Archives pour la catégorie Polars aux antipodes

Objectif zéro

L’expression « page turner » est assez galvaudée. Mais si elle devait s’appliquer cette année, ce serait sans le moindre doute à Objectif zéro d’Anthony McCarten.

Cy Baxter est un de ces milliardaires du net que les magazines people adorent. Génial, hors norme, limite psychopathe, excessif. Ce 1 mai il est surexcité, en collaboration avec la CIA il lance le bêta test « objectif zéro ». 10 candidats ont été choisis dans tout le pays. Dans deux minutes ils ont deux heures pour disparaitre et rester introuvables jusqu’au 31 mai. S’ils réussissent, ils gagnent 3 million de dollars, sinon, rien, merci au revoir. Et s’il les trouve les 10, Cy et son projet Fusion empochent le jackpot d’un contrat faramineux avec la CIA. IA, utilisation des réseaux sociaux (dont les siens), drones, équipes d’intervention, tout est permis.

Une petite bibliothécaire de Boston, un peu inadaptée, a-t-elle la moindre chance de gagner ? A priori non. Et pourtant …

Ça faisait très longtemps que je n’avais pas lu un roman aussi addictif. De ceux qui vous font retarder l’heure de dormir, et qui, quand on approche la fin, vous mettent dans un état d’excitation qui fait que vous avalez les chapitres (courts) à toute vitesse, et que vous refermez de temps en temps le bouquin juste pour qu’il dure un peu plus. Mais que vous ouvrez de nouveau au bout d’une minute, parce que vous ne tenez pas.

Le procédé est très malin, on l’a déjà lu ou vu au cinéma ou dans des séries. Le ping-pong permanent entre les chasseurs et les chassés donne un rythme infernal, les candidats secondaires sont éliminés les uns après les autres, il n’en reste qu’une et … Et au deux-tiers du roman un coup de théâtre magistral change le jeu. C’est extrêmement bien fait, on ne marche pas, on court.

Les personnages principaux sont bien définis, ce ne sont pas que des silhouettes servant à faire avance l’intrigue, la folie du taré (qui ressemble assez à quelques affreux existants style Jeff Belon Zuckermusk) se révèle petit à petit, et même si ce n’est pas nouveau aujourd’hui, le roman fait écho à la trilogie de Jakub Szamalek et met en avant le choix sécurité contre liberté.

Bref, ce serait dommage de le rater.

Anthony McCarten /Objectif zéro, (Going zero, 2023), Denoël/Sueurs froides (2023) traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Frédéric Brument.

Dette de sang

Un nouvel auteur néozélandais aux Arènes, avec Dette de sang de Michael Bennett.

Hana Westerman, d’origine maorie est flic dans la police d’Auckland, une excellente flic même. Quand elle reçoit sur son portable une vidéo mystérieuse, elle découvre dans un immeuble abandonné le cadavre d’un homme. Il s’avère que c’est un ancien condamné pour violence sur enfants récemment sorti de prison. Un deuxième cadavre, révélé également grâce à une vidéo épaissit le mystère, l’homme tué n’a aucun lien avec le premier.

Hana va vite s’apercevoir qu’elle doit faire face à un meurtrier qui venge un très vieux crime, quand un chef maori avait été pendu pour avoir résisté aux colons. Une enquête difficile qui va l’amener à s’interroger sur son métier et son rôle dans une société qui continue à traiter les maoris comme des citoyens de seconde zone, une société surtout qui n’a toujours pas réglé les comptes avec son passé.

Je ne me suis pas du tout ennuyé en lisant ce roman, mais je ne suis pas non plus emballé. Pour résumer, le fond de l’histoire, l’intention derrière le roman sont intéressants, l’histoire est suffisamment bien menée pour que l’on ait envie d’aller au bout, mais il manque quelque chose, dans l’écriture et la construction des personnages pour que l’on soit complètement emballé.

