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Saga revient !

Cela fait un bon moment que je ne vous cause pas de BD, et plus particulièrement de comics. Il y aurait beaucoup à dire.

Je pourrais vous causer de la fin magistrale de Ascender de Jeff Lemire et Dustin Nguyen. Les gouaches sont toujours aussi magnifiques et le final permet de boucler avec la première série Descender sans que la tension et l’intérêt narratif ne faiblissent un instant.

Pour passer de la gouache aux couleurs flashy je pourrai aussi citer, l’excellente série de SF Invisible Kingdom de G. Willow Wilson et Christian Ward qui se termine en trois volumes.

Parmi les chocs attendus, le second volume de la relecture iconoclaste de la bible par Jason Aaron et R. M. Guéra est sorti : The Godammed, Noces de sang. C’est toujours aussi rude et aussi bon.

Le privé de Ed Brubaker et Sean Phillips, Reckless est revenu pour un 2° et 3° tomes, et il y en aura d’autres parait-il.

Et une nouvelle série complètement parano et assez réjouissante, à condition de prendre le temps de la lire posément quand on a l’esprit reposé, Department of Truth a démarré très fort, avec un centre qui combat les théorie complotistes, centre dirigé par un certain Lee Oswald …

Mais alors me direz-vous, si je ne parle pas de tout ça, de quoi vais-je vous parler ? De la grosse nouvelle de ce mois d’octobre, enfin, après plus de 3 ans d’attente et des fans laissés sous le choc par la fin du tome 9, Saga revient ! Et visiblement, c’est reparti pour un bon rythme jusqu’à la fin.

Il est impossible de parler de l’intrigue sans révéler la fin du tome précédent, ce qui serait absolument criminel, si par le plus grande des hasards venaient ici des lecteurs qui sont encore dans la première partie de la série.

Sachez juste que nous retrouvons Hazel, trois ans après les événements, rebelle du haut de ses 11 ans. Les dessins sont toujours aussi magnifiques, l’imagination graphique (en termes de créatures bizarres) toujours au rendez-vous et l’art du découpage et de la mise en cases n’a pas faiblit d’un pouce. Ce qui donne des pages que l’on tourne fébrilement.

On retrouve immédiatement la familiarité avec des personnages que l’on avait pourtant quittés depuis plus de trois ans, et on est happé par l’histoire tant cela faisait longtemps que l’on attendait de savoir ce qu’il allait advenir de toute la tribu.

J’avais longtemps résisté à la lecture de ce que l’on pourrait beaucoup trop schématiquement présenter comme une version SF de Roméo et Juliette, j’y suis devenu complètement accro, parce qu’elle est belle, intelligente, qu’elle manipule l’émotion avec puissance et tact (en gros elle vous fait rire, rager et pleurer sans être lourde). Malgré trois longues années de sevrage, je m’aperçois que j’ai immédiatement replongé, avec un immense bonheur.

Et vivement la suite parce que les deux sadiques aux commandes terminent encore le volume sur un gros cliffhanger.

Jeff Lemire (scénario) et Dustin Nguyen (dessin) / Ascender Tomes 3 et 4, Urban Comics, traduits de l’anglais (USA) par Benjamin Rivière.

G. Willow Wilson (scénario) et Christian Ward (dessin) / Invisible Kingdom Tomes 2 et 3, HI Comics, traduits de l’anglais (USA) par Virgile Iscan.

Jason Aaron (scénario), R. M. Guéra (dessin) / The Goddamned / Noces de sang, Urban Comics (2017), traduit de l’anglais (USA) par Julien Di Giacomo.

Ed Brubaker (scénario) et Sean Phillips (dessin) / Reckless Tomes 2 et 3, Delcourt, traduit de l’anglais (USA) par Alex Nikolavitch.

James Tynion IV (scénario), martin Simmons (dessin) / Department of Truth Tomes 1 et 2, Urban Comics (2017), traduit de l’anglais (USA) par Maxime le Dain.

