Archives du mot-clé Inde

Le soleil rouge de l’Assam

Le soleil rouge de l’Assam n’est « que » le quatrième roman d’Abir Mukherjee, et pourtant on a déjà l’impression de connaître le capitaine Wyndham et son assistant, le sergent Banerjee depuis toujours.

Sam Wyndham croyait faire une pause. Pas agréable la pause, mais une pause quand même. Il est en route vers un centre au cœur de l’Assam pour se désintoxiquer de l’opium. Au menu diète, boissons infâmes, vomissements et délires en tous genres. Mais cela ne suffit pas, en arrivant il croise une silhouette qui le ramène plus de 15 ans en arrière, en 1905 lors de ses débuts dans les quartiers pauvres de Londres. Il pense avoir croisé l’homme qui avait alors voulu le tuer.

Quand un de ses compagnons d’infortune est retrouvé mort près du centre, Wyndham ne peut s’empêcher d’enquêter, ni de se souvenir de cette première affaire, en 1905, qui lui avait laissé un goût particulièrement amer. Il lui faudra l’aide de Banerjee, venu le retrouver à la fin de sa cure pour tirer tout cela au clair.

Abir Mukherjee fait dans la continuité tout en se renouvelant. La continuité ce sont les deux personnages et le contexte de l’Inde des années 20 avec la montée du mouvement d’indépendance de Gandhi. C’est aussi la qualité de ses intrigues et de la construction de ses personnages.

Le renouvellement vient de plusieurs facteurs. Il change de lieu, nous faisant visiter une nouvelle région, et surtout il alterne entre le présent indien, et un début de 20° siècle à Londres où l’on voit que la morgue des colons n’est que la conséquence de celle des possédants anglais envers le peuple des quartiers pauvres, dont les habitants, réflexe malheureusement universel, trouvent dans les nouveaux immigrants (ici les juifs fuyant les pogroms) un bouc émissaire facile, encore plus mal loti qu’eux.

Le renouvellement vient aussi de l’absence de Banerjee pendant les ¾ du roman, et de son évolution, habilement mise en scène avec un humour bienvenu.

Il vient également ici de son hommage amusé aux grands anciens du polar so british, avec deux meurtres en chambre close, et un meurtre dans une maison où tout le monde a intérêt à trucider le mort.

Bref, l’auteur s’amuse, mais il s’amuse très sérieusement. Un vrai régal pour le lecteur.

Abir Mukherjee / Le soleil rouge de l’Assam, (Death in the east, 2019), Liana Levi (2023) traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Battle.

Avec la permission de Gandhi

Abir Mukherjee soigne son entrée en matière pour son troisième roman Avec la permission de Gandhi :

« Un cadavre dans un funérarium n’a rien d’inhabituel. Il est rare en revanche d’en voir un y entrer par ses propres moyens. Cette énigme mérite d’être savourée, mais le temps me manque, attendu que je suis en train de courir pour sauver ma peau. »

Nous retrouvons donc le capitaine Wyndham dans une mauvaise posture. En fuite quand une descente a lieu dans une fumerie d’opium du quartier chinois de Calcutta. Il s’en sort bien entendu, mais quand un peu plus tard il est appelé sur les lieux d’un meurtre, il a la surprise de trouver une infirmière travaillant dans un hôpital militaire tuée de la même façon que le cadavre qu’il a découvert dans ces circonstances rocambolesques. Sauf qu’il ne peut pas le dire.

Dans la ville, la révolte menée par un certain Gandhi fait de plus en plus d’adeptes, les manifestations se multiplient et le prince héritier n’a pas de meilleure idée que de venir faire une tournée en Inde. Autant de circonstances qui vont compliquer le travail de Wyndham et du sergent Banerjee, qui se retrouve pris entre sa loyauté envers les siens et son travail d’enquête auprès de son supérieur et ami. D’autant que les services secrets ne vont pas tarder à s’en mêler.

« Comme dans le premier volume, la qualité de l’écriture et de la narration fait que l’on apprend beaucoup en se passionnant pour l’histoire au premier degré. Que demander de plus ? le troisième volume. » Ai-je écrit en conclusion du second volume. Voilà, le troisième est là, et Wyndham et Banerjee sont devenus des personnages familiers, des amis que l’on a grand plaisir à retrouver.

