Archives pour la catégorie Polars latino-américains

La casse

Je découvre une autrice argentine qui en est pourtant à son quatrième roman traduit : La casse d’Eugenia Almeida.

Deux jeunes cons, bourrés, tuent quelqu’un. Et sans demander conseil, un truand les descend, avec l’intention de rappeler qui est le patron du coin, à savoir Durruti qui contrôle la casse. Mais Durruti n’était pas d’accord, il trouve que ça attire l’attention. Tout cela résumé en un dialogue de quelques pages dans le premier chapitre. Et il a raison, à partir de là tout dérape. Malgré Landro, flic haut placé qui travaille main dans la main avec Durruti. Malgré le ministre qui trempe dans ces affaires, malgré …

J’avoue que j’ai eu un peu de mal à rentrer dans le bouquin. Le début est quasiment uniquement construit autour de dialogues qui peuvent paraitre décousus. Mais petit à petit, la cohérence de l’ensemble commence à apparaitre, et on est de plus en plus accroché. Et quand tout part complètement en sucette on ne le lâche plus.

Le tableau qui en résulte est effrayant. On ne sait pas exactement où on est, sans doute dans un quartier en périphérie de Buenos Aires. Ce qui frappe c’est la violence et un système de corruption généralisé, du plus simple flic au ministre, sans épargner aucune strate entre les deux. Et malheur à qui voudrait s’y opposer.

Pas un roman aimable, ni un roman facile, mais un roman fort.

Eugenia Almeida / La casse, (Desarmadero, 2022), Métailié/Noir (2024) traduit de l’espagnol (Argentine) par Lise Belperron.

Des larmes de crocodile

Vous avez peut-être lu L’autre femme de l’uruguayenne Mercedes Rosende. Si ce n’est pas le cas, il est toujours temps, avant de vous plonger dans la suite des aventures d’Ursula Lopez : Des larmes de crocodile.

Souvenez-vous, il y a deux Ursula Lopez. La bourgeoise occupée par l’entretien de son corps dont on avait enlevé le mari, et la traductrice qui se trouve grosse que les ravisseurs avaient appelée par erreur. Suite à l’imbroglio, la traductrice, notre narratrice, jalouse, surveille l’autre. Et l’un des ravisseurs, un vrai bras cassé se retrouve en prison. Où il va contracter une dette auprès d’un vrai psychopathe.

Résultat, à sa sortie arrangée par l’avocat de l’affreux il est obligé de prendre part à l’attaque d’un fourgon blindé. Et comme ce n’est pas le plus courageux des hommes, il va reprendre contact avec Ursula, la nôtre, pour l’aider. Une femme qui a entrevu la possibilité de gagner de l’argent facile et de quitter enfin une vie terne qui lui fait horreur. Attention, quand les barrières morales tombent, ça peut faire mal.

Premier conseil, oui il vaut vraiment mieux avoir lu le premier avant d’attaquer le second. En plus il est court, rythmé, original et drôle. Autant de qualificatifs qui s’appliquent également à ce second volume. Mais auxquels il faut ajouter noir.

Parce que la frustration, les sévices du passé et la haine accumulée d’Ursula remontent à la surface. Une digue a rompu et ce qui arrive n’est pas forcément joli. Ajoutez à cela quelques personnages bien tordus qui entrent en scène : fini les bras cassés plus drôles qu’inquiétants, place aux vrais psychopathes, tordus religieux et corrompus. Donc le tableau se noircit sérieusement, sans que pour autant l’autrice change son style d’écriture qui reste vif et alerte. Il en résulte un contraste très réussi qui agace les dents et crispe le sourire.

Cerises sur le gâteau, vous visiterez différents quartiers de Montevideo, ville que l’on connait mal en littérature, et l’arrivée d’un nouveau personnage, une flic mise sur la touche mais qui ne lâche rien, promet une suite réjouissante.

Mercedes Rosende / Des larmes de crocodile, (Miserere de los cocodrilos, 2016), Quidam (2024) traduit de l’espagnol (Uruguay) par Marianne Millon.

Celles qu’on tue

Allez, le dernier polar de l’année, c’est pas le plus gai, Celles qu’on tue de Patricia Melo.

