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Hollywood s’en va en guerre

Encore un auteur que j’avais raté jusqu’à aujourd’hui et que je découvre avec son dernier roman publié. Hollywood s’en va en guerre d’Olivier Barde-Cabuçon.

Hollywood, septembre 1941. Vicky Mallone a voulu être actrice, elle s’est faite une raison et est devenue détective privée. Une privée qui picole, qui préfère les femmes, et qui travaille essentiellement pour des femmes. Cette fois on vient la voir pour un contrat assez particulier : Lala, l’immense star de la Metro s’est engagée dans un film qui va faire date. Un film qui pourrait inciter les US à entrer en guerre. Des photos lui ont été volées qui pourraient compromettre la réalisation et le lancement du film.

Vicky va se retrouver en pleine guerre entre une ligue d’extrême droite plutôt sympathisante du régime nazi qui ne veut pas que les US interviennent, des églises protestantes influentes, et des services secrets qui, comme toujours, ne jouent pas très franc.

Une très belle découverte pour moi, je me suis régalé. De toute évidence, l’auteur connait son sujet, et adore cette période hollywoodienne. On croise Bette Davis, Erroll Flynn, la grande Rita … Et tout cela est très bien fait, sans chercher à placer des noms, naturellement. Un plaisir. L’époque et les luttes politiques, l’ambiance des studios, la difficulté d’être différente, tout cela est documenté et très bien décrit.

Mais ce n’est qu’un ingrédient et on peut faire un très mauvais roman avec de bonnes connaissances historiques. Sauf qu’ici c’est un très bon roman. Avec une intrigue parfaitement menée, et le personnage de Vicky Mallone, à la fois très fidèle au cliché du privé hardboiled, et originale et différente. Un très beau personnage que l’on espère revoir un de ces jours.

Olivier Barde-Cabuçon / Hollywood s’en va en guerre, Série Noire (2023).

Une étude en noir

On entre en léthargie avant les sorties de janvier. L’occasion de ressortir un recueil du maître John Harvey qui trainait depuis des lustres sur ma table de nuit : Une étude en noir.

On va découvrir Jack Kiley, ancien footballeur professionnel éphémère, ancien flic dans la police londonienne, devenu privé qui vivote avec une petite affaire de temps en temps. On va retrouver Franck Elder au moment où il quitte Londres, encore avec sa femme et sa fille. Et on va retrouver Charles Resnick à Nottingham, à différents moments de sa vie, souvent avec Lynn, toujours avec ses chats.

On va suivre quelques musiciens de jazz anglais pris dans la tourmente de l’héroïne. On va croiser des destins brisés, des amitiés dévastées par l’appât du gain, des gamines massacrées, un ancien d’Irak au bord du gouffre.

Et puis il y a la musique, un peu toutes les musiques, mais surtout le jazz, avec la voix bouleversante de Billie, les accords piquants de Monk, la virtuosité de Art, Bird et Dizzie.

Tout ce qu’on aime dans les romans de John Harvey se retrouve ici, concentré dans ces nouvelles. Son regard lucide sur la société anglaise, son empathie, son humanité dont ses personnages sont les porte-parole, son amour de la musique et des clubs de foot qui ne gagnent jamais, ou presque. Et l’apparente simplicité d’une écriture qui ressemble tant à la voix d’un ami en train de vous raconter une histoire.

A ne pas rater pour les fans du maître du procédural britanique.

John Harvey / Une étude en noir, (2010), Rivages/Noir (2018) traduit de l’anglais par Karine Lalechère et Jean-Paul Gratias.

Tout ce qui meurt

Suite à un petit coup de mou, et deux bouquins laissés avant la cinquantième page, j’ai décidé de me faire un petit plaisir et de reprendre la série Charlie Parker de John Connolly à son début. Tout ce qui meurt donc.

