavals, vivre pendant trois ans. C’est absolument génial, les fans de Pelecanos retrouveront sa patte dans cette façon de mettre en scène des personnages ordinaires, de montrer leur lutte pour rester dignes, en vivant de leur travail, et en étant fiers de ce qu’ils réalisent, de leur donner autant d’importance qu’aux autoproclamés grands hommes.

J’imagine que ceux qui ont déjà vu The wire (je sais il faut que je vois The wire, mais il va encore me falloir plus de 3 ans …) vont y retrouver le style des auteurs.

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Et si je n’ai qu’un conseil à donner c’est : si vous aimez les séries qui prennent leur temps, si vous aimez la musique noire américaine, si vous avez envie de découvrir la Nouvelle Orléans, ou si vous avez des proches qui remplissent ces conditions, n’hésitez pas, le coffret de l’intégrale est un magnifique cadeau qui ne peut faire que des heureux.

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Un petit Pelecanos

J’avoue que cela fait quelque temps que je ne m’enthousiasme pas autant pour les romans de Georges Pelecanos que du temps des séries Nick Stefanos, Peter Karas ou Derek Strange. Mais j’y prends quand même plaisir. C’est pourquoi je ne lâche pas. J’ai donc lu le dernier Red Fury, toujours avec plaisir, mais toujours sans m’enthousiasmer.

PelecanosNous sommes en 1972 à Washington. Derek Strange, jeune homme noir, a quitté la police pour ouvrir son agence de détective privé.

Robert Lee Jones, dit Red a décidé de faire parler de lui dans toute la ville. Accompagnée de sa poule Coco, un maquerelle flamboyante il tue, kidnappe et arnaque minables et puissants sans se soucier des conséquences.

Rapidement Frank Vaughn, « Molosse », flic blanc à l’ancienne et ex partenaire de Strange est sur ses traces. Derek aussi qui doit récupérer une bague volée par Red à une de ses clientes. Ils croiseront la route de deux mafieux newyorkais eux aussi victimes, par ricochet, des dégâts causés par Red. 1972, une année qui restera dans la mémoire des habitants du quartier comme celle de Red Fury.

De toute évidence George Pelecanos s’est fait plaisir en ressuscitant le Washington du début des années 70, celui qu’il a déjà mis en scène dans les premiers romans consacrés à Dimitri Karras et Marcus Clay (King Suckerman), ou même, si ma mémoire est bonne, les tout premiers Nick Stefanos, quand celui-ci est encore vendeur dans un magasin d’électronique. Il fait aussi référence au très bon Hard Revolution, où Derek Strange est flic. Bref, Pelecanos s’offre un coup de nostalgie. C’est le côté le plus agréable pour les fans qui connaissent toute son œuvre. Cela et son art, qui ne se dément pas, pour récréer une époque en quelques phrases : musique, films, fringues, mentalités, paysage urbain … tout est sobrement mais efficacement évoqué.

Si c’était l’œuvre d’un autre on s’en contenterait sans doute. Là, comme on compare forcément aux chefs-d’œuvre que sont Un nommé Peter Karras, King Suckerman ou Anacostia River Blues, sans parler de Hard revolution ou Blanc comme neige … ça fait un peu léger.

Par rapport à ces romans, cela manque de profondeur, de souffle, de puissance. Comme l’animal a du métier on ne s’ennuie pas et c’est plaisant. Mais on attend beaucoup plus de monsieur George Pelecanos. A lire pour les fans. Et pour les nouveaux venus, si ça vous a plu, précipitez-vous sur les romans précités et attendez-vous à une belle claque !

George Pelecanos / Red Fury (What it was, 2012), Calmann-Lévy (2015), traduit de l’anglais (USA) par Denis Beneich.

Le retour de Spero Lucas

Dans Le double portrait, George Pelecanos reprend le personnage de Spero Lucas apparu dans Une balade dans la nuit. Et ça marche, la série prend corps. 

PelecanosSpero Lucas, ancien de la guerre d’Irak, n’a pas repris ses études. En rentrant, il s’est établi comme privé. Quand il ne travaille par pour un avocat, il s’est spécialisé, en marge de la loi, dans la récupération d’objets volés, contre 40 % de leur valeur. Alors que l’enquête sur les éventuelles zones d’ombre sur un meurtre ne l’occupe pas trop, il accepte de rechercher pour Grace Kinkaid le tableau qui lui a été volé par un ancien amant qui s’est révélé être un prédateur sexuel. Spero est méthodique et doué dans son travail, il retrouve vite le voleur qui s’est associé avec deux autres truands. Reste maintenant à récupérer le tableau sans faire trop de casse … Ou pas.

Je suis d’accord avec l’ami Yan, les quelques chapitres consacrés à la « romance » de Spero ne sont pas ce qu’il y a de plus inoubliable dans l’œuvre de George Pelecanos.

