« Quand j'ai finalement rattrapé Abraham Trahearne il était en train de boire des bières avec un bouledogue alcoolique nommé Fireball Roberts dans une taverne mal en point juste à la sortie de Sonoma, en Californie du Nord ; en train de vider le coeur d'une superbe journée de printemps. » James Crumley (Le dernier baiser)
Encore un auteur que j’avais raté jusqu’à aujourd’hui et que je découvre avec son dernier roman publié. Hollywood s’en va en guerre d’Olivier Barde-Cabuçon.
Hollywood, septembre 1941. Vicky Mallone a voulu être actrice, elle s’est faite une raison et est devenue détective privée. Une privée qui picole, qui préfère les femmes, et qui travaille essentiellement pour des femmes. Cette fois on vient la voir pour un contrat assez particulier : Lala, l’immense star de la Metro s’est engagée dans un film qui va faire date. Un film qui pourrait inciter les US à entrer en guerre. Des photos lui ont été volées qui pourraient compromettre la réalisation et le lancement du film.
Vicky va se retrouver en pleine guerre entre une ligue d’extrême droite plutôt sympathisante du régime nazi qui ne veut pas que les US interviennent, des églises protestantes influentes, et des services secrets qui, comme toujours, ne jouent pas très franc.
Une très belle découverte pour moi, je me suis régalé. De toute évidence, l’auteur connait son sujet, et adore cette période hollywoodienne. On croise Bette Davis, Erroll Flynn, la grande Rita … Et tout cela est très bien fait, sans chercher à placer des noms, naturellement. Un plaisir. L’époque et les luttes politiques, l’ambiance des studios, la difficulté d’être différente, tout cela est documenté et très bien décrit.
Mais ce n’est qu’un ingrédient et on peut faire un très mauvais roman avec de bonnes connaissances historiques. Sauf qu’ici c’est un très bon roman. Avec une intrigue parfaitement menée, et le personnage de Vicky Mallone, à la fois très fidèle au cliché du privé hardboiled, et originale et différente. Un très beau personnage que l’on espère revoir un de ces jours.
Olivier Barde-Cabuçon / Hollywood s’en va en guerre, Série Noire (2023).
Voilà une très belle découverte pour moi, celle d’une écrivaine américaine, Ivy Pochoda, et de son nouveau roman Ces femmes-là.
Un quartier populaire de Los Angeles. En 1999 plusieurs jeunes femmes, surtout des prostituées, ont été égorgées. Puis les meurtres ont cessé. Et tout le monde a oublié. Pas Dorian. Sa fille Lecia qui revenait de garder une gamine fut la dernière victime. Ni Deelia, même si elle fait semblant, elle qui fut la seule à survivre au tueur.
Et aujourd’hui, en 2014, voilà qu’il y a un nouveau meurtre. Alors Essie, latina, flic aux mœurs, Julianna, Marella ou Anneke qui vivent dans le quartier vont, elles aussi, être prises dans le tourbillon.
Même si le résumé peut vous le laisser supposer, oubliez tout ce que vous avez déjà lu avec un tueur en série et des meurtres qui reprennent après des années de calme. Des bouquins comme ça il y en a des tas, souvent … disons pas très bons. Ici on est vraiment ailleurs.
On n’ira pas dans la tête du tueur. On ne sera pas stressé dans la peau d’une future victime (qui finit souvent par s’en tirer in extremis). Ici on est dans la peau de celles qui restent. De celles qui doivent vivre, tous les jours, avec la peine ou la trouille. Dans celle d’une femme flic qui n’est pas prise au sérieux parce qu’elle est femme, et d’origine latino. D’une « folle » que les flics ne croient pas et qu’ils se renvoient de l’un à l’autre. Ou de prostituées dont la vie ne vaut pas un clou, ni pour les hommes qui les achètent, ni pour les flics.