Brian K. Vaughan (scénario), Fiona Staples (dessin) / Saga T10, Urban Comics (2018), traduit de l’anglais par Jérémy Manesse.

Deux beaux héros hardboiled en BD

Cela fait un bon moment que je n’ai rien écrit sur les BD que je lis. Par flemme essentiellement, mais aussi parce que je ne trouve pas aussi facilement les arguments pour vous convaincre. Une petite exception cependant pour deux excellents polars, dont l’un n’a vraiment pas besoin de moi.

Commençons par celui-là justement, l’incontournable 6° tome des aventures du privé le plus souple et félin du monde polar, j’ai nommé BlackSad de Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido. Il revient, enfin, avec Alors, tout tombe, première partie.

BlackSad est contacté pour protéger une taupe, patron du syndicat des travailleurs du métro et de ses souterrains. Le maire de la ville met le paquet sur les ponts et la voiture et délaisse complètement les transports en commun et la taupe a appris qu’un contrat avait été mis sur sa tête, peut-être par la mafia des belettes. Des profondeurs des tunnels aux magouilles de haut vol des plus riches de la ville, en passant par le milieu du théâtre, notre matou préféré va encore trancher la société dans le vif, de haut en bas.

Superbe hommage au film et au roman noir, magnifique utilisation des clichés, dessins somptueux que demander de plus ? Juste qu’on n’attende pas 8 ans pour avoir la suite. Petit conseil, inspiré par ce volume, le récit qui tourne, entre autres, autour des travailleurs souterrains et des affrontement syndicat / mafia m’a refait penser à l’excellent roman de Thomas Kelly, Le ventre de New York que je vous recommande chaudement, si on le trouve encore.

Deux autres auteurs qui connaissent parfaitement et aiment le roman et le film noir, et qui savent parfaitement jouer avec ses codes sont les deux américains Ed Brubaker et Sean Phillips, auteur, entre autres, du superbe Fondu au noir. Les voilà avec le premier tome d’une trilogie, mettant en scène un personnage hardboiled dans la meilleure tradition : Reckless.

Ethan Reckless était membre d’un groupe politique d’extrême gauche quand il était étudiant. Jusqu’à l’explosion d’une bombe qu’ils préparaient qui l’a laissé sans souvenirs de quelques jours, et surtout dans l’incapacité à ressentir la moindre émotion. Depuis il exploite un vieux cinéma avec une assistante. Mais il a aussi une autre activité, arrivée un peu par hasard. Son numéro de téléphone est connu dans certains cercles, et si on a un problème auquel on ne veut pas mêler la police, on peut appeler ce numéro. Suivant la nature du problème, Reckless peut décider de s’en occuper. Jusqu’à ce que son passé le rattrape, et qu’une ancienne connaissance fasse appel à lui.

Construction et thématiques archi classiques pour les amateurs de privés dur à cuire. Mais le classique, quand c’est bien fait, c’est le pied. Et là c’est très bien fait. Découpage impeccable, distillation fine des éléments du passé de Reckless, maîtrise parfaite du suspense et des coups de théâtres, et une mise en page et un dessin qui rappellent et rendent hommage de bien belle façon aux grands du film noir. Le pied disais-je. J’attends le tome 2 (chaque aventure est indépendante) avec une grande impatience.

Juan Diaz Canales (scénario) et Juanjo Guarnido (dessin) / Blacksad / Alors, tout tombe, première partie, Dargaud (2021), traduit de l’espagnol par Christilla Vassero.

Ed Brubaker (scénario) et Sean Phillips (dessin) / Reckless, Delcourt (2021), traduit de l’anglais (USA) par Alex Nikolavitch.

BD de début d’année

Commençons l’année avec quelques BD, Noël ayant été propice aux cadeaux (certains étant des auto-cadeaux), voici le bilan.

