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Les repentis

De nouveau au cinéma, pour un très beau film, mais que je ne saurais recommander à tout le monde tant son ambiance est pesante : Les repentis d’Iciar Bollaín.

Le film est une fiction basée sur des faits réels. En 2000 Juan Maria Jauregui, ancien gouverneur d’une province basque qui se savait menacé par l’ETA est assassiné par un commande de trois hommes. Ils sont très rapidement arrêtés.

Dix ans plus tard, sa veuve Maixabel, qui œuvre pour la reconnaissance des victimes du terrorisme, que ce soit celui de l’ETA ou celui du GAL (milice d’extrême droite proche des milieux policiers) accepte de participer à la mise en place d’un dialogue entre les assassins qui ont quitté l’organisation et les proches de leurs victimes. C’est comme ça qu’elle va rencontrer Ibon, chauffeur du commando.

Je ne vais pas vous mentir, on rigole assez peu. Et le film est lourd. Pas lourd stylistiquement, mais lourd par la charge émotionnelle qu’il véhicule. D’autant plus que les deux acteurs principaux (Blanca Portillo et Luis Tosar) sont absolument extraordinaires, arrivant à faire passer l’intensité de leurs émotions sans cris, sans pathos, sans beaucoup de paroles. On ressent la douleur, la perte d’un côté. L’horreur de soi, l’impossibilité à accepter les actes que l’on a commis de l’autre.

Et au-delà, on ressent l’emprise d’une organisation que l’un des protagonistes qualifie de secte, la main mise sur certains quartiers, la peur permanente, l’absurdité des meurtres. Pour ceux qui, comme ma pomme, ont connu cette époque et ces lieux, cela remue et fait remonter beaucoup de choses. Cela explique peut-être que j’ai été autant touché.

Heureusement, les images prises hors de la prison sont superbes et offrent quelques intermèdes de sérénité et de beauté.

Le film a eu beaucoup de retentissement en Espagne, ce que l’on conçoit aisément. Il est à la fois effrayant et paradoxalement rassurant. A voir, si vous avez le moral, en prévoyant de quoi boire un coup après pour se remettre.

Histoire universelle des hommes-chats

L’été c’est aussi l’occasion de rattraper des romans qu’on a laissé passer. Dont cette Histoire universelle des hommes-chats de Josu Arteaga.

Olariz, un tout petit village perdu dans les montagnes de Navarre. Comme dit le narrateur, qui vide son cœur « A Olariz, on sait quand quelqu’un va mourir ». Au fil des chapitres le narrateur égrène les anecdotes, raconte les saisons et les habitants d’un village qui se voudrait hors du temps mais qui est quand même rattrapé par le monde qui l’entoure. Des histoires grinçantes, dures, parfois drôles, parfois macabres. Car on meurt pas mal à Olariz, et personne ne pose trop de questions. On sait, mais jamais, au grand jamais, on ne parlera aux étrangers. Que ce soit le curé, la guardia civil ou les journalistes.

Et si autour d’Olariz le monde change, la politique change, toute l’Espagne change, ici on ne voit pas pourquoi on ne devrait pas continuer à traiter les affaires du village comme l’ont fait les grands-pères, et les grands-pères des grands-pères.

Attention roman rugueux. Ceux qui croient qu’il n’y a que les américains capables de décrire le monde rural éloigné de tout et resté bloqué dans une tradition centenaire, ou que le roman de rednecks n’existe que de l’autre côté de l’Atlantique peuvent se préparer à une belle claque.

Car question de dureté, de rudesse de la vie et des habitants, de refus de se laisser envahir par un « étranger » qui commence juste aux frontières du village, vous allez être servis. Le lecteur commence, un peu extérieur à lire des chapitres qui sont comme des nouvelles indépendantes les unes des autres. Petit à petit, sans s’en rendre compte, il se retrouve hypnotisé par ce monde, cette écriture, fasciné par sa cohérence, et happé par un mystère qui apparait, comme un paysage fantomatique dans la brume.

Certes, je ne le conseille ni aux amateurs d’intrigues survoltées, ni aux âmes trop sensibles, mais pour les autres c’est une superbe découverte d’une grande originalité.

