Archives pour la catégorie SF-Fantastique-fantazy

La cité des marches

J’ai adoré la série des Maîtres enlumineurs de Robert Jackson Bennett. Je n’allais pas passer à côté de la traduction de sa trilogie antérieure, Les cités divines, dont voici le premier tome : La cité des marches.

Bulikov était autrefois le centre du monde. Quand le Continent et ses six divinités faisaient la loi sur le monde entier. Jusqu’à la révolte de Saypur, et à son général, le Kaj, qui a mis au point une arme pour tuer les Dieux. Alors Bulikov s’est effondrée, le Continent a sombré, et c’est Saypur qui règne.

C’est de là que venait un historien fouiller les archives de Bulikov. Il a été sauvagement assassiné. Et c’est Shara Thivani, nièce de la future première ministre, meilleure espionne de Saypur qui vient essayer de découvrir ce qu’il s’est réellement passé. Au risque de remuer un passé que beaucoup veulent oublier, et de réveiller d’antiques forces.

Comme il le fera plus tard avec Les maîtres enlumineurs Robert Jackson Bennett construit un monde métis plein de surprises : un poil de SF dans le style steampunk, un zeste de fantasy avec des miracles qui tiennent lieu de magie, et des bouts de Lovecraft.  Le tout parfaitement cohérent et passionnant.

De même il construit des personnages auxquels on s’attache tout de suite, et que l’on aura beaucoup de plaisir à retrouver le plus vite possible.

Et tout cela, comme dans la série suivante, parle directement et très finement de notre monde. Les maîtres enlumineurs s’attaquaient à l’informatique, La cité des marches s’intéresse aux religions, à la fabrique des croyances et des divinités, à leur relativité, et aux impacts forts de ces croyances sur la vie des croyants. Autant de thématiques  traitées avec intelligence, imagination mais sans concession pour les travers de nos sociétés transposées dans ce monde imaginaire.

Vivement la suite.

Robert Jackson Bennett / La cité des marches, (City of stairs, 2014), Albin Michel/Imaginaire (2024) traduit de l’anglais (USA) par Laurent Philibert-Caillat.

Sweet Harmony

Vous avez remarqué que j’aime beaucoup la collection Une heure lumière. Et que j’ai adoré les trois novellas de Claire North autour de la maison des jeux. Je ne pouvais pas manquer cette nouvelle traduction : Sweet Harmony.

Harmony Meads a une vie de rêve. Agente immobilière star elle rayonne. Il y a juste un petit truc qui pourrait clocher. Si Harmony est rayonnante c’est qu’elle a souscrit à beaucoup, beaucoup de programmes pour les nanos qui la rendent si parfaite. Et ça coûte cher. Car si dans ce futur à Londres les nanos assurent à tous une couverture minimum contre la rougeole, la grippe etc … les extensions elles coûtent. Mais comment résister à Puissant maintient qui vous fait un corps de rêve même si vous n’avez pas trop le temps de faire du sport, à Yeux brillants, Voix d’ange ou à Sourire éclatant

D’autant que ça plait beaucoup à son époux Jiannis, financier en vogue et que ça lui apporte des clients. Jusqu’au jour où, catastrophe, elle se retrouve avec un bouton. Parce qu’elle ne peut plus payer, et ce n’est que le début, le tout début de ses ennuis.

Brillantissime. C’est ce qui me vient spontanément à l’esprit. Claire North fait un petit pas en avant dans le futur, force à peine le trait de quelques-uns des travers de nos sociétés et le fait de façon magistrale.

L’intrigue est brillante, complètement découpée dans le temps, exposée façon puzzle mais sans jamais perdre le lecteur. La progression ainsi éclatée est implacable. On sourit beaucoup au début, tant la situation semble absurde, puis le sourire se crispe, de plus en plus, et on ne sourit plus du tout. Quant à la chute elle est à la fois tout en finesse et magistrale. Du grand art.

Puis il est époustouflant de voir la quantité de thématiques actuelles soulevées dans un format aussi court. Privatisation de la médecine, importance de l’apparence, domination masculine, aliénation à la mode, au travail, vide d’une vie consacrée à la consommation … Et j’en passe. Tout cela sans aucune théorie, juste une histoire et des dialogues où tout, absolument tout sonne parfaitement juste.

