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Dette de sang

Un nouvel auteur néozélandais aux Arènes, avec Dette de sang de Michael Bennett.

Hana Westerman, d’origine maorie est flic dans la police d’Auckland, une excellente flic même. Quand elle reçoit sur son portable une vidéo mystérieuse, elle découvre dans un immeuble abandonné le cadavre d’un homme. Il s’avère que c’est un ancien condamné pour violence sur enfants récemment sorti de prison. Un deuxième cadavre, révélé également grâce à une vidéo épaissit le mystère, l’homme tué n’a aucun lien avec le premier.

Hana va vite s’apercevoir qu’elle doit faire face à un meurtrier qui venge un très vieux crime, quand un chef maori avait été pendu pour avoir résisté aux colons. Une enquête difficile qui va l’amener à s’interroger sur son métier et son rôle dans une société qui continue à traiter les maoris comme des citoyens de seconde zone, une société surtout qui n’a toujours pas réglé les comptes avec son passé.

Je ne me suis pas du tout ennuyé en lisant ce roman, mais je ne suis pas non plus emballé. Pour résumer, le fond de l’histoire, l’intention derrière le roman sont intéressants, l’histoire est suffisamment bien menée pour que l’on ait envie d’aller au bout, mais il manque quelque chose, dans l’écriture et la construction des personnages pour que l’on soit complètement emballé.

Cela commence par l’écriture que j’ai trouvée un peu plate, parfois trop explicative. Sans non plus être gênante, il faut reconnaitre que l’auteur arrive bien à intégrer des mots et des phrases en maori, sans que cela gêne la lecture, mais cela manque de souffle et d’émotion.

L’histoire aussi est sage. Une ou deux coïncidences un peu trop incroyables, et surtout un manque de folie, qui fait que même quand les personnages auxquels on s’attache sont en danger, on ne tremble pas, on sait qu’ils s’en sortiront. Il manque le côté « Game of thrones », ce qui fait que le lecteur a peur parce qu’il sait rapidement que même les personnages auxquels il s’attache ne sont pas à l’abri. Trop sage malgré les nombreux meurtres, et assez prévisible.

Pourtant, on lit sans déplaisir, et avec un véritable intérêt intellectuel. Parce que l’on découvre un pan de l’histoire de la Nouvelle-Zélande, un peu de la culture maorie, l’histoire des persécutions et injustices dont ils ont été victimes, et dont ils continuent à être victimes. C’est là que parfois l’émotion arrive à pointer son nez, que la colère est sensible.

Intéressant sur le fond, moins réussi sur la forme donc.

Michael Bennett / Dette de sang, (Better the blood, 2022), Les Arènes (2023) traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Antoine Chainas.

Polar néo-zélandais

Un polar néo-zélandais, c’est assez rare vers chez nous pour être remarqué : Sous la terre des maoris, de Carl Nixon.

NixonMarl Saxton, 19 ans est retrouvé un matin par un promeneur, pendu à un arbre. Box Saxton, son père, déjà fragilisé par la faillite de son entreprise est dévasté. Alors qu’il organise les obsèques, le père biologique, un maori ex-ami de sa femme, réapparait. Alors qu’il n’a pas donné signe de vie depuis qu’il a abandonné Mark qui n’avait pas deux ans, il insiste maintenant pour que le jeune homme soit enterré en terre maorie. Devant le refus violent de Box, il fait marche arrière, mais un peu plus tard vole le corps alors qu’il est encore dans l’entreprise de pompes funèbres.

Box décide alors de prendre les choses en main, quitte à enfreindre bon nombre de lois.

J’aurais beaucoup voulu aimer ce bouquin, mais malheureusement, je suis resté de marbre, même si tout n’y est pas raté.

Ce qui marche bien, c’est de suivre la descente dans une forme de folie de Box, un homme fragilisé par la crise et la faillite de tout ce qu’il avait construit économiquement. On comprend et on ressent ce qui lui arrive. Mais c’est à peu près tout, et il manque beaucoup d’éléments qui auraient pu rendre ce roman passionnant.

Tout d’abord, rien sur les raisons du geste de Mark. L’auteur ne dit rien, c’est un choix, mais même les parents et la sœur n’ont pas l’air de se poser beaucoup de questions. Dans le roman, c’est juste un point de départ. Et c’est dommage.

Rien ensuite sur les maoris. Ils sont présentés comme ce qui perturbe le bon déroulement des choses, mais rien n’est creusé de leurs motivations, rien n’est dit sur leurs vies, leur culture, ni en bien ni en mal. Ils sont, là aussi, un point qui déclenche l’action.

Pas grand-chose non plus sur le pays, ou si peu. Quelques belles descriptions de sa géographie, l’évocation de la crise et, très légèrement, du racisme. Et c’est tout.

Et pour finir, c’est lent. Il ne se passe en fait pas grand-chose. Ce qui n’aurait pas été un problème si les thématiques abordées avaient été creusées, ou si l’histoire n’avait été qu’un prétexte à décrire des communautés, un pays, des gens … Mais comme là aussi on reste sur sa faim, on remarque d’autant plus que c’est lent.

Donc raté pour moi.

Carl Nixon / Sous la terre des maoris (Settler’s creek, 2010), l’Aube Noire (2017), traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Benoîte Dauvergne.

 

Rivages exhume un titre oublié

« C’est au cours de la même semaine que nos poules furent volées et que Daphné Moran eut la gorge tranchée. » Beau début non ? C’est ainsi que commence L’épouvantail de Ronald Hugh Morrieson.

Ned Poindexter est ado à Klynham, petite bourgade rurale en Nouvelle-Zélande. Sa famille n’est pas franchement un modèle, entre un oncle qui s’évertue à ne jamais rien faire, un frère spécialiste de billard, et un père qui tente de faire des affaires dans la brocante au volant d’une épave. Heureusement il y a Prudence, sa sœur aînée, la plus jolie fille de la ville, et son pote Les Wilson avec qui il fait les 400 coups. La vie s’écoule, avec ses hauts et ses bas, mais une ombre plane sur Klynham depuis que Salter, magicien itinérant, épouvantail immense et famélique au regard inquiétant est arrivé en ville …

La postface de Jean-paul Gratias nous apprend que l’auteur a très peu écrit, et que ses romans, s’ils ont connu un vrai succès en Australie, n’ont été découvert en Nouvelle-Zélande qu’après sa mort. Grâce à Rivages, nous découvrons ce premier roman étonnant.

La trame policière est assez ténue, le drame et sa résolution intervenant tard dans le déroulement du roman. Cela n’empêche pas l’auteur de faire entendre une toute petite musique inquiétante, sournoise, qui vient, repart, se fait oublier pour resurgir au détour d’une phrase. Entre deux moments angoissants, le lecteur oublie presque la tension, pour se plonger avec délice dans cette chronique haute en couleur, jusqu’à ce que l’ombre du croquemitaine surgisse, avant de s’évanouir à nouveau.

L’auteur joue avec brio de ces ruptures de ton, passe de la drôlerie et de la truculence, à un climat onirique et horrifique pour le plus grand plaisir du lecteur qui jubile. Comme s’il l’on passait, sans s’en rendre compte, de Fantasia chez les ploucs à La nuit du chasseur et retour … Une très belle découverte.

Ronald Hugh Morrieson / L’épouvantail (The scarecrow, 1963), Rivages /Noir (2006), traduit de l’anglais (Nouvelle Zélande) par Jean-Paul Gratias.