Un soir qu’il était en train de picoler, un tueur psychopathe a sauvagement assassiné la femme et la fille de Charlie Parker, flic à New-York. Quelques mois plus tard, Bird est sobre et a démissionné de la police. Il cherche désespérément le tueur. Une quête qui va le conduire sur les traces d’autres assassins, de New-York aux bayous de Louisiane. Heureusement qu’il peut compter sur l’aide de deux amis non conventionnels, Angel et Louis, aussi drôles que redoutables.

Voici donc les débuts de Bird et de ses deux acolytes, Angel et Louis. C’est aussi le roman qui plante le décor et les traumatismes qui seront présents durant toute la série (du moins jusqu’à ce jour). L’humour est présent, la pointe fantastique n’apparait pas encore. Et l’on est dans une sorte d’hommage au grand James Lee Burke avec une deuxième moitié du roman qui se déroule dans les bayous de Louisiane.

Le talent de conteur est déjà là, le décor et les personnages se mettent en place. Je ne sais pas si à l’époque John Connolly avait la moindre idée de là où il voulait aller, mais il donnait déjà envie de suivre ses héros.

A lire absolument si vous voulez découvrir cet auteur tant il plante les bases sans lesquelles il est difficile de comprendre l’évolution future de Charlie et de ses potes. Et puis c’est déjà un vrai plaisir de lecteur de polar, pour ceux qui aiment qu’on leur raconte des histoires horribles avec du suspense et une belle dose d’humanité.

John Connolly / Tout ce qui meurt, (Every dead thing , 1999), Pocket (2001) traduit de l’anglais (Irlande) par Philippe Hupp et Thierry Arson.

La jeune femme et l’ogre

Si vous êtes habitués vous savez que je suis un fan inconditionnel de Charlie Parker, pas le saxophoniste (en fait j’aime aussi le saxophoniste), mais le privé de l’irlandais John Connolly. Et en tant que fan, je peux vous assurer que le dernier roman paru La jeune femme et l’ogre fait partie des très très bons de la série.

Le corps d’une jeune femme est découvert lors de la chute d’un arbre dans une forêt du Maine. L’autopsie révèle qu’elle venait d’accoucher quand elle est décédée. Charlie Parker est embauché par un avocat pour découvrir ce qu’il est advenu du bébé. Une affaire a priori facile.

Mais, car il y a un mais, deux anglais sinistres sont également sur la piste de l’enfant, et leurs méthodes sont beaucoup plus vicieuses et brutales que celles de Charlie qui va avoir besoin de toute l’aide possible, dont celle de son ami Louis, pour se sortir d’affaire.

John Connolly est, à mon avis, l’un des meilleur raconteur d’histoires actuellement dans le monde du polar. Après des années et des années de lecture du genre, il fait aujourd’hui partie des rares auteurs qui arrivent à m’attraper dès la première page, et qui me font dévorer plus de 500 pages en 2 jours, m’obligeant à restreindre au maximum tout ce qui n’est pas lecture dans mon emploi du temps tant que je ne suis pas arrivé à la dernière ligne. Et La jeune femme et l’ogre est particulièrement réussi.

Très sombre, comme souvent, éclairé très rarement par l’humour très irlandais de l’auteur, qui arrive à faire rire et sourire même au milieu des pires horreurs. Illuminé par la présence de quelques personnages. Assombri finement par un côté fantastique qui colore le récit sans jamais céder à la facilité, c’est la marque de fabrique de la série.

Et mine de rien, ça cause de la remontée du racisme, de l’arrogance des abrutis d’extrême droite, des violences faites aux femmes … Et de la lutte des classes dont d’aucuns voudraient nous faire croire qu’elle n’est plus d’actualité. En témoigne le début de la deuxième partie du roman :

« Quiconque pense que les Etats-Unis d’Amérique sont une société libre de classe n’a qu’à venir faire un tour au Boston Colonial Club pour prendre conscience de son erreur. Mais dans la mesure où quelqu’un qui pense que les Etats-Unis d’Amérique sont une société libre de classe ne sera probablement jamais invité à rejoindre le club, et ne pénètrera jamais dans son palace de Commonweath Avenue que par l’entrée de service, alors ses illusions resteront intactes. […] Au Colonial, la majeure partie des membres jouissaient de très vieilles fortunes. La liste des règles était considérable, mais pouvait se résumer ainsi :

