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Deux déceptions au cinéma

Deux déceptions avec des films français ces derniers jours.

La première était un peu annoncée. Un coup de maître, de Rémi Bezançon est le remake, très fidèle dans le scénario de Mi obra maestra, film argentin de Gaston Duprat.

L’histoire : un peintre misanthrope qui a eu son heure de gloire tombe peu à peu dans l’oubli et la misère, et la seule branche à laquelle il peut se raccrocher est son galeriste et ami le plus fidèle. Mais comme il sabote toute tentative de revenir en grâce, même cette branche pourrait casser.

Mon problème avec la version française n’est pas que de sa faute : je connaissais toute les péripéties, le scénario étant très proche de celui de l’original, donc aucune surprise. Malheureusement il reste très proche tout en étant un peu plus sage, et même un peu plus moralisateur.

Mais surtout, après la VO portée par deux monstres qui nous ont tous fait éclater de rire grâce à des dialogues éblouissants, le remake est sage, beaucoup de trop sage, il lui manque la hargne, la verdeur dans l’invective, qui, peut-être, n’est pas traduisible tant l’espagnol d’Argentine est riche dans ce domaine. Je serais d’ailleurs curieux de savoir comment ce film (le premier) a été perçu par des spectateurs qui ne comprendraient pas la VO. Bref, pas mauvais, mais fade par rapport à l’original.

La deuxième était moins prévisible, c’est la palme d’or, Anatomie d’une chute de Justine Triet. Là j’avoue qu’étant allé voir les critiques je ne comprends plus rien, tant elles sont louangeuses, et tant je me suis ennuyé. Et ce pour plusieurs raisons, certaines personnelles (histoire de goût), d’autres plus objectives.

L’histoire : Un couple d’écrivains avec un gamin mal voyant d’une dizaine d’année vit dans un chalet pas loin de Grenoble. Un jour en rentrant d’une promenade le fils trouve le cadavre de son père dehors. Deux hypothèses : soit il s’est suicidé, soit comme le soupçonnent les gendarmes sa femme l’a tué. Le procès le dira.

Je reconnais, c’est bien joué, et en particulier le gamin est très bon. Voilà.

Premièrement, question de goût : ça raconte l’affrontement de deux egos, d’écrivains qui écrivent sur leur nombril. Ça ne m’intéresse pas, je conçois qu’on puisse aimer ce genre de film, mais moi ça m’ennuie.

Ensuite objectivement, la musique est atroce. Je sais c’est voulu, pour montrer une guerre des nerfs, mais c’est long, répété en boucle (tout le début). Ensuite on a droit au gamin qui joue du piano et se trompe tout le temps au même endroit. Insupportable. Je suppose que c’est voulu, mais c’est quand même pénible. L’image est laide. Au mieux moyenne, parfois carrément moche comme certains gros plans très laids. C’est sans doute voulu aussi, ça reste laid. Quel intérêt de payer une place de cinéma, pour se faire casser les oreilles par une musique atroce et voir une image laide ?

Maintenant, attention, je vais spoiler, donc si vous voulez quand même aller le voir arrêtez là.

Il devrait y avoir un doute ou un suspense : a-t-elle tué son mari ou s’est-il suicidé ? Or dès la scène pivot de la dispute il est évident que c’est un suicide tant elle n’a aucune, mais aucune raison de tuer son mari. Donc sur un film qui traine déjà en longueur, tout suspense est totalement tué pour un bon dernier tiers. Et le pire c’est que c’est le gamin de 10 ans qui doit faire remarquer cette évidence à tous les adultes du procès.

Ensuite il y a un avocat général grotesque, dans l’outrance permanente. Comme me disait ma fille on dirait elle et son frère quand ils font assaut de mauvaise foi en se disputant. Ses arguments (comme lire des extraits de ses romans pour l’accuser) sont ridicules.

Le comble du grotesque est sans doute atteint par le témoignage du psy du mari, qui révèle tout ce qu’ils se sont dit, et prend sa défense comme si c’était son meilleur copain. Pas crédible une minute.