C’est toujours intelligent, le double regard d’un anglais (assez critique vis-à-vis des puissants de son pays) et d’un indien qui a fait le choix de rester dans la police du colonisateur permet de rendre toute la complexité de la situation. C’est passionnant de découvrir ce lieu et cette époque, assez mal connus (et c’est peu de le dire dans mon cas) du lecteur français. C’est encore plus passionnant à ce moment où le seul nom que je connaissais, à savoir Gandhi commence à apparaitre.

Et pour finir de vous convaincre, l’auteur fait preuve d’une maîtrise impressionnante du suspense dans un final digne des meilleurs spécialistes du polar. Je ne vois pas bien ce qu’il faudrait dire de plus pour que vous lisiez ce troisième volume, si vous avez déjà lu les 2 premiers. Ou que vous vous précipitiez sur les trois si vous ne connaissez pas cet auteur.

Abir Mukherjee / Avec la permission de Gandhi, (Smoke and ashes, 2018), Liana Levi (2022) traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Battle.

Le serveur de Brick Lane

Un nouvel auteur anglo-indien chez Liana Lévi, Ajay Chowdhury et son premier roman Le serveur de Brick Lane.

Kamil Rahman est serveur au Tandoori Knights, Brick Lane, London, restaurant appartenant à deux amis de ses parents, originaires comme lui de Calcutta. Pourtant quelques semaines auparavant, il était inspecteur de police dans sa ville natale. Jusqu’à ce qu’une enquête tourne mal et le voit affronter des gens trop puissants pour lui.

Quand le richissime Rakesh Sharma chez qui ils étaient allés faire fournir un service de traiteurs est retrouvé mort à la fin de la fête, Kamil se dit que c’est peut-être le moment proposer ses talents à la police anglaise. Mauvaise idée … Mais Kamil est têtu.

Si je devais résumer je dirais : Peut mieux faire.

Le gros reproche que je ferais à ce roman est d’être un peu trop sage. On ne sent pas le bruit, le chaos, les senteurs de Calcutta. On ne ressent pas le côté cosmopolite de Brick Lane ou la frustration d’un personnage comme vous et moi face à l’impunité des puissants. L’auteur nous dit tout ça, mais d’une écriture encore un peu sage, ou scolaire ; à moins que ce ne soit l’envie de rendre hommage aux grands anciens british (de Poirot à Holmes). Toujours est-il que l’émotion ne passe pas. Et puis j’avoue que s’il faut regarder du côté des anglais je suis plus Robin Cook qu’Agatha Christie, plus Ted Lewis que Conan Doyle. Bref pour moi ça manque de force et de folie.

Sinon, il faut reconnaître que le personnage principal est attachant, la description de la corruption en Inde intéressante, le quotidien des immigrés indiens à Londres, dans leur grande diversité est bien décrit, et le roman donne faim, ce qui est la moindre des choses pour une histoire se déroulant en partie dans un restaurant.

Donc je ne me suis pas ennuyé, mais je ne suis pas enthousiaste. Mais je suis certain que c’est un roman qui va toucher un public qui ne veut pas trop de noirceur dans les polars.

Ajay Chowdhury / Le serveur de Brick Lane, (The waiter, 2021), Liana Lévi (2021) traduit de l’anglais par Lise Garon.

Les princes de Sambalpur

L’attaque du Calcutta-Darjeeling a révélé en France l’auteur écossais d’origine indienne Abir Mukherjee. Les princes de Sambalpur, le volume suivant confirme ce que l’on pensait tous à la lecture du premier roman : nous avons là un excellent auteur et une non moins excellente série.

1920, à Calcutta, on ne peut pas dire que le capitaine Wyndham, ex de Scotland Yard et son aide le sergent Sat Banerjee se couvrent de gloire : Alors qu’ils rentrent en voiture avec le prince Adhir du petit mais très riche royaume de Sambaltur, ce dernier est assassiné sous leurs yeux par un fanatique. Quelques jours plus tard ils retrouvent l’homme qui se suicide. Ils décident, à la faveur de l’enterrement du prince, d’aller enquêter sur place pour tenter de démasquer les commanditaires.

