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Malart

Revoilà Milo Malart, le flic barcelonais d’Aro Sainz de la Masa dans un titre qui a le mérite de la simplicité : Malart.

Milo Malart s’est tout seul mis en marge de son équipe de flics barcelonais. Depuis son incapacité à faire inculper un couple de psychopathes, Ivo Parés et Monica Morera, trentenaires, rejetons de la très haute société catalane, il est obsédé par son impuissance et semble perdre les pédales.

Ses partenaires, et en particulier Rebeca Mercader, sa binôme, s’inquiètent. Puis tout bascule quand les corps des d’Ivo et Monica sont repêchés en mer, et que sur leur yacht on trouve partout les empreintes de Malart. Et Milo qui reste introuvable. Alors que la presse, le juge et les réseaux sociaux enflammés par les familles des deux morts demandent sa peau, seule Rebecca et ses collègues vont tenter de sauver Malart.

Comme les précédents romans de la série, Malart, sans être un polar exceptionnel, c’est du costaud, du solide. Je ne sais pas mettre le doigt sur ce qui fait que je suis moins débordant d’enthousiasme que pour un Soneri ou une Boccanera, mais ça fonctionne quand même très bien.

Les méchants sont peut-être un peu trop caricaturaux, trop faciles à identifier, et manquant singulièrement de charisme. Ce sont juste des pourris qui utilisent leur puissance financière sans aucune subtilité, au point qu’on ne peut imaginer un instant qu’ils puissent gagner. C’est peut-être là la limite du roman.

Pour le reste, l’intrigue est bien construite, les personnages de l’équipe de flics attachants, et on a une belle description d’une ville et d’une région gangrénées, comme ailleurs, pas la corruption et le pouvoir de l’argent. Comme le dit (beaucoup mieux) un des personnages du génial Terry Pratchett : « Les grandes familles ont des fortunes si anciennes qu’on a oublié les crimes commis pour les amasser ».

C’est à cela que se heurtent Malart et ses collègues.

Aro Sainz de la Masa / Malart, (Malart, 2023), Actes Noirs (2024) traduit de l’espagnol par Serge Mestre.

La sagesse de l’idiot

Chouette, un nouvel auteur espagnol à la série noire : La sagesse de l’idiot de Marto Pariente.

Ascuas, un petit village pas trop loin de Madrid. C’est calme, très calme. Peu de boulot pour Toni Trinidad le policier municipal d’Ascuas. Ca tombe bien, Toni n’est pas le pingouin qui glisse le plus loin comme on dit. La cinquantaine, tranquille, il tombe dans les pommes à la vue du sang. Son seul souci : s’assurer du renouvellement de son poste.

Et voilà que tout se complique. Son ami Triste, l’idiot du village est retrouvé pendu ; sa sœur Vega qui s’occupe de la casse du village disparait. Alors Toni va devoir se bouger, et mettre en marche ses neurones. Rien de bien inquiétant à priori pour les trafiquants et les flics nationaux auxquels il va avoir à faire. A moins que …

Vous vous en doutez, on ne va pas croiser de génies du crime, ni de profiler géniaux dans La sagesse de l’idiot. On est plutôt dans un Fargo délocalisé dans une région sèche et chaude, avec quand même un petit côté Jim Thompson, et des doutes, tout le long du roman : Toni serait-il un avatar espagnol du shérif de 1275 âmes, ou est-il vraiment aussi bête qu’il en a l’air ?

Vous voyez que les références auraient pu être assez écrasantes. Il n’en est rien. Marto Pariente trouve son ton, joue des clichés et des références avec habileté et tire parfaitement son épingle du jeu pour construire des personnages de perdants misérables dont il révèle petit à petit l’humanité. On sourit beaucoup, on s’émeut parfois dans un roman très habilement mené jusqu’au jeu de massacre final.

Une belle découverte, en espérant que ce ne sera pas sans suite, avec ou sans Toni Trinidad.

Marto Pariente / La sagesse de l’idiot, (La cordura del idiota, 2019), Série Noire (2024) traduit de l’espagnol par Sébastien Rutés.

Le fils du père

Victor Del Arbol n’en finit pas de fouiller dans les traumatismes historiques de la société espagnole, dernier roman en date Le fils du père.

Diego est en prison, en attente de son procès. Un procès pour lequel il plaide coupable, il a torturé un homme pendant trois jours avant de la tuer. Comment ce professeur de littérature de Barcelone, installé, a pu en arriver à de telles extrémités. Nous allons remonter deux générations, dans un village d’Extremadura, à la fin de la guerre civile dans une famille brisée où la violence subie dans un premier temps se transmets de père en fils. Sans oublier les mères …

Dès son premier roman traduit, La tristesse du samouraï, Victor del Arbol est devenu un auteur marquant dont on attend avec impatience tout nouveau roman. Il a depuis acquis une réputation plus que méritée de grand d’Espagne. Une fois de plus, attendez-vous à être sacrément secoués par Le fils du père.