La narratrice est avocate à São Paolo. Avec une vie marquée par l’assassinat de sa mère par son père. Quand son ami, lors d’une soirée, la gifle, elle le quitte et accepte de partir dans le Cruzeiro do Sul pour le compte du cabinet qui l’emploie. Sa chef veut écrire un livre sur les féminicides, et elle part couvrir l’assassinat d’une jeune indienne par trois jeunes de la très bonne société locale.

Elle ne se doute pas à ce moment là que ce séjour en Amazonie, dans la région du pays qui compte le plus de meurtres de femmes, va changer sa vie entière.

Je n’ai pas lu tous les romans de Patricia Melo, mais elle a écrit au moins deux pépites de noirceur, O matador et Monde perdu, qui nous plongeaient dans la tête d’un gamin de favela de Sao Paolo qui devient un tueur. Si ici la narratrice est plus aimable (dans tous les sens du terme), le roman n’en est pas moins noir.

Car c’est la description d’un système qui permet de tuer les femmes en toute impunité qui est ici décrit. Pas de complot, pas de grande organisation, juste une société, du système judiciaire à la presse en passant par la police et la politique qui trouve normal qu’un mari/frère/amant/père tue une femme parce qu’elle l’a cherché, parce qu’elle l’a trompé, parce qu’elle le fatigue parce que …

Et s’il s’agit d’une pauvre, d’une noire, ou pire d’une indienne, il n’y a même plus besoin de faire semblant de chercher une excuse à la con. C’est effrayant, insupportable. Et accompagné de la description dans cet état, de la destruction avec la même impunité des communautés indigènes et de la nature.

Heureusement il y a quelques belles pages sur la solidarité, sur la découverte du monde de la forêt, sur des rêves de revanche. Quelques rayons de soleil dans un monde bien sombre.

Un très beau roman, dérangeant mais d’utilité publique, aussi sombre que l’année de merde que l’on vient de vivre.

Patricia Melo / Celles qu’on tue, (Mulheres empilhadas, 2019), Buchet Chastel (2023) traduit du portugais (Brésil) par Elodie Dupau.

PS. Cette année je n’ai pas fait de bilan de lecture pour une raison très simple : j’ai eu la flemme. Bon réveillon à toutes et à tous, à l’année prochaine.

A balles réelles

Un polar nicaraguayen annoncé chez Métailié. A balles réelles de Sergio Ramírez, qui m’a laissé perplexe.

Dolores Morales, ex flic, détective privé, expulsé au Honduras revient en fraude avec son compère Rambo parce que son amie la plus chère se bat contre un cancer. Il devra se cacher de Tongolele, le flic de l’ombre qui l’a dans le collimateur. Pour comble de malchance, il arrive au moment où les étudiants se révoltent contre les conneries ésotériques de la première dame, entre autres absurdité et horreurs du régime. Pourtant bien entouré, il ne pourra pas grand-chose contre la répression violente qui va s’abattre sur eux.

Il me semblait avoir déjà lu un polar de cet auteur, j’ai vérifié, j’avais effectivement lu le premier de la série Il pleut sur Managua, un polar intéressant sans être non plus exceptionnel. Cette fois, je suis complètement passé à côté.

Pour commencer, même s’il y a des dizaines, voire des centaines de morts, ce n’est pas un polar. Morales ne mène aucune enquête, il se contente de rester planqué. Mais surtout, j’ai du mal à comprendre le fil narratif. Ca part dans tous les sens. Je suppose que la finalité est de raconter la répression sanglante du mouvement étudiant, mais dans le chaos des chapitres ce n’est qu’une partie du roman. On navigue entre les délires ésotérico pouet pouet d’une première dame que l’on ne voit jamais, les magouilles d’un certain nombre de flics de l’ombre et les réflexions de Morales et ses amis (y compris un revenant) planqués chez un curé de choc. C’est complètement barré.

Le problème quand on écrit un roman aussi échevelé, c’est que c’est très difficile de garder une cohérence et un fil conducteur, et d’éviter de donner l’impression d’un grand n’importe quoi. Et de mon point de vue ici c’est raté. Comme j’ai vu sur la quatrième que l’auteur avait gagné de nombreux prix, je me dis que peut-être c’est moi qui suis hermétique à sa prose. Ce qui est certain c’est que je suis vraiment et complètement passé à côté.