Ils s’aperçoivent alors que dans ce royaume les intrigues vont bon train, que les compagnies qui exploitent les diamants, les services secrets, les religieux et les différents membres de la famille royale jouent un jeu complexe. Entre un repas somptueux et une chasse au tigre, sans réel pouvoir dans un royaume théoriquement indépendant, et alors que l’influence britannique commence à faiblir, la tâche de Wyndham et Banerjee s’avère complexe.

L’excellent premier volume de la série promettait une belle suite. Cette promesse est tenue. On retrouve ici toutes les qualités d’un beau travail ; classique dans sa forme, avec ses deux « flics » issus de cultures très différentes que l’on suit dans une enquête avec ce qu’il faut de coups de théâtre et de rebondissements, et original par l’époque et le lieu qu’il décrit.

On se régale à suivre les péripéties du séjour de Wyndham et Sat Banerjee dans le petit royaume de Sambalpur. La description de l’environnement est passionnante, avec ses oppositions entre un luxe inouï et la pauvreté ambiante, entre le monde clinquant des hommes (rois, princes, prêtres et représentants britanniques) et celui feutré, secret et étonnant des femmes de la cour, épouses et concubines, cachées à la vue du reste du monde mais beaucoup plus influentes qu’on ne peut le penser au premier abord.

Et les réflexions de Wyndham qui découvre ce monde, et de Banerjee qui est presque aussi étranger à ce petit royaume que son capitaine nous révèlent la complexité de l’Inde de ce début de siècle, et met en évidence les contradictions et absurdités du nôtre :

« … l’édifice est orné de sculptures de dieux et de mortels entremêlés dans le genre de positions que votre curé n’imaginerait probablement jamais, et accepterait encore moins d’afficher sur la façade de son église. Et pourtant, un prêtre serait parfaitement heureux avec des gargouilles ou des vitraux représentant les damnés en train de brûler dans les feux de l’enfer. Pourquoi nous les chrétiens nous montrons nous aussi effarouchés par les représentations des scènes d’amour ? de quoi nos cardinaux et nos archevêques ont-ils peur ? »

Comme dans le premier volume, la qualité de l’écriture et de la narration fait que l’on apprend beaucoup en se passionnant pour l’histoire au premier degré. Que demander de plus ? le troisième volume.

Abir Mukherjee / Les princes de Sambalpur, (A necessary evil, 2017), Liana Levi (2020) traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Battle.

L’attaque du Calcutta-Darjeeling

Si je n’ai pas été emballé par Le jardin, il en va tout autrement d’un autre polar se déroulant très à l’est de la vieille Europe, L’attaque du Calcutta-Darjeeling du très britannique Abir Mukherjee.

A Mathematician (?)1919. Plus rien ne retient à Londres le capitaine Wyndham de Scotland Yard. Sa participation à la guerre lui a enlevé toute croyance en quoi que ce soit, et la mort de sa jeune épouse durant l’épidémie de grippe espagnole, alors qu’il se remettait de ses blessures a eu raison de son envie de rester où il est. C’est pourquoi il accepte la proposition d’un de ses anciens chefs de venir le seconder à Calcutta.

Il arrive tout frais, découvrant la chaleur éprouvante, le bruit, les odeurs, l’attitude colonialiste de ses compatriotes et le peuple bengali qui commence à penser à se débarrasser de la domination anglaise, quand il est appelé dans un des quartiers mal famés de la ville. On y a trouvé le cadavre d’un blanc, et pas n’importe lequel, un des hommes de confiance du vice-gouverneur. Egorgé, on lui a enfoncé un message révolutionnaire dans la bouche. Une enquête suivie de près par toute la colonie britannique.

Quand quelques jours plus tard le train Calcutta-Darjeeling est attaqué par des bandits très organisés, et que rien n’y est dérobé, les ennuis du capitaine, et de son aide local, le sergent Banerjee Sat sont décuplés.

