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Deux sorties et une grosse flemme

Je ne sais pas si c’est la lecture de Paresse pour tous, ou la fatigue de fin d’année, mais là j’ai une grosse flemme. Donc je ne vais pas faire de chronique, mais juste une info pour les fans.

Il y a en cette fin d’année un nouveau Andrea Camilleri, Le cuisinier de l’Alcyon, et un nouveau Craig Johnson, Le cœur de l’hiver.

Pour les fans (dont je suis), il suffit de savoir qu’on peut retrouver Salvo Montalbano et Walt Longmire, c’est un argument suffisant pour se procurer ces deux romans.

Pour ceux qui ne connaissent pas, je déconseille. Aucun des deux romans n’est le meilleur de la série (même s’ils restent très agréables), et pour Craig Johnson, on ne peut même pas en parler sans révéler un gros coup de théâtre de la fin du précédent.

Donc voilà, ils sont là, on passe un très bon moment, même si ce ne sont pas les meilleurs.

Andrea Camilleri / Le cuisinier de l’Alcyon, (Il cuoco dell’Alcyon, 2019), Fleuve Noir (2022) traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

Craig Johnson / Le cœur de l’hiver, (Depth of winter, 2018), Gallmeister (2022) traduit de l’anglais (USA) par Sophie Aslanides.

Western Star

Comme tous les ans, voici le nouveau Walt Longmire. Le dernier roman de Craig Johnson, Western Star nous ramène à la jeunesse de son héros.

Comme tous les quatre ans Walt va à Cheyenne pour s’assurer qu’un multi meurtrier, qu’il a arrêté à ses débuts va bien rester en prison à vie. Il en profite pour loger chez sa fille et s’occuper de sa petite fille. Mais cette année les choses semblent parties pour se passer autrement, une sourde menace plane sur la famille.

Des événements sombres qui ramènent Walt 40 ans en arrière, quand il revenait à peine de Vietnam et avait été embauché comme adjoint du légendaire Lucian Connally. Des événements ayant eu comme théâtre le voyage annuel des shérifs du Wyoming à bord du Western Star, dernier train à vapeur encore en service.

Attention, voilà un épisode particulièrement sombre, moins drôle que la plupart des précédents, malgré la présence de Vic et d’Henry Standing Bear.

Craig Johnson a trouvé une manière élégante et naturelle de raconter la jeunesse de son héros, son retour du Vietnam, sa rencontre avec Lucian. Il s’amuse en parallèle à rendre hommage au Crime de l’orient Express, livre que lit le jeune Walt pendant qu’il doit élucider un meurtre commis dans un train à bord duquel il n’y a quasiment que des shérifs. Mais il le fait à sa façon, en n’oubliant pas la puissance de la nature, l’hiver, dans le Wyoming, et en remplaçant le thé par des litres de gnole.

Un excellent épisode, qui appelle une suite que l’on attend déjà avec beaucoup d’impatience.

Craig Johnson / Western Star, (The western star, 2017), Gallmeister (2021) traduit de l’anglais (USA) par Sohpie Aslanides.

Une évidence trompeuse

On est gâté (en littérature) en ce moment, après le nouveau Ricciardi, voilà le nouveau Longmire, le shérif de Craig Johnson dans Une évidence trompeuse.

Walt et Henry Standing Bear se retrouvent à Hulett, Wyoming, pour que l’Ours puisse participer à une course de moto. L’occasion pour la petite ville d’être envahie de milliers de motards, pas tous débonnaires. Le cauchemar des autorités de la ville.

Cela devrait être des vacances, mais l’Ours tombe sur Lola, une ex que l’on pourrait qualifier de toxique, qui leur demande de l’aide : son fils est dans le coma, suite à un accident de moto, un accident qui semble bien avoir été provoqué. Plus de vacances donc, d’autant plus que certains gangs de motards sont particulièrement remuant, voire sinistres.

Quand Vic Moretti, la Terreur, vient les rejoindre pour voir la course de l’Ours et participer à l’enquête, l’ambiance qui était devenue assez chaude tourne au bouillant.