Les papis de Wilfrid Lupano et Paul Cauuet ont toujours la papate, et cette fois ils vont aller mettre le souk en Guyane dans L’oreille bouchée. Cela ne va pas aller sans ronchonneries, surtout du côté de Pierrot. C’est Mimile et son copain retrouvé Errol qui invitent Pierrot et Antoine, sans leur dire de quoi il s’agit. On se doute qu’il ne s’agit pas seulement de faire du tourisme … C’est toujours aussi drôle, enragé, engagé. Avec ce voyage les auteurs on trouvé le moyen parfait de mettre en scène la mauvaise humeur et la mauvaise de foi de Pierrot, donc on rit beaucoup, et on rit intelligent. Que demander de plus.

Côté comics, Jeff Lemire a encore sévi, avec une histoire « one shot » comme on dit en français : Sentient, en collaboration avec Gabriel Walta. A bord du USS Montgomery, une vingtaine de familles parties d’une Terre à bout de souffle sont en route vers une des lointaines colonies. Juste au moment où le vaisseau rentre dans une zone où les communications sont impossibles, un des voyageurs, membre d’un groupe séparatiste tue tous les adultes. Les enfants vont se retrouvés livrés à eux-mêmes, en compagnie de l’IA du vaisseau, Valérie, qui va devoir dépasser sa programmation pour leur permettre d’arriver à bon port. Très beaux dessins dans des tons pastels, gris et bruns, sauf à un moment crucial du récit où l’on passe à des couleurs plus primaires, pour une jolie histoire d’amitié et de parentalité de substitution.

Du pastel je suis passé au vraiment flashy avec le début d’une série de SF Invisible Kingdom de G. Willow Wilson et Christian Ward. Quelque part dans l’espace, Grix est pilote sur un vaisseau qui livre les commandes de la toute puissante société Lux. Loin de là, Vess vient juste de rentrer dans les ordres de l’Enseignement de la Renonciation, qui combat, entre autres et surtout, le consumérisme prôné par Lux. Quand chacune de son côté découvre que Lux verse de très grosses sommes tous les mois aux sœurs elles deviennent toutes les deux très très gênantes. Comme elles refusent de se taire, leur tête est mise à prix, et la chasse est lancée. Un propos intelligent, des thématiques plus qu’actuelles (entre les lanceurs d’alerte, le poids des géants du commerce tel Lux, l’hypocrisie des institutions religieuses …), des dessins impressionnants qui vont vous en mettre plein la vue, et une narration parfaitement maîtrisée, voilà un démarrage de série qui promet.

J’ai complété tout cela avec du Garth Ennis, vous voyez qui s’est ? Non ? Le scénariste de Preacher. La première BD n’a rien à voir. D’après mon dealer de comics qui sait TOUT, c’est un autre versant que l’on ne connaît pas ici du génial scénariste, qui est un grand spécialiste de la seconde guerre mondiale. C’est là qu’il situe Sara, dessiné par Steve Epting. Pendant le siège de Leningrad, en plein hiver, un groupe de snipers soviétiques décime les troupes nazies. Un groupe de femmes. La plus douée, Sara. Soumise à pression des combats, au froid, et à la surveillance constante des commissaires politiques Sara marche sur le fil et doit vivre avec ses fantômes. Superbe dessin, construction au cordeau, reconstruction historique impressionnante, suspense parfaitement maîtrisé et un final magnifique. Une réussite exceptionnelles qui emporte, même ceux qui, comme moi, ne sont pas du tout fan, a priori, de roman ou BD sur la guerre.

