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Je suis le châtiment

Giancarlo De Cataldo s’est de toute évidence amusé à créer un nouveau personnage de procureur amateur d’opéra dans Je suis le châtiment. Le lecteur s’amuse aussi.

Manrico Spinori, aristocrate désargenté (par la faute d’une mère qui joue), amateur d’opéra, divorcé, est procureur. Il règle de nombreuses affaires courantes. Jusqu’à la mort de Mèche d’or, ancienne gloire de la pop italienne du siècle dernier qui sévit dans la Nouvelle Star. Passé les premières réactions qui ne parlent que de son charisme et de son talent, c’est un tout autre portrait qui émerge, et les coupables potentiels se multiplient.

Changement de ton par rapport au Giancarlo De Cataldo de Romanzo Criminale ou Suburra. Dans Je suis le châtiment, contrairement à ce que le titre pourrait laisser penser, le ton est plus léger. L’auteur s’amuse, et comme il a du talent, le lecteur aussi.

Cela tient pour commencer à son personnage principal (que l’on retrouvera peut-être ?). En partie détaché de son temps, il ne conduit pas, n’a aucune présence sur les réseaux sociaux, et vit dans un palais qui ne lui appartient plus depuis que sa mère l’a perdu au jeu. Son métier l’amène à être tous les jours avec des flics et des délinquants, à assister à des autopsies, mais chez lui un vieux serviteur l’appelle « petit comte ». Un personnage qui permet à son auteur de manier avec brio l’ironie et un certain détachement.

Mais cela serait vain et rapidement lassant s’il n’y avait pas aussi de très beaux personnages secondaires, une intrigue où De Cataldo multiplie les fausses pistes jusqu’à la révélation finale (que le lecteur un peu aguerri aura quand même anticipée, mais cela n’enlève rien au plaisir de la lecture).

Et mine de rien, au travers d’une histoire enlevée, sans y paraitre, c’est bien la société romaine qui est la toile de fond de ce polar fort divertissant. Un vrai plaisir, on aimerait bien avoir une suite.

Giancarlo De Cataldo / Je suis le châtiment, (Io sono il castigo, 2020), Métailié (2023) traduit de l’italien par Anne Echenoz.

Ces femmes-là

Voilà une très belle découverte pour moi, celle d’une écrivaine américaine, Ivy Pochoda, et de son nouveau roman Ces femmes-là.

Un quartier populaire de Los Angeles. En 1999 plusieurs jeunes femmes, surtout des prostituées, ont été égorgées. Puis les meurtres ont cessé. Et tout le monde a oublié. Pas Dorian. Sa fille Lecia qui revenait de garder une gamine fut la dernière victime. Ni Deelia, même si elle fait semblant, elle qui fut la seule à survivre au tueur.

Et aujourd’hui, en 2014, voilà qu’il y a un nouveau meurtre. Alors Essie, latina, flic aux mœurs, Julianna, Marella ou Anneke qui vivent dans le quartier vont, elles aussi, être prises dans le tourbillon.

Même si le résumé peut vous le laisser supposer, oubliez tout ce que vous avez déjà lu avec un tueur en série et des meurtres qui reprennent après des années de calme. Des bouquins comme ça il y en a des tas, souvent … disons pas très bons. Ici on est vraiment ailleurs.

On n’ira pas dans la tête du tueur. On ne sera pas stressé dans la peau d’une future victime (qui finit souvent par s’en tirer in extremis). Ici on est dans la peau de celles qui restent. De celles qui doivent vivre, tous les jours, avec la peine ou la trouille. Dans celle d’une femme flic qui n’est pas prise au sérieux parce qu’elle est femme, et d’origine latino. D’une « folle » que les flics ne croient pas et qu’ils se renvoient de l’un à l’autre. Ou de prostituées dont la vie ne vaut pas un clou, ni pour les hommes qui les achètent, ni pour les flics.

Et pourtant oui, mine de rien, en passant de l’une à l’autre au fil des différentes parties du roman, l’intrigue va avancer, et on finira par trouver le coupable. Et on plongera dans une autre forme de folie.

Un roman original et fort, à découvrir absolument, parce que, comme disent les critiques qui ne lisent jamais de polar : C’est beaucoup plus qu’un simple thriller ! C’est un grand roman noir.

