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Deux séries, une bonne et une mauvaise

Avant de me lancer dans les chroniques des sorties de 2024, bonne année à vous, à titre individuel. Pour ce qui est du collectif, 2024 s’annonce au moins aussi merdique et dégueulasse que 2023. Donc passons.

J’en profite pour vous conseiller une mini série dont vous avez forcément entendu parler, et faire part de mon agacement (et le mot est faible) concernant une autre.

Guillaume Gouix (Louvetot), Julien Drion (CrCree) et Firmine Richard (Bellerose) dans Polar Park (2022), épisode 5, réalisé par Gérald Hustache-Mathieu.

Le conseil c’est Polar Park sur ArteTV. Un écrivain de polars (Jean-Paul Rouve excellent), vient se perdre dans une des communes les plus froides de France, en hiver bien entendu, parce qu’un moine du monastère local veut lui faire des révélation sur son passé. Sur place les morts s’accumulent, avec des mises ne scène rappelant des tableaux célèbres.

Notre écrivain va donc proposer ses services et ceux de son détective Magnus Horn au gendarme local (Guillaume Gouix) en charge de l’enquête. Gendarme assez peu ouvert aux fantaisies littéraires.

Ce n’est pas la série de l’année, mais c’est drôle, bien joué et court (6 épisodes). Et surtout on apprécie, quand on est lecteur et amateur de cinéma les multiples clins d’œil. Aux clichés des polars à la mode, et à de nombreux films, qu’on ne peut pas tous citer pour ne pas dévoiler l’intrigue. On a des gendarmes au look très Fargo, des moines plus Nom de la rose, un écrivain en panne d’inspiration dans un motel perdu à la Shining etc … Bref c’est léger mais très agréable.

L’agacement, voire la très mauvaise humeur c’est pour Preacher. Si vous êtes des habitués, vos savez que je suis très très fan de la BD. De son humour trash, de la façon dont elle dézingue toutes les religions sans la moindre pitié.

Je me doutais bien qu’il serait difficile à la série de garder une telle irrévérence, et une telle liberté de ton. Mais je ne me doutais pas qu’elle irait aussi loin dans le léchage de cul des curés, pasteurs et autres sorciers. J’ai craqué au 3° ou 4° épisode (je ne sais plus). Ils n’ont gardé que la définition grossière des personnages.

Le problème est que le génial Jesse Custer qui a reçu la voix, au lieu de partir à la recherche de Dieu pour lui casser la gueule et lui faire rendre des comptes, s’est mis en tête de convertir tous les habitants de sa petite ville. Non mais quel scandale, c’est carrément l’opposé de la philo de la BD. Ils n’ont gardé que les vannes scato, le gore drôle lié à son pote Cassidy le vampire irlandais amateur de bibine, et ils en ont fait un super pasteur. Une honte. A éviter absolument si comme moi vous êtes fan de la BD (dont du coup j’ai relu les 3 premiers tomes).

Deux films et une série

Deux bons films de plus ces derniers temps, et une pépite à voir sur Netflix ou sur internet pour ceux qui maîtrisent l’anglais.

S’il passe encore du côté de chez vous, allez voir The Fabelmans de Steven Spielberg. Un film qui devrait enchanter les fans de cinéma. C’est la chronique sensible de la vie d’une famille classe moyenne aisée juive, avec un père ingénieur dans l’informatique naissante, et une mère femme au foyer ayant sacrifié une potentielle carrière d’artiste. Mais c’est surtout un hommage vibrant au cinéma, à l’imagination, au pouvoir de la prise d’image et du montage, à un art qui révèle la réalité de la vie, et façonne la vérité au gré du réalisateur.

Il y a beaucoup de moments magiques dans ce film, de personnages inoubliables, et la conclusion est absolument magnifique. Ce n’est pas spectaculaire, contrairement à ce qu’on pourrait attendre du père d’Indiana Jones, mais c’est intelligent et émouvant.

Et il y a un autre film en hommage au cinéma, anglais celui-ci, Empire of light de Sam Mendes. Chronique encore, des années 80 dans une ville balnéaire anglaise, autour de la vie de quelques employés du cinéma de la ville. Superbement joué par les deux acteurs principaux, mais également par tous les acteurs secondaires. Chronique sociale comme les anglais savent si bien les faire de Ken Loach à Stephen Frears. On rit, on s’émeut, on rage, on tremble, on ne voit pas le temps passer. C’est tendre mais jamais angélique, cela brasse quantités de thématiques sans faire de grands discours, c’est vraiment excellent.

Et si vous avez le moral en berne et que vous voulez passer quelques moments absolument délicieux, je ne peux que conseiller une série sur Netflix, mais l’on peut en voir aussi des bouts sans payer si l’on cause couramment le patois grand-breton. La série c’est Cunk on earth, et sur internet vous pouvez voir de courtes vidéo « Moments of wonder with Philomena Cunk ».