Du très classique, très bien fait, le parfait démarrage d’une série que l’on suivra avec plaisir (il y a déjà quatre volumes en anglais). Comme son nom l’indique, l’auteur est d’origine indienne, mais il est né et a vécu en Ecosse. Et il choisit de situer son intrigue à un moment clé : la fin de la première guerre, quelques jours avant que l’armée britannique ne tire sur une foule manifestant pacifiquement dans le nord de l’inde, faisant des centaines de morts et de blessés.

Très classique avec son duo d’enquêteurs, le premier qui porte un regard neuf sur la société, le second qui connait l’autre côté du miroir, et avoue s’être engagé dans la police parce qu’il est certain qu’un jour les anglais partiront, et qu’il faudra alors au pays des policiers formés et expérimentés. Classique dans la forme de l’enquête. Classique avec Wyndham qui tente d’anesthésier sa douleur et ses cauchemars dans l’opium ou le whisky …

Mais classique ne veut dire ni ennuyeux. Et ce premier roman est véritablement passionnant. Parce qu’il crée de véritables personnages que l’on apprend à connaitre petit à petit. Parce qu’il décrit très bien un lieu, une géographie, une société et un moment historique que l’on connait assez mal chez nous. Parce qu’il le fait sans simplifications outrancières. Parce que l’auteur manie très bien un mélange d’ironie légère et de véritable empathie. Et parce que l’intrigue est parfaitement menée.

Un vrai plaisir, un polar comme on les aime, et un auteur dont j’attends déjà avec impatience le nouveau roman.

Si j’avais un seul petit, tout petit bémol, c’est que le personnage de Wyndham me semble avoir parfois des opinions bien modernes pour un anglais arrivant dans une colonie en 1919. Mais je peux me tromper, et ça le rend bien sympathique.

Abir Mukherjee / L’attaque du Calcutta-Darjeeling (A rising man, 2016), Liana Levi (2019), traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Battle.

Dernier roman avant l’apocalypse ?

Dernière série noire de l’année (et peut-être la dernière programmée par Aurélien Masson ?), j’y suis allé un peu à reculons, le thriller techno n’étant pas mon genre de prédilection : Sept jours avant la nuit de Guy-Philippe Goldstein. Moyennement convaincu.

GoldsteinJulia O’Brien, agent de la CIA retenue prisonnière quelque part en Sibérie est enfin délivrée par les forces spéciales. Mais c’est pour être immédiatement envoyée en Inde : Une poignée de fanatiques de l’extrême droite hindoue (si le terme a du sens …) a réussi à détourner de l’uranium enrichi et à fabrique une bombe. Ils menacent tous les ennemis de l’Inde millénaire, à savoir à peu près le monde entier. Où la bombe risque-t-elle d’exploser ? A Londres ? New-York ? Pékin ? Karachi ? Ce qui est certain, c’est que, quel que soit l’endroit, les risques de guerre atomique généralisée sont réels.

Je ne sais pas si l’hiver me rend morose, ou si vraiment la production polar de cette fin d’année est faiblarde, mais une fois de plus, je ne suis guère enthousiaste. Pas non plus complètement négatif, mitigé.

Commençons par ce qui fonctionne. L’auteur, si j’en crois la quatrième, est analyste. Et je veux bien le croire, la description de l’enchainement de folies, de mauvaises décisions et de connerie paranoïaque pouvant amener le monde à un cataclysme nucléaire est horriblement parfaite et crédible. Oui on peut avoir un président des US complètement débile, religieux et buté. Oui bon nombre de gouvernants, pour sauver la face ou préserver leur poste, sont prêts à sacrifier l’humanité entière. Oui, sans le moindre doute, bon nombre de gens aux manettes sont complètement incultes en matière scientifiques, ce qui les empêche de comprendre, un minimum, les effets de leurs décisions. Et oui il y a de par le monde des illuminés prêts à tout.

Donc tout cela est très bien analysé, l’escalade macabre et fatale vers une catastrophe inévitable est très bien décortiquée et démontée. Du beau travail d’analyste et/ou de journaliste.