Et pour finir, toujours du Garth Ennis de l’ancien, du vieux et réchauffé, dans la veine trash et iconoclaste, associé cette fois à Darick Robertson qui est le dessinateur de Transmetropolitan. J’ai commencé doucement avec les trois premiers volumes de The Boys qui titrent : Ca va faire très mal ! puis Ca va saigner et Dis comme ça. Bien entendu, j’irai au bout de la série très bientôt. Dans un futur parallèle les super héros existent. Ils sont le produit d’une entreprise d’armement qui a créé les 7, les plus puissants d’entre eux. Puis ici et là des aspirants supers se sont regroupés en ligues. But, gagner plein de tunes avec les pubs, les films les comics … et pour la firme, infiltrer au mieux le gouvernement américain pour récupérer les contrats d’armement. Face à eux la CIA qui parfois se réveille a créé The Boys, ceux qui sont là pour surveiller les surveillants, et leur mettre des limites. Il faut dire que les Super en général, et les 7 en particulier sont très puissants, mais aussi très cons, obsédés, et particulièrement nuisibles. The Boys c’est Butcher et son dogue qui ne répond qu’à un ordre : « Nique », Le français, La crème, La fille et un écossais récemment arrivé Hughie. Dire que leurs méthodes sont conventionnelles et que les auteurs font toujours preuve de bon goût, de retenue et de politiquement correct serait mentir. Et putain que c’est bon ! Certes il y a parfois quelques moments un peu plus faibles, mais l’ensemble est tellement provocateur, iconoclaste, dézingueur de mythes et en même temps tellement vrai que c’est une jubilation constante. A lire pour tous ceux qui aiment les BD qui secouent la pulpe.

Wilfrid Lupano (scénario) Paul Cauuet (dessin) / Les vieux fourneaux : L’oreille bouchée (T6) Dargaud (2020).

Jeff Lemire (scénario) et Gabriel Walta (dessin) / Sentient, Panini Comics (2020), traduits de l’anglais (USA) par Khaled Tadil.

G. Willow Wilson (scénario) et Christian Ward (dessin) / Invisible Kingdom, HI Comics (2020), traduits de l’anglais (USA) par Virgile Iscan.

Garth Ennis (scénario) et Steve Epting (dessin) / Sara, Panini Comics (2020), traduits de l’anglais (USA) par Thomas Davier.

Garth Ennis (scénario) et Darick Robertson (dessin) / The boys, volumes 1 à 3, Panini Comics (2015 et 2016), traduits de l’anglais (USA) par Alex Nikolavitch.

Quelques idées de comics

Cela faisait un bon moment que je n’avais pas parlé de comics, et pourtant, je continue à en lire.

Commençons par l’inépuisable Jeff Lemire

Ascender continue, la quête de Mila, la gamine qui cherche le petit robot dans un monde soumis à la magie de la Mère va l’amener à retrouver quelques uns des personnages de la magnifique série Descender. Les dessins de Dustin Nguyen sont toujours superbes, les retournements de situation tiennent en haleine, le seul ennui c’est que maintenant il va falloir attendre la suite.

Il s’est ensuite attaqué à un des personnages les plus riches de l’univers des super héros dans Joker killer smile, avec Andrea Sorrentino au dessin.

Le docteur Ben Arnell est vraiment un mec bien. Psychiatre, père et mari aimant, il arrive à laisser ses problèmes de travail au bureau quand il retrouve sa famille. Ben est un excellent psychiatre, à l’écoute de ses patients, plein d’empathie. Il va en avoir besoin avec son malade le plus connu, Joker, enfermé à Arkham. Petit à petit, il pense progresser, entrer dans la folie du Joker, faire tomber ses barrières, mais en même temps, n’est-ce pas l’inverse qui se produit ?

Un scénario assez vertigineux qui amène le lecteur à douter de tout. On sombre dans la folie sans arriver à savoir quand on a commencé à perdre pied avec le bon docteur. Les dessins, bien sombres,  et la mise en page très variée concourent à créer ce vertige. Très impressionnant. Et pas de Batman ici pour sauver qui que ce soit … Un beau cadeau de Noël pour ceux qui aiment les ambiances sombres et tordues.

Pour finir une série de BD dont on parle depuis qu’elle a commencé à être adaptée sur Netflix : Locke and Key de Joe Hill et Gabriel Rodriguez.

L’histoire commence très mal pour la famille Locke. Le père Rendell est assassiné et la mère Nina violée par deux élèves du lycée où travaille le père. Suite au drame Nina et les trois enfants, Tyler l’ainé, Kinsey la seconde et le petit Bode déménagent dans une maison de famille à Lovecraft, Massachussetts. Là Bode va découvrir d’étranges clés et réveiller une entité peu aimable. Les enfants Locke vont devoir alors affronter les fantômes de la famille jusqu’à un final en forme de feu d’artifice.