On retrouve des constantes de l’œuvre de l’auteur : explorer l’histoire du XX° siècle de l’Espagne, dans ce qu’elle a de plus sombre au travers de destins individuels. Ici nous suivrons des soldats engagés auprès des forces nazies dans la campagne de Russie, d’autres dans les casernes d’occupation du Sahara occidental, nous verrons les familles se déchirer à la fin de la guerre civile.

Il sera question du rôle trouble de l’église et de la vie dans une campagne où le gros propriétaire local a des droits quasis féodaux. Il sera question de l’impossibilité d’échapper à son passé, de la violence qui engendre la violence, de victimes qui deviennent bourreaux.

Tout cela au travers d’une trame magistralement répartie entre différents lieux et époques, différents protagonistes, avec des personnages torturés et magnifiques pour en arriver, à la toute fin, au point de départ, comment un professeur d’université se retrouve là où est Diego.

Encore une superbe réussite, sombre, âpre et bouleversante.

Victor Del Arbol /Le fils du père, (El hijo del padre, 2021), Actes Sud (2023) traduit de l’espagnol par Claude Bleton et Emilie Fernandez.

Quelques films

Je suis pas mal allé au ciné ces derniers temps, petit résumé de ce qui m’a plu et que je conseille, et de ce qui m’a moins plu et qu’à mon avis on peut éviter.

Deux films  excellents, à voir vraiment.

Le premier est espagnol, même si les hispanophones ne comprendront pas grand chose tant on y parle catalan. C’est Nos soleils, de Carla Simón. Quelque part dans la campagne catalane toute la famille Solé travaille dans la propriété qui produit des pêches. Le grand-père, les parents et le frère de la mère, et les enfants. Mais cette année est particulière, le fils du propriétaire qui a repris les affaires en main a vendu le terrain pour y installer des panneaux solaires. C’est donc le dernier été sur place et l’arrêt d’une activité et d’un mode de vie qui dure depuis des générations.

Tout le film repose sur la qualité de l’interprétation des différents acteurs, dont certains ne sont pas professionnels. Une chronique, des gamins plus vrais que nature, des conflits jamais caricaturés, des moments de rire et de larmes, d’émotion et de colère. Il se passe toujours quelque chose, les questions posées sont pertinentes, les images sont belles. A voir vraiment.

L’autre macédonien de Teona Strugar Mitevska, L’homme le plus heureux du monde. Sarajevo aujourd’hui. Asja, 45 ans se rend à un rendez-vous de speed-dating, organisé dans un hôtel qui sent bon l’époque soviétique. Elle s’y retrouve face à Zoran, même âge qu’elle, qui travaille dans une banque. Un Zoran qui a l’air un peu perturbé. Tout commence par des jeux idiots de questions réponses, et sur une question le malaise s’installe, puis tout bascule …

Attention, j’ai pris une grosse claque. C’est que tout commence comme une comédie un peu absurde, un humour grinçant. Et à un moment le film bascule et on ne rit plus du tout. Sans aucune image violente (ou presque), juste sur l’originalité du scénario, l’excellence des deux acteurs principaux qui sont exceptionnels, on bascule vers un toute autre thématique que je ne peux absolument pas révéler ici sous peine de divulgacher le film de façon inadmissible. Sachez seulement que ce n’est pas une comédie, mais que vous allez vous faire sacrément secouer. Un film que l’on n’oublie pas de si tôt.

Vient ensuite un film que l’on peut éviter, mais que l’on peut voir si l’on est comme moi un peu nostalgique des films noirs des années 40-50, Marlowe de Neil Jordan. 1939, Californie, Marlowe est contacté par une belle blonde pour retrouver son amant disparu depuis quelques temps. Ce faisant il va bien entendu mettre le pied dans un nid de vipères, se faire tabasser, casser quelques nez et remuer la fange de bas en haut de la société.

Un grand classique donc, filmé comme tel par le réalisateur, joué comme tel par Liam Neelson, Diane Kruger et Jessica Lange entre autres. Je ne suis pas certain que cela apporte quelque chose au cinéma, ni à l’œuvre du grand Raymond, mais ça se laisse voir, avec de nombreux clins d’œil aux œuvres passées, des éclairages de stores rayés sur les beaux yeux de la femme fatale, des dialogues à la Bogart … Un bonbon au goût d’autrefois, plaisant, sans plus.