Philomena Cunk c’est l’actrice que vous avez peut-être découvert dans Death to 2020 et Death to 2021, celle qui joue l’anglaise complètement tarte. Et là elle s’attaque aux grands questions philosophiques, historiques ou scientifiques, avec la même pertinence, mais en se présentant comme un journaliste de la BBC. Elle interviewe de vrais experts qui restent d’un calme qui fait honneur au flegme britannique face à la stupidité de ses questions et de ses remarques. Je crois que je vais avoir du mal maintenant à continuer à dire, quand je fais des interventions dans des classes : « Il n’y a pas de question stupide », Philomena m’a démenti de façon éblouissante. Et hilarante. Un chef-d’œuvre de nonsense ; Cunk digne héritière des Monthy Python.

Coup de cœur pour une série : Hatufim

Je profite des vacances pour faire attirer votre attention sur une série que j’ai pu regarder. Un gros coup de cœur, Hatufim, série israélienne visible sur ArteTV, donc gratuitement.

Amiel, Ouri et Nimrod ont été enlevés du côté du Liban. Pendant 17 ans leurs femmes et sœurs se sont battues pour leur retour. Les voilà enfin. Ouri et Nimrod rentrent, Amiel a été tué pendant sa détention, c’est un cercueil qui revient. Un retour difficile, voire impossible quand on a vécu l’enfer, quand on n’est plus, et de loin, l’homme que l’on était à 20 ans, quand on a été trop ou pas assez attendu, quand on ne reconnaît plus le pays où l’on revient, quand les services secrets se méfient de vous …

Vraiment, une série exceptionnelle. 24 épisodes sur deux saisons, la première plus intimiste, la seconde plus espionnage. Superbe scénario, des acteurs absolument géniaux, tout en finesse, la tension monte tout au long de la série.

J’avais vu, avant, la première saison de Homeland qui est le remake américain, où toute finesse disparait au profit de spectaculaire et d’emphase très hollywoodienne. Là tout est crédible, fin, bouleversant, humain.  Pas de super soldat ou de super agent secret, pas d’intelligence hors du commun, juste des destins ordinaires bouleversés.

En toile de fond le portrait d’une société israélienne à la fois ouverte et étouffante, la présence permanente de l’armée, du service militaire, de la politique. Vraiment à voir absolument.

Pour revenir sur Homeland, je me suis arrêté à la fin de la saison 1, sans grande envie de continuer. C’est bien fichu, mais tout est trop. Trop beau, trop parfait, trop génial … une impression qui ne m’a pas donné envie de poursuivre. Et après avoir vu l’original, cela serait encore plus insupportable.

The Wire

Catastrophe des catastrophes, j’ai terminé The Wire. Cela faisait quelques jours, voire quelques semaines que je trainais et trouvais des prétextes pour ne pas regarder les 4 ou 5 épisodes qu’il me restait à voir. Mais j’ai finalement craqué, et maintenant je suis foutu, j’ai fini. Plus de nouvelles d’Omar, Marlo, Prop Joe, Stringer Bell, McNulty, Daniels, Namond, Michael, Randy, Duquan, Bubbles, Kima, Lester, Bunk, Snoop, Presbo, Cutty, Colvin, Carcetti, …

Je suppose que la majorité d’entre vous a déjà vu cette série monumentale. J’ai une excuse, jusqu’à très récemment je n’avais pas le temps de regarder des séries. Ce n’est d’ailleurs que la troisième que je vois en entier, après Treme, du même David Simon et Chernobyl (qui ne comporte que 5 épisodes). Pour ceux qui ne connaissent pas, et qui partagent mes goûts littéraires (sinon je ne sais pas trop ce que vous faites ici), c’est simple, elle est absolument indispensable. Noël approche, l’intégrale en DvD se trouve facilement à moins de 60 euros. Je sais, ce n’est pas rien, mais 60 euros pour 60 heures de bonheur, d’émotion, d’intelligence, ça se tente quand même non ?

Alors pourquoi voir et revoir The Wire ?

Parce que c’est le portrait global et complet d’une ville, Baltimore. Regardée au travers du prisme du travail d’une équipe de flics sur le trafic de drogue. Mais on passe partout. Police, système éducatif, presse, mairie, tribunal, la rue, travail associatif, bars, misère, port … On y croise des flics, des trafiquants, des profs, des junkies, des syndicalistes, des dockers, des journalistes, des juges des avocats, de politiciens, des tueurs, des travailleurs sociaux, des agents du FBI. On passe des squats aux bureaux de la mairie, des négociations entre vendeurs de drogue aux magouilles immobilières, de la salle de rédaction d’un journal aux coins de rues où ça deale. On se passionne autant pour les campagnes électorales que pour les guerres de territoire, on a en parallèle les tractations entre un maire démocrate et un gouverneur républicain, et celles entre deux caïds pour négocier les prix de la dope en gros.

Parce que tous les personnages sont magnifiquement construits. Avec justesse et beaucoup d’humanité. Pas de chevalier blanc, pas non plus de monstre ou de pourriture intégrale (sauf quelques exceptions particulièrement réussies d’ailleurs). Des personnages joués à la perfection, avec une vérité qui vous donne l’impression de suivre un reportage et pas de voir une fiction. Des personnages que vous n’oublierez jamais plus, qui vous marqueront à jamais. Avec pour moi une mention spéciale pour les mômes. Ils sont absolument éblouissants, d’une vérité et d’un naturel ahurissants.