Cela commence par l’écriture que j’ai trouvée un peu plate, parfois trop explicative. Sans non plus être gênante, il faut reconnaitre que l’auteur arrive bien à intégrer des mots et des phrases en maori, sans que cela gêne la lecture, mais cela manque de souffle et d’émotion.

L’histoire aussi est sage. Une ou deux coïncidences un peu trop incroyables, et surtout un manque de folie, qui fait que même quand les personnages auxquels on s’attache sont en danger, on ne tremble pas, on sait qu’ils s’en sortiront. Il manque le côté « Game of thrones », ce qui fait que le lecteur a peur parce qu’il sait rapidement que même les personnages auxquels il s’attache ne sont pas à l’abri. Trop sage malgré les nombreux meurtres, et assez prévisible.

Pourtant, on lit sans déplaisir, et avec un véritable intérêt intellectuel. Parce que l’on découvre un pan de l’histoire de la Nouvelle-Zélande, un peu de la culture maorie, l’histoire des persécutions et injustices dont ils ont été victimes, et dont ils continuent à être victimes. C’est là que parfois l’émotion arrive à pointer son nez, que la colère est sensible.

Intéressant sur le fond, moins réussi sur la forme donc.

Michael Bennett / Dette de sang, (Better the blood, 2022), Les Arènes (2023) traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Antoine Chainas.

La cavale de Jaxie Clackton

C’est visiblement le huitième roman traduit de l’australien Tim Winton, mais c’est avec La cavale de Jaxie Clackton que je le découvre.

Depuis la mort de sa mère, Jaxie Clackton vit seul avec son père, une brute alcoolique qui le tabasse. Quand un soir il le retrouve écrasé sous sa voiture, le cric ayant lâché, comme il a peur qu’on l’accuse du meurtre, il part à pied, vers l’intérieur, le bush australien. A moitié mort de soif il tombera sur un étrange ermite, Fintan MacGillis, ancien prêtre irlandais qui vit là on ne sait pourquoi.

Une étrange cohabitation va se nouer entre deux personnes qui, chacune, se méfie de l’autre mais en a également besoin.

Rien à redire sur la forme, le roman est bien écrit, avec les mots d’un narrateur adolescent rude, méfiant, sans éducation. Rien à redire non plus sur le décor de ce désert australien joliment évoqué, dans sa dureté mais également dans ses beautés.

Malgré cela, si j’ai lu ce roman sans ennui ni déplaisir, j’avoue que je n’en retire pas de grande émotion, et surtout que je n’ai pas vu où voulait en venir l’auteur. En partie sans doute parce que l’auteur ne résout jamais le mystère Fintan MacGillis : Qu’a-t-il fait pour se retrouver là depuis son Irlande natale ? Qui l’y a mis ? Qui le ravitaille ? Quels crimes expie-t-il ? On ne le saura pas, c’est dommage, un peu mystère oui, là pour moi il y en a trop.  Et est-ce une conséquence ? à la fin même le destin de Jaxie m’importait peu.

Pour résumer, c’est bien fait, mais pourquoi ? Peut-être y a-t-il des références pour les lecteurs australiens ou anglophones qui m’ont échappé.

Tim Winton / La cavale de Jaxie Clackton, (The sepherd’s hut, 2018), La Noire (2021) traduit de l’anglais (Australie) par Jean Esch.

De cendres et d’or

Je n’avais pas lu le premier roman traduit de l’australien B. Michael Radburn. Les critiques sur les blogs auxquels je fais confiance étaient tièdes. J’ai testé le second De cendres et d’or, je suis tiède aussi, voire frais.

Ahora et Dylan, jeunes et sportifs, explorent un canyon dans le parc national Victoria quand ils tombent sur le cadavre d’une jeune femme. Au même moment un incendie les oblige à remonter en toute hâte, et à fuir pour sauver leur peau. Ahora a juste le temps de voir une silhouette courir entre les arbres.