Les dessins sont superbes, certaines planches particulièrement soignées et Joe Hill qui a vraiment le sens du suspense manie parfaitement les coups de théâtre et renversements de situation. Certes, on n’a pas là la puissance et la charge politique de comics comme Scalped ou Transmetropolitan, mais c’est une excellente histoire fantastique qui vous accroche dès les premières planches avec des personnages bien construits, de l’émotion et des séquences d’action très réussies. De heures de lecture agréables assurées.

Jeff Lemire (scénario) et Dustin Nguyen (dessin) / Ascender Tome 2, Urban Comics (2020), traduits de l’anglais (USA) par Benjamin Rivière.

Jeff Lemire (scénario) et Andrea Sorrentino (dessin) / Joker killer smile, Urban Comics (2020), traduits de l’anglais (USA) par Benjamin Rivière.

Joe Hill (scénario) et Gabriel Rodriguez (dessin) / Locke and Key Tome 1 à 6, HI Comics (2018 à 2019), traduits de l’anglais (USA) par Maxime Le Dain.

Ciao Quino

Putain il ne manquait plus que ça dans cette période de merde. Même Quino nous lâche. Il laisse une Mafalda plus d’actualité que jamais orpheline.

Pour l’humour fin, subtil, tendre mais sans pitié, on n’avait déjà plus Serre, il ne reste plus que Sempé. Merci pour tout, on relira l’intégrale de Mafalda, et on affichera les dessins sur les murs.

Pour vaincre le coup de mou

J’ai du mal à lire les parutions récentes, surtout françaises j’avoue. Du moins celles que j’ai entre les mains actuellement. En général bien écrit, voire très bien, rien à redire, mais un peu étriqué, centré sur la famille, restreint à un petit périmètre. Et en ce moment, la famille ça va, on la voit, on est tout le temps les uns sur les autres, et les petits périmètres on pratique. J’ai besoin de lire du Bigger Than Life.

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Alors j’ai relu Transmetropolitan. C’est ma troisième lecture de ce monstre, je me suis encore éclaté. Putain que c’est méchant mais que c’est juste et visionnaire. Dire que cette BD a plus de 20 ans. J’adore Spider, j’adore son immonde chat, j’adore ses sordides assistantes. Je les aime pour des moments comme ça :

« Aujourd’hui, il y a une nouvelle religion toutes les 35 minutes. Et pourtant, étrangement, les lance-flammes sont toujours illégaux. Il n’y a pas d’équilibre dans ce patelin. »

Ou

« Lorsque notre correspondant a interrogé Jerusalem sur son article, celui-ci a ri, lui a écrasé une bouteille sur la tempe et nous a tous invités à lui sucer la bite. »

Ou

« Juste un petit rappel : Quand je parle des damnés, de la racaille, des gens qui n’en ont plus rien à cirer, des gens qui font semblant de ne pas voir la misère dans les rues, des gens qui se fichent de qui dirige ce pays … Quand je parle de la lie de la Ville … je parle de vous. »

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Avec un dessin aussi enragé et engagé que le texte. C’est bon. Spider reviens, on a besoin de toi.

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Ciao Albert

Et merde, avec tout ça j’ai raté l’info hier. Albert Uderzo est mort. Ca faisait longtemps qu’on était orphelin de René Gosciny, on est vraiment tout seuls maintenant. Juste au moment où on aurait bien besoin de rigoler un peu.

Merci pour tout.

Uderzo Fin

Le talent de Jeff Lemire

On peut légitimement se demander comment fonctionne le cerveau du scénariste Jeff Lemire, tant sa production est d’une richesse et d’une variété qui n’ont d’égales que sa qualité. Jugez plutôt.

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Je vous ai pas déjà parlé de la géniale série Descender, superbe scénario de SF magnifié par les aquarelles de Dustin Nguyen. Ceux qui l’ont lu, ont repéré un court chapitre qui relève plutôt de la fantasy, où la magie prend le pas sur la technologie.