  • Interdit d’étaler vulgairement son opulence.
  • Interdits aux pauvres. »

Dernière chose, il serait dommage de découvrir la série avec ce volume, l’auteur dans chaque nouveau roman construit, patiemment toute l’histoire singulière de Parker et de ses amis Louis et Angel. On peut bien entendu lire ce volume indépendamment, mais ce faisant on perd la vision du tableau d’ensemble. Donc si vous ne connaissez pas, précipitez-vous sur Tout ce qui meurt, le premier de la série, et si vous êtes déjà fans, sachez qu’il y a un nouveau volume.

John Connolly / La jeune femme et l’ogre, (The woman in the woods, 2018), Les presses de la cité (2022) traduit de l’anglais (Irlande) par Laurent Philibert-Caillat.

Un homme d’ombre

Un roman hybride, comme je les aime souvent, mais là j’avoue que je suis seulement à moitié convaincu. Il s’agit de : Un homme d’ombre de l’anglais Jeff Noon.

Soliade, une ville où règne le jour perpétuel, alimenté par des ampoules, lampes, miroirs … La ville qui ne s’arrête jamais de travailler ni de se divertir. Pas loin, son pendant, Nocturna, la ville de la nuit et du repos, où on se dirige à la très faible lumière de constellations artificielles. Entre les deux, le no man’s land, Crépuscule, lieu de brouillard et de monstres.

John Nyquist est privé. Il est contacté par le richissime Patrick Bale pour retrouver sa fille, Eleanor, adolescente, qui a disparu depuis quelques jours. Rien de compliqué en apparence, la routine pour tout privé qui se respecte. Sauf si le temps s’en mêle et les emmêle. Car le temps des horloges est un marché dans deux villes qui ne sont pas régies par les jours et les nuits solaires.

En même temps, Vif-Argent, un tueur en série, sème la panique et les victimes sans jamais se faire voir.

Je vais donc commencer par ce qui m’a tenu, en partie, en dehors du roman. Il tourne beaucoup autour de paradoxes temporels. Dans ces villes sans succession jour/nuit, le temps et la chronologie sont des denrées. Les gens vivent plusieurs temps (temps de travail, temps de loisir, temps amoureux …), s’emmêlent les pinceaux, passent leur … temps à changer l’heure de leur montre, quand ils n’en ont pas une dizaine, chacune à une heure différente. L’idée est originale et assez géniale, mais je trouve que l’auteur s’y est un peu perdu, oubliant de simplifier pour clarifier. Ce qui est certain c’est qu’il m’a parfois perdu à moi, ce qui m’a fait sortir du roman. Mais comme c’est intéressant, s’y suis toujours revenu.

Car les idées et la construction sont assez géniales. Prenez une histoire de privé archi-classique, un privé solitaire chargé de retrouver une adolescente d’une famille très riche, ajoutez une mère dépressive et un père capitaine d’industrie, vous vous retrouvez chez Ross McDonald. Mais au lieu de la Californie classique, vous prenez une époque qui ressemble d’ailleurs à celle des aventures de Lew Archer, mais vous plongez le tout dans ce lieu étrange au temps chamboulé.

Très original, ou comment renouveler totalement un genre. Et même si le lecteur de polars qui connait ses classiques aura deviné un certain nombre de retournements de situation, l’ensemble reste stupéfiant. Mais à mon goût trop touffu, et donc comme ce pauvre John qui se perd dans les différentes chronologies, je me suis aussi perdu par moment, mais j’ai fini par aller au bout. Suffisamment intrigué et intéressé cependant pour attendre la suite, puisqu’il semble qu’il s’agisse d’une trilogie.

Jeff Noon / Un homme d’ombre, (A man of shadows, 2017), La Volte (2021) traduit de l’anglais par Marie Surgers.

La vague arrêtée

Une belle découverte chez Métailié avec un nouvel auteur vénézuélien, Juan Carlos Méndez Guédez, et une nouvelle enquêtrice présentée dans La vague arrêtée.