400 pages de pur plaisir qui se lisent sourire aux lèvres. Craig Johnson maîtrise à merveille son sujet, joue avec les dialogues et les personnages, accentue à l’envie le côté hardboiled de la belle Vic, enfile les répliques qui claquent et les scènes d’action millimétrées.

Les personnages secondaires sont excellents, le trio Henry, Vic, le Chien est extraordinaire et vole la vedette à notre shérif préféré. Un vrai pied de lecture d’un bout à l’autre, le meilleur antidote à la situation lourde et sinistre que nous vivons. Un bouquin qui devrait être remboursé par la sécu, mieux que tous les antidépresseurs.

Craig Johnson / Une évidence trompeuse, (An obvious fact, 2016), Gallmeister (2020) traduit de l’anglais (USA) par Sophie Aslanides.

Dry bones

On a attendu, il ne venait pas, mais il est enfin là. Dry Bones, le nouveau Craig Johnson.

JohnsonQui aurait pu imaginer que la découverte d’un magnifique spécimen de T-Rex, fossile bien entendu, dans les terres de Danny Lone Elk, comté d’Absaroka allait déchainer de telles passions ? FBI, procureur adjoint, média locaux et nationaux, réseaux sociaux, musées, paléontologues, Cheyennes plus ou moins traditionalistes … Tout ce beau monde va déferler sur le dos, heureusement solide, de Walt Longmire.

Qui va bien avoir besoin de l’aide de toute sa tribu alors qu’il doit, dans le même temps, aller chercher sa fille et sa toute nouvelle petite fille à l’aéroport.

On a attendu plus que d’habitude, et c’est un bon cru, avec tout ce qui fait que l’on aime les romans de la série. La nature très présente, parfois magnifique, parfois effrayante, la bande réunie, avec des dialogues toujours ciselés et l’humour de Craig Johnson. Plus une intrigue solide.

Ça c’est la base maintenant connue, et recherchée, par les fans de Walt Longmire. Sur cette base chaque épisode apporte quelques épices nouvelles. Ici cette histoire de paléontologie qui nous montre que même dans le monde de la recherche et des dinosaures, tout finit par être une question de gros sous. Faut-il y voir un hommage discret à son défunt ami Tony Hillerman, qui a lui aussi plusieurs fois mis en scène des fouilles et les rivalités parfois meurtrières qu’elles occasionnent ? Il faudra lui poser la question la prochaine fois qu’il viendra en France.

Ajoutez également un ombre bien sombre qui pourrait s’étendre sur Walt et sa bande, qui apporte une tension supplémentaire, et va entretenir l’inquiétude dans les épisodes à venir. Mais je n’en dis pas plus, à vous de découvrir de quoi il s’agit. A lire bien évidemment.

Craig Johnson / Dry Bones (Dry Bones, 2015), Gallmeister (2019), traduit du l’anglais (USA) par Sophie Aslanides.

Walt, les bisons et le charbon

Le Craig Johnson du printemps est là. Il s’appelle Tout autre nom.

JohnsonL’hiver s’abat sur le Wyoming. Walt Longmire s’apprête à rentrer en hibernation quand son mentor, l’ancien shérif Lucian Connally lui demande de l’aide. Dans le comté voisin Gerald Holman, flic incorruptible, s’est suicidé sans laisser aucune explication. Le problème est qu’il s’est tiré deux balles dans la tête.

Sur place, Walt, Lucian et Vic Moretti qui est revenue de convalescence vont découvrir que lors de la dernière année trois femmes seules ont disparu dans le coin. Et que Gerald enquêtait sur ces disparitions. Une fois de plus Walt va se retrouver à patauger dans la neige, le vent et le brouillard.

Comment se renouveler dans la continuité ? Pour l’instant Craig Johnson a trouvé la manière.