Bref le scénario ne tient pas la route, le film est long et laid et la musique atroce.

La veille on avait revu, au cinéma Thelma et Louise. Là il y a de l’énergie, quelque chose à dire, des images somptueuses, une musique incroyable et du culot à revendre (je ne parle même pas de l’interprétation).

Quand je pense que ce téléfilm moyen a ravi la critique et a eu la palme d’or, comme Apocalypse Now, Parasite, La leçon de piano, Rome ville ouverte, Le troisième homme, Orfeo Negro, Le guépard, La dolce vita, La ballade de Narayama, Missing, Barton Fink, Le pianiste, Moi, Daniel Blake etc … J’arrête je me fais du mal.

La cité des rêves

Avec La cité des rêves Don Winslow nous offre une superbe suite à La cité en flammes.

A la fin de La cité en flammes, on avait laissé Danny Ryan en fuite, quittant la côte est pour la côte ouest. Où il va donc devoir s’installer et faire profil bas, tant il est recherché à la fois par les familles italiennes de Providence, et par le FBI. Profil bas, Danny sait faire, d’autant qu’il profite, malgré une relation compliquée, de l’aide de sa mère qui a le bras long, très long.

Malgré tout, les fédéraux vont le retrouver et lui faire une proposition qu’il ne peut pas refuser, selon l’expression consacrée. Et qui pourrait le propulser vraiment dans la cité des rêves. Ou le tuer.

Je ne sais pas analyser pourquoi, mais je marche toujours à fond dans les romans de Don Winslow. Il suffit d’un paragraphe pour que je sois accroché, irrémédiablement, jusqu’au bout. Au point de tenter de grappiller des instants de lecture tout au long de la journée.

On retrouve chez lui cette marque des grands, comme chez un Elmore Leonard, qui vous donne l’impression qu’écrire une histoire est la chose la plus facile au monde tant tout coule de source et parait évident.

C’est fluide, les dialogues fonctionnent, on croit aux personnages, on les voit, on les entend, et surtout on veut absolument savoir ce qu’il va leur arriver. Sympas ou très cons, raisonnables ou complètement allumés, forts ou fragiles, ils existent, on partage leur vie le temps d’un roman.

Même si cette nouvelle trilogie n’a pas la puissance inégalée de celle commencée par La griffe du chien, elle brosse le portrait de l’Amérique de la fin des années 80, avec cette fois un focus sur l’usine à rêves d’Hollywood.

Mais surtout, elle vous procure ce plaisir immédiat et jouissif, celui qui vous replonge en enfance, quand vous jubiliez, rien qu’à entendre « il était une fois … »

Encore merci mille fois au maître Don Winslow.

Don Winslow / La cité des rêves, (City of dreams, 2022), Harper Collins/Noir (2023) traduit de l’anglais (USA) par Jean Esch.

Hollywood s’en va en guerre

Encore un auteur que j’avais raté jusqu’à aujourd’hui et que je découvre avec son dernier roman publié. Hollywood s’en va en guerre d’Olivier Barde-Cabuçon.

Hollywood, septembre 1941. Vicky Mallone a voulu être actrice, elle s’est faite une raison et est devenue détective privée. Une privée qui picole, qui préfère les femmes, et qui travaille essentiellement pour des femmes. Cette fois on vient la voir pour un contrat assez particulier : Lala, l’immense star de la Metro s’est engagée dans un film qui va faire date. Un film qui pourrait inciter les US à entrer en guerre. Des photos lui ont été volées qui pourraient compromettre la réalisation et le lancement du film.

Vicky va se retrouver en pleine guerre entre une ligue d’extrême droite plutôt sympathisante du régime nazi qui ne veut pas que les US interviennent, des églises protestantes influentes, et des services secrets qui, comme toujours, ne jouent pas très franc.

Une très belle découverte pour moi, je me suis régalé. De toute évidence, l’auteur connait son sujet, et adore cette période hollywoodienne. On croise Bette Davis, Erroll Flynn, la grande Rita … Et tout cela est très bien fait, sans chercher à placer des noms, naturellement. Un plaisir. L’époque et les luttes politiques, l’ambiance des studios, la difficulté d’être différente, tout cela est documenté et très bien décrit.