Ivy Pochoda / Ces femmes-là, (These women, 2023), Globe (2023) traduit de l’anglais (USA) par Adelaïde Pralon.

Péché mortel

Carlo Lucarelli remonte le temps avec son personnage de flic, le commissaire De Luca que l’on retrouve à la fin de la guerre dans Péché mortel.

Eté 1943, étrange période à Bologne. La guerre sévit, les bombardements alliés font des victimes, les fascistes sont chassés du pouvoir, puis les allemands s’installent. Comment s’y retrouver ? le commissaire De Luca s’en fiche. Lui il est policier et il cherche la vérité. Lors de l’arrestation d’un trafiquant du marché noir il tombe sur un corps sans tête. Et plus tard, quand il la trouve, la tête, mais ce n’est pas la bonne.

Alors que toute sa hiérarchie lui dit de laisser tomber, qu’il y a des morts tous les jours à cause de la guerre, lui s’obstine. Il est flic, il a deux meurtres, il faut trouver les coupables. Quoi que cela lui coûte.

Carlo Lucarelli n’est pas le premier à mettre en scène un flic obstiné qui veut rendre justice à la victime d’un meurtre alors qu’autour les morts s’accumulent dans l’indifférence générale. Patrick Pécherot dans Tranchecaille, ou Ernesto Mallo dans L’aiguille dans une botte de foin l’ont fait avant lui, pour ne parler que d’eux.

Mais ce n’est pas parce que ce n’est pas nouveau que ce n’est pas bien. A son tour l’auteur italien met parfaitement en scène l’obstination d’un homme qui, dans l’absurdité et l’arbitraire du chaos se raccroche à son boulot, en faisant abstraction de tout le reste.

C’est ici toute la force et toute l’ambiguïté de son personnage, qui n’est pas fasciste, qui, on le sent, n’approuve pas le fascisme … mais qui ne s’y oppose pas non plus, même quand il se sent très mal à l’aise. Il fait son boulot, parce qu’il ne peut pas faire autrement. Il se fiche que les victimes ne comptent pas aux yeux de ses collègues, il se fiche d’atteindre des personnes dangereuses car très haut placées. Il fait son boulot.

Excellente enquête, personnage intéressant, et bien entendu, tout autour cette période que je connaissais fort mal de la fin de la guerre dans le nord de l’Italie.

Un roman passionnant.

Carlo Lucarelli / Péché mortel, (Peccato mortale, 2018), Métailié (2023) traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

Rue Mexico

Chastity Riley de Simone Buchholz est de retour dans Rue Mexico.

Nouri Saroukhan, du clan Saroukhan de Brême est retrouvé mort dans sa voiture incendiée. Il s’avère rapidement que c’est un assassinat. Il semblerait qu’une jeune femme ait été témoin de l’affaire, mais elle a disparu. Chastity Riley et son collègue flic Ivo Stepanovic sont en charge de l’affaire et vont devoir aller à Brême interroger la famille. Problème, dans le clan Saroukhan, comme dans toute la communauté dont ils font partie, on considère les lois allemandes comme nulles et non avenues. Pour ne pas arranger les choses, pour une raison inconnue, ils considère que Nouri ne fait plus partie de la famille.

Un plaisir de retrouver Chastity, ses déambulations dans Hambourg, ses nuits de cuite, ses relations compliquées, sa bande. Tout ce que vous avez aimé dans les précédents volumes est là dans Rue Mexico.

En prime cette fois la description au vitriol de deux communautés. La première les Mahallami, originaires de l’empire turc, passés par le Liban, rejetés de partout, venus s’installer en Allemagne. Une communauté qui n’obéit qu’à ses propres lois, où le clan prime tout, et où l’individu, surtout s’il est de sexe féminin, ne compte pas.

La deuxième, les groupes de mâles blancs travaillant dans des secteurs de la finance et des assurances où on brasse beaucoup d’argent et où la réussite se matérialise par la voiture. Une communauté qui tourne autour de quelques valeurs : le fric, la bagnole et la coke qu’on s’enfile dans le pif.

Les deux communautés prennent cher. Le tout entre deux balades poétiques et alcoolisées dans Hambourg. Que voulez-vous de plus ?

Simone Buchholz / Rue Mexico, (Mexikoring, 2018), L’Atalante/Fusion (2023) traduit de l’allemand par Claudine Layre.