Continuité des personnages bien entendu, que l’on retrouve avec un immense plaisir. Continuité dans la qualité des dialogues, toujours aussi mordants et drôles, surtout quand l’Ours ou Vic sont de la partie. Continuité du décor, avec une nature toujours présente, et ici une nature d’autant plus présente qu’en hiver elle devient rapidement mortelle. Continuité dans les visions de Walt qui, une fois de plus va risquer sa peau, se retrouver au bord du gouffre, et avoir les visions que ses lecteurs connaissent bien.

Et renouvellement parce que d’autres thèmes sont abordés, parce que, d’une façon ou d’une autre, le décor change quand même. Il est ici question de responsabilité, de culpabilité (mais je ne peux pas en dire plus sans dévoiler le fin mot de l’intrigue). Et surtout, notre shérif préféré va, dans l’espace de quelques jours, se trouver confronté à la nature la plus sauvage, ce qui va l’amener à essayer d’imiter le bison en colère (sans succès d’après Standing Bear) et être mis en danger par le symbole de l’Amérique industrielle dans ce qu’elle a de plus déshumanisé. Le tout au détour de deux scènes d’anthologie.

J’espère que vous n’avez rien compris mais que votre curiosité est piquée, et que vous allez vous précipiter sur ce nouveau Walt Longmire. Alors vous verrez que j’ai raison.

Craig Johnson / Tout autre nom (Any other name, 2014), Gallmeister (2018), traduit de l’anglais (USA) par Sophie Aslanides.

Putain, j’y crois pas !

J’ai un peu tardé, mais je respecte la tradition, une année de plus, avec le Craig Johnson de (fin de) printemps. Cette fois c’est : La dent du serpent.

JohnsonCela commence de façon assez étrange : Une vieille dame qui parle des anges qui logent chez elle et réparent tout ce qui ne marche pas, en échange d’un peu de nourriture qu’elle laisse à leur intention. Quand Walt va faire un tour avec la terreur, alias Vic, il trouve, dans le cabanon au fond du jardin, un ado d’une quinzaine d’années qui semble complètement coupé du monde. Il s’avère qu’il vient d’une communauté du comté voisin, une communauté qui ressemble à s’y tromper à une secte.

Et on pourrait s’arrêter là. Si les adeptes n’étaient pas aussi installés chez Walt, s’ils n’étaient pas lourdement armés, et s’ils ne disposaient pas de fonds dépassant de très loin ceux générés par les ventes de gâteaux qu’ils font au bord de la route …

Je ne vais pas vous mentir, ce n’est pas mon Walt Longmire préféré, mais, et là aussi sans vous mentir, il est hors de question que j’en rate un seul, tant c’est toujours aussi bon !

Je ne suis pas certain d’être complètement convaincu par l’intrigue, mais une fois de plus, je suis totalement emballé par l’humour, l’écriture, les dialogues, les personnages haut en couleur, les relations entre Walt et sa bande … Une fois de plus, c’est une plaisir immense de les retrouver, de rire, sourire, aimer, plaisanter, rager, castagner avec eux.

Une fois de plus c’est un plaisir immense de découvrir de nouveaux cinglés concoctés par Craig Johnson, de profiter des paysages du Wyoming. Et cette fois, son regard sur les différentes religions de cinglés qu’abrite l’ouest est un régal supplémentaire.

Et puis, un livre qui tout en ne cachant rien des saloperies de notre monde, peut donner un tout petit espoir dans ce que l’humanité a de meilleur, ce n’est pas à négliger en ces temps où les trois valeurs mises en avant sont le fric, le fric et le fric. A lire donc, sans faute.

Et pour comprendre le titre de ma chronique, il faut lire le bouquin …

Craig Johnson / La dent du serpent (A serpent’s tooth, 2013), Gallmeister (2017), traduit de l’anglais (USA) par Sophie Aslanides.