Parce que si vous acceptez de vous accrocher sur les premiers épisodes qui sont denses et présentent beaucoup de personnages, ensuite la progression de l’histoire sur les 60 épisodes est impeccable. Tout se tient, tout s’enchaine, aucune facilité, et pas de cadeau au spectateur. Il faut dire qu’aux côtés de Ed Burns et David Simon, les créateurs, on trouve au générique pour les scénarii des noms comme Dennis Lehane, George Pelecanos ou Richard Price.

Parce que vous allez sourire, rire, pleurer, rager, aimer, détester, trembler.

Ce n’est pas une série style thriller, avec cliffhanger systématique, de celles dont on attend la révélation suivante fébrilement, ou qui propose trois renversements de situation par épisode. C’est une chronique qui va s’insinuer dans votre âme, s’incruster dans votre tête et votre cœur et que vous porterez à jamais avec vous. Et vous aurez l’impression de mieux connaître et aimer McNulty et les autres que beaucoup de vos connaissances ou collègues.

Si vous me faites un peu confiance, si vous avez un cadeau à faire, ou à vous faire, débrouillez-vous, trouvez The Wire, et faites-vous autant plaisir que moi.

Séries : The killing

Je suis obligé de commencer cette chronique par un aveu … Comme il est devenu très difficile, voire impossible de faire du sport avec les copains, et que l’absence de douches sur mon lieu de travail m’interdit d’y aller à vélo, j’ai été réduit, en dernière extrémité, et la honte au front, à faire du vélo d’appartement. Et comme pédaler sur un machin qui ne bouge pas est aussi ennuyeux que la dernière autofiction à la mode dans les cercles littéraires français, j’en profite pour regarder des séries sur ma tablette.

J’ai exclu d’emblée The Wire, beaucoup trop génial pour être regardé ainsi en transpirant, sur un petit écran. Donc, suivant les conseils ici donnés, j’ai attaqué et vu la première saison de The Killing. J’avoue avoir du mal à comprendre l’enthousiasme qui a l’air général, et je ne parle même pas d’un commentaire d’une journal anglais qui titrait « le nouveau the wire » ! Franchement, c’est quand même un robinet d’eau tiède, du niveau de très moyen, tout juste moyen Millenium.

Si j’ai tenu, c’est pour savoir quand même à la fin qui a tué la pauvre gamine qui se fait trucider au début. Et parce que les épisodes durent à peu près le temps que je veux passer sur ce vélo. Mais sinon, franchement … Je ne vais pas lister tout ce qui me parait lourdingue là-dedans, mais allons-y quand même.

La mère de la victime qui devrait nous crever le cœur n’arrive qu’à être exaspérante ou ridicule. Elle a, sur cette série, une seule expression : les yeux grands ouverts comme si elle avait un problème avec ses lentilles de contact, je ne peux que lui conseiller de changer de marque, ou de s’humidifier les yeux, ou de mettre des lunettes. Le père lui c’est yeux plissés, cigarette au bec et sourcils froncés.

Les flics sont aussi fins et subtils qu’un taureau excité par le chiffon rouge. Dès qu’il pensent avoir un suspect, ils foncent, l’arrêtent à grands renforts de pub, pour s’apercevoir au bout d’une demi-journée qu’ils se sont plantés. Alors que ça arrive une fois, passe, mais là c’est 5 ou 6 fois au moins au long des 20 épisodes. Idem pour le politicien qui, dès qu’il croit qu’on l’a trahi jette le traitre comme une vieille merde, pour s’apercevoir à l’épisode d’après qu’il s’est planté. Mais il se replante pareil ou coup d’après. Courbe d’apprentissage plate.

Pour bien nous faire comprendre que c’est une histoire lourde, soit il pleut, soit il fait nuit. Alors sur un film, à durée limitée OK. Mais là ça se déroule sur 20 jours et 20 épisodes, alors quand même …

La musique est lourdement insistante, soulignant bien quand il y a un danger potentiel, au cas où le spectateur, un peu con, ne s’en soit pas aperçu. Et je veux bien qu’on rende hommage à feu Colombo avec Sarah Lund, l’enquêtrice, qui systématiquement sur les lieux où il y a un indice est sur le point de partir avant de réfléchir et de revenir trouver l’indice, mais une fois OK, deux fois OK … A chaque fois l’effet de surprise ou suspense s’émousse un peu.

Pour finir, les personnages ici n’existent que tant qu’ils font avancer l’intrigue, puis en s’en désintéresse totalement, comme ce pauvre prof soupçonné au début. Et je ne me suis attaché à personne.

A la décharge de cette série danoise que je trouve donc au mieux très moyenne, en parallèle, sur une bonne télévision, je regarde The Wire. J’attaque avec impatience et angoisse la dernière saison. Impatience parce que c’est génial et que j’ai hâte de retrouver toute la bande, angoisse parce que c’est bientôt fini. Alors oui, la comparaison est dévastatrice et fait paraître cette série policière bien fade et fabriquée à coup de ficelles trop visibles.