But, et comme disait je ne sais qui, « everything before but is bullshit », mais donc, je suis beaucoup moins sévère que lui et je trouve que la série prend corps.

Dans son style caractéristique, à plat, sans effet revendiqué, avec une écriture qui semble très neutre et très naturelle (ce qui relève au moins de l’artisanat de très haute volée), Pelecanos poursuit sa chronique de Washington. Il reste le témoin de son évolution, du changement des quartiers, des mentalités, de l’arrivée des vétérans des nouvelles guerres, de l’installation de nouveaux arrivants, de l’intégration d’autres …

Et ceci sans jamais sembler faire autre chose que raconter des histoires, au travers de personnages qui prennent corps et chair. A ce titre Spero Lucas est vraiment intéressant avec ses zones d’ombres, son refus de reconnaître ses traumatismes, sa violence assumée.

Comme avec le 87° district de McBain, je suis persuadé que les historiens auront dans l’œuvre de Pelecanos autant, sinon plus de matière pour comprendre notre époque à Washington que dans les archives des journaux ou dans les études universitaires. Et ce sera certainement beaucoup plus agréable à lire.

George Pelecanos / Le double portrait (The double, 2013), Calmann-lévy (2014), traduit de l’américain par Mireille Vignol.

Spero Lucas, nouveau personnage de George Pelecanos

Yan l’annonçait il y a quelques temps ici, si le grand George Pelecanos semblait victime d’une petite baisse de régime, il revient en forme avec Une balade dans la nuit, sans doute (on espère) le premier d’une nouvelle série.

PelecanosSpero Lucas a fait un passage chez les marines, entre autres en Irak. A son retour à Washington, pas question de reprendre des études, il a fait fructifier sa capacité à retrouver des objets volés. Capacité s’appuyant sur une parfaite connaissance de la ville, un grand sens de l’observation, un bon entraînement physique … Et une facilité à gérer à son avantage les situations violentes.

Il lui arrive parfois de travailler pour un avocat qui le met en relation avec un de ses clients, Anwan Hawkins, dealer de came. Celui-ci attend son procès en prison, et certains en profitent pour faire disparaitre ses livraisons. Contre 40 % de la marchandise récupérée, Spero accepte de chercher les colis. Il ne sait pas qu’il met le pied dans un sac d’embrouilles.

Revoilà donc le grand Pelecanos, peut-être pas encore au niveau des meilleurs Nick Stefanos ou de la série consacrée à Terry Quinn et Derek Strange, mais on s’en rapproche. Grace à Spero Lucas qui, comme les personnages suscités n’est pas blanc blanc, et se trimballe de bonnes zones d’ombre. Enclin à la violence, muet sur ce qu’il a vécu en Irak et tout à fait capable de s’accommoder de sérieuses entorses à la loi, pas moraliste pour un sou mais terriblement humain, voilà un personnage auquel on s’attache immédiatement, et qu’on espère retrouver bientôt.

Pour le reste, on est chez la star de Washington, pas de doute là-dessus. Tour de la ville, écriture sèche, efficace et fluide, chronique de la vie des gens humbles, ceux qui bossent pour vivre, dialogues impeccables, bande son soul et funk … la marque de fabrique George Pelecanos, tout ce qu’on aime chez lui et qu’il maîtrise si bien.

L’originalité ici est qu’il choisit comme personnage principal un ancien d’Irak, montrant ainsi, guerre après guerre, la permanence aux USA de générations de revenus blessés et surtout changés et difficilement adaptables dans un pays, finalement, toujours en guerre quelque part.

Reste à espérer qu’on retrouvera bientôt notre nouveau copain Spero Lucas …

George Pelecanos / Une balade dans la nuit (The cut, 2011), Calman-Lévy (2013), traduit de l’américain par Elsa Maggion.

Chroniques de Washington.

Je ne sais plus quel auteur a dit que, dans deux cents ans, si l’on veut savoir comment vivaient les gens à New York, Paris ou Barcelone il suffirait de lire les auteurs de polar. Pour ce qui est de Washington, il faudra lire George Pelecanos dont le dernier roman, Mauvais fils, poursuit la description de la vie ordinaire dans la capitale américaine.

Chris Flynn a 17 ans quand les portes du centre de détention pour jeunes délinquants de Pine Ridge se referment sur lui. Pourtant Chris a grandi dans une famille unie, relativement aisée et rien dans son entourage n’explique pourquoi il est devenu cet adolescent à problèmes. Drogue, bagarres, vols … malgré les efforts de son père Thomas, patron d’une petite entreprise de pose de moquettes rien n’a pu arrêter la dégringolade.