Notre shérif préféré

Tous les ans, on sait qu’il y a au moins deux bonnes nouvelles : Le nouveau roman de Camilleri et le nouveau roman de Craig Johnson : A vol d’oiseau.

couv rivireWalt Longmire se retrouve avec une mission très compliquée : organiser le mariage de sa fille. Pire, l’organiser avec son ami Henry Standing Bear dans la réserve Cheyenne … Alors qu’ils sont en repérage, ils sont témoins de la mort d’une jeune femme qui tombe du haut d’une falaise. Il s’avère qu’elle avait son fils de quelques mois dans les bras. Et que le suicide est fort improbable. Voici donc Walt embarqué dans une enquête sur un territoire où il n’a aucune autorité, en butte à l’hostilité de la nouvelle (et très en colère) chef de police de la réserve. Et le FBI qui leur débarque dans les pattes …

Tout cela risque de faire passer les préparatifs du mariage au second plan. Ce qui est une très mauvaise idée pour la paix familiale.

Quel plaisir de retrouver Walt, Henry et les autres. Craig Johnson une fois de plus nous régale en nous offrant ce qu’on cherche dans ses romans : retrouver des amis, sourire s’émouvoir, sentir les grands espaces, l’humanité et la noirceur. Il nous offre ce qu’on attend et en même temps arrive à se renouveler à chaque fois.

Ici, comme pour le premier roman de la série, nous sommes dans la réserve. Une bonne intrigue, de l’humour, la peinture de gens qui vivent (ou survivent) dans une pauvreté inimaginable, mais une peinture sans angélisme ni misérabilisme, capable de montrer la dignité, la rage, la lutte mais aussi le renoncement, l’abandon et la violence retournée contre les plus faibles.

Même si ce nouvel épisode ne se hisse pas au niveau du magistral Tous les démons sont ici, c’est encore et toujours un très bon roman que l’on referme déjà nostalgique et pressé de retrouver toute la bande. Décidément le temps n’a de prise ni sur Walt Longmire ni sur le talent de Craig Johnson.

Craig Johnson  / A vol d’oiseau (As a Crow flies, 2012), Gallmeister (2016), traduit de l’anglais (USA) par Sophie Aslanides.

Contre la barbarie ? Walt Longmire.

J’avais besoin d’humanité, d’amitié, de souffle et de chaleur. Paradoxalement, cette chaleur on la trouve dans l’hiver glacial de Steamboat de notre cowboy préféré : Craig Johnson.

couv rivireSoir de Noël, Walt Longmire s’apprête à quitter son poste quand arrive une jeune femme, visiblement très émue, qui demande à rencontrer Lucian Connally, l’ancien shérif. Bien qu’elle refuse de dire son nom et la raison de sa visite, Walt l’accompagne à la maison de retraite où il avait, de toute façon, l’intention de se rendre.

Sur place, la jeune femme ne dit qu’un mot : Steamboat. Un mot qui les ramène à une autre nuit de Noël, plus de vingt ans auparavant, en 1988, l’année du premier Noël de Walt comme shérif.

Ce n’est pas un roman, ce n’est pas non plus une nouvelle, c’est entre les deux. Ce n’est pas non plus un polar, plutôt une novella d’aventure. Mais on s’en fout, ça fait chaud au cœur. En attendant le prochain « gros » roman, aucun bouquin ne pouvait mieux tomber que celui-là.

Qui nous raconte magnifiquement une histoire comme on en lisait quand on était gamins. Une histoire de lutte contre les éléments, d’hommes (hommes au sens êtres humains, OK ? il y a aussi des femmes dedans) qui se serrent les coudes, qui balancent de grosses vannes quand tout va mal, et qui quand le boulot est fait, vont boire un coup pour évacuer la tension.

Et puis il y a cette réponse, si simple, si évidente et pourtant si importante de Walt à quelqu’un qui refuse de risquer sa vie, et lui demande pourquoi il fait ça : « c’est une question de ce qu’on doit faire, et comment continuer à vivre si on ne le fait pas ». Et ça aussi, ça fait du bien de le lire ces jours-ci … Parce qu’il y a des gens, des français, qu’on présente souvent comme de plus en plus égoïstes, individualistes, superficiels … Qui sont sortis de chez eux vendredi soir pour aider un blessé, qui ont ouvert leur porte pour accueillir un inconnu.