Et pourtant oui, mine de rien, en passant de l’une à l’autre au fil des différentes parties du roman, l’intrigue va avancer, et on finira par trouver le coupable. Et on plongera dans une autre forme de folie.
Un roman original et fort, à découvrir absolument, parce que, comme disent les critiques qui ne lisent jamais de polar : C’est beaucoup plus qu’un simple thriller ! C’est un grand roman noir.
Ivy Pochoda / Ces femmes-là, (These women, 2023), Globe (2023) traduit de l’anglais (USA) par Adelaïde Pralon.
Un nouveau venu à la série noire, l’anglais John Brownlow qui nous offre un polar 100 % adrénaline avec Agent seventeen.
Handler a une agence privée de tueurs qu’il met au service de la CIA (entre autres) au besoin. Seventeen est le meilleur dans sa branche. Alors qu’il vient de terminer une mission mouvementée à Berlin, Handler l’appelle pour un contrat qui ne l’enchante pas : Il faut retrouver Sixteen, celui qui était le meilleur avant lui et qui a disparu depuis 20 ans. Et le tuer. Un contrat qui pue, d’autant plus que certains indices font penser à Seventeen qu’on est loin de tout le dire. Alors au final, qui est la cible de qui ?
Ce n’est pas le roman qui va vous rendre plus intelligent ou qui va vous faire réfléchir sur tel ou tel problème ou sur l’état du monde. Et on le voit, c’est une thématique assez classique. Mais c’est un sacré moment de plaisir de lecture, 500 pages de pure adrénaline dévorées en 2 jours.
Du roman plaisir, très bien fait, avec des personnages qui, bien que répondant au cahier des charges bien cliché ne manquent pas pour autant de caractère et d’épaisseur, et vrai talent de conteur pour enfiler les péripéties, coups de théâtres et scènes d’action.
Un très bon divertissement conseillé aux amateurs de castagne pas bête, comme on va voir un James Bond ou un Indiana Jones.
John Brownlow / Agent seventeen, (Seventeen, 2022), Série noire (2023) traduit de l’anglais par Laurent Boscq.
Je suis pas mal allé au ciné ces derniers temps, petit résumé de ce qui m’a plu et que je conseille, et de ce qui m’a moins plu et qu’à mon avis on peut éviter.
Deux films excellents, à voir vraiment.
Le premier est espagnol, même si les hispanophones ne comprendront pas grand chose tant on y parle catalan. C’est Nos soleils, de Carla Simón. Quelque part dans la campagne catalane toute la famille Solé travaille dans la propriété qui produit des pêches. Le grand-père, les parents et le frère de la mère, et les enfants. Mais cette année est particulière, le fils du propriétaire qui a repris les affaires en main a vendu le terrain pour y installer des panneaux solaires. C’est donc le dernier été sur place et l’arrêt d’une activité et d’un mode de vie qui dure depuis des générations.
Tout le film repose sur la qualité de l’interprétation des différents acteurs, dont certains ne sont pas professionnels. Une chronique, des gamins plus vrais que nature, des conflits jamais caricaturés, des moments de rire et de larmes, d’émotion et de colère. Il se passe toujours quelque chose, les questions posées sont pertinentes, les images sont belles. A voir vraiment.
L’autre macédonien de Teona Strugar Mitevska, L’homme le plus heureux du monde. Sarajevo aujourd’hui. Asja, 45 ans se rend à un rendez-vous de speed-dating, organisé dans un hôtel qui sent bon l’époque soviétique. Elle s’y retrouve face à Zoran, même âge qu’elle, qui travaille dans une banque. Un Zoran qui a l’air un peu perturbé. Tout commence par des jeux idiots de questions réponses, et sur une question le malaise s’installe, puis tout bascule …
Attention, j’ai pris une grosse claque. C’est que tout commence comme une comédie un peu absurde, un humour grinçant. Et à un moment le film bascule et on ne rit plus du tout. Sans aucune image violente (ou presque), juste sur l’originalité du scénario, l’excellence des deux acteurs principaux qui sont exceptionnels, on bascule vers un toute autre thématique que je ne peux absolument pas révéler ici sous peine de divulgacher le film de façon inadmissible. Sachez seulement que ce n’est pas une comédie, mais que vous allez vous faire sacrément secouer. Un film que l’on n’oublie pas de si tôt.