Vraiment un des meilleurs textes d’une collection qui brille pourtant par la constance de sa qualité. A lire vraiment, par tous, même ceux qui sont habituellement réfractaires à la SF.

Claire North / Sweet Harmony, (Sweet Harmony, 2020), Le Belial/Une heure lumière (2024) traduit de l’anglais par Michel Pagel.

De l’espace et du temps

Cela faisait un moment que je n’avais pas exploré la collection Une heure lumière. Encore un joli texte : De l’espace et du temps d’Alastair Reynolds.

Quelque part dans le futur, sur la base martienne, il ne reste plus que Katrina Solovyova, qui est mourante, et John Renfrew. Depuis la catastrophe survenue sur Terre, cela fait un moment qu’il n’y a plus aucun signal venant de l’humanité. A la mort de Katrina, John se retrouve donc le dernier humain vivant, isolé sur une base qui petit à petit se détraque et qu’il ne sait pas vraiment réparer.

Une perspective très peu réjouissante, mais John s’accroche, jusqu’à ce que …

Encore un texte original dans cette magnifique collection. Le démarrage est pour le moins déprimant et on se demande comment l’auteur va bien pouvoir nous intéresser sur la centaine de pages de la novella. Et paf, coup de théâtre et changement complet de perspective et de thématique, dont je ne dirai évidemment rien tant il serait fort malvenu de gâcher le plaisir des futurs lecteurs.

Juste pour dire qu’on bascule alors dans un récit beaucoup plus centré sur l’intellect et la connaissance, pour arriver sur une très jolie conclusion qui nous ramène à l’humain et aux émotions. Je sais, ce n’est peut-être pas très clair, difficile de l’être sans raconter l’histoire, mais j’espère que ce résumé est assez intrigant pour vous donner envie de découvrir ce texte.

Alastair Reynolds / De l’espace et du temps, (Understanding space and time, 2005), Le Belial/Une heure lumière (2024) traduit de l’anglais par Laurent Queyssi.

Qui après nous vivrez

Hervé Le Corre a souvent fait un pas en arrière, avec Qui après nous vivrez, il fait un pas en avant.

Quelque part au milieu du XXI° siècle, d’un coup, dans un pays aux prises avec épidémies, guerres et canicules l’électricité est coupée. Entièrement et définitivement. C’est immédiatement le chaos. Martin, Rebecca et leur fille Alice vivent dans un appartement, dans une grande ville. Un matin Martin part travailler et ne revient pas.

Des années plus tard, dans une campagne livrée aux bandes armées, Nour et sa fille Clara se sont associées à Marceau et son fils Léo pour survivre. Et tentent de trouver un havre de paix dans un pays devenu totalement barbare où règne la loi du plus fort.

Si avec les guerres en cours, la montée des fachos et la nomination du nouveau gouvernement vous avez besoin de lire quelque chose de léger et réconfortant, je vous conseille de passer votre chemin. On ne va pas se mentir, le dernier roman d’Hervé Le Corre est plombant. Et vous vous en doutez extrêmement bien écrit.

L’anticipation qu’il fait ici est particulièrement pessimiste, même s’il serait très difficile de dire sur quel point elle est exagérée. Il faut sans doute y voir un conte philosophique qui résume ses craintes sur un avenir possible. Craintes qu’il est difficile de ne pas partager. On peut juste espérer que tout, absolument tout, n’aille pas aussi mal. Il en résulte un roman terrifiant, qui fait la part belle à quelques magnifiques portraits de femmes et qui offre, de temps en temps, de très rares et très éphémères percées lumineuses dans les ténèbres qui tombent sur les personnages.

C’est beau et désespérant, à vous de voir si vous êtes d’humeur à vous y plonger.

Hervé Le Corre / Qui après nous vivrez, Rivages (2024).

La maison des chaînes

J’ai attaqué les vacances avec le quatrième volume du Livre des martyrs de Steven Erikson, La maison des chaînes.

Retour sur le continent du deuxième volume, où l’on va retrouver la rébellion qui s’en prend à l’empire, avec cette fois la bras droit de l’impératrice venue en personne retrouver les survivants des batailles dantesques du volume deux. Mais elle ne sera pas seule, comme dans les volumes précédents, on va retrouver quelques personnages connus et en découvrir de nouveaux.