Dix ans après la fin de Descender, dont je ne dirai que le strict minimum, nous voilà de retour dans le monde totalement changé de Ascender. Les robots ont donc disparus, la technologie avec, et les humains qui ont survécu vivent sous la coupe de La Mère, sorcière qui règne par la terreur. Une gamine qui vit à l’écart avec son père va trouver un étrange petit robot, ce qui, en soit, constitue un crime contre La Mère. Le début d’une fuite et d’une quête pour retrouver le mythique Tim 21, robot ressemblant à un garçon de 10 ans, qui pourrait réconcilier les hommes et les machines.

Démarrage sur les chapeaux de roues pour cette série. A la différence de la précédente, pas de suspense sur ce qu’il s’est passé avant (à moins de ne pas avoir lu Descender ce qui serait une faute impardonnable). Mais d’emblée des héros qui sont jetés dans l’eau glacée. Vont-ils s’en sortir ? Toujours ces aquarelles magnifiques, aussi impressionnantes dans l’évocation de créatures de fantasy qu’elles l’étaient dans celle des machines. Où comment se renouveler complètement dans la continuité. Superbe.

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Changement complet avec Royal City, série en trois volumes dessinée par Lemire lui-même et, on peut le supposer, fortement inspirée de sa propre histoire.

RoyalCity-01Royal City c’est la ville où vivent les Pike. Depuis toujours. Une ville sur le point de changer. Alors que le père se trouve à l’hôpital, victime d’une crise cardiaque, la famille va se retrouver, pour s’entraider ou mieux se déchirer. Patrick, écrivain, parti vivre ailleurs ; Tara qui voudrait que la ville change, alors que l’usine qui la fait survivre est en pleine déconfiture ; Richard, perdu dans l’alcool et le jeu. Tout le temps et partout présent, le fantôme de Tommy, mort alors qu’il n’était qu’un adolescent …

Scénario maîtrisant de façon virtuose un grand classique, à savoir les flashbacks et un double suspense (que c’est-il passé avec Tommy, que va-t-il se passer aujourd’hui). Le dessin qui ne cherche pas l’artifice épouse cette chronique de vie, où le destin d’une famille ordinaire fait écho à celui d’une ville ordinaire. Où l’on se passionne pour la vie d’une usine, des ouvriers qui y travaillent, pour les relations entre frères, entre parents et enfants. Pas de héros ou anti-héros, pas d’affreux ou de gentils, mais une exploration douce et intelligente de nos zones grises, de nos ombres mais aussi de nos lumières. C’est maîtrisé, très émouvant, cela semble très personnel et pourtant ce n’est pas de l’autofiction. Une très belle réussite dans le registre intime de Jeff Lemire dont je connaissais davantage le registre épique. Mais toujours, finalement, la famille et ses relations complexes au cœur du récit.

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Nouveau virage complet avec Gideon Falls où il explore l’horreur et le fantastique.

Gideon-02Norton Sinclair est un jeune homme perturbé. Il collectionne des bouts, de clous, du bois, des bouts qu’il trouve dans les poubelles et les caniveaux de la ville. Il a vu une grange noire, il sait qu’il faut absolument qu’il recrée une porte, bout par bout. La jeune docteur Xu qui le suit essaie de comprendre son délire et ses hallucinations. Jusqu’à ce que …

Ailleurs, à Gideon Falls le père Fred arrive pour remplacer le prêtre précédent, disparu. Et l’on parle, à demi-mots, de l’apparition et de la disparition d’une grange noire, liée à des morts sinistres. Il rencontre alors une communauté qui semble surveiller ces apparitions depuis longtemps.

Typiquement le type de série qui fait immédiatement monter l’angoisse et le mystère. On est happé par le scénario et le dessin très sombre. Qu’il est difficile d’attendre la suite ! Pour l’instant une série très addictive, bien glauque, du pur plaisir. Seule inquiétude, que la suite ne soit pas à la hauteur des expectatives que fait naitre ce démarrage foudroyant.

