Kalmann

Une belle découverte à La Noire : Kalmann de Joachim B. Schmidt.

Raufarhöfn, petit port de pêche dans l’extrême nord de l’Islande. Un village qui se meurt depuis que les quotas de pêche des pêcheurs locaux ont été rachetés. Il reste quand même une petite école et un hôtel pour les quelques touristes qui, l’été, viennent voir le soleil de minuit.

Robert McKenzie est le roi du village. C’est lui qui a les quotas restants, il est propriétaire de l’hôtel, il a des projets touristiques. Mais Robert a disparu.

Et puis il y a Kalmann. La trentaine, vivant seul dans la maison de son grand-père qui est en maison de retraite. Kalmann est différent, excellent pêcheur de requins, chasseur, il n’a jamais pu suivre à l’école et se promène dans le village avec son chapeau, son étoile et son pistolet de shérif, souvenir d’un père américain qu’il n’a jamais connu. Kalmann qui n’aime pas la nouveauté va être servi : en chassant il tombe sur une grosse flaque de sang …

Une excellente surprise que ce roman. Ce n’est pas la première fois qu’un auteur utilise un narrateur différent de la norme pour proposer un regard décalé qui met en lumière ce qui, dans la vie de tous les jours, nous parait normal. On peut citer deux exemples illustres, le gamin narrateur de Fantasia chez les ploucs de Charles Williams, ou le fou héros de la série barcelonaise d’Eduardo Mendoza.

Ces deux références utilisent le décalage pour créer un effet humoristique, c’est moins le cas ici. On sourit certes, mais on est surtout très ému par le narrateur. Petit à petit on s’attache à Kalmann, on partage ses joies, ses espoirs et ses souffrances, on est témoins de sa grandeur. A travers son regard c’est tout un monde et un mode de vie que l’on voit disparaitre. C’est le choc avec le monde moderne, ses media, sa violence nouvelle opposée à une autre forme de violence, celle que l’homme est obligé d’exercer quand il doit vivre dans un milieu naturel dur et parfois hostile.

Et c’est également toute la beauté d’une nature respectée à la fois pour sa majesté et pour le danger qu’elle représente qui est révélée également à travers le regard au premier degré de Kalmann.

Ajoutons que l’intrigue qui prend son temps est très bien menée, avec une montée quasi imperceptible de la tension vers un final superbe. Un vraie belle réussite et une magnifique découverte pour moi.

Joachim B. Schmidt / Kalmann, (Kalmann, 2020), La Noire (2023) traduit de l’allemand (Suisse) par Barbara Fontaine.

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