Vient ensuite un film que l’on peut éviter, mais que l’on peut voir si l’on est comme moi un peu nostalgique des films noirs des années 40-50, Marlowe de Neil Jordan. 1939, Californie, Marlowe est contacté par une belle blonde pour retrouver son amant disparu depuis quelques temps. Ce faisant il va bien entendu mettre le pied dans un nid de vipères, se faire tabasser, casser quelques nez et remuer la fange de bas en haut de la société.
Un grand classique donc, filmé comme tel par le réalisateur, joué comme tel par Liam Neelson, Diane Kruger et Jessica Lange entre autres. Je ne suis pas certain que cela apporte quelque chose au cinéma, ni à l’œuvre du grand Raymond, mais ça se laisse voir, avec de nombreux clins d’œil aux œuvres passées, des éclairages de stores rayés sur les beaux yeux de la femme fatale, des dialogues à la Bogart … Un bonbon au goût d’autrefois, plaisant, sans plus.
Et pour finir, un film qui a eu de très bonnes critiques et où je me suis pas mal ennuyé. Le chevalier noir de l’iranien Emad Aleebrahim Dehkordi. Iman et Payar vivent avec leur père dans un vieux quartier de Téhéran. Payar fait de la boxe, Iman trafique et ils vivent, plus ou moins, des ventes par petits bouts des propriétés héritées de leur mère. Quand il tombe sur un bon fournisseur de cocaïne, Iman pense avoir trouvé comment s’assurer une tranquillité financière. Mais bien entendu ça va déraper.
Là je me suis ennuyé et j’ai regardé deux fois ma montre, et pourtant le film n’est pas très long. Certes on voit une partie de la société de Téhéran, et en particulier une haute société qui vit entre l’Iran et l’étranger. Certes également, le film est cohérent. Mais pour commencer les nombreuses scènes moches, filmées caméra à l’épaule, avec très peu d’éclairage la nuit m’ont fatiguées. Celles se déroulant dans des fêtes, dans le noir avec la musique à fond sont m’ont parues insupportables. Ensuite la vie de ces oisifs ne m’a pas intéressée. Et pour finir on voit arriver les tournants dans l’action trop longtemps à l’avance. Donc ennui.
Une curiosité à La Noire de Gallimard, un western original de Tom Lin : Les mille crimes de Ming Tsu.
Fin du XIX°, ce sont en grande partie des immigrés chinois traités comme du bétail (et même pire) qui ont construit les légendaires lignes de chemins de fer qui traversent les US d’est en ouest. Mais ils ne sont pas tous dociles. Ming Tsu, orphelin, a été recueilli par un tueur à gage qui lui a appris son métier. Et Ming Tsu est très doué.
Devenu adulte il a épousé la belle Ada, blanche. Mais son père n’a rien voulu savoir et il a envoyé des hommes de mains récupérer sa fille et châtier le chinetoque. Ils auraient dû le tuer. Parce que maintenant Ming Tsu, aidé d’un vieux prophète, est en route vers l’ouest pour tuer ceux qui l’ont battu et récupérer sa bien-aimée.
Autant commencer par avertir ceux qui n’aimeront pas ce roman. Si vous recherchez du « cosy crime » avec tasse de thé mais pas trop de sang, passez votre chemin, c’est particulièrement sanglant. Si vous ne supportez pas une touche de fantastique, laissez tomber, Ming Tsu est accompagné de miracles, un prophète aveugle qui voit dans l’avenir et des « monstres » de cirque aux étranges pouvoirs.
