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Data sanglantes

La fin de Tu sais qui de Jakub Szamalek promettait une suite, la voici : Data sanglantes.

A la fin de Tu sais qui (qu’il vaut vraiment mieux avoir lu avant celui-ci), on avait laissé Julita Wójcicka, jeune journaliste freelance en possession d’une énorme quantité de données qui pourrait lui permettre d’identifier un malfaiteur à la tête d’un réseau pédophile international. Un des documents lui propose d’enquêter sur le meurtre sordide d’une jeune femme travaillant dans le porno en ligne. Et elle tire alors un fil qui va l’amener à s’intéresser au monde des hackeurs et aux hommes de l’ombre qui manipulent les élections.

Un nid de vipères, ou de frelons, dans lequel il ne fait pas forcément bon mettre un coup de pied.

Suite du roman précédent, Data sanglantes confirme tout le bien qu’on pouvait penser de cet auteur. On retrouve les qualités qui nous ont fait aimer le premier volume des aventures de Julita. Un style vif, des personnages attachants même quand ils se révèlent agaçants, une intrigue particulièrement bien ficelée, avec des changements de points de vue qui entretiennent le suspense.

Et une fois de plus la description assez inquiétante, et c’est un euphémisme, de l’utilisation des réseaux sociaux. Ici plus précisément l’emprise que peuvent avoir des criminels sur les opinions publiques, au moyen d’outils que nous utilisons sans les comprendre. Si vous voulez avoir une idée de ce qui peut s’être passé dans un certain nombre d’élections dont le résultat peut paraitre étonnant, lisez Data sanglantes et tremblez, les outils au service de salopards sans scrupules mais non sans talents sont de plus en plus efficaces.

Inquiétant également de voir comment les réseaux sociaux qui pourraient permettre de mettre à disposition de tous plus de culture et de connaissance se font surtout le relais des pires imbécilités (au mieux), des pires saloperies au pire.

Bref, un roman d’utilité publique qui en plus se lit avec énormément de plaisir. Vivement la suite.

Jakub Szamalek /Data sanglantes, (Kimkolwiek jesteś, 2019), Métailié/Noir (2023) traduit du polonais par Kamil Barbarski.

Le rideau déchiré

A priori, je n’avais aucune raison de lire Le rideau déchiré de Maryla Szymiczkowa, mais comme les auteurs viennent à Toulouse Polars du Sud (oui c’est un pseudo pour deux auteurs), j’ai essayé.

Nous sommes à Cracovie, à la toute fin du XIX° dans la très bourgeoise famille du professeur Turbotynska. Son épouse dévouée est bien embêtée, sa deuxième servante, la jeune Karolina vient de démissionner pour partir épouser un beau parti.

Malheureusement, quelques jours plus tard le corps de Karolina, poignardée, est retrouvé au bord du fleuve. Comme la police n’a pas l’air de briller par son intelligence, Zofia Turbotynska qui n’en est pas à son coup d’essai décide de prendre les choses en main. En respectant les convenances bien entendu.

Je n’ai rien à reprocher à ce roman, sinon son appartenance à un style bien particulier, le « cosy crime », qui ne me passionne pas.

Il est bien écrit, il ne manque pas d’humour dans sa description des préjugés, nombreux, de l’époque, il ausculte la société de la fin du XIX° dans toutes ses composantes … Il est parfaitement réussi dans son style et les auteurs ont atteint très certainement leur but.

Mais je ne marche pas, c’est pas mon truc. Trop mou pour moi, trop bien elevé.

Maryla Szymiczkowa / Le rideau déchiré, (Rozdarta zaslona, ??), Agullo (2023) traduit du polonais par Cécile Bocianowski.

Tu sais qui

Une excellente découverte chez Métailié, Tu sais qui du polonais Jakub Szamalek.

Julita voulait être journaliste. Elle se retrouve à pondre des articles putaclic pour un site de merde, à grands coups de : L’EFFROYABLE DECOUVERTE DE BIDULE, ou L’HORRIBLE SURPRISE DE TARTANPION.