Sergio Ramírez /A balles réelles, (Tongolele no sabía bailar, 2021), Métailié (2023) traduit de l’espagnol (Nicaragua) par Anne Proenza.

Ouragans tropicaux

Leonardo Padura est un grand, la parution d’un nouveau Mario Conde est une fête : Ouragans tropicaux.

Le commerce des livres anciens ne marche plus et Mario Conde, qui a dépassé la soixantaine, se rapproche peu à peu de la misère. Pour aggraver la situation Tamara s’apprête à partir pour une durée indéterminée en Italie, visiter son fils et son petit-fils. Alors qu’autour de lui tout est en effervescence, avec la venue programmée d’Obama, des Stones et d’un défilé Chanel, Mario broie du noir. Pour oublier un peu il s’est mis à écrire un roman autour de la figure de Alberto Yarini, fils de bonne famille, proxénète, homme politique adulé par les foules qui eut une existante aussi brillante et brève que la comète de Halley qui en 1910 menaçait la Terre en général et La Havane en particulier.

C’est alors que deux évènements vont infléchir le cours de sa vie, pour un temps. Son copain Yoyi, entrepreneur très débrouillard, l’embauche comme vigile dans son restaurant musical le Dulce Vida, avec repas du soir et un salaire mirobolant. Il s’agit de s’assurer qu’il n’y a pas de trafic de drogue dans le restaurant. Et son ancien adjoint, Manolo Palacios le sollicite pour l’aider dans une affaire qui fait grand bruit en haut lieu : Reynaldo Quevedo a été assassiné, et avec la venue d’Obama il ne reste plus personne pour enquêter. Et qui était Quevedo ? Une des pires censeurs des années 70, ayant brimé et jeté dans la misère des dizaines d’artistes, et selon Conde : « un putain de gros salopard ». Même s’il se sent plus de sympathie pour l’éventuel assassin que pour la victime, Conde accepte.

En quelques phrases on est de retour. De retour à La Havane, de retour avec Mario Conde, Flaco, Josefina, Tamara, Candido … Quel plaisir, immense, d’y retourner, dans cette ambiance de nostalgie, de rage et en même temps d’espoir, avec cette capacité unique qu’à l’auteur de nous faire ressentir physiquement les brefs moments de bonheur, où l’amitié, le rhum, la musique et les plats de la magiciennes Josefina créent une bulle de d’émotion et de rire dans un océan de malheur. Rien que pour cela, chaque nouveau roman de la série est un pur bonheur que nous offre Padura.

Mais ce n’est évidemment pas tout. Au-delà de dialogues et d’une intrigue qu’il maîtrise parfaitement dans cette dixième aventure de Conde, une fois de plus, il nous fait vivre le présent mais également la mémoire du passé. Au travers de deux moments clé : 1910 et la peur de la comète autour du personnage flamboyant de Yarini, et la parenthèse surréaliste de la visite d’Obama et du concert des Stones. Il nous replonge, au travers des saloperies de Quevedo dans la censure des années 70, censure qui, sous couvert de pureté idéologique, a permis à certains salopards de donner libre court à leur haine et leur frustration sans oublier de s’enrichir personnellement. Et nous fait vivre l’incompréhension de Conde face à un monde où l’arrivée de touristes ne profite qu’à quelques petits malins.

Pour résumer, et cela devrait suffire aux fans, c’est un des meilleurs Conde, au niveau des Brumes du passé, et c’est un grand Leonardo Padura, ce qui n’est pas peu dire. Si par hasard (mais est-ce vraiment possible ?) certains ici ne connaissaient pas, précipitez-vous sur les premiers d’abord (en commençant par Passé parfait), puis lisez-les tous.

Leonardo Padura /Ouragans tropicaux, (Persona decentes, 2022), Métailié (2023) traduit de l’espagnol (Cuba) par René Solis.

Colombian Psycho

Revoici Santiago Gamboa et les personnages déjà rencontrés dans Des hommes en noir. Ils reviennent dans Colombian Psycho.