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Jeff Lemire (scénario) et Dustin Nguyen (dessin) / Ascender Tome 1, Urban Comics (2020), traduits de l’anglais (USA) par Benjamin Rivière.

Jeff Lemire (scénario) / Royal city Tome 1 à 3, Urban Comics (2018 à 2019), traduits de l’anglais (USA) par Benjamin Rivière.

Jeff Lemire (scénario), Andrea Sorrentino (dessin) et Dave Stewart (couleur)/ Gideon Falls Tome 1 et 2, Urban Comics (2018 et 2019), traduits de l’anglais (USA) par Benjamin Rivière.

Deadly Class

A l’occasion de la sortie du Tome 8 de Deadly Class, je me suis fait un petit plaisir pendant qu’il pleuvait dehors, relire la série entière. Pour mieux percevoir, en étant peut-être un peu moins attaché aux différentes péripéties, sa cohérence, et sa force.

DeadlyClass 01Pour le détail de ce qui se passe, je vous renvoie aux notes précédents. Juste quelques mots pour situer. Nous sommes dans les années Reagan (les années lycée du scénariste ?), Marcus, 14 ans, vit dans la rue, après s’être échappé de son orphelinat quand il est recruté par Saya et intègre une école un peu spéciale, tenue de main de fer par Maître Lin, qui forme de futurs assassins.

Les trois premiers tomes se déroulent dans le lycée, avec les fils à papa, les clans par origine, les paumés qui se regroupent, les déracinés … Bref si tout ce beau monde n’était pas là pour apprendre à tuer, et si les fils à papa n’étaient fils du meilleur tueur du KBG, d’un assassin de la CIA, ou de chefs de toutes les mafias mondiales possibles et imaginables, si les paumés n’avaient pas tous déjà quelques morts à leur actif, tout cela serait une classique, et ennuyeuse, série de lycée pour ados.

Sauf que là sa saigne sévère, que les méchants sont de vrais teignes … Et pourtant, petit à petit, la révélation des failles des uns et des autres vont les humaniser, sans pour autant les rendre plus aimables. Ensuite, on va de coup de théâtre en coup de théâtre, de la fin du 3 au numéro 8.

Les auteurs réussissent l’exploit de construire des personnages qui sont des tueurs sans pitié (ou presque), qui n’ont d’autre choix pour survivre que d’éliminer leurs semblables, et pourtant, cela reste des ados, avec des problématiques de leur âge, la musique, les filles et les garçons, la bande, les potes … Assez troublant ce mélange sanglant.

De nouveaux personnages vont apparaitre, ce qui donnera aux auteurs l’occasion d’évoquer d’autres lieux, d’autres sociétés, de nous mettre d’autres claques. Les références, musicales et comics essentiellement, pleuvent sans jamais alourdir le récit ou le dessin, le découpage graphique est particulièrement dynamique, et comme les surprises ne s’arrêtent jamais, et que le rythme ne faiblit pas, vivement le tome 9 !

Rick Remember (scénario), Wes Craig (dessin), Jordan Boyd (couleur) / Deadly Class Tome 8, Urban comics (2019), traduit de l’anglais par Benjamin Rivière.

Comics : Deux superbes fins de séries

Une petite chronique Comics pour deux excellentes séries qui se terminent, et la continuation d’une troisième.

Pour la continuation c’est Deadly Class de Rick Remember (scénario), Wes Craig (dessin) et Jordan Boyd (couleur) qui en est au 7° volume.

deadly-class-tome-7Si vous vous souvenez des épisodes précédents, on a suivi des ados dans une école un peu particulière qui les forme à être des assassins. On a quitté l’école avec la première promotion à la fin du 4, on en a trouvé de nouvelles promos dans les 5, 6 et 7, en en apprenant également un peu plus sur les familles mafieuses d’un certain nombre d’élèves, et là, pour le 7, c’est le grand dézingage, toutes les factions qui sont après nos survivants des deux promos (les yakuzas, les flics ripoux mexicains et les envoyés de l’école) vont se retrouver pour un épisode qui saigne sévère. C’est certain, beaucoup resteront sur le carreau.