Jusqu’au jour où, au détour d’une vidéo bien crapoteuse sur un accident, elle croit voir une incohérence et une petite possibilité de faire du vrai journalisme. Jusqu’à ce qu’un mystérieux correspondant lui intime l’ordre d’arrêter, la menaçant de la détruire. Julita l’envoie paître, ne voyant pas comment on peut la détruire sur le net. Erreur, grosse erreur, sa vie devient alors un enfer. Mais perdue pour perdue …

Excellente découverte donc. Qui offre, et c’est déjà très bien, un plaisir de lecture immédiat. Le style est enlevé, teinté d’humour, l’héroïne Julita très attachante et l’intrigue parfaitement menée. Plaisir de lecture au premier degré donc.

Mais ce n’est pas tout. La description des métiers de merde, abrutissants, comme celui de Julita qui pond à la chaine les articles les plus putassiers juste pour attirer les cons et les mener sur le pub. Ou les campagnes de marketing d’un autre des protagonistes pour des produits tous plus inutiles les uns que les autres est excellente.

Ajoutez la description de la société polonaise, de sa corruption, (qui ressemble fort à la nôtre par bien des aspects), et celle des conséquences de notre addiction à internet et de notre utilisation d’une technologie à laquelle, pour la plupart d’entre nous, nous ne comprenons rien et que donc nous ne maîtrisons absolument pas.

Au final vous avez un polar divertissant et instructif. Et joie, la suite est déjà annoncée, on retrouvera Julita.

Jakub Szamalek / Tu sais qui, (Cokolwiek wybierzesz, 2019), Métailié (2022) traduit du polonais par Kamil Barbarski.

Eblouis par la nuit

Un auteur polonais chez Rivages, c’est rare. J’ai essayé Eblouis par la nuit de Jakub Zulczyk. J’ai détesté.

Jacek est dealer de cocaïne à Varsovie. Toute la nuit, et une bonne partie de la journée il parcourt la ville en voiture pour livrer ses clients. Contrairement à la majorité de ses collègues, Jacek fait profil bas. Il ne boit pas, ne consomme pas ses produits, ne s’achète rien d’ostentatoire, ne sort pas, ne fréquente pas les prostituées. Il investit son fric pour rester invisible et il accumule en prévision de vacances en Argentine.

Personne ne sait où il habite, il n’a pas d’amis, pas de couple, pas de vie. Quand un nouveau truand apparait en ville, son fragile équilibre commence à se fissurer, jusqu’à la chute inévitable.

Mettons tout de suite les choses au clair. Je ne dis pas que c’est un mauvais roman, et il est parfait dans sa forme et son fond, et sans doute en adéquation avec ce qu’a voulu l’auteur. Mais j’ai détesté, et je me suis copieusement ennuyé.

Essentiellement parce que plus de 500 pages à décrire le vide d’une vie de vendeur (que ce soit de cocaïne ou de chaussettes), qui n’a aucun lien social avec personne, aucune aspiration, aucune valeur morale (à part c’est vrai : on ne tape pas une femme, ce qui en fait le gène surtout quand c’est les autres qui le font) … c’est long, très long.

Plus de 500 pages à répéter à longueur de paragraphe que les polonais sont tous des cons, sans cervelle, sans culture, uniquement occupés à s’arnaquer et se voler, et à baiser des putes, boire de la vodka ou snifer de la cocaïne pour ceux qui en ont les moyens, c’est long. Ah j’oubliais, et toutes les polonaises sont des putes. Et en plus d’être long c’est au mieux discutable, au pire très con. A ma connaissance il n’existe pas de communauté aussi homogènement dépourvue de la moindre humanité.

Plus de 500 pages centrées sur un personnage qui a plus peur de vivre que de mourir, c’est long.