Mais ce n’est qu’un ingrédient et on peut faire un très mauvais roman avec de bonnes connaissances historiques. Sauf qu’ici c’est un très bon roman. Avec une intrigue parfaitement menée, et le personnage de Vicky Mallone, à la fois très fidèle au cliché du privé hardboiled, et originale et différente. Un très beau personnage que l’on espère revoir un de ces jours.

Olivier Barde-Cabuçon / Hollywood s’en va en guerre, Série Noire (2023).

Deux films et une série

Deux bons films de plus ces derniers temps, et une pépite à voir sur Netflix ou sur internet pour ceux qui maîtrisent l’anglais.

S’il passe encore du côté de chez vous, allez voir The Fabelmans de Steven Spielberg. Un film qui devrait enchanter les fans de cinéma. C’est la chronique sensible de la vie d’une famille classe moyenne aisée juive, avec un père ingénieur dans l’informatique naissante, et une mère femme au foyer ayant sacrifié une potentielle carrière d’artiste. Mais c’est surtout un hommage vibrant au cinéma, à l’imagination, au pouvoir de la prise d’image et du montage, à un art qui révèle la réalité de la vie, et façonne la vérité au gré du réalisateur.

Il y a beaucoup de moments magiques dans ce film, de personnages inoubliables, et la conclusion est absolument magnifique. Ce n’est pas spectaculaire, contrairement à ce qu’on pourrait attendre du père d’Indiana Jones, mais c’est intelligent et émouvant.

Et il y a un autre film en hommage au cinéma, anglais celui-ci, Empire of light de Sam Mendes. Chronique encore, des années 80 dans une ville balnéaire anglaise, autour de la vie de quelques employés du cinéma de la ville. Superbement joué par les deux acteurs principaux, mais également par tous les acteurs secondaires. Chronique sociale comme les anglais savent si bien les faire de Ken Loach à Stephen Frears. On rit, on s’émeut, on rage, on tremble, on ne voit pas le temps passer. C’est tendre mais jamais angélique, cela brasse quantités de thématiques sans faire de grands discours, c’est vraiment excellent.

Et si vous avez le moral en berne et que vous voulez passer quelques moments absolument délicieux, je ne peux que conseiller une série sur Netflix, mais l’on peut en voir aussi des bouts sans payer si l’on cause couramment le patois grand-breton. La série c’est Cunk on earth, et sur internet vous pouvez voir de courtes vidéo « Moments of wonder with Philomena Cunk ».

Philomena Cunk c’est l’actrice que vous avez peut-être découvert dans Death to 2020 et Death to 2021, celle qui joue l’anglaise complètement tarte. Et là elle s’attaque aux grands questions philosophiques, historiques ou scientifiques, avec la même pertinence, mais en se présentant comme un journaliste de la BBC. Elle interviewe de vrais experts qui restent d’un calme qui fait honneur au flegme britannique face à la stupidité de ses questions et de ses remarques. Je crois que je vais avoir du mal maintenant à continuer à dire, quand je fais des interventions dans des classes : « Il n’y a pas de question stupide », Philomena m’a démenti de façon éblouissante. Et hilarante. Un chef-d’œuvre de nonsense ; Cunk digne héritière des Monthy Python.

Quelques films

Je suis pas mal allé au ciné ces derniers temps, petit résumé de ce qui m’a plu et que je conseille, et de ce qui m’a moins plu et qu’à mon avis on peut éviter.

Deux films  excellents, à voir vraiment.

Le premier est espagnol, même si les hispanophones ne comprendront pas grand chose tant on y parle catalan. C’est Nos soleils, de Carla Simón. Quelque part dans la campagne catalane toute la famille Solé travaille dans la propriété qui produit des pêches. Le grand-père, les parents et le frère de la mère, et les enfants. Mais cette année est particulière, le fils du propriétaire qui a repris les affaires en main a vendu le terrain pour y installer des panneaux solaires. C’est donc le dernier été sur place et l’arrêt d’une activité et d’un mode de vie qui dure depuis des générations.

