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Armageddon Time

Un petit conseil cinéma pour une fois que je vois un film encore à l’affiche à peu près partout : Armageddon Time de James Gray.

Début des années 80, Paul et Johnny deviennent copains sur les bancs d’un collège public du Queens. Paul est le second fils d’une famille juive d’origine ukrainienne, Johnny est noir et vit seul avec sa grand-mère. Johnny est dès le départ le souffre-douleur du prof ; parce qu’il est rêveur et par amitié, Paul va tout faire pour être son associé en punitions et bêtises.

Mais jusqu’où pourra-t-il maintenir cette solidarité face à la pression croissante de la société et de sa famille ?

Autant vous avertir tout de suite, si vous attendez de grandes scènes spectaculaires, de l’action toute les minutes et des coups de théâtre, autant passer votre chemin. Le film est la chronique d’un quartier, d’un milieu, d’une époque et au point de vu plus intime celle de la perte de l’innocence, de la lutte perdue d’avance pour la justice et de l’apparition de la culpabilité.

C’est fin, sensible, intelligent, jamais manichéen, toujours juste. La force de la pression sociale est superbement montrée sans jamais être explicitée (ou presque). C’est superbement joué, par tous, avec une mention spéciale pour les gamins et pour Sir Anthony Hopkins dont la présence, même quand il ne dit rien, et ne fait rien, est absolument hallucinante.

Pas de grands effets, mais une réalisation avec cette simplicité apparente des grands que l’on aurait tort de prendre pour de la facilité, tant il est difficile d’arriver à cette forme d’évidence (au cinéma, comme en écriture ou en musique).

On sourit parfois, on est bouleversé souvent. A voir.

Quelques photos de vacances

J’étais donc loin de la maison, sur la côte est des US pour aller voir le grand qui passe un semestre à Philadelphie. Une semaine à New York et quelques jours à Philadelphie.

L’occasion de laisser quelques millimètres de semelle sur le bitume, de profiter des couleurs magnifiques de l’automne, et d’un temps complètement fou, beaucoup trop chaud pour la saison, mais c’était quand même bien agréable.

Avec la lumière de fin octobre, début décembre, le mélange, lumière, verre, acier est magnifique.

Et quand un peu de pierre s’en mêle c’est pas mal aussi.

On est aux US, tout est grand, énorme, plus, voire trop.

Et au milieu de cette forêt de béton, la nature quand même incroyablement présente.

Une ville incroyable, mais dont la fragilité saute aux yeux quand on le regarde d’un peu plus loin, un mètre de montée des eaux et …

Et puis il y a les clichés obligatoires, les escaliers de secours, le pont de Brooklyn de nuit …

Ça manque quand même cruellement de librairies, pas croisé une, alors qu’on a beaucoup marché.

A Philadelphie, moins de photos, mais quand même un petit clin d’œil à un personnage qui a immortalisé la ville.

Queens gangsta

Karim Madani traverse l’Atlantique pour le Queens des années 80 avec ce Queens Gangsta.

Années 80, dans les cités noires ravagées par les politiques successives de Reagan puis de Bush père, Kenneth « Preme » McGriff, et son neveu, de quelques années plus jeune que lui, Gerald « Prince » Miller montent la Supreme Team, une organisation qui va régner sur le quartier dans le domaine de la vente de crack et de cocaïne. L’argent coule à flot, mais attire les convoitises et l’attention des flics.

Grandeur et décadence d’un gang, ascension et dégringolade de leaders, on est dans l’archi classique du polar. Suivant comment c’est écrit et construit, cela peut être juste une redite, ou un roman original et passionnant. Ici, c’est original et passionnant.

Tout d’abord parce que l’histoire est bien menée, portée par de vrais personnages dont l’auteur ne masque ni les défauts, ni les doutes. Il n’en fait pas des héros, pas de simples victimes, pas de simples salauds non plus. Certes ils sont victimes de la politique américaines des années 80, certes ils tuent et font fortune avec un commerce de mort, mais, comme souvent dans la vraie vie, les choses sont complexes. Et toute cette complexité est bien décrite.