La question est sans doute, pourquoi suis-je allé au bout. Il me faut avouer que j’ai sauté de plus en plus de passages. Que ce soit les rêves de Jacek, ou ses monologues répétitifs où il se glorifie de son intelligence et crache sur ses compatriotes. Et je voulais voir si l’auteur allait enfin m’amener quelque part. Et bien non, c’est 500 pages de surplace, juste de plus en plus violent, ce qui ne l’a pas rendu moins ennuyeux.

Bref, c’est sans doute bien fait, mais j’ai détesté.Jakub Zulczyk / Eblouis par la nuit, (Ślepnąc od świateł, 2014), Rivages/Noir (2021) traduit du polonais par Kamil Barbarski.

Les ombres

Où l’on retrouve Mortka, alias le Kub, la Sèche, sa lieutenante, et toute la bande de flics, truands et pourris de Varsovie. Les ombres de Wojciech Chmielarz.

La femme et la fille d’un des truands de Varsovie disparu depuis des années et dont le cadavre avait refait surface récemment sont abattues chez elles dans la nuit. Sur place, l’arme de Darius Kochan, flic en disgrâce, ami du Kub, qui avait justement découvert le cadavre. L’homme que tout accuse est en fuite, mais Le Kub ne peut pas croire à sa culpabilité.

De son côté son adjointe, la Sèche, enquête seule et sans en avertir ses supérieurs sur une vidéo qu’elle a récupéré de façon illégale. On y voit un certain Lazare, lobbyiste de haut vol, participer avec quelques personnalités connues de la capitale au viol d’un jeune homme.

Le Kub et la Sèche vont devoir s’entraider pour essayer de faire valoir la vérité dans une société plus que jamais pourrie par la corruption.

Dans la note sur le précédent roman de la série, La cité des rêves, je disais que l’auteur s’améliorait de roman en roman et que ses personnages entraient dans la famille de ceux que j’aurai plaisir à retrouver. Je maintiens et confirme avec Les ombres. Wojciech Chmielarz a bien trouvé sa vitesse de croisière et maintient son excellent niveau.

On retrouve avec énormément de plaisir le Kub, son entourage, ses collègues mais aussi son meilleur ennemi. Les personnages sont riches, complexes, pleins d’aspérités et de contradictions, humains attachants, de vrais bons personnages récurrents. L’intrigue, touffue, est parfaitement menée, et converge vers un final explosif. Un vrai plaisir de lecture au premier degré.

Le portrait de la Pologne actuelle qui en ressort est, comme toujours dans les polars, à la fois sombre et malheureusement universelle avec sa description de la main mise financière sur tous les pouvoirs. Ceux qui ont l’argent, comme partout ailleurs, ont tous les pouvoirs. Celui de corrompre, celui d’échapper à toute forme de justice, celui d’acheter les plus fragiles qui n’ont que leur force de travail comme source de revenus.

Tristement universel. Heureusement, il y a des fous comme le Kub et la Sèche pour, rarement mais ça fait quand même plaisir, équilibrer un peu les comptes.

Wojciech Chmielarz / Les ombres, (Cienie, 2018), Agullo (2021) traduit du polonais par Caroline Raszka-dewez.

La cité des rêves

A chaque nouveau roman j’apprécie un peu plus le Kub et son auteur Wojciech Chmielarz. La cité des rêves les fait rentrer dans la famille de ceux dont je ne raterai plus aucune nouvelle aventure.

ChmielarzLa cité des rêves, un ensemble d’immeubles de luxe dans Varsovie, fermé, gardé. Rien ne devrait pouvoir y arriver à ceux qui ont les moyens de s’y loger. Pourtant c’est là qu’au petit matin un vigile découvre le cadavre d’une étudiante en journalisme.

Le cas semble simple, mais comme beaucoup d’habitants, du politicien écarté du pouvoir, au vigile pas net, en passant par l’homme de main du caïd de Varsovie et même certaines colocataires de la victime ont quelque chose à cacher les fausses pistes vont s’accumuler.

De son côté Dariusz Kochan, l’ex adjoint du Kub mis sur la touche pour avoir trop cogné son épouse revient au boulot et se voit confier les vieilles affaires non élucidées. Et si entre rancœur et envie de prouver qu’il existe il se mettait à faire des étincelles ?