Tout le film repose sur la qualité de l’interprétation des différents acteurs, dont certains ne sont pas professionnels. Une chronique, des gamins plus vrais que nature, des conflits jamais caricaturés, des moments de rire et de larmes, d’émotion et de colère. Il se passe toujours quelque chose, les questions posées sont pertinentes, les images sont belles. A voir vraiment.

L’autre macédonien de Teona Strugar Mitevska, L’homme le plus heureux du monde. Sarajevo aujourd’hui. Asja, 45 ans se rend à un rendez-vous de speed-dating, organisé dans un hôtel qui sent bon l’époque soviétique. Elle s’y retrouve face à Zoran, même âge qu’elle, qui travaille dans une banque. Un Zoran qui a l’air un peu perturbé. Tout commence par des jeux idiots de questions réponses, et sur une question le malaise s’installe, puis tout bascule …

Attention, j’ai pris une grosse claque. C’est que tout commence comme une comédie un peu absurde, un humour grinçant. Et à un moment le film bascule et on ne rit plus du tout. Sans aucune image violente (ou presque), juste sur l’originalité du scénario, l’excellence des deux acteurs principaux qui sont exceptionnels, on bascule vers un toute autre thématique que je ne peux absolument pas révéler ici sous peine de divulgacher le film de façon inadmissible. Sachez seulement que ce n’est pas une comédie, mais que vous allez vous faire sacrément secouer. Un film que l’on n’oublie pas de si tôt.

Vient ensuite un film que l’on peut éviter, mais que l’on peut voir si l’on est comme moi un peu nostalgique des films noirs des années 40-50, Marlowe de Neil Jordan. 1939, Californie, Marlowe est contacté par une belle blonde pour retrouver son amant disparu depuis quelques temps. Ce faisant il va bien entendu mettre le pied dans un nid de vipères, se faire tabasser, casser quelques nez et remuer la fange de bas en haut de la société.

Un grand classique donc, filmé comme tel par le réalisateur, joué comme tel par Liam Neelson, Diane Kruger et Jessica Lange entre autres. Je ne suis pas certain que cela apporte quelque chose au cinéma, ni à l’œuvre du grand Raymond, mais ça se laisse voir, avec de nombreux clins d’œil aux œuvres passées, des éclairages de stores rayés sur les beaux yeux de la femme fatale, des dialogues à la Bogart … Un bonbon au goût d’autrefois, plaisant, sans plus.

Et pour finir, un film qui a eu de très bonnes critiques et où je me suis pas mal ennuyé. Le chevalier noir de l’iranien Emad Aleebrahim Dehkordi. Iman et Payar vivent avec leur père dans un vieux quartier de Téhéran. Payar fait de la boxe, Iman trafique et ils vivent, plus ou moins, des ventes par petits bouts des propriétés héritées de leur mère. Quand il tombe sur un bon fournisseur de cocaïne, Iman pense avoir trouvé comment s’assurer une tranquillité financière. Mais bien entendu ça va déraper.

Là je me suis ennuyé et j’ai regardé deux fois ma montre, et pourtant le film n’est pas très long. Certes on voit une partie de la société de Téhéran, et en particulier une haute société qui vit entre l’Iran et l’étranger. Certes également, le film est cohérent. Mais pour commencer les nombreuses scènes moches, filmées caméra à l’épaule, avec très peu d’éclairage la nuit m’ont fatiguées. Celles se déroulant dans des fêtes, dans le noir avec la musique à fond sont m’ont parues insupportables. Ensuite la vie de ces oisifs ne m’a pas intéressée. Et pour finir on voit arriver les tournants dans l’action trop longtemps à l’avance. Donc ennui.

Les repentis

De nouveau au cinéma, pour un très beau film, mais que je ne saurais recommander à tout le monde tant son ambiance est pesante : Les repentis d’Iciar Bollaín.

Le film est une fiction basée sur des faits réels. En 2000 Juan Maria Jauregui, ancien gouverneur d’une province basque qui se savait menacé par l’ETA est assassiné par un commande de trois hommes. Ils sont très rapidement arrêtés.

