Je ne suis pas un habitué des séries. Non que je trouve ça mauvais, c’est juste un manque de temps. Une fois soustrait le temps pour bosser, s’occuper des gamins, passer un peu de temps en famille, un peu de musique, un peu de sport et de balades, il reste un temps limité, très limité, que j’ai choisi de consacrer essentiellement à la lecture, et quand c’est possible au cinéma.
Bilan, pas de temps pour les séries. Juste Game of Thrones regardée presque jusqu’au bout pour avoir une activité avec mon fils ainé, un début de Breaking Bad pareil, mais qui m’a lassé au milieu de la deuxième saison.
J’ai quand même vu une série jusqu’au bout, même si m’a pris plus de deux ans : Treme de David Simon et Eric Overmyer, avec la participation soutenue (surtout vers la fin) d’un certain George Pelecanos. Un véritable régal.
Tout commence trois mois après Katrina, à la Nouvelles-Orléans, autour du quartier de Treme, quartier historique, populaire, un des hauts lieux de la musique dans une ville phare de la culture noire. On va suivre les vies d’une douzaine de personnages, musiciens, cuisinière, avocate défendant les causes perdues, flic, animateur radio, patronne de bar, grand chef indien (il faut le voir pour comprendre).
On va suivre les parcours de mômes d’un lycée populaire, voir se mettre en place les magouilles autour de la reconstruction, enquêter sur la corruption et les violences de la police locale, assister au travail dans les cuisines d’un grand restaurant, pêcher la crevette avec des pêcheurs d’origine vietnamienne., suivre l’élection d’Obama.
On va partager la cuisine locale dans les bars, les stands de rue, les cuisines des restaurants les plus gastronomiques.
On va entendre et voir de la musique en répétitions, concerts, lors parades pour le carnaval ou des enterrements, dans des studios d’enregistrement, en direct à la radio, avec des musiciens des rues. On va entendre du jazz traditionnel, du bop, du blues, de la soul, du rap, du folk, du funk, du rock … on va voir en vrai Ron Carter, McCoy Tyner, Cassandra Wilson, Dr John, Fats Domino …
Pendant ces trois ans on va assister à la lutte de tous pour faire revivre une ville meurtrie, malgré l’abandon du reste du pays, malgré la violence des trafiquants et de la police, malgré le pillage organisé pour récupérer l’argent de la reconstruction, malgré ceux qui veulent en profiter pour chasser hors de la ville les plus pauvres, et ce grâce au travail acharné, obstiné, de flics intègres, d’avocats, de menuisiers, de musiciens, de cuisiniers, de profs de musique, et de tous ceux qui se refusent à laisser mourir une ville et sa culture.
Tous les acteurs sont extraordinaires, avec eux on va s’émouvoir, rire, pleurer, assister à trois carnavals, vivre pendant trois ans. C’est absolument génial, les fans de Pelecanos retrouveront sa patte dans cette façon de mettre en scène des personnages ordinaires, de montrer leur lutte pour rester dignes, en vivant de leur travail, et en étant fiers de ce qu’ils réalisent, de leur donner autant d’importance qu’aux autoproclamés grands hommes.
J’imagine que ceux qui ont déjà vu The wire (je sais il faut que je vois The wire, mais il va encore me falloir plus de 3 ans …) vont y retrouver le style des auteurs.
Et si je n’ai qu’un conseil à donner c’est : si vous aimez les séries qui prennent leur temps, si vous aimez la musique noire américaine, si vous avez envie de découvrir la Nouvelle Orléans, ou si vous avez des proches qui remplissent ces conditions, n’hésitez pas, le coffret de l’intégrale est un magnifique cadeau qui ne peut faire que des heureux.