Avec ici une sorte de barbare, Karsa Orlong, parti de chez lui pour conquérir la gloire et tuer autant d’ennemis que possible, mais dont le destin va se révéler beaucoup plus complexe que prévu. Ajoutez des Brûleurs de pont, mages, dieux et déesses, et dans le camp de la rébellion un micmac incroyable ou chaque personnage a ses propres objectifs.

Comme dans le troisième volume certaines choses commencent à devenir plus claires, même si on ne comprend pas tout. J’avoue avoir préféré les moments où on se trouve au raz du sol, avec les soldats de base ou le barbare qui subissent les manigances des grands mages et des dieux que lorsque l’on se trouve plongé dans des complots à multiples étages.

Certes c’est une lecture exigeante, c’est touffu, il y a beaucoup de personnages, mais le souffle est là, un exploit alors que l’on approche (ou dépasse) les 4000 pages et qu’on n’en est pas encore au milieu de la saga.

A suivre donc, dans quelque temps.

Steven Erikson / La maison des chaînes, (House of chains, 2002), Editions Leha (2019) traduit de l’anglais (Canada) par Nicolas Merrien.

Les souvenirs de la glace

Avec un petit coup de mou dans la lecture de polars, j’ai attaqué le troisième volume du Livre des martyrs de Steven Erikson, Les souvenirs de la glace.

Après un deuxième volume qui nous avait éloigné des Bruleurs de ponts qui se trouvaient au centre du premier volume, nous allons les retrouver ici, associés avec leurs anciens ennemis pour tenter de combattre un nouvel ennemi terrifiant. Un tyran sanguinaire qui détruit petit à petit le continent de Genabackis avec ses armées de fanatiques religieux.

N’oublions pas tout de même, un Dieu Estropié qui rumine sa vengeance, une ancienne race maudite qui pourrait trouver sa rédemption, des mages, des sorciers, des Dieu réincarnés … et au milieu de tout ça, des soldats très terre à terre.

J’avais indiqué lors de la lecture des deux premiers volumes qu’il fallait s’accrocher et accepter de ne pas toujours tout comprendre pour se laisser emporter par le souffle des romans. Dans ce troisième volume (qui pèse plus de 1000 pages), je n’irais pas jusqu’à dire que tout s’éclaire, mais on commence à comprendre certaines choses et on n’est pas perdu, même au début. Et on retrouve toujours le même souffle.

Humour de certains dialogues, une multitude de personnages, des groupes qui ont chacun leur intérêt et leur raisons cachées et des Dieux qui ne sont ni plus sages, ni même parfois plus malins que les humains, juste plus puissants.

Et encore une fois des scènes de batailles épiques d’une puissance assez époustouflante, avec ici le siège d’une ville par des hordes affamées complètement hallucinées et un déchainement de puissance et de magie dans la bataille finale. On se prend à rêver de ce que pourrait donner l’adaptation en série d’un tel matériau. Ce qui est certain c’est que je suis bien accroché et que je lirai la suite, à mon rythme.

Steven Erikson / Les souvenirs de la glace, (Memories of ice, 2001), Editions Leha (2019) traduit de l’anglais (Canada) par Nicolas Merrien.

Deux novellas SF

Deux novellas de la collection d’Une heure Lumière : Houston, Houston, me recevez-vous ? de James Tiptree Jr et Barbares de Rich Larson.

Le Sunbird, un vaisseau habité lancé pour faire le tour du soleil. A bord un équipage de la NASA avec le capitaine Bernhard Geirr, le major Norman Davis et un scientifique, le docteur Orren Lorimer. Ils sont dans une situation délicate ayant essuyé une très grosse tempête solaire, mais maintenant, ils sont de nouveau en vue de la Terre. Problème, Houston ne répond plus, et c’est une autre voix qui leur parvient, en provenance d’un vaisseau, l’Escondita. Ils ne sont pas au bout de leurs surprises.

C’est la première fois que je suis déçu par un texte dans cette collection. L’effet de surprise annoncé en quatrième de couverture est assez prévisible, la vague explication scientifique du pourquoi de l’intrigue est assez faible, mais surtout les personnages sont très caricaturaux. Je sais bien qu’il faudrait se replacer dans le contexte de 1976, mais quand même … Que ce soit les rapports entre les trois hommes d’équipage, ceux des membres du vaisseau qui les recueille, ou ceux entre sauveteurs et sauvés, tous sont très forcés et peu crédibles. Alors certes, on peut lire ça comme un conte philosophique, mais même ainsi il manque singulièrement de finesse.