Bogota, l’hiver, il pleut. Il pleut beaucoup même. Et ce sont les torrents de pluie qui mettent à jour des ossements, deux bras et deux jambes. Mais où est dont le reste ? Là une première surprise de taille attend le procureur Jutsiñamuy. Dans une enquête qui va rapidement se révéler beaucoup plus complexe et dangereuse qu’il n’y paraissait, il va avoir besoin de l’aide de la journaliste Julieta et de son assistante, ancienne de FARC, Johana. Une enquête qui va remettre en lumière les années de guerre sanglante et les exactions des paramilitaires.

Attention, gros roman, bien dense, de presque 600 pages. On y croise des fous de dieu, une voyante, l’écrivain Santiago Gamboa, un pseudo chamane … Pourtant l’intrigue est bien maîtrisée et le lecteur suit facilement les méandres de l’enquête. On prend beaucoup de plaisir à retrouver des personnages surement représentatifs de la société colombienne mais qui sont assez inhabituels pour le lecteur français. Les personnages secondaires sont également très réussis. Les dialogues fonctionnent bien. Donc au premier degré de lecture c’est un plaisir.

Et puis il y a Bogota et la Colombie. Un pays qui n’a pas encore pansé ses blessures (et c’est bien normal, elles sont récentes). Un pays où l’armée ne semble pas avoir purgé ses liens avec les milices paramilitaires, un pays qui semble ne pas accepter totalement le processus de paix.

Et en même temps un pays qui ressemble à tant d’autres, où ceux qui ont le fric et le pouvoir en veulent toujours plus et se considèrent comme au-dessus des lois. A la fois lointain, exotique, et désespérément familier.

Santiago Gamboa / Colombian Psycho, (Colombian Psycho, 2021), Métailié (2023) traduit de l’espagnol (Colombie) par François Gaudry.

Double fond

Un roman à côté duquel j’étais passé lors de sa sortie, Double fond de l’argentine Elsa Osorio.

Marie Le Boullec, médecin à l’hôpital de Saint-Nazaire est retrouvée morte, noyée. Elle vivait seule depuis la mort de son mari, photographe, fils d’une famille connue dans la région. Muriel, jeune journaliste de la feuille de chou locale va se passionner pour cette femme dont elle va rapidement découvrir qu’elle était d’origine argentine, et que son identité avant son mariage était bien mystérieuse.

Et qui est Juana, ex guérillera de l’ERP puis montonera, ces mouvements d’extrême gauche des années 70 en Argentine victimes de la sanglante guerre sale menée par la junte de Vidella à partir de 76. Une femme qui fut prisonnière à l’école de Mécanique de sinistre mémoire, puis collabora pour sauver la vie de son fils. Héroïne ? Traitre ? C’est ce que l’on va peu à peu découvrir au travers d’une longue lettre qu’elle écrit à ce fils.

Et quel est le lien avec Marie Le Boullec ?

Attention grosse claque.

Ce n’est pas le plus important, loin de là, mais il faut quand même le dire, l’intrigue est parfaitement tricotée, tordue à souhait, vous baladant d’un côté à l’autre à vous rendre parano.

Mais ce sont surtout les personnages, et l’horreur décrite qui vont vous tordre les tripes. On a beau penser tout savoir sur la saloperie de la junte argentine, la torture, les disparus, les gamins volés, les mères de la place de Mai, la folie des militaires … le revivre décrit avec un tel talent vous remet un très grosse claque.

Et on en apprend encore. Sur la cupidité de ceux qui commandaient, sur leur arrogance, sur leur violence permanente, sur leurs tentatives pour apparaître aux yeux du monde comme des dirigeants « normaux ». Et on revit, pour les moins jeunes d’entre nous, ce mondial honteux de 78, où des foules de supporters sont allé faire la fête à moins d’un kilomètre d’un endroit où l’on pratiquait les pire tortures, certaines d’ailleurs enseignées aux argentins par des militaires français.

Un roman bouleversant, intelligent et sinistrement instructif.

Elsa Osorio / Double fond, (Doble fondo, 2017), Métailié (2018) traduit de l’espagnol (Argentine) par François Gaudry.

Notre part de ciel

Chouette un nouvel auteur argentin chez Rivages. Notre dernière part de ciel de Nicolás Ferraro.