Pour moi le meilleur de la série, et de loin, un très très bon. L’intrigue est merveilleusement tordue, tous les personnages excellents, qu’ils soient au centre de l’histoire ou en périphérie. Ils sont complexes, changeants, humains, attachants, horripilants …

Et surtout le tableau qui est peint de la Pologne actuelle est très riche, l’auteur réussit ce que peu de romans arrivent à faire, brasser de très nombreuses thématiques sans donner l’impression qu’il y en a trop, et que l’auteur aurait dû choisir.

Situation des immigrés (et oui, en Pologne aussi il y a des immigrés, aussi maltraités qu’ailleurs), arrogance de classe, violences faites aux femmes et aux enfants, corruption, individualisme et discours creux des jeunes loups, liens entre presse, politique et mafia … et tout ça sans lasser, sans donner de leçons et surtout sans simplifier ou caricaturer.

Vraiment une réussite superbe, et, cerise sur la gâteau, une fin qui laisse suffisamment de portes ouvertes pour appeler une suite. Comme les meilleurs romans de la série Harry Hole du grand Jo Nesbo. Vivement le retour du Kub.

Wojciech Chmielarz / La cité des rêves, (Osiedle Marzen, 2016), Agullo (2020) traduit du polonais par Erik Veaux.

La colombienne

C’est avec un peu de retard que je poursuis les aventures du Kub, flic polonais de Wojciech Chmielarz dans La colombienne.

ChmielarzMortka, dit le kub, est revenu à Varsovie après son incursion dans la campagne de La ferme aux poupées. C’est avec une nouvelle partenaire qu’il va devoir s’occuper d’un cadavre spectaculaire. Eventré, puis pendu sous un pont de la ville. Comme si cela ne suffisait pas, il a des doutes sur l’enquête menée par son ancien coéquipier à propos du suicide d’une femme. Et il se débat toujours avec son divorce. Dure période pour le Kub, qui risque de mettre sa patience, très relative, à rude épreuve.

J’avais raté le premier volume de la série, celui-ci, comme le second, est un bon exemple de procédural qui fonctionne et qui plait au lecteur de polar que je suis. Rien de révolutionnaire, mais, malgré ici quelques faiblesses dans l’intrigue (de mon point de vue très subjectif), tout ce que l’on recherche dans ce type de roman.

A savoir des personnages auxquels on s’attache, que l’on suit aussi bien dans leurs enquêtes que dans leur vie privée. Des histoires prenantes. Et un cadre de vie, un lieu, une époque, une ville, un pays que l’on peut découvrir. C’est bien le cas ici avec le kub et sa relation avec son ex-femme, les personnages secondaires dont on espère qu’on les reverra tant ils sont intéressants, la description d’une police qui semble en pleine évolution, où le fait de ne pas distribuer des baffes pendant un interrogatoire est une nouveauté parfois pénible, et un éclairage particulier sur l’arrivée du trafic de drogue en Pologne, mais aussi, comme dans le précédent, sur les violences faites aux femmes.

Plaisant et addictif, le Kub vient, en quelque sorte, prendre la place libre de Teodore Szacki sacrifié par son auteur Zygmunt Miloszewski.

Wojciech Chmielarz / La colombienne (Przejęcie, 2015), Agullo (2019), traduit du polonais par Erik Veaux.

Encore ronchon …

L’année 2019 avait commencé sur les chapeaux de roues, là une fois de plus je suis moyennement convaincu. Par Le magicien de Magdalena Parys.

parysDans un immeuble squatté par les Roms, à Berlin, la police découvre un cadavre mutilé. Frank Derbach, un obscur employé aux archives, qui fut, en son temps, employé par la Stasi.

Dans le même temps, à Sofia, Gerhard Samuel, photographe et vidéaste de presse meurt d’une crise cardiaque. Il connaissait Frank Derbach, et a laissé à la réception de son hôtel des papiers pour sa belle-fille, journaliste à la télévision allemande.

