Archives du mot-clé Flics

Joli mois de mai

Joli mois de mai … le titre du dernier ouvrage de l’écossais Alan Parks est pour le moins ironique. Certes c’est le titre français qui n’a pas grand-chose à voir avec le titre original qui s’autorise un jeu de mot. Tout ça pour dire que les dernières aventures de Harry McCoy ne sont pas très joyeuses.

Mai 1974 donc. Harry McCoy vient de sortir de l’hôpital après avoir failli crever d’un ulcère. Tabac et alcool interdits et il boit en permanence un machin dégueulasse pour calmer ses douleurs. Humeur de chien donc. Qui ne s’améliore pas quand il assiste aux manifestations de la foule qui veut lyncher trois jeunes qui ont mis le feu à un salon de coiffure, tuant trois femmes et deux gamines.

En plus son mentor et chef ne veut pas le mettre sur cette affaire et l’envoie aider Watson, son collègue et ami : le corps d’une autre gamine, adolescente, retrouvée étranglée dans un cimetière. Ajoutez la mort suspecte d’un vieux dégueulasse qui vendait du porno et deux caïds de la ville qui se disputent un territoire frontalier. Le mois de mai n’est pas si joli à Glasgow.

Un épisode particulièrement sombre dans une série pas franchement à l’eau de rose. Harry obligé d’être un peu plus sage, un peu moins de musique, mais une intrigue particulièrement réussie. Toujours l’exploitation de la misère et des plus fragiles par ceux qui ont le pouvoir et l’argent, des personnages toujours aussi incarnés, que ce soit les personnages principaux, flics ou voyous, où les personnages secondaires qui ne sont jamais sacrifiés.

Pour ceux qui idéaliseraient la liberté des années 70, Alan Parks nous rappellent qu’elles étaient pauvres, violentes, que la pègre n’a pas de code d’honneur et ne respecte que la force, et que l’hypocrisie des églises et des bigots n’a d’égale que la saloperie de certains de ses pasteurs.

Du grand beau noir comme on l’aime.

Alan Parks / Joli mois de mai, (May god forgive, 2022), Rivages/Noir (2024) traduit de l’anglais (Ecosse) par Olivier Deparis.

La stratégie du lézard

Le commissaire Soneri n’a pas le moral dans La stratégie du lézard de Valerio Varesi.

C’est peu de dire que notre ami Soneri est paumé. C’est l’hiver, le brouillard est tombé sur Parme, et le très télégénique maire de la ville est allé en montagne, accompagner des écoliers au ski alors même qu’un certain nombre de ses conseiller municipaux sont accusés de corruption. Dans le même temps Angela l’envoie voir une vieille amie qui entend sonner un téléphone quelque part dehors dans le noir. Ajoutez un chien perdu agressif et un vieux qui disparait d’une maison de retraite. C’est tout ? Non ce n’est que le début.

S’il commence le roman perdu, Soneri va le terminer enragé, écœuré, désespéré. Dans ce roman, plus encore que d’habitude, Soneri et ses collègues vont se heurter à l’impossibilité d’arrêter ceux qui se trouvent aux commandes du crime. Hauts politiques, grands industriels, responsables des différents groupes du crime organisé en Italie (ici la camorra qui investit massivement dans le nord de l’Italie).

 « Dans un monde tel que le nôtre, la moitié des individus devrait être en prison. Au minimum, pour connivence. La délinquance est aux manettes. La grande, comme les banques et la finance, a imposé ses lois pour continuer d’agir sans que nous la gênions le moins du monde. Et le menu fretin doit supporter nos mises en scène pour donner l’impression aux gens qu’une justice existe. »

Et ce qui le désespère encore plus c’est que tout cela se déroule dans la plus grande indifférence : « Les prédateurs de la finance font la même chose : des saloperies en douce, et à la fin de l’année, un beau gala de bienfaisance martelé par tous les media pour assommer les gens. Nouvelle manière d’asservir le troupeau. »

Alors Soneri déambule la nuit, parle avec un faussaire qui peint de faux tableaux pour les nouveaux riches qui veulent épater leurs amis aussi vulgaires et incultes qu’eux, se console auprès d’Angela et passe beaucoup de temps dans son restaurant préféré. Dans le brouillard dans lequel il se débat c’est tout ce qui lui reste.

Ca et partager son blues avec ses lecteurs.