C’est incroyable, on croit à chaque épisode qu’on ne peut plus accélérer et monter un cran dans la violence, et pourtant à chaque fois, les auteurs y arrivent. Cette fois, clin d’œil assumé, une voix off dit qu’on se croirait dans une BD de Franck Miller, ou un film de Tarantino, avec une référence évidente à Kil Bill. Ça pourrait lasser, et pourtant ça marche. Je suis complètement accro à cette espèce de machin survolté, qui est loin d’être terminé, qui nous offre quelques beaux coups de théâtre et retournements d’alliances, et laisse entrevoir une suite que j’attends avec impatience.

Les deux séries excellentes qui se terminent sont, le polar Kill or be killed de Ed Brubaker (scénario) et Sean Phillips (dessin) et Elizabeth Breitweiser (couleur) et la série SF Descender, de Jeff Lemire (scénario) et Dustin Nguyen (dessin).

kill-or-be-killed-04Vous vous souvenez peut-être de Dylan de Kill or be killed, un looser de la plus belle eau. Sauvé du suicide par un démon, il doit pour survivre tuer un nuisible par mois. Et il finit par y prendre goût, même si ça complique forcément ses relations avec son amie / amoureuse (ça fluctue), et avec la police de New York qui est à la poursuite du tueur à la cagoule. Et que dire de la mafia russe qui est à ses trousses. Dans ce volume 4 et dernier, il vient de découvrir que son frère, qui s’était suicidé, voyait aussi un démon, un démon qui apparaissait dans les dessins de son père. Tout va alors se dénouer dans l’hôpital psychiatrique où il est enfermé après … Mais pour le savoir il faut lire ce dernier volume.

Le scénario fait partie de ces histoires qui vous accrochent dès le début grâce à un point de départ très intrigant, que vous poursuivez avec bonheur, mais avec toujours derrière la tête la question de savoir si le final ne va pas être décevant, ou comment s’en sortir sans une pirouette un peu facile. Et bien ici pas de pirouette facile, le final est à la hauteur des attentes. Le dessin magnifique nous plonge toujours dans une atmosphère de film noir comme je les adore, et que dire de l’habileté du scénario. Tout au long de la série les auteurs ont eu le chic pour parfaitement doser les aller-retour présent, passé proche, pour faire monter le suspense, et le recours à la voix off du narrateur (Dylan) est génial. Vraiment une superbe série pour tous les amateurs de polars et d’ambiance de film noir.

Descender-01Descender se termine également. Dernier volume pour admirer les magnifiques aquarelles de Dustin Nguyen et là aussi énorme attente face à une série qui commence sur un choc et une question qui tend le fil de suspense pendant toute la suite : Qui sont ces robots monumentaux qui ont attaqué le monde et ont disparu ensuite, et quel rôle le petit Tim 21, robot de compagnie du jeune Andy joue-t-il dans ce mystère ? A la fin du volume précédent, les principaux protagonistes ont convergé vers une planète où vit le créateur de Tim et …

Et une fois de plus le final est superbe et tient toutes les promesses d’une histoire riche en rebondissements et questionnements. Aucune déception donc, et un final totalement cohérent. Là où les auteurs font très fort, c’est qu’ils concluent vraiment l’histoire, tout en laissant une ouverture pour raconter une autre histoire, complètement différente, mais néanmoins reliée. Chapeaux les artistes, et vivement la prochaine histoire !

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Rick Remember (scénario), Wes Craig (dessin), Jordan Boyd (couleur) / Deadly Class Tome 7, Urban comics (2019), traduit de l’anglais par Benjamin Rivière.

Ed Brubaker (scénario), Sean Phillips (dessin), Elizabeth Breitweiser (couleur) / Kill or be killed Tome 4, Delcourt 2019, traduit de l’anglais par Jacques Collin.

Jeff Lemire (scénario) et Dustin Nguyen (dessin) / Descender Tome 6, Urban Comics (2019), traduits de l’anglais (USA) par Benjamin Rivière.