Bien sûr, Craig Johnson nous parle d’héroïsme romanesque, d’héroïsme hollywoodien, un héroïsme à la Gary Cooper, ou Kirk Douglas. Et c’est un conteur hors pair qui vous embarque dans sa galère (ou ici son avion) comme si vous y étiez, il arrive à vous faire vibrer, sourire et pleurer en même temps, il raconte des personnages à la fois tellement proches et tellement plus grands que ceux qu’on rencontre quotidiennement.

Mais vendredi, pleins d’anonymes, d’inconnus dont personne n’écrira l’histoire ont dû, sans même y réfléchir se dire que « c’est une question de ce qu’on doit faire, et comment continuer à vivre si on ne le fait pas ». Pleins d’anonymes qui retourneront peut-être à une vie insouciante, avec qui peut-être demain je ne serai d’accord sur rien ou presque, peut-être même que je les trouverai insupportables, mais vendredi soir ils ont été des Walt Longmire l’espace de quelques instants.

C’est à eux que je veux dédier cette lecture.

Et c’est pourquoi Craig Johnson est grand.

Craig Johnson  / Steamboat (Spirit of steamboat, 2012), Gallmeister (2015), traduit de l’anglais (USA) par Sophie Aslanides.

Walt Longmire dans l’enfer de Dante

Le Craig Johnson traditionnel est un peu en avance cette année, ça doit être le réchauffement climatique qui le fait arriver avant le printemps. Et pourtant, dans Tous les démons sont ici, ça gèle fort.

couv rivireFin d’hiver, début de printemps du côté des Bighorn Mountains, dans ce comté (imaginaire) sous l’autorité su shérif Walt Longmire. Dans ce coin haut perché, l’hiver n’a pas l’air d’être au courant qu’il vit ses derniers jours et une tempête shakespearienne se prépare. Avec blizzard et neige. De quoi ne pas réjouir Walt et son adjoint basque Sancho qui doivent encadrer Raynaud Shade, un psychopathe d’origine Crow, pour une reconstitution dans les montagnes.

Surtout que, comme le dit un des meurtriers qui est avec lui (oui ils sont plusieurs charmants garçons) : « Nous on est le genre qui donne des cauchemars aux gens […] Lui, c’est le genre qui nous donne des cauchemars. ». Et quand Walt et Sancho s’en reviennent après avoir laissé Shade aux mains du FBI, en haut, dans la montagne, devinez ce qui se passe … Et qui va devoir partir à la poursuite du fou furieux qui a deux otages alors que la tempête se déchaîne ? Gagné.

Un mano a mano époustouflant s’engage, avec la nature déchaînée comme arbitre.

Il est très fort Craig Johnson. Très fort parce que c’est quand même le septième volet des aventures de Walt Longmire et qu’il arrive à garder une cohérence tout en se renouvelant et en prenant des risques. Très très fort.

Cohérence parce qu’on retrouve Walt et le Wyoming sous la neige. Cohérence parce que, malgré la grande noirceur du roman (le paysage est tout blanc mais le roman est noir) il garde cet humour caractéristique de son personnage : « Je ne pouvais pas mourir – Il y avait trop de femmes qui me tueraient. ». Cohérence parce que les personnages secondaires, ceux qu’on aime presque autant que Walt sont là, même si les échanges avec eux se font quasiment uniquement par téléphone, quand Walt arrive à capter du signal dans ses montagnes. Cohérence enfin parce qu’il revient ici sur un épisode du premier roman, Little Bird.

Mais en même temps tout change et il prend de très grand risque. Et ce n’est pas la première fois.

Tout change parce que cette fois Walt est seul ou presque face à l’affreux. Et surtout Craig Johnson prend un très grand risque en allant voir du côté du fantastique, et un risque encore plus grand en laissant ses lecteurs libres de leur interprétation. Un risque parce que certains pourraient lui reprocher d’avoir choisi une solution de facilité, de ne pas choisir … Moi j’ai adoré.