Josu Arteaga / Histoire universelle des hommes-chats, (Historia universal de los hombres gatos, 2010), Nouveau monde (2022) traduit de l’espagnol par Pierre-Jean Bourgeat.

La valse des tulipes

Un nouveau venu avec un polar qui se déroule en Pays Basque, du côté de Gernika, ça se tente. Mais La valse des tulipes d’Ibon Martín est décevant.

Natalia Etxano, proche de la soixantaine, est assassinée de façon spectaculaire, attachée sur les voies du train que conduit son mari du côté de Gernika. Son meurtre a été transmis en direct sur Facebook. Elle a une tulipe rouge collée dans la main. La police basque, qui n’a pas l’habitude telles mises en scène constitue une équipe mixte avec des flics de la province de Saint-Sébastien, et d’autres de Bilbao.

C’est Ane qui sera à sa tête, avec son collègue Aitor, elle sera rejointe par Julia et Txema. Rapidement la pression monte avec le meurtre d’une autre femme du même âge, ou presque, trouvée elle aussi avec une tulipe rouge.

Là encore il y a du bon. Essentiellement la description du pays, avec ses rias, l’influence de l’océan, la pluie et le vent, les vallées vertes …

Après c’est beaucoup trop sage et scolaire. L’auteur explique bien tout ce que pensent les personnages et pourquoi ils font ceci ou cela, il détaille tout. Les scènes censées être violentes sont beaucoup trop gentilles, on ne tremble jamais quand l’une des héroïnes est en danger tant il est évident que tout va bien se terminer. Du coup ça traine.

La thématique est intéressante à défaut d’être originale, et attention petite révélation, les sœurs du couvent sont de véritables salopes, sans doute d’ailleurs les personnages les plus réussis à mon goût. Le reste est assez plat et manque d’émotion. Et ce n’est pas la faute du traducteur, il nous arrache les larmes quand il traduit Victor del Arbol.

Alors oui c’est plein de bons sentiments, de bonnes intentions, cela condamne ces saloperies de sœurs, les violences faites aux femmes, le machisme, les inégalités, la corruption, on y croise une flic qui fait du surf (jolies pages d’ailleurs sur le rapport à l’océan), une autre tatouée qui joue de la batterie avec des copines dans un groupe féministe et basquisant et dont on sent bien que l’auteur aurait voulu faire une hard-boiled borderline …

Mais non, ça manque de souffle, de folie, de rage. Et les bons sentiments ne font pas forcément les bons romans. Dommage.

Un détail pour la quatrième qui nous parle des « ténèbres franquistes ». Les faits les plus anciens relatés par le roman se déroulent en 79. Franco était déjà mort depuis 4 ans. L’opus Dei et la saloperie bien réelle d’une partie archi réac de l’église espagnole ne doivent rien à Franco. Ils l’ont accompagné bien volontiers, l’ont inspiré, mais existaient avant lui et ont continué à exister après. Donc non, il n’y a pas de ténèbres franquistes dans le roman, mais de vraies saloperies catholiques.

Ibon Martín / La valse des tulipes, (La danza de los tulipanes, 2019), Actes Sud / Actes Noirs (2020) traduit de l’espagnol par Claude Bleton.

Eric Plamondon au Pays Basque

Après la découverte enthousiaste d’Eric Plamondon avec Taqawan, est venu pour moi le temps de la confirmation : Oyana.

PlamondonMai 2018, Oyana apprend que l’organisation ETA est dissoute, quelques années après avoir renoncé à la lutte armée. Elle décide alors de quitter le Québec et son mari Xavier pour rentrer à Ciboure. Avant elle lui écrit pour lui raconter ce qui l’a amenée au Mexique puis à Montréal, et lui révéler ce qu’elle lui a toujours caché.

Un récit et une rupture qui ne sont pas simples. Et qui sont pourtant moins compliqués que le retour dans un pays quitté 15 ans auparavant.

Pour commencer, dans la lettre d’Oyona, Eric Plamondon retrace superbement l’ambiance d’une enfance et d’une adolescence au Pays Basque et les sentiments vis-à-vis de l’ETA.