Quand les policiers viennent enquêter, le feu a détruit presque toutes les traces et le cadavre a disparu. La police de Melbourne est avertie et le sergent en charge fait appel à un ami proche d’Ahora et de son père, le ranger Taylor Bridges. L’enquête va devoir revenir au passé, à la mine d’or qui fut exploitée dans ce canyon par le révérend Jacob qui avait créé une sorte de secte.

Comme on dit dans le Sud-Ouest, ça casse pas trois pattes à un canard. Ca se lit, on va au bout sans trop de peine mais c’est quand même cousu avec de gros ficellous, et on voit venir les rebondissements de loin. Et quand je parle de rebondissements …

Le plus gros reproche que je ferai au roman c’est de se concentrer uniquement sur l’intrigue (pour un résultat passable sans plus) sans en profiter pour décrire un peu de contexte. Par exemple il y a un incendie, mais juste pour faire fuir les deux témoins et cacher des traces. Alors qu’il me semble qu’un incendie, en Australie, depuis quelques années, c’est un machin assez traumatique. Non ?

Et c’est un peu tout comme ça, superficiel, et on sait que ça va bien finir. Donc rassurant, pas de maux de tête, pas d’émotions trop fortes … Pour moi de l’eau tiède. L’eau tiède c’est bien pour la douche, en polar, c’est pas mon truc.

B. Michael Radburn / De cendres et d’or, (The falls, 2016), Seuil/cadre noir (2021) traduit de l’anglais (Australie) par Isabelle Troin.

Resurrection Bay

Une nouvelle venue, australienne, chouette. Au final Resurrection Bay d’Emma Viskic est un honnête divertissement.

ViskicCaleb Zelic est privé à Melbourne, dans une petite agence en association avec Frankie, une ex flic. Appelé à l’aide, il arrive juste à temps pour que son meilleur ami, Gary, flic qui parfois lui filait un coup de main, meure dans ses bras. Suspecté par la police, poursuivi par les tueurs, il va se réfugier à Resurrection Bay, sa ville d’origine, et celle de son ex-femme, où vit encore son jeune frère, qui a fait de la taule pour s’être fait prendre à dealer.

C’est là qu’il va s’apercevoir qu’il y a quelque chose de pourri dans la police de Melbourne, et que tous ceux qu’il approche sont peut-être en danger.

« Effréné, violent, et bouleversant », dixit Eva Dolan en quatrième. Certes on sait que sur ces quatrième les auteurs ne sont pas avares de compliments envers leurs collègues, à charge de revanche sans doute … mais c’est quand même un peu beaucoup.

Effréné, pourquoi pas. Ca va effectivement très vite. Trop justement. A force de multiplier les coups de théâtre, les retournements et les surprises, l’auteur en oublie un peu la cohérence de l’ensemble. Elle oublie surtout de vraiment définir les personnages, de leur donner un peu de chair, de nous les faire aimer ou détester. Ce ne sont finalement que des marionnettes qui sont là pour faire avancer l’intrigue à toute vitesse. Elle oublie aussi de nous faire sentir, palper les lieux, les ambiances.

Et du coup, bouleversant, certainement pas. On suit comme une série B qu’on regarde quand on est trop fatigué, et qu’on ne veut pas trop solliciter le cerveau mais qu’on a besoin d’une distraction.

Et violent, bof. Tout amateur de polar a vu bien pire. D’autant plus que la violence, bien présente, est désamorcée par le fait qu’on se soucie finalement assez peu de ce qui va arriver aux personnages. On a déjà vu bien des polars sans le moindre mort beaucoup plus violents que cet honnête série B qui se laisse lire, pour le plaisir de découvrir ce qu’il en est dans les dernières pages.

Emma Viskic / Resurrection Bay, (Resurrection Bay, 2015), Seuil/cadre noir (2020) traduit de l’anglais par (Australie) Charles Bonnot.

