Est-ce que j’ai envie de continuer à lire et à publier ici. Ou est-ce que je me roule en boule dans mon terrier ? Est-ce que j’ai envie de dire qu’un auteur m’a fait éclater de rire, comme tous les ans à cette époque ? Pas trop. Mais merde, je suis certain que les chiens galeux (comme les a appelé Sophie Aram sur France Inter) n’auraient pas, mais alors pas du tout, aimé Camilleri, et ce n’est pas ces abrutis analphabètes qui vont m’empêcher de lire, et de faire lire. Donc pendant le deuil, les affaires continuent.
C’est depuis quelques années une excellente tradition, un des premiers romans à sortir en janvier est le nouveau Montalbano, commissaire fétiche de l’immense Andrea Camilleri. Cette année c’est La chasse au trésor.
Deux vieux bigots (tient, tient …), un frère et une sœur bien connus de Vigata semblent sur le point de péter les plombs : Ils ont accumulé les pancartes appelant les infidèles au repentir. Salvo Montalbano qui s’ennuie ferme décide d’aller leur demander de les enlever. Il est accueilli par des coups de feu. Quand ses hommes réussissent à rentrer dans l’appartement, ils trouvent tous les stigmates de la folie : des dizaines de crucifix et de madones et … une poupée gonflable en piteux état, à moitié déglinguée et rafistolée de rustines de partout.
Pas de quoi fouetter un chat. Mais quelques jours plus tard, dans un conteneur, une poupée en tout point semblable est retrouvée. Et chez lui, Salvo reçoit une lettre l’invitant à un curieux jeu de piste. Toujours pas de quoi fouetter un chat, mais Montalbano sent comme une sale odeur derrière tout ça …
J’ai lu ce roman juste avant cette effroyable journée. Et il m’a fait hurler de rire, du moins dans sa première partie. Les déconvenues de Salvo avec les deux poupées gonflables, les échanges avec Livia sont dignes des plus grands burlesques du cinéma. Et puis que voulez-vous, je suis bon public. Et avec Camilleri je suis TRES bon public. J’adore lire cette explication de Catarella (car oui, Catarella a des explications) à la baisse des vols à Vigata :
« Les voleurs, ceux de chez nous, ceux qui volent dans les maisons des pauvres gens ou dans les sacs des femmes, ils ont honte.
– Et de quoi ?
– Ils ont honte devant leurs collègues plus gros. Les industriels qui envoient à la faillite l’entreprise après avoir fait disparaître l’argent des épargnants, les banques qui trouvent le moyen de baiser les clients, les grandes entreprises qui volent l’argent public. Alors qu’eux, peuchère, ils doivent se contenter de dix euros, d’une télévision pourrie, d’un ordinateur qui ne marche pas … Ils ont la honte et ça leur fait passer l’envie. »
Et des échanges comme celui-ci, alors que Salvo examine des poupées gonflables à la loupe :
« Au bout d’un moment qu’il besognait, il entendit la voix de Mimi venir de la porte :
– Vous avez compris quelque chose Holmes ?
– Oui !
– A savoir ?
– Elémentaire, mon cher Watson. J’ai compris que vous êtes un con, rétorqua le commissaire en allant s’assoir derrière le bureau. »
Ajoutez le comique de répétition avec l’inimitable Catarella, la mauvaise humeur de Salvo, ses échanges avec le Questeur … Bref, je me suis beaucoup amusé, vraiment.
Puis il y a le final, lu, malgré tout, le 7 au soir. Un final qui n’est plus du tout drôle. Un final sur la folie et la bêtise, même si ici elles ne sont pas religieuses.
On ne va rien lâcher, on va continuer à rire et à s’indigner avec Andrea Camilleri, en espérant que ça dure le plus longtemps possible.
La suite dans quelques jours, parce que ces derniers jours je n’ai pas lu grand chose, à part le fil des infos ici et là.
Andrea Camilleri / La chasse au trésor (La caccia al tesoro, 2010), Fleuve Noir (2014), traduit de l’italien par Serge Quadruppani.