Ensuite parce que même s’il s’attache à quelques destins individuels, Karim Madani élargit son propos et parle du collectif, montre (sans se perdre dans les explications), en quoi ces destins sont forgés par tout en environnement et tout un contexte politique. Et c’est là qu’en plus du pur plaisir de lecture, du plaisir de suivre ces destins particuliers, le lecteur referme le bouquin en se sentant un peu moins ignare. Ce qui est toujours valorisant.

A découvrir donc.

Karim Madani / Queens Gangsta, Rivages/Noir (2022).

Riley tente l’impossible

Je savais que j’avais essayé un Dexter il y a longtemps et trouvé ça lourdingue. Mais j’ai tenté Riley tente l’impossible du même Jeff Lindsay. Raté.

Riley Wolfe est le meilleur voleur du monde. Rien ne lui résiste. C’est aussi un psychopathe qui tue comme il respire, quand c’est nécessaire mais sans plaisir. Et Riley Wolfe s’ennuie. Alors il va tenter le coup impossible : voler le plus gros diamant du monde, propriété de la couronne iranienne, lors d’une exposition archi sécurisée à Manhattan.

Dans ses chroniques de haine ordinaire, l’immense Pierre Desproges, acculé par la faim est réduit à l’impensable :

« Le placard aux victuailles exhibait un bocal de graisse d’oie, deux boîtes de Ronron et une de corned-beef. […] Un voisin pauvre mais compatissant me fit le prêt d’une demi-baguette de pain mou et d’un litron sobrement capsulé dont l’étiquette, en gothiques lamentables, chantait avec outrecuidance les vertus du gros rouge ci-inclus. […]

Or donc, la rage au cœur et la faim au ventre, je me retrouvai seul à la minuit dans ma cuisine avec ce pain flasque, le litron violacé et la boîte de corned-beef que je venais de gagner à pile ou face avec le chat, le sort souvent ingrat m’ôtant le Ronron de la bouche au bénéfice de ce connard griffu.

Or, à mon grand étonnement, j’y pris quelque plaisir, et même pire, j’en jouis pleinement jusqu’à atteindre la torpeur béate des fins de soupers grandioses, et m’endormis en toute sérénité. »

Tout ça pour quoi ? Pour tenter de comprendre pourquoi je suis allé au bout de ce roman à l’humour lourd et insistant, aux personnages absolument pas crédibles et aux rebondissements qui font lever un ou deux sourcils au lecteur le plus indulgent.

Bon j’avoue, j’ai sauté quelques lignes mais j’étais curieux de savoir jusqu’où l’auteur pouvait aller. J’ai déjà du mal à lire des histoires de voleurs à Manhattan, tant pour moi il y a un et une seul voleur digne d’intérêt dans cette ville. Là en plus c’est écrit avec de gros sabots. Donc à part si vous avez une envie soudaine de gros pif et de pâté rose en boite, je vous le déconseille.

Jeff Lindsay / Riley tente l’impossible, (Just watch me, 2019), Série Noire (1998) traduit de l’anglais (USA) par Julie Sibony.

Tout ce qui meurt

Suite à un petit coup de mou, et deux bouquins laissés avant la cinquantième page, j’ai décidé de me faire un petit plaisir et de reprendre la série Charlie Parker de John Connolly à son début. Tout ce qui meurt donc.

Un soir qu’il était en train de picoler, un tueur psychopathe a sauvagement assassiné la femme et la fille de Charlie Parker, flic à New-York. Quelques mois plus tard, Bird est sobre et a démissionné de la police. Il cherche désespérément le tueur. Une quête qui va le conduire sur les traces d’autres assassins, de New-York aux bayous de Louisiane. Heureusement qu’il peut compter sur l’aide de deux amis non conventionnels, Angel et Louis, aussi drôles que redoutables.

Voici donc les débuts de Bird et de ses deux acolytes, Angel et Louis. C’est aussi le roman qui plante le décor et les traumatismes qui seront présents durant toute la série (du moins jusqu’à ce jour). L’humour est présent, la pointe fantastique n’apparait pas encore. Et l’on est dans une sorte d’hommage au grand James Lee Burke avec une deuxième moitié du roman qui se déroule dans les bayous de Louisiane.