Valerio Varesi / La stratégie du lézard, (Il commissario Soneri e la strategia della lucertola, 2018), Agullo (2024) traduit de l’italien par Florence Rigollet.

Noir d’encre

Enfin une autrice italienne traduite : Noir d’encre de Sara Vallefuoco. Je ne suis qu’à moitié convaincu.

1899 en Sardaigne. Des carabiniers venus de toutes l’Italie doivent amener l’ordre dans un petit village. Pas facile pour le jeune turinois Ghibaudo, issu d’une famille pauvre ou son collègue romain Moretti qui vient lui d’une famille beaucoup plus aisée.

Le lecteur les découvre quand ils essaient de comprendre pourquoi un homme qui a été enlevé contre rançon a fini assassiné, et surtout pourquoi quelques jours plus tard l’un des carabiniers ayant participé à l’opération de sauvetage est tué à son tour. Difficile dans un village où personne ne parle aux carabiniers, surtout s’ils ne sont pas sardes.

Dommage car j’avais très envie d’aimer ce roman en l’ouvrant. Le lieu et l’époque sont intéressants, la description de la campagne, l’existence des poètes itinérants dont je n’avais jamais entendu parler, leur impertinence, tout cela est bien décrit et raconté.

Mais c’est l’intrigue qui pour moi est mal ficelée, confuse, avec une construction compliquée qui n’apporte, à mon avis très subjectif, rien au récit. Le malheur est qu’elle est tellement alambiquée, n’expliquant que très tard des points de l’histoire qui l’auraient rendue plus compréhensible, que cela m’a sorti du récit et a rendu ma lecture laborieuse et du coup assez lente. Mauvais signe quand je retarde toute la journée le moment d’ouvrir le bouquin en cours …

C’est peut-être voulu, il y a peut-être un lien avec des traditions locales de récits oraux, mais je dois avouer que ça ne m’a pas vraiment convenu et que j’ai ramé pour avancer.

Sara Vallefuoco / Noir d’encre, (Neroinchiostro, 2021), métailié/Noir (2024) traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

Malart

Revoilà Milo Malart, le flic barcelonais d’Aro Sainz de la Masa dans un titre qui a le mérite de la simplicité : Malart.

Milo Malart s’est tout seul mis en marge de son équipe de flics barcelonais. Depuis son incapacité à faire inculper un couple de psychopathes, Ivo Parés et Monica Morera, trentenaires, rejetons de la très haute société catalane, il est obsédé par son impuissance et semble perdre les pédales.

Ses partenaires, et en particulier Rebeca Mercader, sa binôme, s’inquiètent. Puis tout bascule quand les corps des d’Ivo et Monica sont repêchés en mer, et que sur leur yacht on trouve partout les empreintes de Malart. Et Milo qui reste introuvable. Alors que la presse, le juge et les réseaux sociaux enflammés par les familles des deux morts demandent sa peau, seule Rebecca et ses collègues vont tenter de sauver Malart.

Comme les précédents romans de la série, Malart, sans être un polar exceptionnel, c’est du costaud, du solide. Je ne sais pas mettre le doigt sur ce qui fait que je suis moins débordant d’enthousiasme que pour un Soneri ou une Boccanera, mais ça fonctionne quand même très bien.

Les méchants sont peut-être un peu trop caricaturaux, trop faciles à identifier, et manquant singulièrement de charisme. Ce sont juste des pourris qui utilisent leur puissance financière sans aucune subtilité, au point qu’on ne peut imaginer un instant qu’ils puissent gagner. C’est peut-être là la limite du roman.

Pour le reste, l’intrigue est bien construite, les personnages de l’équipe de flics attachants, et on a une belle description d’une ville et d’une région gangrénées, comme ailleurs, pas la corruption et le pouvoir de l’argent. Comme le dit (beaucoup mieux) un des personnages du génial Terry Pratchett : « Les grandes familles ont des fortunes si anciennes qu’on a oublié les crimes commis pour les amasser ».

C’est à cela que se heurtent Malart et ses collègues.

Aro Sainz de la Masa / Malart, (Malart, 2023), Actes Noirs (2024) traduit de l’espagnol par Serge Mestre.

Vine Street

Dominic Nolan débarque chez nous avec un pavé : Vine street.

