Peter Craig, Père de sang

En faisant quelques recherches, je me suis aperçu que Peter Craig est l’auteur de Hot Plastic que j’avais déjà beaucoup aimé. Père de sang, son nouveau roman traduit ne m’a pas déçu.

Lydia 17 ans a fuit de chez sa mère depuis trois ans quand elle tombe sous la coupe de Jonah, petit caïd de la drogue de LA qui se sert de jeunes paumés comme elle pour ses pires coups. Mais même perdue dans un univers d’alcool et de came Lydia n’est pas prête à tout. Elle tue Jonah un jour où il va trop loin et se retrouve en cavale, poursuivie par ses troupes. Aux abois, elle se tourne vers Link, son père, un colosse, ancien Hell’s Angel rangé et sobre depuis sa récente sortie de prison. Pour la sauver des griffes de ses poursuivants, il va devoir renouer avec son passé violent.

Le résumé pourrait faire craindre la pire succession de clichés. Le vieux lion rangé qui reprend du service pour sauver sa fille des griffes des méchants, quoi de plus bateau ? D’une certaine façon, les clichés sont là. Mais quel roman en est aujourd’hui exempt ? Et les lecteurs de polars n’aiment-ils pas, justement, les clichés ? A condition bien entendu que l’auteur en fasse bon usage.

Et c’est bien le cas ici. Comme dans Hot Plastic Peter Craig nous montre une Amérique à la marge, peuplée de personnages qui n’appartiennent (plus) à aucun clan. Ni à la société « normale », ni au crime organisé. Ils sont en rupture de tout, seuls. Comme dans Hot Plastic, la thématique de la paternité est au centre du roman.

Une thématique servie par deux magnifiques personnages de perdants increvables, des personnages comme on les aime, têtes de lard, grandes gueules, insupportables et increvables. En un mot, adorables ! Il dresse leur portrait de façon très touchante, les opposant dans leur cavale aux archétypes de ce qu’il refusent d’être : Que ce soit la mère, sorte de poupée Barbie qui se réfugie en permanence derrière un façade lisse, maquillée et souriante, ou l’ex copain de Lydia, nouveau truand sans âme confondant la vie réelle avec ce qu’il en a vu au cinéma.

Il ne fait pas pour autant de cadeau au passé prétendument glorieux : les vieux Hell’s Angels sont croqués sans pitié, ramassis de vieillards pathétiques, racistes et radotant, qui continuent à masquer leurs crimes et leur décrépitude derrière un discours pontifiant en appelant à la liberté et à l’esprit rebelle.

Heureusement il y a Link et Lydia, l’histoire de leurs retrouvailles, de cette rédemption d’un homme qui se pense fini et voit, pour la première fois de sa vie, la possibilité de faire quelque chose pour quelqu’un, la possibilité d’offrir à sa fille la chance qu’il n’a pas su saisir. L’écriture est au diapason, l’intrigue est impeccable, le vieux lion a encore la force de rugir et de nous offrir quelques belles scènes de baston …

Que demander de plus ?

Peter Craig / Père de sang, (Blood father, 2005) Rivages/Thriller (2009), traduit de m’américain par Emmanuel Pailler.

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