Là où ça pêche pour moi c’est le passage au roman et à la littérature. Qui dans mon cas passe beaucoup par les personnages. Et avec moi aucun n’a fonctionné. Ni Julia, ni son chef, ni son homologue indien … pas de chair, pas de tripes, que des neurones et du discours. Et là où j’aurais dû être inquiet, là où les pages auraient dû tourner toutes seules en avançant dans l’histoire, je me fichais de la fin. Apocalypse ou non ? Ca m’était égal.

J’avoue avoir sauté pas mal de passages de discours que j’ai trouvé interminables, coupant le rythme du récit qui aurait dû s’emballer, juste pour aller au plus vite à la fin voir par quelle pirouette la situation bien mal embarquée allait se résoudre.

Pour résumer, de façon un peu caricaturale, convaincu par le fond, pas par la forme.

Guy-Philippe Goldstein / Sept jours avant la nuit, Série Noire (2017).

Un très bel hommage à Kipling

Je continue les découvertes avec un auteur à côté duquel j’étais complètement passé. Une chronique de Yan m’a convaincu d’essayer Le grand jeu de Percy Kemp.

KempDes terroristes aidés par l’inaction complice des services secrets britanniques ont jeté le monde dans le chaos. En faisant exploser une charge nucléaire dans un immense volcan aux US ils ont couvert le monde d’une nuage de cendres qui a tout bouleversé. Après un hiver de plus d’une année, tout le nord de la planète meurt de faim, la civilisation basée sur l’électricité s’est effondrée et le Brésil et l’Australie, beaucoup plus épargnés, sont en train de devenir les nouvelles grandes puissances.

C’est dans ces conditions qu’Harry Boone, ex espion de sa gracieuse majesté réfugié à Sydney est remis en service par son ancien chef qui lutte pour conserver la suprématie anglo-australienne face au Brésil, à la Chine qui lutte de toute ses forces, et même face aux US. Il s’agit de retrouver l’inventeur d’un procédé génial permettant de synthétiser quasiment sans énergie des protéines à partir d’algues. Celui qui lui mettra la main dessus tiendra l’avenir de l’humanité. Les chinois et les américains sont déjà sur sa piste, en Inde.

En Inde justement, Mick, douze ans, est un des rares rescapés après l’attaque d’Auroville, une utopie construite avant la catastrophe dans le sud du pays par des gens venus du monde entier. Une utopie qui arrivait à survivre, et a attiré la convoitise de pirates qui l’ont rasée. Après quelques centaines de kilomètres à travers le sud du pays, Mick dont les parents ont été tués dans l’attaque d’Auroville arrive à Cochin, où Boone doit débarquer. Les voilà partis pour « le grand jeu ».

Deux choses m’ont frappé à la lecture de cet excellent roman. La première c’est la référence, évidente, à Kim de Kipling. Référence qui vient à l’esprit dès la lecture du résumé, et qui est assumée de façon ouverte par les personnages du roman qui s’y réfèrent souvent. La seconde, c’est quand j’ai cherché partout le titre original et le traducteur, tant j’étais persuadé que seul un anglais pouvait écrire un roman d’espionnage d’une telle qualité. Il est bien britannique (ouf !), mais il écrit en français.

Je découvre donc, enfin, Percy Kemp avec ce roman, et je suivrai attentivement les suivants ; je me suis régalé. Tout pour plaire. Ce très bel hommage à Kipling qui avait enchanté ma jeunesse est un roman riche et passionnant : roman d’aventure, roman d’espionnage, roman d’initiation, dystopie qui permet à l’auteur d’explorer les relations internationales dans un cadre où les rapports de forces auraient changé  …

Les personnages sont attachants, l’auteur raconte, décrit, sans porter de jugement marqué (au lecteur de se faire son opinion), les coups de théâtre ne manquent pas, et l’auteur sait parfaitement alterner les passages de pure aventure et les analyses géopolitiques sans que cela ne ralentisse jamais le récit.

Un vrai plaisir, original et intelligent. Bonne nouvelle, au vu du final très ouvert, il devrait y avoir une suite.

Percy Kemp / Le grand jeu, Seuil (2016).