Le talent de conteur est déjà là, le décor et les personnages se mettent en place. Je ne sais pas si à l’époque John Connolly avait la moindre idée de là où il voulait aller, mais il donnait déjà envie de suivre ses héros.

A lire absolument si vous voulez découvrir cet auteur tant il plante les bases sans lesquelles il est difficile de comprendre l’évolution future de Charlie et de ses potes. Et puis c’est déjà un vrai plaisir de lecteur de polar, pour ceux qui aiment qu’on leur raconte des histoires horribles avec du suspense et une belle dose d’humanité.

John Connolly / Tout ce qui meurt, (Every dead thing , 1999), Pocket (2001) traduit de l’anglais (Irlande) par Philippe Hupp et Thierry Arson.

Viper’s dream

Cela faisait bien longtemps que l’on n’avait pas de nouvelles de Jake Lamar. Il revient avec Viper’s dream.

Dans les années 30, le jeune Clyde Morton quitte l’Alabama pour New-York, sa trompette sous le bras. Il est persuadé qu’il a du talent et que c’est là qu’il doit aller pour le faire reconnaître. La désillusion est rapide et cruelle, il est nul.

Trente ans plus tard, Clyde Viper Morton qui a tué pour la troisième fois passe ce qui pourrait bien être sa dernière soirée chez la baronne Pannonica, légendaire mécène des jazzmen. Il est richissime, craint de Harlem à los Angeles, fournisseur d’herbe de tous les musiciens et bien au-delà. Il se souvient de ces trente années, de l’évolution du jazz, de New-York et de Harlem, de la déferlante de l’héroïne …

Un roman court, concis, qui dresse le portrait de Viper, certes, mais surtout de Harlem et du jazz entre les années 30 et le tout début des années 60. Je ne vous le vendrai pas comme le roman de l’année, l’auteur fait le choix de prendre une certaine distance et de nous faire tout revivre au gré des souvenirs de son personnage. Mais pour qui s’intéresse au jazz, c’est passionnant de voir l’évolution de cette musique, mais également celle de son public, de voir les plus grands clubs quitter Harlem pour se rapprocher de la clientèle blanche, d’assister aux ravages de l’héroïne, à l’arrivée du bebop, de passer une soirée chez la mythique Panonica en compagnie de Monk, Miles et les autres …

Une belle histoire, racontée par un personnage haut en couleur et dominée par une figure de femme fatale. Que demander de plus quand on aime le polar et le jazz ?

Jake Lamar / Viper’s dream, (Viper’s dream, 2021), Rivages (2021) traduit de l’anglais (USA) par Catherine Richard-Mas.

87° District, fin.

Et voilà donc la fin.

Cash cash : Nous sommes entre Noël et le nouvel an. Voilà qui ne pas aider Steve Carella et ses collègues qui se heurtent à beaucoup de bureaux fermés. Cerise sur le gâteau, ils sont obligés de travailler avec le gros Ollie qui, en plus d’essayer d’apprendre à jouer Night and day au piano, a décidé de devenir auteur de polars. Et voilà comment les choses ont commencé : le corps d’une jeune femme, nue, est découvert en morceaux, bouffé par les lions du zoo. Manque de chance, si le corps est dans la partie du 87° de la fosse aux fauves, une jambe se trouve dans le 88°, d’où la présence du délicieux Ollie. Ajoutez le représentant d’une petite maison d’édition qui se retrouve abattue d’une balle dans la tête et mis dans une poubelle. Entre autres, et vous voyez que les flics du 87° ne vont pas passer de très bonnes vacances de Noël. Humour garanti comme chaque fois qu’apparaît leur cher collègue du 88°, mais également une construction impeccable, l’apparition de terroristes affiliés à Al Qaïda et une confrontation inédite avec … mais n’en disons pas plus, un excellent épisode.