Pas du tout convaincu par le « Harry Bosch australien »

A priori, quand je lis « le retour du Harry Bosch australien », j’ai plutôt tendance à fuir. Mais bon, je me suis aussi dit qu’il fallait essayer avant de décider que ce n’était pas terrible. J’ai donc lu Requiem de Tony Cavanaugh. Bof.

CavanaughDarian Richards a été flic, un des meilleurs. Maintenant il est à la retraite et profite de la vue sur la rivière depuis sa terrasse. Jusqu’à ce qu’un de ses téléphones sonne. Un de ceux dont il avait confié le numéro à des jeunes femmes qu’il avait sauvé d’un tueur en série. Un appel à l’aide.

Alors Darian va reprendre du service et tomber en pleine période de fête étudiante et de beuveries sur le Gold Coast. Une fille disparue (celle qui l’a appelé) et bientôt un flic tué et des cadavres de jeunes femmes. Un rude boulot pour Darian, avec des flics locaux qui ne voient pas son arrivée d’un bon œil.

Bon, à la rigueur si vous cherchez un polar très basique qui vous permette de laisser le cerveau en veilleuse pourquoi pas. Il y a de l’action, quelques surprises, des poursuites, et ça se termine bien, du moins bien du point de vue de l’enquêteur et donc je suppose de l’auteur.

Après, si vous avez votre cerveau encore branché, les ficelles sont grosses, la morale qui justifie l’enquêteur en justicier solitaire plus que contestable, et les clichés sont tellement clichés qu’ils tombent dans le préjugé, voire le raccourci un peu moisi.

N’en déplaise à la quatrième, et même si je ne suis pas un fan de Harry Bosch qui se répète un peu à mon goût après des débuts exceptionnels, ce Damian est beaucoup plus primaire que son modèle californien.

Très évitable donc, sauf si vous avez des lecteurs amateurs de privés velus et omnipotents.

Tony Cavanaugh / Requiem (Dead girl sing, 2013), Sonatine (2019), traduit de l’anglais (Australie) par Paul Benita.

Polar néo-zélandais

Un polar néo-zélandais, c’est assez rare vers chez nous pour être remarqué : Sous la terre des maoris, de Carl Nixon.

NixonMarl Saxton, 19 ans est retrouvé un matin par un promeneur, pendu à un arbre. Box Saxton, son père, déjà fragilisé par la faillite de son entreprise est dévasté. Alors qu’il organise les obsèques, le père biologique, un maori ex-ami de sa femme, réapparait. Alors qu’il n’a pas donné signe de vie depuis qu’il a abandonné Mark qui n’avait pas deux ans, il insiste maintenant pour que le jeune homme soit enterré en terre maorie. Devant le refus violent de Box, il fait marche arrière, mais un peu plus tard vole le corps alors qu’il est encore dans l’entreprise de pompes funèbres.

Box décide alors de prendre les choses en main, quitte à enfreindre bon nombre de lois.

J’aurais beaucoup voulu aimer ce bouquin, mais malheureusement, je suis resté de marbre, même si tout n’y est pas raté.

Ce qui marche bien, c’est de suivre la descente dans une forme de folie de Box, un homme fragilisé par la crise et la faillite de tout ce qu’il avait construit économiquement. On comprend et on ressent ce qui lui arrive. Mais c’est à peu près tout, et il manque beaucoup d’éléments qui auraient pu rendre ce roman passionnant.

Tout d’abord, rien sur les raisons du geste de Mark. L’auteur ne dit rien, c’est un choix, mais même les parents et la sœur n’ont pas l’air de se poser beaucoup de questions. Dans le roman, c’est juste un point de départ. Et c’est dommage.

Rien ensuite sur les maoris. Ils sont présentés comme ce qui perturbe le bon déroulement des choses, mais rien n’est creusé de leurs motivations, rien n’est dit sur leurs vies, leur culture, ni en bien ni en mal. Ils sont, là aussi, un point qui déclenche l’action.

