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Pourquoi donc aller en Patagonie, à Valdes, en plein hiver ? Pour voir des baleines. La baleine franche australe arrive en juin, et elle va rester là jusqu’à fin novembre, dans les deux golfes de part et d’autre de la péninsule, pour s’occuper de son nouveau-né ou concevoir le prochain, qui naitra l’année suivante, au même endroit. Ou pour faire le voyage d’un an du petit, le dernier qu’ils font ensemble avant qu’il ne vive sa vie.

Voit-on vraiment des baleines en juillet depuis Puerto Pïramides, seul village de la péninsule, et seul endroit qu’où l’on peut prendre un bateau pour les approcher ? Oui, on en voit par dizaines, vraiment.

On en voit le matin, en faisant un petit tour pour admirer le lever de soleil. On en voit et on en entend souffler, chaque fois qu’on se promène sur la plage. On en a même vu une, depuis les falaises du golfe nord, lors d’une rando, qui, d’humeur agitée, frappait la surface à grand coups de queue pendant un bon quart d’heure.

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Et bien sûr, on en voit d’encore plus près quand on part avec une des 6 agences qui vous amènent, pendant 1h30, les approcher. Là on en voit à les toucher (ce sont elles qui s’approchent), on a droit à un arc-en-ciel sur les gouttelettes de leur souffle, on en voit faire la planche, une autre taper à coups de nageoire pectorale (peut-être pour attirer un monsieur, ou en éloigner un trop entreprenant à son goût).

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Grande attraction, on en voit sauter hors de l’eau. Pas comme des dauphins certes, mais vu que la bête mesure jusqu’à 18 mètres, pour une bagatelle de 80 tonnes, ça fait son petit effet.

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Et pour finir, l’attraction, l’image symbolique de la péninsule, la queue de baleine. Les sorties en mer sont donc ponctuées de « Salto ! », ou « Cola ! ».

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On ne s’en lasse pas. On a passé 5 jours sur place, fait 4 sorties en bateau, et je serai bien resté une semaine de plus.

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Et puis, comme il faut parfois avoir de la chance, on a eu, comme on dit poétiquement, le cul bordé de nouilles. Car la péninsule a d’autres stars, beaucoup plus difficiles à voir, les orques. Des orques qui, à cet endroit précis, ont développé une technique de chasse unique qui les voit s’échouer volontairement sur la plage pour attraper les bébés otaries et éléphants de mer. Les orques sont toujours dans le coin, au large de la côte est de la péninsule, mais c’est entre février et avril, quand il y a les petits, qu’ils s’approchent de la plage, quand ils ont faim.

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Sauf si on a de la chance, que l’on aide un peu en arrivant à la pointe nord à marée haute … Et là miracle, au large deux ailerons, loin, des orques en train d’embêter une baleine. C’est déjà un miracle, un véritable cadeau. Et puis, ils approchent, encore et encore, et finissent par passer juste au bord de la plage, sans doute pour apprendre aux petits jusqu’où ils peuvent approcher de la terre ferme. Une demi-heure de pure magie, inoubliable.

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Voilà, des spectacles et des rencontres qu’on ne peut faire qu’en s’installant quelque part plusieurs jours, en n’exigeant rien, en étant juste patient et attentif (et accompagné d’un guide passionné). La nature finit toujours par vous récompenser.

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Chose promise, chose due, quelques photos de vacances. Ceux qui suivent ce blog depuis longtemps ont peut-être remarqué que nous avons un certain penchant pour le monde hispanophone, que j’aime bien les auteurs latinos, et que nos vacances nous voient plus souvent partir plein sud-ouest que ver l’est ou le nord.  C’est une question de goût, bien entendu, mais aussi familiale, toute la belle famille est argentine, et vit à Buenos Aires. Donc en juillet, direction l’Argentine.

Comme je vous aime tous, je vous épargnerai les photos des réunions de famille, et des différents restaurants et glaciers. Sachez juste qu’à Buenos Aires on marche pas mal, il y a de très beaux parcs, on peut rentrer dans un restaurant ou un bar à toute heure du jour ou de la nuit, et on se nourrit de viande grillée (excellente), de salades, et de glaces beaucoup de glaces, avec une prédilection pour celle, incontournable au « dulce de leche ».

Un petit clin d’œil quand même à ce personnage incontournable de la culture argentine, photo prise dans le vieux quartier de San Telmo.

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Pour s’aérer la tête, et aller voir des bestioles, de grosses bestioles, on a mis cap au sud, à peu près 1300 km, direction la côté Atlantique et la Peninsula Valdes, superbe parc naturel de la province de Chubut, au nord de la Patagonie.

La Patagonie, c’est environ 2 fois la France, pour 4 millions d’habitants, autant dire qu’on n’y est pas trop serrés. Ce qui frappe d’emblée, c’est l’espace, le ciel bleu, et le vent. On peut se loger dans le parc, soit dans une des estancias ouvertes au tourisme (mais c’est très très cher), soit dans l’unique village Puerto Piramides, lieu logique quand on vient en cette période de l’année à Valdes. Mais ça je vous l’explique plus tard.

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Valdes, avec ses deux golfes immenses, ce sont des paysages magnifiques, personne sinon vous, et éventuellement le guide. Salines, lagunes, falaises, plages (d’accord, l’eau est froide !), tout ça rien que pour vous.

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Et au gré des balades, on croise des maras, toutes sortes d’oiseaux ou le sympathique peludo, petit tatou local pas très farouche.

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Et bien entendu, les animaux marins, éléphants de mer (les jeunes, les adultes n’arrivent qu’en septembre) et otaries.

