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Les gens des collines

On n’avait pas eu de nouvelles de Chris Offutt pendant longtemps, et puis là, bonheur, deux romans en moins de 5 ans. Le nouveau s’appelle Les gens des collines.

Pas facile d’être shérif dans comté rural du Kentucky quand on est une femme. Mais Linda Hardin a du caractère. Elle va cependant avoir besoin de l’aide de son frère Mick, militaire sur tous les théâtres pourris de ces dernières années et actuellement membre de la police militaire en Europe. Il est de passage en permission parce que son mariage bat sérieusement de l’aile.

Leurs efforts conjugués ne vont pas être de trop pour éviter un bain de sang. Une femme, veuve, a été assassinée. Sa famille semble connaitre le coupable, mais ne dira rien, préférant régler l’affaire à l’ancienne, style vendetta. Et pour une raison étrange, le FBI s’en mêle. Mick qui connait les collines et leurs habitants comme sa poche va essayer de stopper l’escalade.

A son habitude, sans misérabilisme, sans condescendance mais sans angélisme non plus Chris Offutt dresse le portrait de cette région qu’il connait bien. Et qu’il aime de toute évidence. Une écriture d’une apparente simplicité si difficile à atteindre, des personnages inoubliables, des dialogues au cordeau, une description superbe de la nature.

Et des portraits de personnages secondaires qui donnent tout son sel à ce roman, avec une pointe d’humour dont je ne me souvenais pas dans ses précédentes œuvres. On sent le vécu, avec une mention spéciale pour l’utilisation pour le moins inhabituelle d’une mule qui ne peut pas avoir été inventée ; même l’imagination la plus fertile n’aurait pas pu concevoir cela. Mais je vous laisse le découvrir.

A lire donc, comme tous les romans et recueils de nouvelles de cet auteur, un des grands du monde rural américain aux côtés de Daniel Woodrell et Ron Rash.

Chris Offutt / Les gens des collines, (The killings hills, 2021), Gallmeister (2022) traduit de l’anglais (USA) par Anatole Pons-Reunaux.

Chris Offut réédité chez Gallmeister

Dernière réédition, après, promis, je me remets aux nouveautés. Un roman passé inaperçu, ou presque, lors de sa sortie dans la regrettée collection La Noire où Patrick Raynal publiait les bijoux qu’il découvrait mais qui ne cadraient pas avec la série noire : Le bon frère de Chris Offut.

Offut_01Dans les collines perdues du Kentucky, Virgil est satisfait de son sort. Il a un boulot, une cabane simple mais qui lui suffit, sa famille, et les bois qu’il connaît par cœur. Jusqu’au jour où Boyd, son grand frère, tête brûlée du coin est tué. Tout le monde connaît l’assassin, mais le shérif ne fera rien faute de preuve. Et tout le monde attend de Virgil qu’il applique la loi du talion. Aucun moyen pour lui d’échapper à cette vengeance qui, immanquablement, amènera une autre vengeance …

Pendant des semaines, Virgil va examiner toutes les options. Quoi qu’il fasse, sa vie tranquille dans les collines du Kentucky est terminée.

Chris Offut est un auteur rare, ses textes sont d’autant plus précieux. Je me souvenais de ce roman, et de nouvelles extraordinaires Kentucky Straight, également publiées dans la Noire. Et j’ai pris un immense plaisir à le relire.

Quelle puissance dans la description de ces mondes perdus, quelle humanité dans celle de ces habitants du Kentucky. On pense évidemment à Larry Brown ou Daniel Woodrell. C’est aussi dur, âpre et tendre à la fois. Une façon unique de décrire un monde rural, prolétaire, loin, très loin des grandes villes. Un monde où d’autres lois s’appliquent, un monde qui s’est inventé ses propres règles, un monde abandonné et ignoré par le reste du pays.

Et pour ceux qui croiraient à une unicité des grands espaces américains, le passage du Kentucky au Montana est superbement rendu. Deux univers complètement différents, dans leurs paysages, leurs climats et leurs populations. Différents dans leur rapport au reste du pays, différents dans leurs préjugés. La peinture des milices fascisantes et délirantes du Montana est saisissante, le terreau sur lequel elles poussent et la réaction instinctive mais manquant de mots de Virgil sont décrits de façon limpide.

C’est superbe, incroyablement humain, écrit au raz, non pas du bitume mais de la terre, c’est un bol d’air, de noirceur, d’amertume, de folie, de joie, c’est d’une empathie et d’une tendresse qui serrent la gorge, et c’est une putain de bonne histoire.

Merci messieurs Raynal et Gallmeister de nous permettre de lire et relire Chris Offut !

Chris Offut / Le bon frère (The good brother, 1997), Gallmeister/Totem (2016), traduit de l’anglais (USA) par Freddy Michalski.