Pour les autres, vous pouvez foncer. C’est original, on voit la conquête de l’ouest sous un prisme inhabituel. Celui du personnage central, tueur issu d’une groupe d’immigrants dont le rôle est rarement cité dans la littérature ou le cinéma, et qui de plus est complètement unique puisque, adopté tout bébé, il ne parle pas chinois et se sent entièrement américain.
Le mélange de violence à la Tarantino ou Peckinpah, de cirque de freaks itinérant, et de passages obligés de la mythologie du western (shérif, indiens, saloon, chasseur de prime, petites ville qui pend les étrangers …) donne une coloration originale au récit que viennent pimenter les touches de fantastique.
Le voyage est beau, à travers une nature impressionnante, au gré de rencontres étonnantes avec pour compagnon principal un tueur que l’auteur ne cherche jamais à rendre particulièrement sympathique.
Un auteur à suivre si ses futurs romans ont la qualité de ce coup d’essai particulièrement réussi.
Tom Lin / Les mille crimes de Ming Tsu, (the thousand crimes of Ming Tsu, 2021), La Noire (2023) traduit de l’anglais (USA) par Doug Headline.
Thomas Mullen délaisse la première police noire d’Atlanta pour remonter un peu le temps dans La dernière ville sur terre.
Nous sommes en 1918 dans les forêts du nord-ouest des USA. Charles Worthy et son épouse ont fondé la ville de Commonwealth autour de la scierie qui justifie sa création. Une ville et une scierie où tous sont égaux, tous vivent dans les mêmes maisons, tous ont les mêmes salaires. Ce qui ne plait pas, évidemment, aux gros propriétaires alentours, mais qu’y peuvent-ils ?
L’arrivée sur le territoire américain de la grippe espagnole pourrait tout bouleverser. La ville décide de se confiner et d’interdire tout contact, entrant ou sortant, avec l’extérieur. Au moment où les jeunes meurent sur le front en Europe, où ceux qui sont restés au pays sont durement frappés par la pandémie, les tensions internes et externes vont s’exacerber et mettre l’utopie de Commonwealth à rude épreuve. Trop rude ?
Dommage, j’aurais beaucoup aimé être enthousiaste, mais je ne le suis pas. Dommage car le propos est vraiment intéressant. La construction de l’utopie, puis la description de comment le collectif se délite peu à peu quand la pression se fait trop forte. Comment les égoïsmes reprennent le dessus sur le sens du bien commun. C’est bien rendu, en particulier au travers de quelques courts chapitres constitués uniquement de dialogues entre habitants non identifiés. Belle description du contexte social et historique et de la montée de la pandémie, qui fait écho à ce que nous avons connu (même si le roman a été écrit en 2006 donc bien avant le COVID).
Mais ce qui m’a plombé c’est que ça traine trop dans les deux premiers tiers du roman qui pèse quand même pas loin de 550 pages. Le début passe bien parce qu’il met le contexte en place, et dans les 100 dernières pages les choses s’accélèrent et les tensions mises en place se résolvent. Mais entre les deux j’ai eu du mal, au point de ne pas avoir très envie de me mettre à la lecture, ce qui ne m’arrive jamais quand le roman en cours me passionne.
Dommage donc, avec une partie centrale resserrée La dernière ville sur terre aurait été passionnant, là le roman est intéressant mais indigeste. Avis très subjectif que je partage.
Thomas Mullen / La dernière ville sur terre, (The last town on earth, 2006), Rivages/Noir (2023) traduit de l’anglais (USA) par Pierre Bondil.
En attendant d’attaquer les livres de 2023, je me suis octroyé une petite récréation, deux bonbons piochés au hasard dans la bibliothèque, deux Parker, Un petit coup de vinaigre et En coupe réglée du regretté Richard Stark alias Donald Westlake.