Roman noir est, en partie, une très malicieuse mise en abime. Sachez que le héros en est l’abominable Gros Ollie. Un politicien est assassiné dans son district, mais il vivait en bordure du 87°, donc il va avoir l’aide de Kling et Carella. Mais le pire est qu’on a volé à Ollie, dans sa voiture, sa sacoche, avec l’unique exemplaire du grand roman policier qui va faire sa renommée. Décidément, Week n’a pas de chance avec ses aspirations artistiques. Il ne dépasse pas la première mesure de Night and Day au piano (trois fois la même note), et on lui vole son chef d’œuvre. Qui aura, vous verrez, un destin extraordinaire. Enormément d’humour, l’apparition d’internet et d’Amazon, des allusions au terrorisme, mais aussi au racisme, Ed McBain continue à être le témoin talentueux, très talentueux de son époque.

Le frumieux bandagrippe commence sur le yacht loué par la maison de disque Bison Records et son patron Barney Loomis pour lancer la carrière de leur prochaine diva de la pop Tamar Valparaiso. Le but, étourdir les invités, leur faire apprécier le talent et la plastique de la très jeune te très belle Tamar et lancer son premier single Bandagrippe sur toutes les télé et radios qui comptent. Le coup de pub va aller bien au-delà de ce qui était espéré quand deux hommes font irruption sur le bateau et enlèvent la future star. Un épisode très drôle qui nous offre une peinture au vitriol du monde de la musique, des mécanismes de fabrication d’une star, mais aussi des multiples plateaux télé et de la façon la plus putassière qui soit de rechercher l’audience. Coup de griffe au passage aux nouvelles méthodes d’enquête qui misent tout sur la technologie et oublient le boulot de flic de la bande de Steve Carella traité (pas longtemps), comme un larbin par les stars du FBI. Un très bon épisode d’un auteur qui n’a rien perdu de sa verve. Et aussi étonnant que cela puisse paraitre on y trouve un Ollie Week très gentleman.

Jeux de mots voit le retour du Sourd. Qui comme d’habitude envoie des énigmes aux balourds du 87°. Anagrammes, extraits de pièces de théâtre, codes, tout va y passer pour les faire tourner en bourrique. Ils détestent le Sourd qui s’y entend pour leur faire comprendre qu’ils sont des idiots, et que, quoi qu’ils fassent, il volera ce qu’il voulait voler, et tant pis pour les cadavres qui pourront s’accumuler en chemin. Encore une preuve du savoir-faire incroyable du maestro d’Isola. Le rythme, le « montage » des différentes scènes, la montée du suspense sont absolument remarquables, toujours avec la même économie de moyen. A noter que pour la première fois Steve Carella se fait aider par son fils qui va lui montrer ce qu’on peut trouver en ligne avec un ordinateur.

Et on termine, la larme à l’œil, avec Jouez violons. Que peuvent bien avoir en commun un violoniste aveugle, une belle femme, la cinquantaine, représentante en produits de beauté, un prêtre et quelques autres ? Rien apparemment, sinon qu’ils sont tous abattus avec la même arme. Un sacré casse-tête pour le 87°. Qui heureusement (?) va recevoir l’aide inestimable du gros Ollie qui fait un régime et serait en train de tomber amoureux ? Et voilà, c’est la fin. Une fin frustrante, on aimerait vraiment savoir comment allait se poursuivre la vie de l’incontournable Ollie. Et comment Steve allait se débrouiller avec les problèmes avec son ado de fille. Et la vie amoureuse de Bert. Et comment allait évoluer Isola, à quels crimes, changements, beautés, bouleversement … Elle allait être soumise.

Mais voilà, Steve, Meyer, Art, Bert et les autres sont à jamais coincés en 2006, et nul doute qu’ils continuent à y traquer le crime, à aimer, pleurer, rire et compatir. Adieu à toute la bande, vous m’aurez offert tant d’heures de bonheur.

Ed McBain / 87° District volumes 51 à 55 :

(51) Cash cash (Money money money, 2001), traduit de l’anglais (USA) par Hubert Tézenas.

