Le blues des phalènes

Très bonnes critiques partout pour Le blues des phalènes, de Valentine Imhof. C’est entièrement mérité.

En 1917, une explosion terrible détruit le ville d’Halifax, au Canada. Morts, destruction, et des destins brisés, changés à jamais. Parmi ceux-là : Morton, fils d’une grande famille en rupture avec elle ; Arthur, soldat de la guerre des Boers et de la boucherie des tranchées ; Pekka, jeune femme qui fuit l’ennui de sa famille d’origine scandinave pour vivre une vie « américaine » et qui change de nom chaque fois qu’elle change de ville ; Nathan son fils, fils de l’explosion d’Halifax.

Dans un pays ravagé par la guerre, puis la grippe, puis la crise et la misère qui suivra. Dans un pays d’affrontements et d’incertitudes, des destins qui se croisent jusqu’aux années 30.

Je vais tout de suite évacuer ce qui m’a un peu, un tout petit peu, gêné. J’ai eu du mal à entrer dans le roman, et je n’ai pas compris l’intérêt de mettre en scène le personnage de Milton, qui n’apparait qu’au tout début et à la fin du roman. Mais dès que les autres, Arthur, Pekka et Nathan entrent en scène, attention à la grosse claque.

On est frappé par la puissance d’évocation de l’écriture de Valentine Imhof. On vit littéralement le récit de cette catastrophe incroyable (que j’ai d’ailleurs découverte à l’occasion). On ressent la misère mais également une certaine solidarité de la vie des clochards, ces hobos bien connus des amateurs de romans noirs américains qui voyageaient en train clandestinement. On souffre et on rage face à la violence qu’ils subissent de la part de la police, des patrons et des milices des « bons citoyens ». On subit la condition des ouvriers, dockers, ouvriers agricoles et la violence de la répression contre toute forme de revendication.

On est avec Pekka dans la vie clinquante de New York, on est immergé avec elle dans l’ambiance freaks de l’exposition universelle de Chicago. On est chez le Steinbeck ou le London de la révolte, on est chez Crews et ses « monstres », on vit littéralement ces 15-20 années d’Amérique au ras du sol, au milieu de ceux qui souffrent. Pas étonnant de retrouver Howard Zinn dans les références en fin d’ouvrage, mais c’est bien au travers de vies totalement romancées, et avec quel talent, quelle empathie et quel souffle que Valentine Imhof nous fait vivre son « histoire populaire des Etats-Unis ».

Chapeau et merci.

Valentine Imhof / Le blues des phalènes, Rouergue Noir (2022).

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