Le commissaire Kowalski devrait être en charge de l’enquête à Berlin, mais il est écarté, de façon incompréhensible, pour que l’affaire soit confiée à un policier totalement incapable.

Que cache toutes ces manœuvres ? Et quel est le lien avec Christian Schlangenberger, ancien membre de la Stasi qui est en train de devenir l’homme politique en vue et en vogue ?

J’avais très envie d’aimer ce bouquin. Parce que j’aime habituellement les publications de chez Agullo, parce qu’on m’avait dit beaucoup de bien du précédent roman de cette auteur que je n’ai malheureusement pas lu, et aussi et surtout parce que quelqu’un capable de citer Terry Pratchett et Poutine en exergue de chapitres est forcément quelqu’un d’intéressant.

Et il y a beaucoup de bon dans Le magicien. Les personnages sont intéressants, même si, malgré les fréquents retours en arrière pour expliciter leur passé, on reste un peu à leur surface. La thématique est également passionnante. Je n’avais jamais lu de polar sur la reconversion des anciens de la Stasi, ni sur les assassinats des habitants des pays de l’Est tentant de passer à l’ouest par la frontière bulgare.

Mais je ne suis pas totalement convaincu, plusieurs choses me gênent.

Tout d’abord l’intrigue et la façon de raconter l’histoire. L’auteur a multiplié les allers-retours chronologiques, pas seulement vers le passé ancien (ceux-là sont utiles), mais en rembobinant plusieurs les actions récentes, et je ne vois vraiment pas ce que ça apporte, sinon une complexité artificielle. Et surtout je n’ai pas cru une seconde à la résolution du mystère, qui nous sort un personnage miracle dans les dernières pages. Un peu facile et pas très cohérent avec le reste.

On en arrive ensuite à l’écriture. Première gène, elle use et abuse d’un procédé qui finit par être agaçant : on suit un personnage, et elle annonce alors ce qui va lui arriver, ou ce qui est déjà arrivé mais que ce personnage ignore, sous la forme « il/elle ne le savait pas encore, mais bidule était déjà mort(e) ». Une fois pourquoi pas, à la cinquième, ça lasse.

Et cela renforce mon impression sur l’écriture. Celle que Magadalena Parys n’a pas su, ou voulu, choisir un ton. On est parfois dans le burlesque, parfois dans le dramatique, elle prend une certaine distance qui, j’imagine, est censée donner un côté comique. C’est d’ailleurs traduit par ces exergues où l’on trouve donc Pratchett au côté de Poutine, Staline, Kennedy et bon nombre d’auteurs allemands, russes … Le problème est que ça aurait sans doute fonctionné sur un roman court. Sur 500 pages, ça m’a fatigué. Ou je suis imperméable à l’humour polonais. Ou j’étais de mauvaise humeur. Mais le résultat est qu’au final, j’ai fini par trouver le procédé lourd.

Donc de bonnes idées, des personnages intéressants, que j’aurais aimé voir plus fouillés pour certains, mais un style qui m’a complètement sorti de l’histoire, et une intrigue pas convaincante.

Magdalena Parys / Le magicien (Magik, 2016), Agullo Noir (2019), traduit du polonais par Margot Carlier et Caroline Raszka-Dewez.

Un nouvel enquêteur polonais

Après Miloswevski, je découvre un nouvel auteur polonais : Wojciech Chmielarz : La ferme aux poupées.

chmielarzL’inspecteur Mortka, de Varsovie, a été envoyé quatre mois dans une petite ville de montagne. Sous prétexte d’échange, en fait suite à une affaire qui s’est terminée dans la violence. Alors qu’il pense pouvoir passer quelques semaines tranquille, une petite fille disparait. Puis ce sont les cadavres mutilés de quatre femmes qui sont découverts.

Le séjour champêtre est terminé, et même si Mortka n’a aucun statut officiel, c’est sur lui que l’enquête va s’appuyer. Une enquête qui pourrait transformer la petite ville en poudrière quand elle commence à regarder du côté de la communauté rom, pas particulièrement bien vue par le reste de la population.