Les morts d’avril

Nous voici en avril avec Harry McCoy de l’écossais Alan Parks, Les morts d’avril, et c’est toujours aussi bien.

Avril 1974, c’est une boucherie dans un appartement de Glasgow. Une bombe artisanale a explosé éparpillant l’artificier maladroit dans toute la chambre. L’IRA aurait-elle décidé d’exporter sa guerre à Glasgow. Une question à laquelle Harry McCoy ne meurt pas d’envie de se confronter. D’autant plus qu’il a déjà assez d’ennuis comme ça. Il faut tenter de maîtriser son ami truand Stevie Cooper qui sort de six mois de prison et a des comptes à régler. Et un haut gradé américain lui a plus ou moins extorqué la promesse de l’aider à chercher son fils, qui a disparu de la base navale proche de la ville où son bateau était stationné.

C’est toujours un plaisir de retrouver Harry McCoy et toute la bande. Ici aux prises avec un affreux particulièrement tordu. L’intrigue est troussée aux petits oignons, les références musicales impeccables (avec un petit comique de répétition que je vous laisse apprécier), et les personnages à la hauteur des premiers épisodes.

On suit la déprime de Harry, l’embourgeoisement de son chef, les nuits blanches de son jeune adjoint, et son pote Stevie est toujours aussi imprévisible. C’est prenant dans la description de la misère, l’ambiance de la ville est toujours aussi bien rendue, avec la présence, pour ce volume, de marins américains qui dénote au milieu de la misère écossaise.

Un vrai plaisir, vivement mai.

Alan Parks / Les morts d’avril, (The april dead, 2021), Rivages/Noir (2023) traduit de l’anglais (Ecosse) par Olivier Deparis.

Petits désordres

Deux toulousains, Maïté Bernard et Christophe Guillaumot se sont mis ensemble pour nous amuser avec de Petits désordres qui font du bien.

La vie de Grégoire Leroy n’est pas simple. Commandant de police à Paris, à la tête d’une brigade de répression du proxénétisme, il doit s’occuper d’un mouton, d’un yorkshire guerrier, de deux carpes et d’une fille de 20 ans très engagée qui lui reproche en permanence de se comporter comme un vieux con.

Ajoutez un chef qui veut des résultats, des prostituées qui manifestent devant ses fenêtres, et un test à passer impérativement pour prouver, justement, qu’il n’est pas un vieux con et est conscient des changements de la société en termes d’inclusion de tous ceux qu’il faudrait inclure.

Il finit d’aggraver et de compliquer son cas quand il lâche, à bout de nerfs : « On n’est pas des pédés ». Mauvaise pioche …

Ce n’est pas un chef-d’œuvre, mais qu’est-ce que j’ai ri ! C’est déjà rare de sourire en lisant, et j’ai souri souvent, cela l’est beaucoup plus de rire, et j’ai éclaté de rire à deux ou trois reprises. Le style est vif, c’est drôle et enlevé, on le lit sourire aux lèvres en deux temps trois mouvements.

Maïté Bernard et Christophe Guillaumot ne reculent pas devant un poil d’exagération et de caricature, mais ce n’est jamais méchant et c’est pour la bonne cause, mettre en lumière les travers de notre société, les changements nécessaires et les travers associés.

Ajoutez un regard assez acéré sur une administration qui se couvre en jetant de la poudre aux yeux, ici la police. Ceci dit, ça ressemble tant à ce que je vis dans ma propre boite que le rire se fait parfois un peu jaune.

C’est gentil mais sans concession, c’est drôle et intelligent et on passe un excellent moment. Ce serait dommage de la rater.

Maïté Bernard et Christophe Guillaumot / Petits désordres, Liana Levi (2023).

Double fond

Un roman à côté duquel j’étais passé lors de sa sortie, Double fond de l’argentine Elsa Osorio.

Marie Le Boullec, médecin à l’hôpital de Saint-Nazaire est retrouvée morte, noyée. Elle vivait seule depuis la mort de son mari, photographe, fils d’une famille connue dans la région. Muriel, jeune journaliste de la feuille de chou locale va se passionner pour cette femme dont elle va rapidement découvrir qu’elle était d’origine argentine, et que son identité avant son mariage était bien mystérieuse.