Il m’a remis tout ça en mémoire en quelques phrases. Le sentiment de sympathie qui a perduré assez unanimement, même chez des jeunes absolument pas nationalistes (comme moi), et même en général très opposé à toute forme de nationalisme … Une sympathie qui avait pour terreau la résistance à Franco, la mise en orbite de Carrero Blanco et les premiers attentats d’extrême droite du GAL, et qui s’est rapidement évaporée après l’attentat de Barcelone dans le supermarché. Une sympathie affichée, des blagues sur le rôle de l’église dans l’ETA (voir pour les plus jeunes Les phalanges de l’ordre noir de Bilal et Christin), sur les assassinats de guardias civils considérés comme positifs, sur la justification de la lutte armée, avec ses « dégâts collatéraux » … une époque assez difficilement imaginable aujourd’hui.

Pour se faire une idée, aucune soirée festive, aux fêtes de Bayonne ou ailleurs ne se déroulait sans chanter :

« Carrero Blanco ministro naval
tenia un sueño volar y volar
hasta que un dia ETA militar
hizo su sueño una gran realidad

Voló, voló Carrero voló y hasta las nubes llegó »

Et donc avec Oyona, Eric Plamondon m’a fait un peu l’effet de la fameuse Madeleine, qui en l’occurrence serait plutôt un verre de sangria ou de rosé limé (depuis j’ai élevé mes standards alcooliques, et mon foie s’est fragilisé). Et il décrit si bien le plaisir de retrouver l’océan … A croire que lui aussi est un faux québécois et qu’il a vécu son adolescence entre Bayonne et Hendaye …

Ca c’est pour le ressenti très subjectif. Sinon, en peu de pages, il construit très bien son intrigue, insère des pages plus informatives sur la situation en Pays Basque, comme dans Taqawan glisse quelques chapitres en apparence sans lien avec le sujet, tend peu à peu son histoire, et nous embarque avec Oyona, vers un final de plus en plus « polar ».

En chemin il reprend très bien la rhétorique nationaliste et indépendantiste, de façon vivante et pas didactique pour un sou, et la confronte, sans leçon de morale, à la réalité brute des drames, et au ressenti de son héroïne.

Alors c’est vrai, il n’y a pas la surprise du précédent, mois de ces étonnants et rafraichissants changements de directions que dans Taqawan. Pas le dépaysement non plus. Mais j’ai pris un immense plaisir à me retrouver plongé plus de trente ans en arrière.

Pour le plaisir de lecture, et pour ce retour de mes jeunes années, merci monsieur Plamondon !

Eric Plamondon / Oyana, Quidam éditeur (2019).

Trevanian surprenant

Gallmeister a décidé d’éditer ou rééditer les romans de Trevanian. Le dernier en date L’été de Katya.

TrevanianAvant d’attaquer ma chronique, une petite mise au point géographique. Le roman, et la quatrième de couverture nous parlent de la petite ville basque Salies. Et comme ici, on est dans le sud-ouest, que mes origines sont béarnaises (comme mon nom l’indique), et que j’ai longtemps vécu au Pays Basque, je me sens obligé de corriger. Non Salies n’est pas au Pays Basque. D’ailleurs, Salies s’appelle en fait Salies de Béarn. Pourquoi l’auteur qui, si j’en crois sa bio a vécu en Pays Basque, a-t-il choisi de faire de Salies une ville basque ? Mystère et boule de gomme. Peut-être pour s’éviter des clarifications vu que dans le cours du roman les personnages vont à Alos, à 20 km de là pour une fête basque. Et Alos est effectivement en pays basque … Bref, pour les familiers des ex Basses-Pyrénées, nous sommes en pays Charnègue. Fin de la mise au point géographique.

Salies donc, en cet été 1914. Jean-Marc Montjean, tout jeune médecin originaire du village voisin d’Alos est venu aider le médecin local pendant l’été. Il va tomber amoureux de la belle Katya de Tréville, qui vit dans une maison isolée avec son frère jumeau Paul et leur père, un érudit perdu dans ses études sur le Moyen Age.