Pas grand-chose non plus sur le pays, ou si peu. Quelques belles descriptions de sa géographie, l’évocation de la crise et, très légèrement, du racisme. Et c’est tout.

Et pour finir, c’est lent. Il ne se passe en fait pas grand-chose. Ce qui n’aurait pas été un problème si les thématiques abordées avaient été creusées, ou si l’histoire n’avait été qu’un prétexte à décrire des communautés, un pays, des gens … Mais comme là aussi on reste sur sa faim, on remarque d’autant plus que c’est lent.

Donc raté pour moi.

Carl Nixon / Sous la terre des maoris (Settler’s creek, 2010), l’Aube Noire (2017), traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Benoîte Dauvergne.

 

Corruption … aux antipodes

Il reste un peu de temps avant d’attaquer les romans de la rentrée. L’occasion de revenir sur les oubliés de l’année. Direction l’Australie avec La rose de fer de Peter Temple.

la rose de fer.inddMac Faraday est forgeron, il a repris la forge de son père et, les week-ends, il joue avec ses potes au footy (un machin incompréhensible joué uniquement en Australie et où on prend des coups) et va ensuite boire quelques bières au pub du coin.

Jusqu’au jour où son voisin et ami, grand ami de son défunt père se pend dans sa grange. Mac ne croit pas au suicide, les flics locaux semblent eux aussi avoir des doutes. Le passé de Mac va revenir, violemment. Car Mac n’a pas toujours été forgeron, et sa vie n’a pas toujours été aussi paisible et rangée …

Il semblerait qu’aux antipodes l’être humain reste l’être humain : Il y a des flics corrompus, une classe fortunée qui méprise ses concitoyens, des pourris toujours prêts à exploiter et faire souffrir les plus faibles, mais aussi l’amitié, des gens qui ont des valeurs et s’y tiennent …

On pourrait dire qu’on n’apprend rien, mais ce polar australien est bien mené, on y croise des personnages attachants, et l’auteur décrit très bien une petite communauté soudée par le travail, et plus précisément par le plaisir et la fierté d’un boulot bien fait qui apporte un peu de beauté au monde. Soudée également par les rencontres au pub, les blagues, les discussions et la varie solidarité qui en émane.

Un bon polar qui, sans révolutionner le genre, nous emmène loin de chez nous, dans un coin du monde habité par des humains que l’on aimerait avoir pour voisins (du moins pour certains d’entre eux).

Peter Temple / La rose de fer (An iron rose, 1998), Rivages/Thriller (2016), traduit de l’anglais (Australie) par Pierre Bondil.

Suspense dans le bush.

Une nouveauté, parue chez Payot / Suspense (à ce propos, quelqu’un sait comment ils décident qui va en Suspense et qui va en Rivages/Thriller chez Payot ?). Une nouveauté australienne et excellente qui plus est. L’étouffoir, de Phillip Gwynne.

Darwin. Pas le naturaliste, la ville située au nord de l’Australie. Loin de Sydney l’Olympique. La population étouffe dans l’attente des premières pluie. L’inspectrice Dusty Buchanon ne plait guère à sa nouvelle chef. Elle lui plait encore moins quand elle décide d’enquêter dans le bush, prêt d’un camp d’anciens du Vietnam. On y aurait vu un cadavre dans le billabong (mangrove locale). Vu les témoins (tous plus ou moins allumé, alcoolisés et/ou shootés) Dusty n’y croit guère, mais elle va voir. Et elle le voit, le cadavre ; qui malheureusement disparaît avant que la police scientifique n’arrive. Ce qui ne va pas empêcher Buchanon de s’entêter, et ne va pas arranger ses relations avec sa chef …

Rien de révolutionnaire dans ce roman australien, mais du très beau travail, parfaitement maîtrisé. Une enquête qui tient la route, sans effets de manche mais sans faille. Une écriture alerte, vive et pleine d’humour. Un personnage qu’on espère, dès sa première apparition, retrouver très bientôt : grande gueule, têtue, intelligente, sarcastique, et fragile, Dusty existe dès les premières pages, on s’y attache, on l’aime, et il nous tarde de la retrouver. Des personnages secondaires tout aussi incarnés, vivants, complexes, présents … bref attachants.

