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Brazilian psycho

Malgré son titre, Brazilian Psycho est l’œuvre d’un auteur américain Joe Thomas.

Sao Paolo. Début 2003 Lula vient d’être élu président de la république. 2018, Bolsonaro est élu. Entre les deux Ray, Big Ray, magouilleur américain, proche des services secrets s’assurera des bénéfices de ses employeurs. Rafa, gamin de Paraisopolis va monter en grade dans la hiérarchie du gang qui tient la favela. Renata essaie d’aider les habitants tout en faisant gagner du fric … aux mêmes employeurs que Ray.

Mario Leme et Ricardo Lisboa sont flics, ils doivent s’occuper du meurtre du directeur d’une école anglaise très huppée, et on leur a bien fait comprendre que faire des vagues n’était pas une option. Ailleurs Carlos de la police militaire réprime et magouille …

Tous, et quelques autres, vont survivre, et tenter de surnager durant ces années de folies dans une ville livrée à la corruption et aux magouilles économiques et politiques.

Je ne vais pas vous promettre une lecture facile et divertissante. Il faut un peu de concentration pour rentrer dans ce pavé de près de 600 pages, quand il s’agit de comprendre les différentes combines qui permettent de détourner l’argent public ou de suivre la multitude de personnages. Mais quelle récompense !

C’est un roman impressionnant et emballant par son souffle, son ambition, la richesse de sa construction et l’ampleur de la vision qu’il dégage. 15 ans d’évolution de la mégapole de Sao Paolo vue par une bonne vingtaine de personnages (je n’ai pas compté) qui en représentent toutes les strates, des habitants de la favela au plus riches en passant par les classes moyennes.

L’auteur arrive, sans nous perdre, à mêler la réalité complexe et ses personnages de fiction, démonte les trafics politiques et décrit la survie au jour le jour, brasse quantité de thématiques, de la mainmise des gangs sur les favelas, aux trafics politiques, en passant par les meurtres de haine envers la communauté trans et la corruption de la police. Et tout cela sans jamais oublier de construire son histoire, en poursuivant sa chronique et de faire exister ses personnages, avec toutes leurs contradictions.

C’est magistral, imposant, je comprends que cela puisse être un peu intimidant mais il faut vraiment se donner le temps d’y plonger. Une superbe découverte.

Joe Thomas / Brazilian Psycho, (Brazilian Psycho, 2021), Seuil/Cadre noir (2023) traduit de l’anglais (USA) par Jacques Collin.

Mauvaises pioches

J’étais parti pour un week-end prolongé du côté de l’océan avec deux bouquins qui trainaient depuis quelques temps dans mes piles. Parfois les bouquins trainent pour de mauvaises raisons, là il faut croire que j’ai eu le nez. Et je ne les ai terminés que parce que je n’avais vraiment rien d’autre sous la main. Alors pour vous faire gagner du temps, je vous fais les deux pour le prix d’un : São Paulo confessions de Gérard Bon et Silver Water de Haylen Beck.

BeckCommençons par le second : Quelque part en Arizona, Audra Kinney qui fuit un mari violent avec ses deux gamins Sean et Louise est arrêtée par la police au milieu de nulle part. Le shérif trouve un sachet d’herbe dans sa voiture, l’embarque et confie les gamins à son adjointe. Mais arrivé à la prison de la petite ville de Silver Water, il prétend qu’il n’y avait pas d’enfants dans la voiture et que la jeune femme était seule. Le cauchemar commence.

Un petit éclaircissement, car le résumé (et la quatrième) annoncent bien la couleur, c’est du divertissement très commercial, complètement calibré. Alors pourquoi avoir tenté de le lire ? Parce qu’on apprend que l’auteur Haylen Beck, est en fait un pseudo de Stuart Neuville, dont j’aime beaucoup les romans irlandais. Et bien il a bien fait de prendre un pseudo. Aucun intérêt. Tout est cousu de fil blanc, on sait dès les premières pages comment ça va continuer, pas une surprise, de bons gros sabots et d’encore plus gros bons sentiments, pour faire pleurer les mamans qui lisent un polar par an sur la plage et tremblent pour la pôvre mère. Ne tremblez pas trop, tout finit bien ! Bref à éviter.

BonSão Paulo confessions était tentant. Je ne sais pas où en est le polar brésilien, mais il n’y en a pas beaucoup de traduits ici. Celui-ci est français, mais se déroule au Brésil. Dino Emanueli est avocat, à São Paulo donc. Sa vie part en sucette depuis son divorce quand il est contacté par la pulpeuse et troublante (forcément !) Marta Cage. Fille d’un riche industriel, elle vient solliciter l’aide de Dino pour déposer une plainte en disparition. Celle de son mari, Franck Cage, ex rockeur qui s’apprêtait à faire un grand retour. Avec l’aide d’un ex flic devenu privé, Dino va essayer d’aider la jeune femme.

Autant je vois un peu le public visé par le premier bouquin (et je n’en fait pas partie), autant là je ne vois pas. J’ai eu l’impression d’un bouquin ni fait ni à faire. Pas de tension narrative, pas de suivi de l’intrigue, une succession de scènes dont certaines tombent comme un cheveu dans la soupe, sans lien avec ce qui vient avant, ni après. Le final arrive par hasard, certaines péripéties secondaires, qui devraient (ou pas ?) ajouter du suspense tombent à plat. On ne peut donc pas se raccrocher à l’histoire. Mais on ne sent pas non plus la ville ou le pays. Il y a des bars, des boites de nuit, le narrateur raconte qu’il y a de la violence, elle ne le touche jamais, ni lui, ni personne de connu, il nous dit que les femmes sont belles, mais on ne le ressent pas, il boit, mais le lecteur n’a pas la gueule de bois, il décrit, comme extérieur … On a un peu l’impression d’être dans tripadvisor, ne manquent que les commentaires et les étoiles. Bref je ne comprends pas ce qu’a voulu faire l’auteur, je ne comprends pas le boulot qu’a fait l’éditeur, et je ne vois vraiment pas ce que peut trouver le lecteur.

Seul point positif de cette chronique, l’auteur cite au détour d’une phrase O matador, roman choc de Patricia Melo qui se déroule dans la même ville. Du coup on compare, et c’est terrible. Mais ça me permet de dire : lisez O matador, qui vous met dans la tête d’un gamin des rues devenu tueur pour la bonne société paoliste. Un livre très dérangeant et magistral.

Haylen Beck / Silver Water (Here and gone, 2017), Harper Collins/Noir (2018), traduit de l’anglais (Irlande) par Catherine Richard-Mas.

Gérard Bon / São Paulo confessions, La manufacture des livres (2018).