Et qui est Juana, ex guérillera de l’ERP puis montonera, ces mouvements d’extrême gauche des années 70 en Argentine victimes de la sanglante guerre sale menée par la junte de Vidella à partir de 76. Une femme qui fut prisonnière à l’école de Mécanique de sinistre mémoire, puis collabora pour sauver la vie de son fils. Héroïne ? Traitre ? C’est ce que l’on va peu à peu découvrir au travers d’une longue lettre qu’elle écrit à ce fils.

Et quel est le lien avec Marie Le Boullec ?

Attention grosse claque.

Ce n’est pas le plus important, loin de là, mais il faut quand même le dire, l’intrigue est parfaitement tricotée, tordue à souhait, vous baladant d’un côté à l’autre à vous rendre parano.

Mais ce sont surtout les personnages, et l’horreur décrite qui vont vous tordre les tripes. On a beau penser tout savoir sur la saloperie de la junte argentine, la torture, les disparus, les gamins volés, les mères de la place de Mai, la folie des militaires … le revivre décrit avec un tel talent vous remet un très grosse claque.

Et on en apprend encore. Sur la cupidité de ceux qui commandaient, sur leur arrogance, sur leur violence permanente, sur leurs tentatives pour apparaître aux yeux du monde comme des dirigeants « normaux ». Et on revit, pour les moins jeunes d’entre nous, ce mondial honteux de 78, où des foules de supporters sont allé faire la fête à moins d’un kilomètre d’un endroit où l’on pratiquait les pire tortures, certaines d’ailleurs enseignées aux argentins par des militaires français.

Un roman bouleversant, intelligent et sinistrement instructif.

Elsa Osorio / Double fond, (Doble fondo, 2017), Métailié (2018) traduit de l’espagnol (Argentine) par François Gaudry.

Menaces italiennes

Avec Menaces italiennes, Jacques Moulins continue sa série consacrée à l’équipe d’Europol en charge de lutter contre le terrorisme d’extrême droite en Europe.

L’équipe de Deniz Salvère a démantelé un réseau de truands qui pratiquaient le rançonnage informatique au profit, entre autres, des mouvements d’extrême droite dans toute l’Europe. Fort de ce succès il obtient d’installer une partie de son groupe à Gênes, pour surveiller Ettore Guidi, industriel nostalgique de Mussolini qui s’agite et agite les clubs de supporters de foot.

Dans le même temps un ex tortionnaire de Sadam Hussein que l’équipe berlinoise surveillait est assassiné dans un parc de la ville. L’enquête sur un réseau européen et d’éventuelles tentatives de déstabilisation des démocraties européenne patine, et l’existence même de l’équipe de Salvère est remise en cause au plus haut niveau d’Europol …

Je vais commencer par un avertissement, et en même temps par quelque chose qui m’a un peu gêné. Impossible de lire (à mon avis) ce volume si vous n’avez pas lu les deux précédents, ou au moins le précédent. Il y est fait constamment référence, surtout dans la première moitié, au point que j’ai eu un peu de mal ne me souvenant pas des noms de tous les protagonistes, morts ou vivants.

C’est dommage, je trouve que ça rend la lecture de la première moitié parfois laborieuse. C’est d’autant plus dommage que l’ensemble est passionnant et tristement d’actualité. Heureusement, après une mise en place pendant laquelle j’ai un peu ramé, l’intrigue se noue, on se refamiliarise avec certains faits et personnages et on se prend au récit pour ne plus pouvoir le lâcher dans la deuxième moitié.

L’analyse et la description, jamais lourdes, des mécanismes utilisés par les forces d’extrême droite dans toute l’Europe, et ici plus précisément en Italie sont impeccables. L’auteur évite l’écueil qui aurait consisté à se concentrer sur cette analyse en oubliant de construire de vrais personnages et une vraie intrigue.

A lire donc. Il faudrait juste que l’auteur veille, par la suite, à faire des romans qui nécessitent moins de souvenirs des aventures précédentes, soit en faisant de subtils rappels, soit en les décorrélant. Mais ce n’est qu’un avis personnel.

Jacques Moulins / Menaces italiennes, Série Noire (2023).

Le sang de nos ennemis

Cela faisait un moment que l’on n’avait pas trop de ses nouvelles, Gérard Lecas revient avec Le sang de nos ennemis.