Et puis il y a Virgil White Buffalo, ce qu’ils appellent dans le Wyoming un FBI, « Foutrement Balèze d’Indien » (je suppose que c’est Fucking Big Indian en anglais), qui dès qu’il apparait me fait penser à l’indien de Vol au-dessus d’un nid de coucou. Un personnage hors norme, monumentale création littéraire qui apporte une dimension supplémentaire à un roman déjà passionnant.

Pour finir, quelle écriture et quelle construction ! Je me suis gelé pendant toute la lecture, j’ai cru m’évanouir avec Walt, entendre craquer la neige, j’ai failli tomber dans le précipice avec lui … Et tout ça en lisant régulièrement l’enfer de Dante ! Vraiment très fort.

Et quel sens du rythme ! Dans le premier chapitre, la tension qu’il installe dès le premier échange avec le psychopathe est un modèle du genre. Une tension qui va s’intensifier pour ne se relâcher, paradoxalement, qu’une fois les deux réellement face à face, pour un final époustouflant, ralentis par le froid et l’épuisement, aveuglés par la neige. Du grand art, une fois de plus.

Craig Johnson / Tous les démons sont ici (Hell is empty, 2011), Gallmeister (2015), traduit de l’anglais (USA) par Sophie Aslanides.

PS. Bien qu’il fasse plusieurs allusions à des événements passés dans d’autres romans, Tous les démons sont ici peut se lire sans avoir lu les autres. Mais ce serait vraiment dommage de se passer de cette magnifique série.

Molosses de Craig Johnson

C’est le printemps ! C’est donc la saison du nouveau Craig Johnson. Par contre dans le Wyoming de Molosses, c’est l’hiver, et quel hiver !

JohnsonCa commence par Grandpa Stewart aperçu par un automobiliste, tracté au bout d’une corde derrière une vieille voiture. Comme tout est gelé, il semble très bien glisser sur la route. Ca continue avec un bout de pouce trouvé dans une glacière, au côté de quelques bouteilles de bière … La routine pour Walt Longmire, et ses adjoints la belle Vic et Sancho qui se remet mal de l’agression dont il a été victime quelques semaines auparavant. Mais, alors que le coin est bloqué par la tempête, les cadavres commencent à s’accumuler autour de l’étrange famille Stewart.

Est-ce que Craig Johnson a vraiment conscience de rendre les gens heureux ? Sait-il combien de lecteurs se réjouissent de retrouver Walt, Henry Standing Bear, le chien, Vic et tous les habitants de ce coin de Wyoming ? Sait-il qu’il suffit d’ouvrir un de ses romans pour qu’un sourire de contentement apparaisse ?

Il y a quelques années, avant qu’il n’y ait des autoroutes partout, la tradition voulait qu’on s’arrête toujours, au retour des Pyrénées, dans un restaurant en plein Gers, où deux mamies nous servaient invariablement le même plat : le magret cocotte. Et quand elles arrivaient et soulevaient le couvercle de la cocotte en fonte noire, quand on entendait le grésillement des patates et des oignons frémissant sous les magrets cuits à point, quand le fumet arrivait à nos naseaux, immanquablement, des sourires béats fleurissaient sur toutes les lèvres. Craig Johnson, c’est le magret cocotte du polar !

Et ce nouvel épisode ne déroge pas à la règle. On y retrouve nos héros préférés, on y retrouve l’humour de l’auteur, ses dialogues qui claquent. On y retrouve des histoires qui sont trop incroyables pour ne pas être vraies. On y retrouve un regard humaniste sur ce coin perdu de l’Amérique. Humaniste mais ni naïf, ni niais. Et on y retrouve cette nature si présente, si belle mais également si dangereuse qui caractérise ses romans.

Petit à petit, l’air de rien, Craig Johnson est en train d’écrire les chroniques du XXI° siècle du Wyoming, et il le fait de très belle manière. Vivement l’an prochain pour retrouver nos potes et voir comment ils auront survécu à la fin de cet hiver.

Craig Johnson / Molosses (Junkyard dogs, 2010), Gallmeister (2014), traduit de l’américain par Sophie Aslanides.