Dix ans plus tard, Chris a muri et travaille en équipe avec un ancien de Pine Ridge pour l’entreprise de son père. En rénovant une maison destinée à la vente, ils trouvent un sac contenant 50 000 dollars. Chris parvient à convaincre son coéquipier de ne pas prendre l’argent, mais les ennuis ne font que commencer.

Un Pelecanos de plus serait-on tenté de dire. Dans la veine, moins spectaculaire, de ses derniers romans. Ici pas de flics, pas de privés, juste des gens ordinaires pris, le temps d’un roman, dans une histoire un peu extra-ordinaire.

On retrouve toutes ses thématiques habituelles : Description des quartiers populaires, variations sur la thème de la seconde chance et des possibilités de réinsertion, présence de la musique, grande qualité des dialogues, intrigue minimale mais parfaitement menée. Et une écriture d’une fluidité et d’une évidence qui font que tout parait simple et facile.

Même si on ne croise aucune silhouette connue, on a l’impression de connaître les personnages et, au bout d’à peine quelques lignes, on s’y attache. Comme toujours Pelecanos ne juge pas. Il décrit. Ceux qui chutent, ceux qui se relèvent, et ceux qui n’y arrivent pas. Ceux qui vivent, simplement, en tentant de conserver leur dignité, et ceux qui ont choisi, plus ou moins consciemment, de ne pas se préoccuper des autres. Il décrit, exposant les faits, avec lucidité, sans montrer personne du doigt, mais sans angélisme non plus.

Et la grande comédie humaine de Washington gagne un épisode de plus. En attendant le prochain.

George Pelecanos / Mauvais fils (The way home, 2000), Seuil/Policiers (2011), traduit de l’américains par Etienne Menanteau.

Le retour du grand Pelecanos

J’avais été un peu déçu par le précédent roman de George Pelecanos (Les jardins de la mort), mais là je le retrouve, et j’en suis très heureux.

Washington D.C., par une chaude journée de 1972. Trois jeunes blancs, Billy Cachoris, Peter Whitten et Alex Pappas traînent leur ennui. Bières, pétard, voiture … Par bravade ils décident d’aller provoquer les noirs dans leur quartier. Une bêtise qui tourne mal quand ils tombent sur Charles Baker et les frères Monroe. Peter s’enfuit, Billy est tué et Alex reste défiguré. James Monroe et Charles Baker sont condamnés à des peines plus ou moins lourdes. Trente ans plus tard, Alex Pappas a repris le coffee shop de son père, et s’apprête à le céder à son fils aîné. Son plus jeune fils a été tué en Irak. James Monroe tente de refaire sa vie, et son frère Ray qui soigne les soldats blessés et amputés s’inquiète pour son fils basé en Afghanistan … C’est alors que Charles Baker, récemment sorti d’un de ses nombreux séjours en prison décide que les autres sont responsables du gâchis qu’est sa vie, et qu’ils doivent payer.

L’ami Jeanjean résume parfaitement ce nouveau roman sous le titre : George Pelecanos revient à ses fondamentaux. C’est exactement ça.

Revoilà le grand Pelecanos, le chroniqueur des quartiers populaires de Washington, le porte parole des humbles, des sans grades, de ceux qui essaient de s’en sortir, envers et contre tout. Des gens qui nous ressemblent finalement. Le grand Pelecanos que l’on aime tant, depuis qu’on a fait connaissance avec Peter et Dimitri Karras, avec Marcus Clay, avec Nick Stefanos avec Derek Strange …

Une fois de plus, il campe des personnages que l’on a l’impression de connaître au bout de quelques lignes, des personnages qu’il donne l’impression de croiser tous les jours tant ils sonnent juste. Et on retrouve tous ses thèmes de prédilection : la musique, le sport – et plus particulièrement le basket – la peinture des quartiers populaires « normaux », peuplés de gens ordinaires, et ce thème si présent dans son œuvre de la possibilité d’une rédemption, du droit à l’erreur et à une seconde chance.

Toujours en phase avec son époque, ce roman tourne également autour d’un nouveau type de personnages, peu présents jusque là, les nouveaux-anciens-soldats … Plus du Vietnam cette fois, mais d’Irak et d’Afghanistan. Avec les mêmes traumatismes, la même souffrance, les mêmes inquiétudes pour les proches. Et encore et toujours, ce ne sont pas ceux qui décident ces guerres qui y envoient leurs enfants. Comme d’habitude, aucun discours moralisateur, pas de thèse ou de pamphlet, juste la description « plate » de ces gamins et de leurs parents. Au lecteur d’en tirer les conclusions qu’il veut ou qu’il peut.

Un très bon Pelecanos.

George Pelecanos / Un jour en mai, (The turnaround, 2008) Seuil/Policiers (2009), traduit de l’américain par Etienne Menanteau.