Voilà un polar solide qui ne va pas changer le monde, mais qui s’inscrit dans la tradition, en apportant sa touche personnelle.

La tradition c’est celle des polars procéduraux, où l’on suit un flic dans ses enquêtes mais également dans ses problèmes personnels. On s’attache très vite à Mortka, et on aura très plaisir à le suivre avec ses doutes, ses révoltes et son opiniâtreté dans de prochains volumes qui sont sans doute déjà écrits.

Les personnages secondaires sont aussi très réussis, flics d’une petite ville dépassés par une affaire dont ils n’ont pas l’habitude, enfermé dans un racisme ordinaire qu’ils partagent avec des concitoyens qu’ils connaissent tous ;

L’intrigue est très habilement menée, et le lecteur se laisse embarquer avec un très grand plaisir.

Et grâce à l’auteur nous découvrons un petit coin de Pologne, loin de la capitale, où le racisme anti roms est tellement installé qu’il ferait passer nos hommes politiques de droite et d’extrême droite pour des humanistes. Une province qui végète, se meurt peu à peu, avec tous les problèmes que cela suscite. Et un focus sur les violences faites aux plus faibles, souvent les mêmes, les femmes, jeunes et étrangères.

Plus que recommandable donc, en attendant le suivant.

Wojciech Chmielarz / La ferme aux poupées (Farma lalek, 2013), Agullo (2018), traduit du polonais par Eric Veaux.

Un bon divertissement polonais

Avec La rage Zygmunt Miloszewski a abandonné son personnage de Teo Szacki. Mais il n’a pas abandonné l’écriture. Il revient avec un thriller survolté : Inavouable.

Miloszewski1944, du côté de la chaîne des Tatras en Pologne un résistant part, en pleine tempête de neige, pour cacher le secret le plus important de la guerre. Il meurt de froid sans atteindre sa destination.

De nos jours, toujours du côté des Tatras, un terroriste aux revendications assez floues menace de faire sauter les câbles du téléphérique alors que les cabines sont bloquées à mi-chemin au-dessus du vide.

Peu après, à Varsovie, Zofia Lorentz, chef du service de recouvrement des biens volés pendant la guerre, est contactée par les plus hautes autorités du pays. Le tableau le plus célèbre volé par les allemands a été retrouvé. Mais il est la propriété d’un citoyen inattaquable d’un pays ami, très ami. Pour le reprendre sans risquer le scandale, une seule solution : le voler.

Le début d’une course au trésor bien plus dangereuse qu’il n’y parait.

Autant le dire tout de suite, j’ai nettement préféré la série Teo Szacki, bien plus dense, où l’action est profondément ancrée dans la société polonaise d’hier et d’aujourd’hui, avec ses traumatismes, ses héritages et ses travers.

Ici, nous sommes dans le thriller d’action pure. Une sorte de Ocean Eleven, mâtiné de James Bond et d’Indiana Jones. Secrets enfouis, trésors mythique, une bande de spécialistes qui passent de chasseurs à proies, et une action qui va de Varsovie à New York, en passant par l’Ukraine, la Suède et la Croatie. Bref du cinémascope grand spectacle.

Ceci dit, même si je ne suis pas totalement convaincu par la résolution du mystère, l’auteur a un réel talent, ses scènes d’action sont impeccables, parfaitement rythmées et découpées, les pages tournent toutes seules, et il y a ce qu’il faut d’humour et de noirceur, de suspense et de poursuites pour que le pavé se lise d’une traite.

Je n’en garderai sans doute pas d’autre souvenir que celui d’avoir passé de bons moment de lecture plein d’adrénaline (ce qui n’est déjà pas mal), l’auteur s’est visiblement amusé (j’espère), et j’espère aussi qu’après cette récréation, il reviendra vers le style de romans qui l’ont fait connaître chez nous.

Zygmunt Miloszewski / Inavouable (Bezcenni, 2013), Fleuve Noir (2017), traduit du polonais par Kamil Barbarski.