Et pour finir, un film qui a eu de très bonnes critiques et où je me suis pas mal ennuyé. Le chevalier noir de l’iranien Emad Aleebrahim Dehkordi. Iman et Payar vivent avec leur père dans un vieux quartier de Téhéran. Payar fait de la boxe, Iman trafique et ils vivent, plus ou moins, des ventes par petits bouts des propriétés héritées de leur mère. Quand il tombe sur un bon fournisseur de cocaïne, Iman pense avoir trouvé comment s’assurer une tranquillité financière. Mais bien entendu ça va déraper.

Là je me suis ennuyé et j’ai regardé deux fois ma montre, et pourtant le film n’est pas très long. Certes on voit une partie de la société de Téhéran, et en particulier une haute société qui vit entre l’Iran et l’étranger. Certes également, le film est cohérent. Mais pour commencer les nombreuses scènes moches, filmées caméra à l’épaule, avec très peu d’éclairage la nuit m’ont fatiguées. Celles se déroulant dans des fêtes, dans le noir avec la musique à fond sont m’ont parues insupportables. Ensuite la vie de ces oisifs ne m’a pas intéressée. Et pour finir on voit arriver les tournants dans l’action trop longtemps à l’avance. Donc ennui.

Les cinq sœurs

J’avais beaucoup aimé Le grand jeu de Percy Kemp, j’étais donc content de retrouver son agent secret dans Les cinq sœurs, j’ai été déçu.

Harry Boone est aux anges. Cet agent secret de sa très gracieuse majesté n’est jamais aussi heureux que quand il peut ne rien faire dans un endroit agréable avec sa charmante épouse. Or sous le prétexte un peu fumeux de retrouver avant les islamistes une relique musulmane le voilà locataire d’une maison face à l’Alhambra, à regarder les autres s’agiter.

Malheureusement les meilleurs choses ont une fin, et une menace sur le réseau internet mondial va l’obliger à se bouger, et même, horreur, va faire planer la menace d’un retour à Londres. Heureusement, comme tous les grands fainéants intelligents, Harry a de la ressource.

Ça commençait plutôt bien. Une histoire originale, un ton léger, aussi ironique et détaché que ce cher Harry Boone. Et je ne peux pas dire que ça continue mal, les bifurcations du roman sont intéressantes, la thématique principale, le pouvoir exorbitant des géants d’internet, est on ne peut plus d’actualité (oui vous verrez, on passe d’une relique de l’Islam aux GAFAM).

Alors pourquoi suis-je déçu, Il y a deux raisons à cela.

Tout d’abord je trouve que le roman a manqué d’une relecture un peu critique, et de nombreuses maladresses de style, surtout dans les dialogue avec une multiplication des « dit-il », « disait-elle » … qui alourdissent certains passages. Je sais ce n’est pas grave, mais ça m’a agacé et c’est tellement facile à corriger.

Mais surtout, mettre en scène un dilettante qui passe plus de temps à blablater pour gagner du temps qu’à agir est très délicat. Cela demande, à mon goût, de resserrer le récit pour ne pas lasser. Là je trouve que ça traine et ça se répète. Alors si on a le goût pour les grandes envolées philosophiques et les digressions sur tous les sujets qui passent, on appréciera le roman. Pour ma part, j’ai sauté quelques passages que je finissais par trouver trop bavards.

Chacun ses goûts, vous me ferez peut-être part du vôtre, j’ai vu que le roman avait reçu un très bon accueil dans la presse.

Percy Kemp / Les cinq sœurs, Seuil/Cadre Noir (2023).

Les repentis

De nouveau au cinéma, pour un très beau film, mais que je ne saurais recommander à tout le monde tant son ambiance est pesante : Les repentis d’Iciar Bollaín.

Le film est une fiction basée sur des faits réels. En 2000 Juan Maria Jauregui, ancien gouverneur d’une province basque qui se savait menacé par l’ETA est assassiné par un commande de trois hommes. Ils sont très rapidement arrêtés.

Dix ans plus tard, sa veuve Maixabel, qui œuvre pour la reconnaissance des victimes du terrorisme, que ce soit celui de l’ETA ou celui du GAL (milice d’extrême droite proche des milieux policiers) accepte de participer à la mise en place d’un dialogue entre les assassins qui ont quitté l’organisation et les proches de leurs victimes. C’est comme ça qu’elle va rencontrer Ibon, chauffeur du commando.