(52) Roman noir (Fats Ollie’s book, 2002), traduit de l’anglais (USA) par Jacques Martichade.

(53) Le frumieux bandagrippe (The frumious bandersnatch, 2004), traduit de l’anglais (USA) par Jacques Martichade.

(54) Jeux de mots (Hark !, 2006), traduit de l’anglais (USA) par Jacques Martichade.

(55) Jouez violons (Fiddles, 2006), traduit de l’anglais (USA) par Jacques Martichade.

Serial Bomber

J’avais besoin d’une lecture facile, un bouquin dont les pages tournent toutes seules et qui ne sollicite pas trop les neurones. Mais bien fait quand même. Ca existe, j’ai trouvé. Le dernier thriller de Robert Pobi, Serial Bomber a très bien fait l’affaire.

Une société avait privatisé le Gunggenheim de New York pour son lancement en bourse. Tout le gratin de l’économie, de la finance  … Plus de 600 personnes. Toutes carbonisées dans une explosion parfaitement maîtrisée. On imagine le chaos, la pression sur le FBI, l’emballement médiatique, le monceau de stupidités sur les réseaux sociaux.

Brett Kohoe, FBI, en charge de Manhattan n’a d’autre solution que de se tourner vers Lucas Page. Ancien de la maison, génie des maths, astrophysicien, il a un talent hors norme pour faire parler les chiffres. Et quand on des centaines de dossiers à étudier pour trouver des corrélations, c’est bon d’avoir un génie sous la main. Bien qu’il ait juré à sa famille de ne pas y retourner, Page ne peut s’empêcher d’accepter.

Je ne suis pas devenu un fan de thrillers, et je ne vais pas essayer de vous dire que celui-ci révolutionne le genre. Mais il fait le boulot.

Robert Pobi a dû, comme beaucoup d’américains, être traumatisé par les années Trump, et les tombereaux de conneries sidérales qui se sont échangées sur le net. Il déteste les complotistes et autres abrutis, ne porte dans son cœur ni les media (en particulier télévisuels), ni la connerie largement diffusée sur les réseaux sociaux. Et comme il a le sens de la formule, et que son personnage a la dent particulièrement dure, c’est souvent très drôle.

Je retiendrai comme exemple ces imbéciles qui pour résister à l’emprise de la technologie, jettent leurs téléphone dans un brasier et meurent très connement à l’explosion de la batterie. Ou encore mieux, ceux qui créent des groupes facebook ou instagram pour promulguer la fin de l’utilisation des réseaux sociaux …

A cela ajoutez un sens du rythme aussi affuté que son sens de la formule, des chapitres courts et incisifs, et vous passerez un très bon moment en compagnie de Lucas Page.

Robert Pobi / Serial Bomber, (Under pressure, 2020), Les arènes/Equinox (2021) traduit de l’anglais (USA) par Mathilde Helleu.

87° District de 46 à 50

Avant dernier groupe de 5, ça sent la fin.

Veille de Noël au 87° District c’est de la triche, juste une nouvelle illustrée de 1984. Juste quelques pages pour décrire le chaos des dernières heures du réveillon de Noël au commissariat. Court, très drôle, un sens du dialogue toujours époustouflant et une chute digne des meilleurs. Un bonbon.

McBain-47C’est le numéro 47, Romance, qui prend vraiment la suite du 45. Romance est d’après tous ceux qui la connaissent, hormis son auteur, une assez mauvaise pièce de théâtre. Qui n’a aucune chance d’être montrée hors de la petite salle où elle est montée. Le metteur en scène, les acteurs, les producteurs, tous sont d’accord. Même l’actrice principale, fort belle mais pas très bonne actrice le pense. Quand elle reçoit des menaces de mort, comme le personnage qu’elle joue dans Romance, elle va porter plainte au 87°. Puis elle est poignardée dans la rue, sans grands dommages … Bienvenue dans le monde du théâtre, vous saurez tout sur le montage d’une pièce, son coût, ses vicissitudes. Quand je disais qu’en lisant la série on saurait tout sur la vie à New York dans la seconde moitié du XX° siècle.