A une époque, et dans un lieu où cela est rare, pour ne pas dire inédit, la jeune Katya fait preuve d’une liberté ébouriffante. Mais en même temps d’une étrange réserve avec Jean-Marc. Qui, comme les commères de Salies, ne peut s’empêcher de se demander pourquoi les Trévilles sont partis de Paris pour venir s’enterrer à Salies. Et qui ne comprend pas bien les relations étranges entre Katya, son frère et leur père.

Plus de vingt ans plus tard, médecin installé à Alos, Jean-Marc Montjean se souvient de cet été de Katya.

On ne peut pas reprocher à Trevanian de toujours écrire le même livre. Entre La sanction, Shibumi, le western Incident à Twenty-Mile et ce dernier (pour ceux que j’ai lus), on retrouve parfois des thématiques, parfois des lieux, mais le lecteur ne peut jamais savoir à l’avance où il va.

Il s’essaie ici au polar psychologique, tout en dressant le portrait d’une région bien particulière, à un moment tout aussi particulier.

Il décrit très bien la petite ville de province, de ce coin particulier qu’est le Pays Basque montagnard. Avec sa langue, ses traditions, son encrage, mais également son repli sur lui-même et ce paradoxe d’une population capable d’être très festive et en apparence ouverte, mais en même temps très refermée sur elle-même. De même il saisit bien un des derniers moment d’insouciance d’un monde qui se dirige tout droit vers l’horreur.

L’écriture est étonnante, totalement adaptée à l’époque, et en parfaite adéquation avec ses règles et ses interdits, donnant un côté suranné au récit. Le mystère est lentement et habilement distillé, la tension monte, peu à peu, en même temps que les interrogations du narrateur sur les bizarreries de la famille Tréville. Jusqu’à une révélation qui, si elle ne surprendra pas entièrement les lecteurs avertis de polars psychologiques, est bien amenée.

Du très bon boulot. Après, le thriller psychologique n’est pas mon genre de prédilection, je n’en lirai pas des dizaines, mais je ne me suis pas ennuyé une seconde. Tant qu’à en lire un de temps en temps, autant en lire un bon. Et ici c’est du bon.

Trevanian / L’été de Katya (The summer of Katya, 1983), Gallmeister (2017), traduit de l’anglais (USA) par Emmanuelle de Lesseps.

Marin Ledun reste au Pays Basque

Après L’homme qui a vu l’homme, Marin Ledun revient au Pays basque avec Au fer rouge.

Ledun_fer_rougeFévrier 2013 du côté de Bayonne. Une valise s’échoue sur la plage. Dans la valise, un corps. Un espagnol, connu des services de police, ayant participé à la marge aux opérations du GAL de sinistre mémoire, trempant depuis dans le trafic de drogue des deux côtés de la frontière. Certains veulent y voir une vengeance des indépendantistes basques, d’autres un simple affaire de guerre de territoire pour la drogue. Emma Lefebvre, nouvelle arrivée en Pays Basque va se retrouver dans un groupe d’enquête où tous, flics, procureur, et services secrets ont des choses à cacher.

Autant le dire tout de suite je suis moins convaincu par ce roman que par le précédent.

Ce qui m’a gêné c’est l’impression que Marin Ledun en fait un peu trop. En exergue, une phrase de Don Winslow, et puis cette thématique (mélange de trafic de drogue, de services secrets, de lutte anti-terroriste et de corruption) … On pense forcément à La griffe du chien. Or le Pays Basque dans les années 2010, ce n’est pas la frontière mexicaine dans les années 80, les trafiquants de drogue du Pays Basque (même quand ils sont mexicains) doivent faire doucement rigoler les cartels meurtriers du nord du Mexique, et l’intensité et la violence de la lutte contre l’indépendantisme basque moribond est loin de celles des magouilles de la CIA contre les guérillas communistes d’Amérique centrale dans les années Reagan. Du coup j’ai le sentiment qu’à vouloir démontrer ou dénoncer les mêmes choses l’auteur force un poil de trait. Au détriment des personnages auxquels ils n’accordent pas, à mon goût, l’attention qu’ils méritent et dont on ne comprend pas toujours les motivations.

