Les histoires d’amour …

Dominique Forma est un auteur français discret. De lui je n’avais lu que Voyoucratie. Je le redécouvre avec Amor, toujours chez Rivages.

amor.inddMaximilien est prof d’économie dans une grande école parisienne. Maximilien tient un blog qui a un certain succès d’estime. Maximilien est plutôt de gauche, mais pas trop quand même parce que Maximilien est raisonnable. Sa femme Camille est féministe, responsable de la culture dans la mairie de leur ville de banlieue chouette en bord de Seine. Ils ont un fils très chouette, ils s’aiment, et aiment faire l’amour. Tout va bien dans la vie de Maximilien, Camille et leur fils Yvan.

En vacances ils rencontrent Viviane, une jeune paumée qui vit en vendant des babioles achetées en Inde. Par hasard ils la protègent d’un con sur la plage, et toujours par hasard elle débarque dans leur lit. Comme Maximilien et Camille sont ouverts, et qu’ils se font plaisir avec Viviane, et Viviane avec eux, ils l’accueillent avec plaisir et gourmandise. Tout va bien dans la vie de Maximilien, Camille, Viviane et Yvan.

Et puis Maximilien est remarqué par un économiste qui compte, qui passe à la télé et parle avec les ministres. Et qui va le lancer en politique. Et la vie pratique reprend ses droits, et Viviane commence à faire tâche. Et tout se gâte …

Les talents de Dominique Forma sont multiples. Avec Voyoucratie, il nous offrait un polar nerveux, sec et rapide se déroulant dans le milieu de la pègre de banlieue. Il est aussi à l’aise ici, dans une famille bourgeoise a priori sans problème ni aspérité, dans un récit tout en finesse très chabrolien.

C’est peut-être tarte à a crème de parler de Chabrol pour ce roman, mais c’est vraiment à lui qu’il m’a fait penser. Dans sa façon de faire exploser une famille sans histoire, une famille bien pensante (et ce n’est pas forcément péjoratif), avec un gamin sympa et des parents plutôt décents, un peu fades dans leurs opinions, un peu consensuels dans leurs toutes petites révoltes, des gens ordinaires.

Et ce qui va les faire exploser, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas le sexe à trois, et l’arrivée de Viviane, gentille, serviable mais complètement paumée. Non, c’est l’ambition, l’orgueil et le chant des sirènes des media et de la politique. Et là l’auteur fait très fort. On voit madame, supposée féministe, accepter immédiatement de larguer tout pour soutenir monsieur, on voit monsieur et madame si à l’aise dans leur sexualité épanouie devenir coincés, avoir peur du regard des autres, on voit tout se fissurer et le drame arriver. Et dès qu’une fissure apparaît, aussi petite soit-elle, tout va très vite, et très loin.

Tout cela est très finement raconté, on sent monter la pression, on voit où ça commence à coincer, on voit le couple perdre les pédales, la folie pointer son nez, de tous les côtés … Et quelle peinture du monde de la politique et de sa com ! C’est là aussi subtil, sans outrance et sans effet, mais c’est sans pitié, sans la moindre pitié. Chabrolien non ?

Dominique Forma / Amor, Rivages/Thriller (2015).

9 réflexions au sujet de « Les histoires d’amour … »

  1. Françoise

    Je crois bien être d’accord en tous points avec ta critique de ce roman. J’avais eu l’occasion de rencontrer Dominique Forma qui est un homme charmant : là je découvre un sacré écrivain. Chabrolien, c’est bien ça…

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