2002. Les flics viennent voir un couple de retraités quelque part dans la campagne anglaise. Deux corps, morts depuis longtemps ont été découverts par hasard. Et Billie et Mark Cassard pourraient avoir connu l’une des victimes, il y a fort longtemps, quand ils étaient tous flics à Londres, entre 1935 et 1946.

1935, Soho Londres. Leon Geats est un flic qui supporte mal la hiérarchie. Il connait les rues, ruelles et impasses comme sa poche. Il connait les putes, les macs, les boites officielles et clandestines, les trafiquants, les musiciens … Ingérable mais indispensable. Quand une prostituée est retrouvée morte, étranglée, il est un des seuls dans le commissariat à en faire une affaire personnelle. Une affaire qui ne fait que commencer, l’obsèdera des années et lui fera toucher du doigt la corruption de la société britannique. Le tout sur peur des espions, sous les bombes allemandes, puis dans la période de reconstruction.

Je ne vais pas vous mentir, Vine street est un pavé (plus de 600 pages) dans lequel il n’est pas forcément facile de rentrer. Il demande un peu de concentration. Parce qu’il y a beaucoup de personnages. Parce que l’auteur manipule l’ellipse assez fréquemment, parce qu’il faut parfois avoir un peu de patience pour comprendre une situation donnée.

Mais si l’on persévère, on a droit à une belle récompense. Tout est cohérent, tout finit par s’expliquer. Mais surtout quel souffle, quelle ampleur dans le propos ! Pour une fois la quatrième n’exagère pas en faisant référence à James Ellroy. On retrouve ici la façon de raconter l’histoire grâce au polar. Et on retrouve un monde totalement immoral. Des flics ripoux au dernier degré, des services secrets d’un cynisme absolu, des possédants arrogants et le petit peuple de Vine Street qui paie les pots cassés.

Et pendant la période concernée il y en a des pots cassés, entre la guerre et les meurtres et trafics en tous genres. Un grand roman, ambitieux, fort et émouvant.

Dominic Nolan / Vine street, (Vine street, 2021), Rivages/Noir (2024) traduit de l’anglais par Bernard Turle.

Retour de flammes

De roman en roman, Liam McIlvanney s’impose comme le digne fils de son père. La preuve avec Retour de flamme.

Glasgow, 1975. La guerre est rude entre deux bandes qui contrôlent la pègre de la ville. Cette fois il y a des dommages collatéraux quand l’incendie d’un entrepôt d’alcool d’une des bandes se propage à l’immeuble vétuste voisin : un clodo, un vieil homme et une jeune femme et sa fille périssent. Peu de temps après le corps torturé d’un homme est retrouvé sur des tas d’ordure. Puis c’est un pub qui est visé par un attentat à la bombe.

Beaucoup d’affaires, en apparence totalement distinctes, qui vont se trouver dans l’équipe de Duncan McCormack, inspecteur catholique en disgrâce depuis qu’il a fait tomber une flic ripoux. Et le distraire de la mission qu’il s’est donnée, faire tomber le caïd Walter Maitland.

Un magnifique roman ambitieux qui se donne les moyens de ses ambitions. Il faut un peu de concentration et de constance pour suivre les méandres de cette enquête de presque 600 pages, mais les efforts sont récompensés au centuple.

Grace à une intrigue complexe mais totalement cohérente : l’auteur tisse sa toile à partir des différents fils jusqu’au tableau final. Grace à de très beaux personnages, en commençant par McCormack, déjà protagoniste du précédent roman, têtu, hardboiled comme on l’aime.

Et surtout grace à la description superbe de Glasgow, complémentaire de celle d’un Alan Parks. Corruption, traumatisme des soldats envoyés en Irlande du Nord où la peur et la torture assumée les transforment en bombes à retardement, arrogance des puissants, corporatisme de la police, et une ville de Glasgow en pleins changements qui laissent sur la touche les plus pauvres, comme toujours.

C’est humain, touchant, puissant, passionnant, le digne fils de son père, vraiment.

Liam McIlvanney / Retour de flamme, (The heretic, 2022), Métailié/Noir (2024) traduit de l’anglais (Ecosse) par David Fauquemberg.

Les ombres de Bombay

Parmi les personnages que j’ai plaisir à retrouver tous les ans, il y a le capitaine Wyndham et le sergent Banerjee d’Abir Mukherjee. Ils reviennent dans Les ombres de Bombay.