Tout autre ambiance dans Barbares qui lui ne s’embarrasse pas d’une quelconque explication scientifique. On est dans le space opera le plus débridé. On a un Nagevide, créature gigantesque qui voyage dans l’espace. Celui-ci est mort et sa carcasse dérive autour d’une géante gazeuse. On a Yanna et Hilleborg, deux contrebandiers, enfin un et demi, Hilleborg étant réduit à une tête reliée à un dispositif qui la maintient en vie. Et on a deux jumeaux richissimes qui les ont embauchés pour visiter la carcasse en décomposition. Mais, car il y a un mais, il y a des charognards potentiellement mortels sur la carcasse, Yanna n’est pas spécialiste de la biologie des nagevides comme elle l’a prétendu, et les jumeaux n’ont pas tout dit sur le but de leur visite. C’est parti, ça va saigner.

Un volume qui est à ranger aux côtés des numéros pas trop sérieux. L’auteur s’amuse à créer un univers hors norme et y plonge des personnages dont les motivations sont, elles, très humaines, avec au centre l’éternel pognon (ou ce qui le remplace en ces temps et ces lieux). C’est imaginatif, rythmé et le final est bien trouvé. Pas le meilleur de la collection, mais un bon moment de lecture.

James Tiptree Jr /Houston, Houston, me recevez-vous ?, (Houston, Houston, Doyou read ?, 1976), Le Belial / Une heure lumière (2023) traduit de l’anglais (USA) par Jean-Daniel Brèque.

Rich Larson /Barbares, (Barbarians, 2023), Le Belial / Une heure lumière (2023) traduit de l’anglais par Pierre-Paul Durastanti.

L’armée fantoche

La conclusion de la double trilogie de La Tour de Garde est parue, c’est L’armée fantoche, Capitale du Nord 3 de Claire Duvivier.

Amalia et Yonas ont fui la ville de Dehaven en plein chaos pour se réfugier dans le ruines de la tour de garde. Où ils seront rapidement rejoints par Nox et Symère qui eux ont fui Gemina. Tous ils commencent à bâtir un nouveau modèle, un refuge à la Tour de Garde.

Une partie des obstacles qu’il leur faudra surmonter est déjà contée dans Les contes suspendus, Capitale du Sud 3, ils seront juste évoqués ici pour se concentrer sur Amalia, Yonas et la lutte d’Amalia contre la créature qui les a chassés de Dehaven.

Difficile de faire un résumé de ce tout dernier volume sans être obligé de rappeler les précédents, ce qui n’est pas très agréable pour ceux qui souhaiteraient attaquer la série. Ce qu’on peut dire sans rien dévoiler c’est que volume conclut parfaitement une double trilogie très originale.

Moins centré sur le domaine de La Tour de Garde que le 3° de la sous-série Capitale du Sud, L’armée fantoche s’attache surtout à boucler les mystères résiduels de la sous-série Capitale du Nord avec un certain nombre de coups de théâtres et de scènes de bravoure. On s’intéressera également à l’évolution du personnage d’Amalia qui va voir beaucoup de ses certitudes vaciller.

L’ensemble des deux sous-séries forme au final un tout parfaitement cohérent, malgré des univers, des personnages et des styles d’écriture qui, dans les premiers volumes, semblent très différents. Ne serait-ce que pour cette construction très originale et très réussie, la lecture des six volumes est hautement recommandable. Ajoutez, un vrai sens de la narration qui vous scotche aux bouquins, le jeu consistant à tenter de retrouver ce qui inspire telle et telle ville, et des thématiques qui recoupent fortement celles de notre monde actuel (accueil des migrants, construction de systèmes politiques, corruption du pouvoir …), et vous avez six romans indispensable dans toute bibliothèque qui ne soit pas totalement réfractaire à tout ce qui n’est pas « réaliste ».

Claire Duvivier / L’armée fantoche, Capitale du Nord 3, Aux forges de Vulcain (2023).

La république des voleurs

Une petite respiration avant la plongée en apnée dans Toulouse Polars du Sud : le troisième volume des salauds gentilshommes, La république des voleurs de Scott Lynch.