Et la belle description d’un coin du monde très peu connu des lecteurs français. Ce nord de l’Australie avec sa chaleur étouffante, ses routards, ses liens avec le sud-est asiatique plus proche que Sydney, ses habitants qui semblent être un peu les ploucs de l’Australie, loin des snobs de Sydney, ses populations aborigènes marginalisées …

Tout ce qu’on aime trouver dans un bon polar, tout ce qu’on adore retrouver dans une série. Vivement le suivant.

Phillip Gwynne / L’étouffoir (The build up, 2008), Payot/Suspense (2010), traduit de l’australien par Frédéric Grellier.

Paranos s’abstenir.

Un bon thriller bien construit, intelligent et qui vous fiche les jetons … C’est une nouveauté de chez Rivages, Un monde sous surveillance de Peter Temple (dont un roman a déjà été traduit à la série noire, Séquelles, totalement différent).

Constantine Niemand est garde du corps à Johannesburg. Jusqu’au jour où, malgré sa vigilance, le couple qu’il devait protéger est abattu par deux voleurs. Il réussit à tuer les assassins et se retrouve en possession d’une cassette. Une cassette qui vaut de l’or. C’est pourquoi il part pour Londres l’échanger contre une forte, une très forte somme. Il a juste sous-estimé la détermination de ceux qu’il veut faire chanter … et leur pouvoir de nuisance.

A Hambourg, John Anselm, ancien journaliste, jamais remis d’avoir été retenu en otage durant de longues semaines au Liban travaille maintenant dans une société qui fournit des renseignements. Sur tous, pour n’importe quel client … et très cher. Il ne sait pas, quand on lui demande de retrouver la trace d’un homme d’affaire sud-africain à Londres, que le passé va lui sauter à la figure.

Commençons par une mise en garde. Si vous avez une tendance à la paranoïa, si vous êtes persuadé qu’on peut, à tout instant, vous suivre à la trace, si vous avez la sensation tenace d’être surveillé à tout moment … Evitez de lire ce roman, il ne peut qu’aggraver votre cas. Parce que vous avez en partie raison …

Outre les saloperies commises au nom de la lutte contre le communisme en Afrique (guère plus, ni guère moins ragoutantes que toutes celles commises dans le monde entier), qui servent de prétexte à l’intrigue (c’est le fameux Mc Guffin de Tonton Alfred) c’est bien cela le sujet du roman. Effectivement, si l’on a de l’argent, beaucoup d’argent, et que l’on veut vous suivre à la trace, c’est possible, techniquement, et des sociétés sont prêtes à le faire, sans le moindre état d’âme. Voilà pour le fond.

La forme est parfaitement adaptée. Un thriller très efficace qui démarre sur les chapeaux de roues,  du suspense, de l’action, des coups de théâtre … Et de beaux personnages. Même si le mercenaire est un poil cliché (mais un cliché bien construit, donc un cliché qui marche), le journaliste est, à mon goût, parfaitement réussi, dans la veine connue mais toujours efficace des héros fragilisés par un passé traumatisant. Et dans ce style, c’est la première fois que je « rencontre » un ancien otage, la première fois que je vois un personnage rendre aussi cohérentes les failles, les terreurs et les blessures dues à un tel traumatisme.

Tout pour plaire donc … sauf si vous êtes parano.

Peter Temple / Un monde sous surveillance (In the evil day, 2002), Rivages/Thriller (2010), traduit de l’anglais (Australie) par Simon Baril.