Je ne vais pas vous mentir, on rigole assez peu. Et le film est lourd. Pas lourd stylistiquement, mais lourd par la charge émotionnelle qu’il véhicule. D’autant plus que les deux acteurs principaux (Blanca Portillo et Luis Tosar) sont absolument extraordinaires, arrivant à faire passer l’intensité de leurs émotions sans cris, sans pathos, sans beaucoup de paroles. On ressent la douleur, la perte d’un côté. L’horreur de soi, l’impossibilité à accepter les actes que l’on a commis de l’autre.

Et au-delà, on ressent l’emprise d’une organisation que l’un des protagonistes qualifie de secte, la main mise sur certains quartiers, la peur permanente, l’absurdité des meurtres. Pour ceux qui, comme ma pomme, ont connu cette époque et ces lieux, cela remue et fait remonter beaucoup de choses. Cela explique peut-être que j’ai été autant touché.

Heureusement, les images prises hors de la prison sont superbes et offrent quelques intermèdes de sérénité et de beauté.

Le film a eu beaucoup de retentissement en Espagne, ce que l’on conçoit aisément. Il est à la fois effrayant et paradoxalement rassurant. A voir, si vous avez le moral, en prévoyant de quoi boire un coup après pour se remettre.

Histoire universelle des hommes-chats

L’été c’est aussi l’occasion de rattraper des romans qu’on a laissé passer. Dont cette Histoire universelle des hommes-chats de Josu Arteaga.

Olariz, un tout petit village perdu dans les montagnes de Navarre. Comme dit le narrateur, qui vide son cœur « A Olariz, on sait quand quelqu’un va mourir ». Au fil des chapitres le narrateur égrène les anecdotes, raconte les saisons et les habitants d’un village qui se voudrait hors du temps mais qui est quand même rattrapé par le monde qui l’entoure. Des histoires grinçantes, dures, parfois drôles, parfois macabres. Car on meurt pas mal à Olariz, et personne ne pose trop de questions. On sait, mais jamais, au grand jamais, on ne parlera aux étrangers. Que ce soit le curé, la guardia civil ou les journalistes.

Et si autour d’Olariz le monde change, la politique change, toute l’Espagne change, ici on ne voit pas pourquoi on ne devrait pas continuer à traiter les affaires du village comme l’ont fait les grands-pères, et les grands-pères des grands-pères.

Attention roman rugueux. Ceux qui croient qu’il n’y a que les américains capables de décrire le monde rural éloigné de tout et resté bloqué dans une tradition centenaire, ou que le roman de rednecks n’existe que de l’autre côté de l’Atlantique peuvent se préparer à une belle claque.

Car question de dureté, de rudesse de la vie et des habitants, de refus de se laisser envahir par un « étranger » qui commence juste aux frontières du village, vous allez être servis. Le lecteur commence, un peu extérieur à lire des chapitres qui sont comme des nouvelles indépendantes les unes des autres. Petit à petit, sans s’en rendre compte, il se retrouve hypnotisé par ce monde, cette écriture, fasciné par sa cohérence, et happé par un mystère qui apparait, comme un paysage fantomatique dans la brume.

Certes, je ne le conseille ni aux amateurs d’intrigues survoltées, ni aux âmes trop sensibles, mais pour les autres c’est une superbe découverte d’une grande originalité.

Josu Arteaga / Histoire universelle des hommes-chats, (Historia universal de los hombres gatos, 2010), Nouveau monde (2022) traduit de l’espagnol par Pierre-Jean Bourgeat.

Encore un bon film

Sous la petite note consacrée à Sélection Officielle, un commentaire attentionné me conseillait d’aller voir El buen Patrón, de Fernando León de Aranoa, avec l’immense Javier Bardem.

Nous sommes dans l’entreprise Blanco, spécialisée dans les balances, tous types de balances, de la balance de précision à la balance à bestiaux. Blanco lui-même, le si bon patron, aime à répéter que ses employés sont ses enfants et que l’entreprise est une grande famille. Une grande famille dans une petite ville où Blanco fait la pluie et le beau temps, grâce à sa proximité avec le maire ou le patron du journal local.

Une belle famille qui se retrouve finaliste pour un prix décerné par la région. Mais une famille avec ses affaires de famille, un ouvrier licencié qui ne veut pas partir, une jeune stagiaire qui tape dans l’œil du patron, un numéro deux qui n’a plus la tête au travail … Et Blanco va devoir montrer à ceux qui en doutaient que « qui aime bien, châtie bien ». Le masque du bon patron, bon père de famille pourrait bien se lézarder.

Sans minimiser les seconds rôles qui sont tous excellents, le film repose entièrement sur les épaules, solides, d’un Javier Bardem absolument magistral. Charmeur, hypocrite, aussi creux que baratineur, on s’aperçoit peu à peu que non seulement il ne fait pas grand-chose dans sa boite si ce n’est de grands discours moralisateurs, mais qu’il peut aussi se transformer en un sacré fils de pute.