Et c’est dommage parce qu’il faut aussi dire que le roman se lit quand même avec plaisir : grâce à l’écriture, dans la continuité du roman précédent, sèche et efficace, grâce à la construction éclatée et très rythmée, passant d’un personnage à l’autre sans perdre le lecteur, grâce à la qualité et l’efficacité des scènes d’action, et pour finir parce que le lecteur est quand même accroché et veut savoir comment va finir cette histoire, et que Marin Ledun maîtrise parfaitement la montée du suspense.

Dommage donc, le roman aurait gagné (à mon goût, une fois de plus) à être recentré sur quelques sujets, les magouilles immobilières et la corruption autour de la pollution par exemple (ce sont les parties les plus convaincantes du roman à mon avis) … il aurait sans doute gagné en force et en crédibilité ce qu’il aurait perdu en complexité et en ampleur.

Mais je répète pour conclure que j’ai quand même pris plaisir à le lire.

Marin Ledun / Au fer rouge, Ombres Noires (2015).

Marin Ledun au Pays Basque

Marin Ledun a décidément tous les talents. Ca finit même par être agaçant ! Un des rares auteurs français qui se soucie du monde du travail, et ça donne le magnifique Les visages écrasés. Voilà qu’il s’attaque à la question du Pays Basque avec L’homme qui a vu l’homme (et là aussi, il est un des rares sinon le seul en France) … détail qui a son importance, il traite tous ces sujets avec le même talent d’écrivain.

LedunJanvier 2009, Iban Urtiz, jeune journaliste, vient travailler à Bayonne, dans ce Pays Basque où il est né mais qu’il ne connaît pas. Il est immédiatement happé par une affaire de disparition : Jokin Sasco, ancien militant d’ETA rangé depuis sa sortie de prison, a disparu depuis plusieurs jours. Sa famille inquiète convoque une conférence de presse et ranime les fantômes de la guerre sale, celle du GAL, groupe paramilitaire d’extrême droite qui a, quelques années auparavant, traqué les militants basques des deux côtés de la frontière, avec la bénédiction, quand ce n’est pas l’aide, des polices françaises et espagnoles. Iban se heurte à deux obstacles : la police, la justice et le monde politique ne veulent pas entendre parler de cette affaire ; et les militants basques, pour qui il est un étranger qui ne connaît pas leur lutte, et donc par définition un ennemi. Malgré les difficultés, les menaces et la peur, Iban est décidé à aller au bout de son enquête.

L’homme qui a vu l’homme est un thriller politique impeccable, dans la lignée et le style des romans de Dominique Manotti, et croyez-moi, de ma part, c’est un compliment. A partir d’une documentation et d’une étude du sujet que l’on devine fort approfondie, Marin Ledun livre un polar sec comme un coup de trique, parfaitement construit, alternant les points de vue et les lieux, sans une phrase de trop. Ca claque, ça pète, ça bastonne … un vrai plaisir de lecture.

Un plaisir pas complètement gratuit. Car il y a un fond, et même un fond solide. Compromission des polices espagnoles et françaises, manipulation des media et violence gratuite sur les militants, chape de plomb mise sur des actes impardonnables, impunité des puissants et de la classe politique qui les protège … Tout cela au service de la répression d’un mouvement qui, en 2009, ne représente plus aucun danger politique.

Mais Marin Ledun n’est pas aveugle, et si la jeunesse basque militante est présentée comme la victime qu’elle est, la responsabilité dans cet engrenage imbécile des mouvements indépendantistes n’est pas occultée. Et là aussi, l’auteur est très habile.

En nous mettant dans la peau d’un « étranger » qui ne connaît pas la situation, le manque de clarté des revendications, le sacrifice des individus à des causes pas franchement compréhensibles, voire tout simplement à des positions de pouvoir, les côtés très limites du nationalisme exacerbé (qui est aussi con quand il est basque que quand il est français, russe ou sénégalais), le rejet hystérique de l’autre qu’il entraîne … apparaissent de façon très claire.

Pour résumer, Marin Ledun n’est absolument pas manichéen et montre bien que les victimes sont, parfois, des salauds comme les autres et ont vite fait de se transformer en bourreaux … Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant. Bref, un excellent polar, passionnant à lire à tous les points de vue.

Marin Ledun / L’homme qui a vu l’homme, Ombres Noires (2014).