Magdalena est vénézuélienne et vit à Madrid. Sorcière, elle a des dons qui lui viennent de son culte à la déesse guerrière María Lionza. Détective privée dure à cuire, elle a aussi un don qu’elle pour la castagne. Et si elle sait se montrer aimante, il vaut mieux ne pas lui marcher sur les pieds.

Elle est contactée par un sale con, politicien catho tendance Opus Dei parce que sa fille Begoña, la petite dernière et rebelle de la famille ne donne plus de nouvelles depuis un mois. Dernier contact : elle a tiré de l’argent pendant quelques mois à Caracas. Depuis plus rien, et le papa est inquiet, très inquiet. Dans une ville où la violence règne dans les rues et où elle a perdu beaucoup de ses repères Magdalena va avoir besoin de toutes ses ressources pour ramener Begoña entière et sauver sa propre peau.

Première chose qui a son importance, n’ayez pas peur, l’auteur n’est pas un charlatan, si Magdalena a des dons de sorcière qui peuvent l’aider, ce n’est pas de là que va venir le résolution de l’intrigue, pas de Deus ex Machina trop facile. Comme l’irlandais John Connolly, il se sert du fantastique pour épicer son récit, y ajouter une couleur fort bienvenue mais discrète.

Ceci étant dit, on a là un excellent roman pour qui ne craint pas le baroque et une atmosphère plus latine que scandinave. Une intrigue survoltée, la description d’une ville et d’un pays livrés au chaos, où les milices plus ou moins liées au pouvoir font la loi, où la police fait arbitrairement usage de la force, où la vie humaine ne vaut pas cher et où tout se monnaye. Et pourtant une ville où une odeur, une phrase musicale, un regard entre deux passant peut faire revenir dans l’esprit de Magdalena la magie de la jeunesse perdue.

Et puis il y a Magdalena, personnage extraordinaire que l’on aime instantanément. Sa vitalité, sa sensualité, sa liberté … Et surtout la dent dure qu’elle a contre tous les cons et malotrus qu’elle croise. Ne serait-ce que pour ce qu’elle fait subir à l’abruti de père, le roman vaut qu’on le lise, c’est jouissif !

Vous m’avez compris, n’hésitez pas, hâtez-vous de découvrir une nouvelle privée hard-boiled unique en son genre.

Juan Carlos Méndez Guédez / La vague arrêtée, (La ola detenida, 2017), Métailié (2021) traduit de l’espagnol (Vénézuéla) par René Solis.

Deux beaux héros hardboiled en BD

Cela fait un bon moment que je n’ai rien écrit sur les BD que je lis. Par flemme essentiellement, mais aussi parce que je ne trouve pas aussi facilement les arguments pour vous convaincre. Une petite exception cependant pour deux excellents polars, dont l’un n’a vraiment pas besoin de moi.

Commençons par celui-là justement, l’incontournable 6° tome des aventures du privé le plus souple et félin du monde polar, j’ai nommé BlackSad de Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido. Il revient, enfin, avec Alors, tout tombe, première partie.

BlackSad est contacté pour protéger une taupe, patron du syndicat des travailleurs du métro et de ses souterrains. Le maire de la ville met le paquet sur les ponts et la voiture et délaisse complètement les transports en commun et la taupe a appris qu’un contrat avait été mis sur sa tête, peut-être par la mafia des belettes. Des profondeurs des tunnels aux magouilles de haut vol des plus riches de la ville, en passant par le milieu du théâtre, notre matou préféré va encore trancher la société dans le vif, de haut en bas.

Superbe hommage au film et au roman noir, magnifique utilisation des clichés, dessins somptueux que demander de plus ? Juste qu’on n’attende pas 8 ans pour avoir la suite. Petit conseil, inspiré par ce volume, le récit qui tourne, entre autres, autour des travailleurs souterrains et des affrontement syndicat / mafia m’a refait penser à l’excellent roman de Thomas Kelly, Le ventre de New York que je vous recommande chaudement, si on le trouve encore.