Dix ans plus tard, sa veuve Maixabel, qui œuvre pour la reconnaissance des victimes du terrorisme, que ce soit celui de l’ETA ou celui du GAL (milice d’extrême droite proche des milieux policiers) accepte de participer à la mise en place d’un dialogue entre les assassins qui ont quitté l’organisation et les proches de leurs victimes. C’est comme ça qu’elle va rencontrer Ibon, chauffeur du commando.

Je ne vais pas vous mentir, on rigole assez peu. Et le film est lourd. Pas lourd stylistiquement, mais lourd par la charge émotionnelle qu’il véhicule. D’autant plus que les deux acteurs principaux (Blanca Portillo et Luis Tosar) sont absolument extraordinaires, arrivant à faire passer l’intensité de leurs émotions sans cris, sans pathos, sans beaucoup de paroles. On ressent la douleur, la perte d’un côté. L’horreur de soi, l’impossibilité à accepter les actes que l’on a commis de l’autre.

Et au-delà, on ressent l’emprise d’une organisation que l’un des protagonistes qualifie de secte, la main mise sur certains quartiers, la peur permanente, l’absurdité des meurtres. Pour ceux qui, comme ma pomme, ont connu cette époque et ces lieux, cela remue et fait remonter beaucoup de choses. Cela explique peut-être que j’ai été autant touché.

Heureusement, les images prises hors de la prison sont superbes et offrent quelques intermèdes de sérénité et de beauté.

Le film a eu beaucoup de retentissement en Espagne, ce que l’on conçoit aisément. Il est à la fois effrayant et paradoxalement rassurant. A voir, si vous avez le moral, en prévoyant de quoi boire un coup après pour se remettre.

Armageddon Time

Un petit conseil cinéma pour une fois que je vois un film encore à l’affiche à peu près partout : Armageddon Time de James Gray.

Début des années 80, Paul et Johnny deviennent copains sur les bancs d’un collège public du Queens. Paul est le second fils d’une famille juive d’origine ukrainienne, Johnny est noir et vit seul avec sa grand-mère. Johnny est dès le départ le souffre-douleur du prof ; parce qu’il est rêveur et par amitié, Paul va tout faire pour être son associé en punitions et bêtises.

Mais jusqu’où pourra-t-il maintenir cette solidarité face à la pression croissante de la société et de sa famille ?

Autant vous avertir tout de suite, si vous attendez de grandes scènes spectaculaires, de l’action toute les minutes et des coups de théâtre, autant passer votre chemin. Le film est la chronique d’un quartier, d’un milieu, d’une époque et au point de vu plus intime celle de la perte de l’innocence, de la lutte perdue d’avance pour la justice et de l’apparition de la culpabilité.

C’est fin, sensible, intelligent, jamais manichéen, toujours juste. La force de la pression sociale est superbement montrée sans jamais être explicitée (ou presque). C’est superbement joué, par tous, avec une mention spéciale pour les gamins et pour Sir Anthony Hopkins dont la présence, même quand il ne dit rien, et ne fait rien, est absolument hallucinante.

Pas de grands effets, mais une réalisation avec cette simplicité apparente des grands que l’on aurait tort de prendre pour de la facilité, tant il est difficile d’arriver à cette forme d’évidence (au cinéma, comme en écriture ou en musique).

On sourit parfois, on est bouleversé souvent. A voir.

Mort de Louise Fletcher

Celle qui a incarné la pire salope jamais vue à l’écran vient de mourir. Rien que de voir cette photo de bouffées d’émotion, de haine, de rire, de rage m’envahissent. J’ai vu et revu ce film, je l’ai fait voir à mes mômes, à chaque fois la même réaction, mais que grandisima hija de la grandisima puta.

Je n’ai jamais revu une telle incarnation de la pire saloperie déguisée en bienveillance religieuse. Pas même Mitchum dans La nuit du chasseur, c’est dire. Magistral. Pour cela, pour ce rôle inoubliable, merci madame Louise Fletcher, reposez en paix.