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Quant à la raison d’un voyage en hiver, c’est pour la prochaine chronique.

Un huis-clos patagon.

Je n’avais pas encore lu de roman de Sandrine Collette, mais là, un roman qui se passe en Patagonie, je ne pouvais pas le laisser passer : Il reste la poussière.

ColletteQuelque part dans un passé pas vraiment défini, quelque part au milieu de la Patagonie, une ferme. La Mère, les Jumeaux, l’Idiot et le Petit. Des chiens, des chevaux, quelques bovins et des moutons. Et le vent, la sécheresse, les épineux et les cailloux. Le père a disparu, la Mère tient la famille d’une main de fer, tout le monde marine dans un jus de fatigue, de haine et d’absence d’espérance. Tout pourrait durer indéfiniment.

Jusqu’à ce que la Mère joue un de ses jumeaux aux cartes, dans la ville voisine. Et que le Petit parte plusieurs jour à la recherche de chevaux perdus. Alors les équilibres changent, et tout se lézarde.

Etonnant exploit que celui de ce roman qui est un huis-clos se déroulant dans un espace infini. Etonnant de voir des personnages irrémédiablement liés, attachés, dans un lieu où l’on peut partir à perte de vue, sans aucune limite physique. C’est très fort. Etonnant d’arriver à écrire un polar étouffant qui se situe dans un lieu où le vent souffle sans obstacle, où le regard ne butte sur aucun horizon.

Et dans ce lieu paradoxal, Sandrine Collette met en scène un Folcoche atroce, impitoyable, minérale, qui, autre paradoxe, au lieu de lier ses quatre fils contre elle, arrive à les faire se haïr les uns les autres. Une haine rance, qui n’est au repos que lorsque les quatre sont trop fatigués par le travail pour avoir la force de se nuire, et se déchaîne en une violence incontrôlable dès qu’ils en ont l’opportunité et qu’il leur reste un minimum d’énergie.

Heureusement il y a quelques rayons de soleil, qui permettent de respirer : un galop débridé, un travail de gaucho où, miraculeusement, les garçons travaillent ensemble, l’amitié d’un chien ou d’un cheval, le goût d’une viande grillée.

Un roman âpre et fort, qui a fait naître une questions qui n’a cessé de me tarabuster durant toute la lecture, et même après : Pourquoi Sandrine Collette a-t-elle choisi ce lieu (la Patagonie centrale) et cette époque (le début du XX°, à peu près) ?

Si quelqu’un a la réponse … En attendant, si ce n’est déjà fait, précipitez-vous.

Sandrine Collette / Il reste la poussière, Denoël/Sueurs froides (2016).

Le retour de Butch Cassidy

Raúl Argemí n’était pas à Toulouse cette année. Mais il y était l’an dernier et m’avait dit que Patagonia Chu Chu était en cours de traduction. J’ai donc attendu près d’un an avant de l’avoir dans les mains. Ici, il est devenu Patagonia Tchou-Tchou. Et ça valait le coup d’attendre, c’est un de mes gros coups de cœur de la rentrée.

Aguada Requena, Patagonie. Deux hommes montent dans la Trochita, ce petit train à vapeur qui parcourt quatre cent kilomètres au milieu de nulle part, unique lien avec le reste du monde pour les gauchos qui vivent là. Ils s’appellent Butch Cassidy et Juan Battista Bairoletto et s’apprêtent à prendre le train en otage, pour délivrer Beto, le frère de Butch qui va monter un peu plus loin pour être transféré de prison. En réalité, il s’agit d’un marin et d’un conducteur de métro au chômage.  Et rien ne va se passer comme prévu. Tout sera plus compliqué, plus fou, plus grand.

Un roman furieusement argentin qui donne envie de partir immédiatement pour la Patagonie, même si la Trochita ne roule plus, et de se perdre dans son immensité pour rencontrer, en vrai, des personnages aussi fous, aussi généreux, aussi magiques. On sourit, on rit, on a la larme à l’œil, on s’indigne, on tremble, on s’enthousiasme avec l’équipe de bras cassés magnifiques que Raúl Argemí a inventés. Et on pleure à la fin de les laisser, on aurait bien continué ainsi, des jours durant.

Entre temps, on a admiré les paysages désolés mais grandioses de Patagonie, on a senti l’odeur de la viande grillée, on a vibré à un match de foot surréaliste, on a eu envie de massacrer une pourriture de sénateur en tournée de campagne électorale, on s’est ému d’amours naissantes … Bref, on a vécu intensément.

On a aussi réfléchi sur cette région à part, terre d’anarchistes et d’indiens, terre d’utopies et de répressions sanglantes, terre qui attire les fous, comme ce gascon qui se déclara Roi de Patagonie, terre pour se perdre, ou se retrouver, terre de violence et de solidarité. Un décor hors norme, pour des histoires hors du commun

Merci à Raúl Argemí de nous régaler ici avec une de ces histoires, vaste et lumineuse comme le ciel de Patagonie, triste et tendre comme un tango, qu’on termine avec un nœud dans la gorge et le sourire aux lèvres.

Pour ceux qui veulent en savoir un peu plus sur la Trochita (en français), et sur Juan Battista Bairoletto (en espagnol). Je ne vous ferai pas l’injure de vous renvoyer à des liens sur Butch Cassidy …

Une fois de plus, nous sommes d’accord avec Jeanjean

Raúl Argemí / Patagonia Tchou-Tchou (Patagonia Chu Chu, 2005), Rivages/Noir (2010), traduit de l’espagnol (Argentine) par Jean-François Gérault.