Deux autres auteurs qui connaissent parfaitement et aiment le roman et le film noir, et qui savent parfaitement jouer avec ses codes sont les deux américains Ed Brubaker et Sean Phillips, auteur, entre autres, du superbe Fondu au noir. Les voilà avec le premier tome d’une trilogie, mettant en scène un personnage hardboiled dans la meilleure tradition : Reckless.

Ethan Reckless était membre d’un groupe politique d’extrême gauche quand il était étudiant. Jusqu’à l’explosion d’une bombe qu’ils préparaient qui l’a laissé sans souvenirs de quelques jours, et surtout dans l’incapacité à ressentir la moindre émotion. Depuis il exploite un vieux cinéma avec une assistante. Mais il a aussi une autre activité, arrivée un peu par hasard. Son numéro de téléphone est connu dans certains cercles, et si on a un problème auquel on ne veut pas mêler la police, on peut appeler ce numéro. Suivant la nature du problème, Reckless peut décider de s’en occuper. Jusqu’à ce que son passé le rattrape, et qu’une ancienne connaissance fasse appel à lui.

Construction et thématiques archi classiques pour les amateurs de privés dur à cuire. Mais le classique, quand c’est bien fait, c’est le pied. Et là c’est très bien fait. Découpage impeccable, distillation fine des éléments du passé de Reckless, maîtrise parfaite du suspense et des coups de théâtres, et une mise en page et un dessin qui rappellent et rendent hommage de bien belle façon aux grands du film noir. Le pied disais-je. J’attends le tome 2 (chaque aventure est indépendante) avec une grande impatience.

Juan Diaz Canales (scénario) et Juanjo Guarnido (dessin) / Blacksad / Alors, tout tombe, première partie, Dargaud (2021), traduit de l’espagnol par Christilla Vassero.

Ed Brubaker (scénario) et Sean Phillips (dessin) / Reckless, Delcourt (2021), traduit de l’anglais (USA) par Alex Nikolavitch.

Le sourire de Jack Rabbit

Oyez oyez, réjouissez-vous, Hap et Leonard sont de retour dans Le sourire de Jack Rabbit. Vive Joe R. Lansdale, Vive Hap et Leonard !

Hap et Brett ont finalement décidé de se marier. Et c’est au moment de l’arrivée des invités que débarque un couple improbable, Judith Mulhaney, et son fils Thomas qui porte un teeshirt clamant « White is right ». Mauvaise pioche, car parmi les dits invités se trouve, entre autres, le charmant Leonard qui, comme les savent les lecteurs fidèles, est noir, homosexuel, spécialiste d’arts martiaux et soupe au lait, pour ne pas dire un rien provoquant.

Malgré un mauvais départ, ils arrivent à embaucher nos amis pour retrouver leur sœur Jackrabbit dont ils n’ont plus de nouvelles depuis quelques semaines. Une jeune femme qui semble s’être détournée de Dieu (quelle horreur) et pourrait même avoir eu des relations avec des n…, enfin, vous, savez, des gens comme ça.

Parce qu’ils payent, parce que l’argent n’a pas d’odeur même si, on s’en doute, ni Brett, ni Hap, ni Leonard ne les aiment beaucoup, ils acceptent le boulot et vont se retrouver, une fois de plus, dans une petite ville texane qui est tombée sous la coupe d’un gros con raciste. La routine.

Il vous faut une lecture réjouissante, de belles scènes de baston et des dialogues qui vous feront éclater de rire ? Facile, il suffit de lire le dernier Hap et Leonard, le duo de privé le plus iconoclaste du polar.

Comme un bonheur n’arrive jamais seul, en prime vous aurez le portrait d’une Amérique complètement paumée, livrée aux prédicateurs les plus tarés et aux manipulateurs populistes les plus cupides.

Alors si vous n’avez pas le palais trop délicat et que des personnages qui appellent une bite une bite, font des blagues de cul et se réjouissent de tarter les gros cons comme ils le méritent ne vous rebutent pas, précipitez-vous, c’est le bon moment de ce début d’été.