Le film dresse le portrait grinçant de la vie en entreprise paternaliste et de l’existence dans une petite ville de province. On rit beaucoup, même si le rire se fait parfois jaune. Et on ne peut qu’applaudir à la performance du maestro, et féliciter les autres acteurs qui arrivent à exister face à lui, ce qui n’est pas une mince affaire.

Reine rouge

Je ne suis pas fan de thrillers, vous le savez, mais un thriller espagnol, je tente. Reine Rouge, de Juan Gómez Jurado. Encore raté.

Antonia Scott est un petit génie. Elle travaille pour une sorte de police parallèle européenne, plus précisément pour le compte de l’Espagne. Mais depuis un événement traumatisant, elle s’est isolée, et n’a quasiment plus aucun contact avec le monde. Jusqu’à ce que Mentor arrivé à la faire sortir de sa tour, grâce à Jon Gutierrez, policier basque, force de la nature.

Tous les deux vont traquer un tueur qui a l’air de s’en prendre aux familles les plus fortunées du pays. Il enlève les enfants, mais ne demande aucune rançon. Que veut-il donc ?

Raté donc. Parce que si je n’ai rien contre le fait de poser parfois le cerveau pour profiter d’un bon polar bien bourrique, il ne faut quand même pas trop me prendre pour une bille. Et là, entre des tentatives d’humour de répétition qui ne sont que répétition, sans humour, une génie analyste qui, quand on y réfléchit, ne montre rien de génial (et oui, c’est dur de mettre en scène quelqu’un de génial), et un tueur en série de plus, avec la surenchère que cela suppose …

Disons que j’ai frôlé l’indigestion, et que mon cerveau refusait de revenir à sa place. Non vraiment, de l’action bourrine OK, mais s’il vous plait, un peu de cohérence et un peu moins chargé en clichés et grand-guignol.

Juan Gómez Jurado / Reine Rouge, (Reina roja, 2018), Fleuve Noir (2022) traduit de l’espagnol par Judith Vernant.

Un petit tour au cinéma ?

Les vacances, une bonne occasion pour aller faire un tour au cinéma.

Autant commencer par un incontournable, le dernier Pedro Almodovar, Madres paralelas. Janis, 40 ans, photographe, et Ana pas encore 18, se retrouvent à l’hôpital pour accoucher. Les deux élèveront leurs filles seules. Ana en essayant de se débrouiller sans l’aide de sa mère, très prise par sa carrière d’actrice, Janis très préoccupée par la fosse commune qu’elle veut faire ouvrir dans son village pour donner à son grand-père, et aux autres hommes tués par les franquistes au début de la guerre, une sépulture digne. Mais nous sommes chez le grand Pedro, il va y avoir aussi du mélo dans l’air.

Certes ce n’est pas le meilleur Almodovar, et pour moi il y a quelques longueurs au milieu. Mais … Mais un bon Almodovar reste bien au-dessus de la moyenne de la production cinématographique. Penelope Cruz est magistrale, comme toujours avec son réalisateur fétiche, et la jeune Milena Smit qui joue Ana fait le poids en face, ce qui n’est pas peu dire. Ceux qui seraient surpris de voir le Almodovar s’attaquer aux meurtrissures du franquisme et au silence ne savent peut-être pas qu’il a trempé dans l’excellent documentaire Le silence des autres, et la scène finale du film est forte, simple, pudique et émouvante. A voir donc.

La grosse claque de ces vacances c’est un film iranien, Le diable n’existe pas de Mohammad Rasoulof. Quatre épisodes. La vie simple d’un père de famille ordinaire. Un soldat, appelé, qui ne veut pas faire ce qu’on lui demande. Un jeune homme qui profite d’une permission pour aller fêter l’anniversaire de sa fiancée. Une jeune femme vivant en Allemagne mais d’origine iranienne qui vient, à la demande de son père, rendre visite pour la première fois à un couple vivant en Iran. Impossible d’en dire plus sans dévoiler trop de chose et gâcher le film. Sachez seulement qu’il y a des liens, et que vous aurez de grosses, de très grosses surprises.

Un sens du rythme et de la mise en scène époustouflant, une partition musicale géniale, des paysages magnifiques, des liens subtils qui se tissent entre les histoires … Si vous risquez de vous demander pendant une bonne partie du premier épisode ce qui justifie ces louanges, sa fin et la suite devraient vous retourner la tête.

Une magnifique expérience de cinéma, le film de cette fin d’année pour moi.