Si vous avez suivi les deux premiers épisodes (et il vaut mieux pour lire le troisième), vous vous souvenez que l’on avait laissé nos deux amis Locke et Jean dans un sale état. Surtout Locke, condamné pour avoir avalé un poison noir que personne ne sait soigner.

Bien entendu, c’est au moment où la situation semble la plus désespérée qu’une Mage Esclave vient leur faire une proposition qu’ils ne pourront pas refuser : Elle sauve Locke, et en contrepartie les deux voleurs viennent aider le parti de la magicienne à gagner une élection dans leur ville. Election qui a lieu tous les 5 ans. Ce qu’elle ne dit pas tout de suite c’est qu’en face, les adversaires aussi sont allé chercher une aide. Celle d’une jeune voleuse rousse, la seule peut-être meilleure que Locke, dont il est éperdument amoureux et qui a disparu de sa vie depuis 5 ans.

Comme pour les deux premiers tomes, un plaisir de lecture au premier degré qui fait que le pavé se lit tout seul. C’est vif, picaresque, les dialogues claquent, les allers-retours présent-passé sont parfaitement utilisés. On a le plaisir de retrouver deux personnages que l’on apprécie beaucoup, et ce plaisir est augmenté par la découverte de la fameuse voleuse dont Locke est amoureux. Un sacré personnage elle aussi.

Si on veut pinailler, on peut trouver qu’il y a avant l’emballement final, une petite perte de rythme et que l’auteur aurait pu un peu resserrer. Mais pour ceux qui veulent une lecture qui ne prend pas la tête mais ne prend pas le lecteur pour un imbécile, je ne peux que conseiller ce troisième volume.

Scott Lynch /La république des voleurs, (The republic of thieves, 2013), Bragelonne / Fantasy (2023) traduit de l’anglais (USA) par Olivier Debernard.

Le dernier des aînés

Ca faisait un petit moment que je n’avais rien lu dans l’excellente collection Une heure lumière. Encore une très bonne pioche avec Le dernier des aînés d’Adrian Tchaikovsky.

Quelque part un royaume, une princesse, Lynesse la Quatrième Fille, et des rumeurs de démon, quelque part de l’autre côté des forêts. Lynesse se souvient que les histoires racontent que sa grand-mère avait eu besoin de l’aide du grand sorcier Nyrgoth qui vit dans sa tour sur la montagne pour se défaire du démon Ulmoth. Et les histoires racontent que Nyrgoth a promis d’aider sa famille si elle devait connaître un nouveau danger. Donc Lynesse prend son courage à deux mains et malgré l’opposition de sa mère va réveiller le grand sorcier.

Mais Nyrgoth n’est pas un sorcier. Son nom est Nyr Illim Tevitch, anthropologue de deuxième classe au service d’exploration terrien. Et oui, il y a bien longtemps l’humanité a essaimé. Puis a eu de problèmes sur Terre, et a laissé ses colonies se débrouiller. Pour revenir et envoyer des missions scientifiques observer les colons quand la situation c’est de nouveau améliorée. Mais là ça doit coincer, parce que ça fait des siècles que Nyr n’a plus aucun contact avec la Terre. Et il n’a aucune envie de refaire la même erreur qu’avec la grand-mère de Lynesse, à savoir sortir de sa position d’observateur neutre. D’un autre côté Lynesse ressemble de façon troublante à sa grand-mère et Nyr s’ennuie, et même déprime. Alors …

Première chose à dire, c’est très fin et très drôle. Certes on ne rit pas aux éclats, mais on sourit beaucoup. Les chapitres alternent, du point de vue de Lynesse et de Nyr, ce qui donne en permanence deux points de vue sur ce qu’il se passe, deux points de vue bien entendu en apparence complètement incompatibles. L’un parle de science, l’autre comprend magie.

Une façon originale et parfaitement orchestrée de mêler fantasy et SF. Et d’ouvrir une réflexion sur notre monde où, faute d’un minimum de connaissance scientifiques, beaucoup de faits de la vie quotidienne peuvent sembler relever de la magie. Sans parler d’une réflexion sur l’incommunicabilité, et pas seulement entre des groupes humains séparés par des siècles de développement technologique.

Original, fin, divertissant et ouvrant la voie à la réflexion. Que demander de plus ?

Adrian Tchaikovsky /Le dernier des aînés, (Elder race, 2021), Le Belial / Une heure lumière (2023) traduit de l’anglais (USA) par Henry-Luc Planchat.