Encore un bon film iranien

J’avoue que j’enchaine les machins pas très gais … Au cinéma cette fois avec un film iranien, Les nuits de Mashhad de Ali Abbasi.

Ville sainte de Mashhad en Iran. Un serial killer qui se croit appelé par Dieu a décidé de nettoyer la ville et de supprimer les femmes impures qui la souillent. Les morts se suivent et se ressemblent, la police ne semble pas être très pressée d’arrêter celui qui supprime des prostituées dont personne ne se soucie. C’est Rahimi, journaliste de Téhéran qui seule va venir s’intéresser à elles. C’est elle qui permettra l’arrestation du tueur.  Un film inspiré d’une histoire réelle.

Je suis un peu allé voir les « vraies » critiques, et j’avoue que ces gens me laissent perplexes. L’un par exemple dénie toute qualité au film sous prétexte qu’il se présente comme une critique de la façon dont l’état et la société iranienne traite les femmes, mais que d’après lui c’est en fait un film de serial killer. Et si c’était les deux à la fois ? On retrouve là, appliqué au cinéma, le mépris dans lequel une partie de la critique officielle tient le polar papier. Si ces gens sortaient parfois de leur petit monde auto satisfait, et auto persuadé d’être érudits, ils sauraient qu’on peut être à la fois un film (ou un livre) autour d’un serial killer ET une critique, ou une analyse de telle ou telle société. D’autre se plaignent de la violence. Mais damned, si on parle d’un homme qui étrangle des femmes, difficile de faire un film tout rose …

Bref, une fois cet énervement passé, sachez que le film est rude. Pas du tout complaisant ou esthétisant. Mais rude. Et pas seulement pour les scènes de meurtre. C’est toute la violence qui est faite aux femmes qui heurte le spectateur. Les meurtres, mais aussi les humiliations, les moments d’impuissance, le mépris, les menaces, l’attitude de toute une société qui soutient l’illuminé … C’est tout cela qui est parfois à la limite du supportable. Et encore heureux que ce soit insupportable.

C’est très bien joué, et même si on peut reprocher des effets convenus pour faire monter le suspense (c’est vrai qu’on a déjà vu ça maintes et maintes fois), le final est lui très réussi. Bref à voir, si vous avez le moral.

Encore un bon film

Sous la petite note consacrée à Sélection Officielle, un commentaire attentionné me conseillait d’aller voir El buen Patrón, de Fernando León de Aranoa, avec l’immense Javier Bardem.

Nous sommes dans l’entreprise Blanco, spécialisée dans les balances, tous types de balances, de la balance de précision à la balance à bestiaux. Blanco lui-même, le si bon patron, aime à répéter que ses employés sont ses enfants et que l’entreprise est une grande famille. Une grande famille dans une petite ville où Blanco fait la pluie et le beau temps, grâce à sa proximité avec le maire ou le patron du journal local.

Une belle famille qui se retrouve finaliste pour un prix décerné par la région. Mais une famille avec ses affaires de famille, un ouvrier licencié qui ne veut pas partir, une jeune stagiaire qui tape dans l’œil du patron, un numéro deux qui n’a plus la tête au travail … Et Blanco va devoir montrer à ceux qui en doutaient que « qui aime bien, châtie bien ». Le masque du bon patron, bon père de famille pourrait bien se lézarder.

Sans minimiser les seconds rôles qui sont tous excellents, le film repose entièrement sur les épaules, solides, d’un Javier Bardem absolument magistral. Charmeur, hypocrite, aussi creux que baratineur, on s’aperçoit peu à peu que non seulement il ne fait pas grand-chose dans sa boite si ce n’est de grands discours moralisateurs, mais qu’il peut aussi se transformer en un sacré fils de pute.

Le film dresse le portrait grinçant de la vie en entreprise paternaliste et de l’existence dans une petite ville de province. On rit beaucoup, même si le rire se fait parfois jaune. Et on ne peut qu’applaudir à la performance du maestro, et féliciter les autres acteurs qui arrivent à exister face à lui, ce qui n’est pas une mince affaire.