Joe R. Lansdale / Le sourire de Jack Rabbit, (Jackrabbit smile, 2018), Denoël/Sueurs Froides (2021) traduit de l’anglais (USA) par Frédéric Brument.

Le baiser des Crazy Mountains

Chez Gallmeister, il y a depuis maintenant quelques années les aventures de Walt Longmire dans le Wyoming, et plus récemment celles de Dean Stranahan et Martha Ettinger dans le Montana de Keith McCafferty. La dernière en date : Le baiser des Crazy Mountains.

Max Gallagher, écrivain en panne d’inspiration, vient s’installer dans un bungalow du Montana. Quand il veut allumer le feu dans la cheminée, il a la mauvaise surprise de la trouver bouchée par un cadavre. Il s’avère que c’est celui de Cindy Huntington, jeune fille d’une quinzaine d’années disparue depuis plusieurs mois de chez elle.

La shérif Martha Ettinger va demander à Sean Stranahan, guide de pêche, peintre et privé occasionnel de proposer ses services à la mère de la jeune fille, une ancienne star du rodéo pour l’aider à découvrir ce qu’il s’est passé durant ces mois de fuite.

Keith McCafferty a vraiment trouvé son rythme de croisière depuis le roman précédent. Ca fonctionne du feu de dieu. Une galerie de personnages épatants, de plus en plus attachants, des descriptions d’une nature à la fois rude et magnifique très réussies, de l’humour, des dialogues qui fonctionnent, et des intrigues bien menées.

Comme donc chez son collègue du Wyoming, on prend énormément de plaisir à ces lectures qui nous apportent le dépaysement, le suspense, l’émotion et le sourire qui manquent cruellement en cette période. Un vrai plaisir, avec en prime ici quelques personnages secondaires bigger than life.

Ce serait dommage de s’en priver.

Keith McCafferty / Le baiser des Crazy Mountains, (Crazy Mountains kiss, 2015), Gallmeister (2021) traduit de l’anglais (USA) par Marc Boulet.

Le plongeur

Une découverte, un polar grec, ce qui est rare : Le plongeur de Minos Efstathiadis.

Chris Papas est privé à Hambourg. Chris Papas est le nom qu’il utilise en Allemagne, son vrai nom est Christos Papadimitrakopoulos, du nom de son père, grec du Péloponnèse. L’histoire commence de la façon la plus classique qui soit, il s’agit de suivre une jeune femme, Eva Döbling pendant 48 heures.

Mais son client se suicide, les flics allemands lui demandent des comptes et Eva est partie à Aigion, près de là où est né Chris. Le voici en route pour sa terre natale, où il aura rendez-vous avec de nombreux cadavres, et des résurgences d’une histoire ancienne.

Un roman bien étrange. Presque tout du long il s’apparente à une errance. Commencée en Allemagne elle se poursuit en Grèce. Un pays fort éloigné des clichés touristiques, l’auteur ayant choisi de la décrire en hiver, froide et grise, comme en hommage à certains films de Théo Angélopoulos (qui est d’ailleurs cité nommément dans le roman).

Chris Papas est plus un prétexte qu’un enquêteur. Il enquête fort peu et se déplace, ou plutôt est déplacé par les gens qu’il rencontre, et les informations lui sont fournies plus qu’il ne les cherche. Le lecteur déambule avec lui, découvre un pays structurellement délabré qui ne tient que grâce au dévouement de certains. Il découvre aussi des habitants naturellement accueillants et chaleureux.

Puis arrivent les dernières pages qui plongent le lecteur dans le passé, et lui font l’effet d’une énorme gifle glacée. Pour le laisser en état de choc.

Un roman très étonnant, original, gris puis très noir. Un autre regard sur la Grèce et son histoire, bien différent de la rage et l’humour chaleureux du commissaire Charitos de Petros Markaris.

Minos Efstathiadis / Le plongeur, (O Δύτηϛ, 2018), Actes sud (2020) traduit du grec par lucile arnoux-Farnoux.