1923, Calcutta est une véritable poudrière. Des élections sont proches, et les heurts entre musulmans et hindouistes se multiplient. C’est dans ce contexte inflammable que le sergent Banerjee se retrouve accusé du meurtre d’un intellectuel hindou. Pour arranger le tout une personnalité musulmane en vue de Bombay est annoncé en ville.

Comment le très droit Banerjee s’est-il trouvé dans cette situation impossible ? Et que pourra faire le capitaine Wyndham pour le tirer de là ? Il vous faudra lire ce nouvel opus pour le savoir.

Décidément voilà une série hautement recommandable. Tout fonctionne à merveille ici. Une intrigue parfaitement menée, même si on peut deviner assez tôt ce qui se trame réellement, mais c’est parce qu’en tant que français on sait bien que les anglais sont perfides.

Ensuite les personnages sont vraiment intéressants, et surtout ils évoluent de façon très convaincantes. Wyndham, qui ne se fait guère d’illusions, prend petit à petit conscience des horreurs commises par ses semblables, et Banerjee construit peu à peu ses opinions politiques, non sans humour, comme avec cette réflexion : « En chemin, je me suis dit que chaque fois qu’un Indien demande un prix trop élevé à un Anglais, c’est du vol, tandis que l’inverse, c’est du capitalisme.» En parallèle les relations entre les deux hommes sont très finement décrites, passant de la subordination à une véritable amitié.

Pour finir, le contexte est superbement rendu, avec cet équilibre délicat : en dire assez pour que le lecteur ignare comme moi comprenne, mais pas trop pour ne pas tomber dans le didactique lourdingue. Avec ici un passage par Bombay qui rappelle une évidence que l’on oublie trop ici : l’Inde était, est, un véritable continent, et comme le dit Banerjee en arrivant à Bombay : « Pour un Bengali, Bombay est à bien des égards plus étrange que l’Angleterre. »

Une très belle série que l’on se réjouit de voir prendre de l’ampleur et que l’on espère longue.

Abir Mukherjee / Les ombres de Bombay, (The shadows of men, 2021), Liana Levi (2024) traduit de l’anglais (Ecosse) par Emmanuelle et Philippe Aronson.

La sagesse de l’idiot

Chouette, un nouvel auteur espagnol à la série noire : La sagesse de l’idiot de Marto Pariente.

Ascuas, un petit village pas trop loin de Madrid. C’est calme, très calme. Peu de boulot pour Toni Trinidad le policier municipal d’Ascuas. Ca tombe bien, Toni n’est pas le pingouin qui glisse le plus loin comme on dit. La cinquantaine, tranquille, il tombe dans les pommes à la vue du sang. Son seul souci : s’assurer du renouvellement de son poste.

Et voilà que tout se complique. Son ami Triste, l’idiot du village est retrouvé pendu ; sa sœur Vega qui s’occupe de la casse du village disparait. Alors Toni va devoir se bouger, et mettre en marche ses neurones. Rien de bien inquiétant à priori pour les trafiquants et les flics nationaux auxquels il va avoir à faire. A moins que …

Vous vous en doutez, on ne va pas croiser de génies du crime, ni de profiler géniaux dans La sagesse de l’idiot. On est plutôt dans un Fargo délocalisé dans une région sèche et chaude, avec quand même un petit côté Jim Thompson, et des doutes, tout le long du roman : Toni serait-il un avatar espagnol du shérif de 1275 âmes, ou est-il vraiment aussi bête qu’il en a l’air ?

Vous voyez que les références auraient pu être assez écrasantes. Il n’en est rien. Marto Pariente trouve son ton, joue des clichés et des références avec habileté et tire parfaitement son épingle du jeu pour construire des personnages de perdants misérables dont il révèle petit à petit l’humanité. On sourit beaucoup, on s’émeut parfois dans un roman très habilement mené jusqu’au jeu de massacre final.

Une belle découverte, en espérant que ce ne sera pas sans suite, avec ou sans Toni Trinidad.

Marto Pariente / La sagesse de l’idiot, (La cordura del idiota, 2019), Série Noire (2024) traduit de l’espagnol par Sébastien Rutés.

Que le meilleur gagne

Jørn Lier Horst s’est associé avec Thomas Enger pour ce thriller : Que le meilleur gagne.