Nocturne commence par la découverte de deux cadavres : Une petite vieille et un chat, dans un appartement gelé. La dame se révèle avoir été une grande pianiste internationale, tombée dans l’oubli. Le même soir, une prostituée trouve la mort. Et tout cela va bien entendu arriver dans les mains de Steve et ses collègues. Un épisode très sombre, glacé comme la température, mais son sans humour. Avec l’apparition des répondeurs automatiques insupportables dans l’administration, vous savez, si vous souhaitez truc, tapez 1 si … Et comment cela peut finir par un meurtre.

McBain-49La ville sans sommeil s’ouvre sur la découverte du cadavre d’une jeune femme dans un parc. Il s’avère que c’est une bonne sœur. Ce sont Carella et Brown qui sont en charge de l’enquête. En parallèle Kling et Meyer cherchent à attraper Cookie Boy, un cambrioleur qui laisse des boites de cookies aux pépites de chocolat aux victimes de ses forfaits. A l’aube du XX° siècle Ed McBain s’amuse avec le temps, Carella est très inquiet d’avoir bientôt … 40 ans, alors que cela fait maintenant 43 ans qu’il arpente les rues d’Isola avec ses collègues. L’occasion aussi d’évoquer, avec Brown quelques anciennes enquêtes. Et de faire un point sur l’état des quartiers de la ville, du racisme ordinaire (et extraordinaire avec l’affreux Ollie) … Un excellent numéro.

McBain-50Bienvenue dans la dernière ligne droite et les années 2000 avec La dernière dance. Steve Carella a fêté ses quarante ans, Bert Kling est de nouveau en couple, avec Sharyn, chirurgienne, entre autres en charge des policiers blessés, accessoirement noire. Rien de neuf pour le reste de la bande. Un vieil homme est retrouvé chez lui, mort d’une crise cardiaque d’après sa fille qui l’a trouvé. Sauf que le cadavre a des marques de strangulation. Alors l’a-t ’elle dépendu par peur de ne pas toucher l’assurance ? Ou est-ce plus sinistre ? Pas loin, le gros Ollie enquête sur le meurtre d’une prostituée. Ollie toujours aussi haineux, raciste, pénible, puant … Et bon flic. New York dans le froid, les tensions raciales, ceux qui en souffrent (la grande majorité) et ceux qui en profitent, la difficulté d’une vie de flic, les dialogues impeccables, l’humour. EdMcBain dans toute sa splendeur.

Ed McBain / 87° District volumes 46 à 50 :

(46) Veille de Noël au 87° District (And all through the house, 1984), traduit de l’anglais (USA) par Jacques Martichade.

(47) Romance (Romance, 1995), traduit de l’anglais (USA) par Jacques Martichade.

(48) Nocturne (Nocturne, 1997), traduit de l’anglais (USA) par Jacques Martichade.

(49) La ville sans sommeil (The big bad city, 1999), traduit de l’anglais (USA) par Jacques Martichade.

(50) La dernière dance (The last dance, 2000), traduit de l’anglais (USA) par Jacques Martichade.

87° District de 41 à 45

J’approche dangereusement de la fin …

87-41Isola blues hiver 89. Soirée du nouvel an. Reagan est encore président, plus pour longtemps. En rentrant, un peu éméchés du réveillon, deux jeunes parents trouvent leur baby-sitter assassinée, et leur petite fille de 6 mois étouffée dans son berceau. Sale cas pour Meyer et Carella. Dans le même temps Kling sauve la vie de d’un truand portoricain en train de se faire tabasser par trois jamaïcains, et Eileen Burke n’arrive pas surmonter les violences qu’elle a subi en faisant son boulot. La routine du 87° District. Un modèle de construction et d’intrigue, les dialogues et l’humour au rendez-vous. On passe du temps avec Eileen Burke et on voit ses collègues, et en particulier Bert Kling à travers son regard. C’est toujours un plaisir.