Dans le premier Parker, avec trois complices, braque une banque. Le butin est moins important que prévu, mais bien pire, le chauffeur, que Parker ne connaissait pas, flingue les deux autres braqueurs, rate Parker et s’enfuit avec le magot. Il aurait pourtant dû savoir que c’était une mauvaise idée, la mansuétude ne faisant pas partie des nombreuses qualités de Parker.
Dans le second, Parker accepte un coup qui pourtant lui déplait dès le départ : s’emparer d’une ville entière, en commençant par couper tous les moyens de communication et en se rendant maître du commissariat. Le commanditaire a l’air d’avoir tout prévu, mais il a quelque chose qui ne plait pas à Parker. Il accepte quand même de monter le coup avec une bande de 12 hommes. Bien entendu, son instinct ne le trompait pas, et ça va déraper.
Un vrai plaisir au premier degré de relire cette série. C’est sec, c’est simple, ça se lit tout seul, il y a de l’action, pas un mot de trop, pas un qui manque. Vraiment on conseil quand vous êtes fatigués et que vous ne savez pas quoi lire, que vous avez envie d’une bonne histoire, rapide et impeccable.
Quel génie que ce Stark / Westlake.
Richard Stark / Un petit coup de vinaigre, (The sour lemon score, 1969), Série Noire (1969) traduit de l’anglais (USA) par D. May.
Richard Stark / En coupe réglée, (The score, 1964), Série Noire (1965) traduit de l’anglais (USA) par M. Elfvik.
Comme il était invité de TPS, et que tout le monde me disait du bien de son roman, je me suis fait dédicacer Duchess de Chris Whitaker.
Dans la petite ville de Cape Haven, en Californie, Duchess 13 ans est en guerre contre le monde entier. Et en particulier contre le monde des adultes dont elle protège son petit frère Robin, 5 ans. Une mère qui boit pour oublier un passé traumatisant, des hommes qui en profitent, et un seul « exemple », Walk, le flic local, ami d’enfance de sa mère qui les protège tous autant qu’il peut, mais qui est un peu mou.
Un équilibre fragile qui va voler en éclat quand un homme nouveau venu menace sa mère, et que Vincent King, en prison depuis 30 ans, revient dans sa ville.
Autant mettre tout de suite les points sur les « i ». Non, il n’arrive pas au niveau de Betty et My absolute darling, qui eux aussi parle d’enfance maltraitée. Et il s’en faut de beaucoup. Mais c’est quand même un très bon roman. Si vous n’avez pas lu les deux autres, vous le trouverez sans doute excellent, sinon, essayez de ne pas faire comme moi, et de ne pas comparer (mais là je ne vous aide pas).
Le roman a deux grandes forces pour moi. Tout d’abord, le personnage principal, une gamine porc-épic, qui envoie bouler tous ceux qui veulent la prendre en pitié et démolit ceux qui s’attaquent à elle ou son frère. Le personnage est fort mais pas caricatural, Chris Whitaker arrive très bien à décrire le mélange difficile à rendre d’enfance et de maturité forcée, de force incroyable et de fêlure. C’est sa grande réussite.
L’autre chose qui m’a beaucoup plu est l’absence de manichéisme. Tous les personnages révèlent, à un moment ou un autre, des forces et des faiblesses. Ils font des erreurs terribles, mais sont aussi capables de grandeur. Et c’est une enquête bien menée avec ce qu’il faut de suspense et de retournements de situation qui va tour à tour mettre en avant les côtés sombres et les côtés lumineux de chacun.
Sans être un chef d’œuvre, une belle réussite.
Chris Whitaker / Duchess, (We begin at the end, 2020), Sonatine (2022) traduit de l’anglais par Julie Sibony.
Juan Sasturain, vétéran du polar argentin, mettant en scène Dashiell Hammett, voilà qui était alléchant. Mais pour moi Le dernier Hammett, c’est raté.