Sonja Nordstrøm a été la star du demi-fond (si j’ai bien compris). Une star pas très aimée tant elle était froide et agressive. Et là, elle s’apprête à sortir un livre où elle règle des comptes. Mais le jour même où elle doit entamer la promo elle disparaît. Bientôt d’autres célébrités (sportifs, stars de la téléréalité, …) disparaissent puis sont retrouvés morts.

C’est l’inspecteur en chef Blix qui est en charge de l’enquête, et il se retrouve associé par hasard avec Emma Ramm, une jeune blogueuse qui écrit sur les people pour un media en ligne. Or, même si elle l’ignore, Blix et Emma ont une histoire en commun.

Je ne vais pas vous mentir, à mon goût, c’est loin d’être le meilleur  Jørn Lier Horst. La thématique du tueur en série, psychopathe mais très intelligent qui crée un jeu de piste pour la police n’est pas celle qui me touche le plus, loin de là. Et si l’enchainement de l’intrigue est cohérent, je ne crois pas un instant au personnage du méchant. Donc, comme c’est écrit par deux bons artisans, j’ai poursuivi pour savoir ce qu’il se passe à la fin, mais en vrai, je m’en fichais un peu.

Et pour le fond, à part dire que la téléréalité c’est nul, et que les réseaux sociaux mettent en avant des gens sans le moindre intérêt on n’apprend rien sur la société norvégienne. Pas très intéressant pour moi donc, même si je peux comprendre que pour les amateurs du genre le suspense est bien mené.

Détail : Pour la traduction il est écrit « traduit par Marie-Caroline Aubert » qui à ma connaissance est une traductrice reconnue de l’anglais, mais pas du norvégien. Du coup la question qui se pose est la suivante : les auteurs ont-ils écrit en anglais ? Ou la traduction part-elle d’une première traduction du norvégien à l’anglais ? Ce qui nous ramènerait à la fin des années 60 où les Martin Beck étaient traduits à partir de la traduction anglaise et non directement du suédois.

Jørn Lier Horst et Thomas Enger / Que le meilleur gagne, (Nullpunkt, 2018), Série Noire (2024) traduit de l’anglais (?) par Marie-Caroline Aubert.

L’affaire Martin Kowal

L’affaire Martin Kowal d’Eric Decouty nous ramène aux temps des Giscard, Poniatowski, Pandraud… Ne manque que Pasqua !

Martin Kowal est un jeune flic des RG. Contre toute attente, alors qu’il était au placard, on l’en sort pour s’occuper de l’assassinat de l’ambassadeur de Bolivie en pleine rue à Paris en mai 1976. Le meurtre a été revendiqué par des Brigades Internationales, inconnues jusque-là. Alors que le pouvoir en place fait tout pour ne pas avoir en France une situation à l’italienne et traque tout ce qui est un peu plus à gauche que le PS, Martin Kowal se rend petit à petit compte qu’il n’est qu’un pion et qu’il est manipulé par le pouvoir politique.

Eric Decouty est, si l’on en croit la quatrième un ancien journaliste spécialisé dans les affaires politico-financières. Cela se sent, pour le meilleur et pour le pire (quoi que l’expression soit exagérée ici).

Pour le meilleur on sent que le roman s’appuie sur une solide documentation et que l’auteur ne raconte pas n’importe quoi. C’est détaillé, et même si je connaissais une bonne partie des saloperies ici décrites, il y a des pans entiers de l’histoire que je ne connaissais pas. Donc intéressant sur le fond.

Pour le pire, cela reste très proche du journalisme. Les personnages créés pour les besoins de l’intrigue n’ont pas vraiment d’existence, et ont pour utilité principale de faire avancer les explications. Je donne juste un petit exemple : Kowal est censé se perdre la nuit et s’enfiler dans le pif toute sortes de produits, sans pour autant renoncer à picoler. Mais autant le lecteur ressent dans sa chair les cuites d’un Nick Stefanos ou les excès de Harry Hole, autant ici rien. L’auteur écrit que Marin a une sale gueule, et on en reste là. Du coup quel intérêt ? D’autant que cela ne semble avoir aucun impact sur ses capacités à mener l’enquête.

Intéressant donc, mais froid et purement factuel, ce roman manque trop de chair et de tripe à mon goût.

Eric Decouty / L’affaire Martin Kowal, Liana Levi (2023).