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Aux sources du polar scandinave

Rivages poursuit, peu à peu, la réédition des romans de la série Martin Beck, de M. Sjöwall et P. Wahlöö, les deux précurseurs du polar scandinave. Ce qui permet à ceux, nombreux, qui ne les avaient jamais lus faute de les trouver, de combler cette lacune. Ce que je fais chaque fois que je trouve le temps (c’est-à-dire trop rarement).

L’homme qui partit en fumée présente la particularité d’extraire leur personnage principal de son environnement, autant géographique qu’humain.

Martin Beck profite de ses vacances en famille depuis moins de 24h00 quand il est rappelé d’urgence par son supérieur à Stockholm. Le ministère des affaires étrangères veut absolument Beck pour mener une enquête délicate. Le journaliste Alf Matsson a disparu à Budapest deux jours après son arrivée dans la ville où il devait faire un reportage. Depuis deux semaines, plus de nouvelles. Son journal, un torchon à scandales, menace de lancer une campagne comme il sait les faire si personne de s’occupe de l’affaire. Pour l’harmonie des relations entre les deux pays, le ministère préfère que cela fasse le moins de vagues possible. Il ne reste plus à Martin Beck qu’à partir enquêter officieusement, dans un pays dont il ne parle pas la langue, et sans l’appui de la police locale qui n’a pas été contactée … Une sinécure.

Cet épisode permet aux auteurs d’élargir la perspective et de décrire Budapest du point de vue du « touriste » qui s’émerveille, mais ne comprend pas forcément le fonctionnement de la société. En creux, comme dans les autres romans de la série, on assiste, dès ce milieu des années 60, à la mise à mal de ce qui était présenté comme le paradis social scandinave. Le tout avec une rigueur d’intrigue et une absence d’esbroufe dignes du maître du genre, j’ai nommé l’incontournable Ed McBain. Plus que recommandable donc, indispensable pour qui s’intéresse au polar en général, et au polar scandinave en particulier.

Un petit mot pour expliquer le mystère de la traduction. Au moment de la sortie des romans de M. Sjöwall et P. Wahlöö il n’y avait pas d’engouement particulier pour le roman policier scandinave, c’est le moins que l’on puisse dire. Les romans de la série Martin Beck ont donc été traduits … A partir de la traduction anglaise. Qui est donc revue, pour les rééditions de rivages, à partir des textes d’origine.

M. Sjöwall et P. Wahlöö / L’homme qui partit en fumée (Mannen some gick upp i rök, 1966), Rivages Noir (2008), traduit à partir de l’anglais par Michel Deutsch, revu à partir du suédois par Philippe Bouquet Julien Guérif.

A l’origine des polars du Nord

Si vous demandez aux auteurs scandinaves tellement à la mode en ce moment, quelles lectures les ont influencé, et qui leur a donné l’envie d’écrire du polar, vous avez 95 % de chances qu’ils vous répondent : « La série Martin Beck écrite par Maj  Sjöwall et Per Wahlöö ». L’influence de ces deux auteurs ne s’arrête d’ailleurs pas aux pays scandinaves. Lors d’une rencontre avec le public à Toulouse en 2007, Xiaolong Qiu, chinois de Shanghai vivant et écrivant aux USA citait la même référence.

Entre 1965 et 1975, ces deux auteurs, marxistes de formation, ont écrit 10 romans mettant en scène un commissariat (ou équivalent suédois) à la tête duquel se trouve le dénommé Martin Beck. Au travers d’histoires policières, ils s’étaient fixés comme objectifs d’autopsier la société social-démocrate suédoise.

Quelques volumes se trouvaient encore chez les bouquinistes, dans la collection 10×18 grands détectives, mais ceux qui, comme moi, s’étaient mis au polar plus tard ne pouvait qu’écouter leurs aînés leur conseiller ces lectures, sans pouvoir trouver les romans.

Et bien c’est fini ! Rivages vient d’entamer la réédition de la série. Deux titres sont déjà disponibles : Roseanna et L’homme qui partit en fumée.

Pour illustrer le début de mon propos (et prouver que je ne dis pas QUE des bêtises) Roseanna, le premier titre est préfacé dans sa nouvelle édition par Henning Mankell himself.

J’avais déjà trouvé et lu ce titre dans sa précédente édition :

Le 8 juillet 1965, le corps d’une jeune femme nue est retrouvé dans un canal, dans une zone touristique de la Suède. Les enquêteurs locaux n’avancent pas, et font appel aux spécialistes de la capitale : Martin Beck et son équipe. L’enquête est longue et fastidieuse, mais au bout de trois mois l’identité de la morte est enfin établie : il s’agit d’une touriste américaine qui visitait les lacs et les canaux sur le Diana, un bateau quasiment uniquement utilisé par les touristes à cette époque. C’est un premier pas, reste maintenant à retrouver le meurtrier, et à le confondre. Martin Beck et son équipe devront faire preuve d’obstination et d’intuition pour venir à bout d’une enquête laborieuse.

Première apparition de martin Beck que l’on retrouvera ensuite, avec ses collègues dans de nombreux romans.

Celui-ci comporte deux parties : celle qui correspond à l’enquête, lente, fastidieuse, qui nous familiarise avec le travail de fourmis réalisé par ces enquêteurs, puis la deuxième, dont le rythme va en s’accélérant, qui joue superbement avec le suspense, où l’on suit la traque et la capture du meurtrier présumé. Bel exemple de roman de procédure policière dans lequel l’auteur prend son temps de définir les personnages, leurs caractères, et leur vie hors du commissariat.

Amateurs de polar, de style procédural, de romans venus du nord, remontez à la source, lisez Maj  Sjöwall et Per Wahlöö.

Maj  Sjöwall et Per Wahlöö  / Roseanna (Roseanna, 1965) Trad de l’anglais Michel Deutsch, trad revue du suédois. L’homme qui partit en fumée (Mannen some gick upp i rök, 1966) Trad de l’anglais Michel Deutsch, trad revue du suédois Philippe Bouquet.

PS. Pour ceux qui s’étonnent de la double traduction … Les premières éditions françaises (en 10×18) ont été traduites à partir de la traduction anglaise, Rivages offre une traduction revue à partir de l’original.