Quelque part dans le nord-est de l’Argentine, du côté de Misiones ou Corrientes, pas trop loin de la triple frontière avec le Brésil et le Paraguay. Un avion transportant de la drogue se crashe. Les convoyeurs survivent et sauvent une grande partie de la marchandise. Mais quelques kilos sont tombés en route et ont été récupérés par des locaux qui y voient une fortune qui leur permettra de prendre un nouveau départ.

Malheureusement pour eux, la philanthropie ne fait pas partie des qualités principales des « légitimes » propriétaires des kilos en question qui envoient donc une équipe expéditive récupérer les paquets.

On le voit, on a là un grand classique. Et dans ce genre de roman la question est toujours : est-ce que l’un d’eux va s’en sortir ou vont-ils tous se faire dessouder ? Et comment ? Je ne répondrai évidemment pas à ces questions pour vous laisser le plaisir de découvrir les réponses.

Nicolás Ferraro que je découvre là fait le boulot. Il soigne le décor, donne un aperçu de la société argentine dans ces campagnes éloignées loin de Buenos Aires, et sait alterner le présent et quelques souvenirs qui étoffent les personnages et les rendent attachants (enfin pas tous). Les scènes de bastons obligatoires sont bonnes, et il n’y aura guère de pitié.

Bref sans être le polar de l’année, ça se lit très bien et on passe un bon moment. A réserver aux amateurs de jeu de massacre.

Nicolás Ferraro / Notre dernière part de ciel, (El cielo que nos queda, 2019), Rivages/Noir (2023) traduit de l’espagnol (Argentine) par Alexandra Carrasco et George Tyras.

Le dernier Hammett

Juan Sasturain, vétéran du polar argentin, mettant en scène Dashiell Hammett, voilà qui était alléchant. Mais pour moi Le dernier Hammett, c’est raté.

Dashiell Hammett, aux prises avec les tribunaux de Mc Carthy vient de sortir de 6 mois de prison. Il va se mettre au vert dans la campagne proche de New York, dans la maison d’un couple d’amis, pour lire, se reposer, et peut-être essayer d’écrire. Sa solitude et sa tranquillité sont troublées par l’arrivée de Tulip, alias le colonel Lindgren, une vieille connaissance qu’il a connu pendant la guerre des Aléoutiennes. Le début d’une série de péripéties pendant lesquelles Dash devra se souvenir qu’il a été, un temps, détective privé.

J’avoue que je ne saurais dire pourquoi je suis allé au bout des 750 pages de ce pavé. Sans doute parce que jusqu’à la fin je suis resté perplexe et me suis demandé où voulait nous amener l’auteur. Mais que j’ai trainé les pieds. Je trouvais toujours un prétexte pour faire autre chose que lire, alors qu’avec certains bouquins, je me cache pour grappiller quelques pages à tout moment du jour et de la nuit. C’était un mauvais signe.

Pour commencer, il faut attendre environ 300 pages pour qu’il se passe autre chose que des dialogues plus ou moins sarcastiques entre Hammett et les autres protagonistes. Alors que la quatrième nous promet « un roman hard-boiled très dense ». Certes c’est bien écrit, certains bons mots font mouche, mais sur 300 pages c’est long.

Ensuite ça devient très confus, avec des romans dans le romans (sous prétexte de manuscrits confiés à Dash, ou de vieilles nouvelles retrouvées), des péripéties et des personnages invraisemblables, et des avalanches de révélations qui viennent combler en quelques lignes le temps « perdu » en digressions.

La partie intéressante est la reconstitution de la paranoïa et du racisme de l’époque, ainsi que la peinture du milieu culturel. On sent que l’auteur s’est amusé à rendre hommage aux romans du maître, mais que c’est long. Sauf erreur de ma part, les romans de Hammett dépassent rarement les 200 pages …

Bref, j’avoue ne pas avoir bien compris. Entre considérations sur l’écriture, la littérature, la boxe et la politique et roman hard-boiled « à la manière de », je ne sais pas quelle était l’intention de l’auteur, et s’il a atteint son but, mais ça n’a pas marché avec moi et je me suis pas mal ennuyé.

Juan Sasturain / Le dernier Hammett, (El ultimo Hammett, 2018), La Noire (2022) traduit de l’espagnol (Argentine) par Sébastien Rutés.