Marseille, cet été 1962 est un sacré chaudron. Entre les pieds noirs qui débarquent en masse, le SAC, l’OAS, les trafiquants de came de la French Connection, les anciens collabos et les anciens résistants ou leurs enfants …

Le cadavre d’un algérien est retrouvé vidé de son sang, pas loin de la ville. Anthureau jeune flic, communiste, fils de résistants fait équipe avec Molinari, ancien résistant, gaulliste, membre du SAC. Une façon pour les flics locaux de se débarrasser de deux indésirables en les neutralisant. Anthureau et Molinari que tout oppose et qui pourtant vont se découvrir beaucoup plus de points communs qu’ils ne le souhaiteraient, alors qu’un deuxième cadavre apparaît et que la guerre des gangs fait des ravages.

Bienvenue à Marseille.

Je ne vais pas affirmer que c’est le roman marquant du début d’année, mais c’est du bon boulot, solide. L’ambiance, ou plutôt les ambiances sont bien rendues, que ce soit côté malfrats, anciens résistants, ou parti communiste. Les personnages sont bien campés. L’intrigue est bien menée.

Et c’est surtout le contexte historique d’une époque charnière qui est passionnant. On a beau être lecteur de polars, ne plus avoir beaucoup d’illusions sur la nature humaine et savoir qu’une guerre propre n’existe pas, une partie des saloperies décrites ici n’a pas manqué de me surprendre et de me révolter. Ce qui est positif, c’est quand on ne pourra plus être ni surpris ni révoltés qu’il faudra s’inquiéter.

Un bon polar historique.

Gérard Lecas / Le sang de nos ennemis, Rivages/Noir (2023).

Le tueur au caillou

Dès son premier roman traduit, Alessandro Robecchi s’est affirmé comme une auteur italien à suivre, et à d’ailleurs gagné le prix Violeta Negra décerné lors de Toulouse polars du Sud. Avec ce troisième roman Le tueur au caillou, il confirme qu’il est un grand du polar italien qui compte quelques maestros.

Un boucher « de luxe », propriétaire de plusieurs boucheries très connues à Milan est abattu dans la rue, un soir. Le tueur a laissé un caillou sur le cadavre. L’homme était inconnu des services de police, aimé de tous, il payait ses impôts … Un grand mystère. C’est ensuite un promoteur en vue qui est abattu, avec une autre arme, mais toujours avec un caillou. Lui par contre avait quelques casseroles, mais surtout des appuis politiques puissants.

La grande bourgeoisie milanaise à peur, les journaux en font des tonnes, et Flora de Pisis, la grande prêtresse de l’émission bien putassière de notre ami producteur Carlo Monterossi ne reculera devant aucune vulgarité pour faire de l’audience et faire pleurer dans les chaumières.

De leur côté, les flics milanais, à la tête desquels se trouvent le brigadier Carella et le sous-brigadier Ghezzi que les habitués de l’auteur milanais connaissent déjà sont dessaisis de l’enquête au profit d’un grand cirque romain et d’un profileur israélien. Dessaisis ne veut pas dire inactifs, et Carlo, comme toujours, va se retrouver mêlé à l’affaire.

Alessandro Robecchi s’améliore de roman en roman, et pourtant le premier était déjà très bon. Là on passe au niveau supérieur. Il reste l’écriture vive et l’humour qui vient teinter le désespoir de plus en plus grand de Carlo et des flics. La critique de la société, jamais pesante, se fait impitoyable. Les médias, le grand cirque des réseaux sociaux sont cloués au pilori sans jamais tomber dans la leçon pesante.

Le sort des plus humbles est au centre du roman, sans pathos, sans angélisme, avec une tendresse et une humanité qui vous prend aux tripes. La morgue de ceux à qui la vie a tout donné est décrite d’une manière éclatante, d’autant plus que c’est ici au travers d’un personnage inoubliable.

Décidément un très grand auteur, un des maîtres du polar italien pourtant très riche. Et bonne nouvelle pour ceux qui n’ont pas lu les deux premiers, ils se lisent, pour l’instant, tous indépendamment, même s’il est parfois fait allusion aux romans précédents.

A lire absolument.

Alessandro Robecchi / Le tueur au caillou, (Torto marcio, 2017), l’aube noire (2023) traduit de l’italien par Paolo Bellomo et Agathe Lauriot dit Prévost.