Dashiell Hammett, aux prises avec les tribunaux de Mc Carthy vient de sortir de 6 mois de prison. Il va se mettre au vert dans la campagne proche de New York, dans la maison d’un couple d’amis, pour lire, se reposer, et peut-être essayer d’écrire. Sa solitude et sa tranquillité sont troublées par l’arrivée de Tulip, alias le colonel Lindgren, une vieille connaissance qu’il a connu pendant la guerre des Aléoutiennes. Le début d’une série de péripéties pendant lesquelles Dash devra se souvenir qu’il a été, un temps, détective privé.
J’avoue que je ne saurais dire pourquoi je suis allé au bout des 750 pages de ce pavé. Sans doute parce que jusqu’à la fin je suis resté perplexe et me suis demandé où voulait nous amener l’auteur. Mais que j’ai trainé les pieds. Je trouvais toujours un prétexte pour faire autre chose que lire, alors qu’avec certains bouquins, je me cache pour grappiller quelques pages à tout moment du jour et de la nuit. C’était un mauvais signe.
Pour commencer, il faut attendre environ 300 pages pour qu’il se passe autre chose que des dialogues plus ou moins sarcastiques entre Hammett et les autres protagonistes. Alors que la quatrième nous promet « un roman hard-boiled très dense ». Certes c’est bien écrit, certains bons mots font mouche, mais sur 300 pages c’est long.
Ensuite ça devient très confus, avec des romans dans le romans (sous prétexte de manuscrits confiés à Dash, ou de vieilles nouvelles retrouvées), des péripéties et des personnages invraisemblables, et des avalanches de révélations qui viennent combler en quelques lignes le temps « perdu » en digressions.
La partie intéressante est la reconstitution de la paranoïa et du racisme de l’époque, ainsi que la peinture du milieu culturel. On sent que l’auteur s’est amusé à rendre hommage aux romans du maître, mais que c’est long. Sauf erreur de ma part, les romans de Hammett dépassent rarement les 200 pages …
Bref, j’avoue ne pas avoir bien compris. Entre considérations sur l’écriture, la littérature, la boxe et la politique et roman hard-boiled « à la manière de », je ne sais pas quelle était l’intention de l’auteur, et s’il a atteint son but, mais ça n’a pas marché avec moi et je me suis pas mal ennuyé.
Juan Sasturain / Le dernier Hammett, (El ultimo Hammett, 2018), La Noire (2022) traduit de l’espagnol (Argentine) par Sébastien Rutés.
Un petit conseil cinéma pour une fois que je vois un film encore à l’affiche à peu près partout : Armageddon Time de James Gray.
Début des années 80, Paul et Johnny deviennent copains sur les bancs d’un collège public du Queens. Paul est le second fils d’une famille juive d’origine ukrainienne, Johnny est noir et vit seul avec sa grand-mère. Johnny est dès le départ le souffre-douleur du prof ; parce qu’il est rêveur et par amitié, Paul va tout faire pour être son associé en punitions et bêtises.
Mais jusqu’où pourra-t-il maintenir cette solidarité face à la pression croissante de la société et de sa famille ?
Autant vous avertir tout de suite, si vous attendez de grandes scènes spectaculaires, de l’action toute les minutes et des coups de théâtre, autant passer votre chemin. Le film est la chronique d’un quartier, d’un milieu, d’une époque et au point de vu plus intime celle de la perte de l’innocence, de la lutte perdue d’avance pour la justice et de l’apparition de la culpabilité.
C’est fin, sensible, intelligent, jamais manichéen, toujours juste. La force de la pression sociale est superbement montrée sans jamais être explicitée (ou presque). C’est superbement joué, par tous, avec une mention spéciale pour les gamins et pour Sir Anthony Hopkins dont la présence, même quand il ne dit rien, et ne fait rien, est absolument hallucinante.
Pas de grands effets, mais une réalisation avec cette simplicité apparente des grands que l’on aurait tort de prendre pour de la facilité, tant il est difficile d’arriver à cette forme d’évidence (au cinéma, comme en écriture ou en musique).
On sourit parfois, on est bouleversé souvent. A voir.