Gran Madam’s d’Anne Bourrel

Ca fait un moment que j’avais ce bouquin sur ma pile, et je l’y laissais, craignant une avalanche sordide. Puis j’ai attrapé Gran Madam’s d’Anne Bourrel, prêt à le laisser tomber si c’était trop glauque. Et je ne l’ai pas lâché.

bourrelAu Gran madam’s, une boite à striptease de la Jonquera, à la frontière franco-espagnole, Virginie l’ex étudiante de Perpignan est devenue Begonia, réservoir à foutre de camionneurs. Cela pourrait être la fin d’un parcours. Cela se transforme en début quand, après avoir tué le patron de la boite, elle s’enfuit avec son souteneur et un homme de mains. Ils recueillent en chemin un jeune fugueuse, Marielle, la ramènent chez elle … Et tout bascule, lentement.

Je craignais donc une overdose de glauque, et j’ai bien cru que j’y étais dans les toutes premières pages. Mais très vite tout change, pour une raison que l’on ne connaîtra jamais, la cavale commence, puis s’arrête aussi brusquement qu’elle avait débuté. Commence alors une sorte de huis-clos dans un village des Corbières écrasé par la chaleur d’août.

Pendant un temps tout va bien, on se demande où l’auteur nous amène, puis le malaise s’installe, par toutes petites touches, imperceptiblement, et monte, monte … cette progression vers l’horreur ordinaire est magnifiquement maîtrisée, avec en son centre de très beaux portraits de femmes, victimes qui n’arrivent pas à trouver la force d’échapper à leurs bourreaux.

Autre belle réussite du roman, la description de ce petit village écrasé de chaleur. On sent la sueur, le soleil qui plombe, la fatigue, l’inertie … Et la mesquinerie des habitants, leur petite méchanceté tranchante.

Avec tout ça, Anne Bourrel arrive même à décrire quelques instants de bonheur et nous offre un très petit rayon de soleil (du bon soleil, qui revigore) en fin de roman.

Une belle découverte.

Anne Bourrel / Gran madam’s La manufacture des livres (2015).

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