Bienvenue en 1990 avec Vêpres Rouges. Un soir de printemps le curé d’une paroisse située en limite entre un quartier italien et un quartier noir est assassiné de multiples coups de couteau. Et bien qu’il ne soit plus croyant depuis bien longtemps, ce meurtre trouble Steve Carella. D’autant plus que son enquête va révéler de nombreuses tensions autour de l’église. Et des mensonges, les uns après les autres. Une variation autour du thème de Rashomon, avec la même histoire racontée de différentes façon, chacune avec ses mensonges, et un petit clin d’œil au lecteur, avec Steve qui se dit qu’il ne voit pas le temps passer, qu’il pourrait s’être passé aussi bien 15 ans que 40. Et oui, Steve qui ne vieillit pas, ses jumeaux ont 11 ans, et pourtant il est sur le pont depuis 56 … un très bon épisode, assez sombre.

87-44Les veuves, ce sont celles d’Arthur Shumacher, abattu de quatre balles, en même temps que son chien. Son épouse inconsolable, son ex, ravie, ses filles, mitigées … Et aussi une amante trouvée peu de temps avant tuée de multiples coups de couteaux. En plus d’être grandes, blondes aux yeux bleus, elles semblent vite toutes être également en danger. Une affaire pour Steve Carella et Arthur Brown. Pauvre Steve qui va devoir enquêter sur son beau-frère, entre autres drames en ce mois de juillet torride où la chaleur rend fou. De son côté Eileen commence une nouvelle carrière de négociatrice lors de prises d’otages, et sa relation avec Kling reste au point mort. Un modèle du genre. Des scènes de tension magnifiques, la peinture de relations raciales compliquées, où le racisme réel, et les réactions qu’il suscite sont attisés par des prédicateurs en mal de publicité. Des quartiers à l’abandon, de braves gens, des enfoirés … Tout en si peu de pages, avec un tel rythme. Un chef-d’œuvre, une de plus du maître d’Isola.

Kiss. C’est dans une ville sous la neige, blanche, froide, mais surtout dévastée par la drogue où des quartiers entiers sombrent dans la misère que Carella et Meyer enquêtent sur deux tentatives d’assassinat. La victime, une jeune femme belle et riche a reconnu son agresseur : l’ancien chauffeur de son mari. Quelques jours plus tard l’homme est retrouvé mort. Son agresseur facilement retrouvé. Et l’enquête des deux hommes sera vite et facilement bouclée mais … un volume pessimiste, malgré la beauté de la ville sous la neige. Le constat de l’impunité, de la frustration des policiers face à des avocats et des malfrats très organisés. Moins d’humour cette fois et une tonalité très sombre.

87-45Poissons d’avril voit le retour du Sourd. Steve Carella reçoit des lettres lui conseillant de lire un obscur roman de SF. Et le mois d’avril approche. Dans le même temps, des tagueurs se font abattre la nuit par quelqu’un qui ne semble pas apprécier leurs graffitis, et il semble y avoir une épidémie de personnes âgées atteintes de troubles de la mémoire abandonnées aux portes des hôpitaux. Alors que le printemps tarde à venir, les inspecteurs du 87° ne sont pas près d’être au chômage. Encore un épisode très sombre, presque sans humour, avec le constat désabusé d’un pays où les communautés se font la guerre, où la drogue fait des ravages, et où les plus faibles souffrent, encore et toujours. Décidément, ce début des années 90 est sinistre pour le 87°, et le talent d’Ed McBain pour dépeindre la société américaine et la ville de New York tout en entremêlant ses intrigues vraiment incomparable.

Ed McBain / 87° District volumes 41 à 45 :

(41) Isola Blues (Lullaby, 1989), traduit de l’anglais (USA) par Jacques Martichade.

(42) Vêpres rouges (Vespers, 1990), traduit de l’anglais (USA) par Jacques Martichade.

(43) Les veuves (Widows, 1991), traduit de l’anglais (USA) par Jacques Martichade.

(44) Kiss (Kiss, 1992), traduit de l’anglais (USA) par Jacques Martichade.

(45) Poissons d’avril (Mischief, 1993), traduit de l’anglais (USA) par Jacques Martichade.