Campagne noire

Décidément, je ne vais guère vous faire sourire en ce début d’année. Après un Néonoir glaçant et un James Lee Burke décevant, la rentrée à la série noire est impressionnante et … très noire. D’un autre côté, elle s’appelle la série noire, pas la série rose : Si tous les dieux nous abandonnent de Patrick Delperdange.

DelperdangeCéline fuit. Un sac à dos, un pull taché de sang, un couteau … Sur une route de campagne, l’hiver, la nuit, Léopold la prend en stop. Depuis que sa femme est morte Léopold vieillit seul dans sa ferme qui tombe en ruine. L’arrivée de Céline ne va pas passer inaperçue dans le petit village de Valmont.

Tous le remarquent et se demandent ce qu’elle peut bien faire chez le vieux Léopold. Josselin n’est pas bien malin, il vivote comme il peut et fantasme sur Céline.

Parce que la jeune femme s’est défendue quand les chiens de Maurice, le frère de Josselin, l’ont attaquée, les choses vont déraper.

Pour reprendre le titre d’un excellent recueil de nouvelles d’Emmanuelle Urien, voici un roman Court, noir, sans sucre.

Chapitres courts, narration à trois voix (Céline, Léoplod et Josselin), juste le minimum de contexte et de passé pour comprendre ce qu’il se passe, près d’un an de vies entremêlées en deux cent pages. Impeccable.

Céline, paumée, est le catalyseur d’une réaction en chaine qui va faire remonter à la lumière des secrets, des frustrations, des mensonges et des hontes cachés depuis des années. Un catalyseur qui subit, fuit une menace longtemps mystérieuse, et n’y échappe que pour se remettre dans le pétrin.

Ici, pas de grands criminels ou de croquemitaine, juste la misère, économique, sociale, culturelle et intellectuelle, la bêtise, la méchanceté mesquine et ordinaire, l’envie, le manque total d’avenir ou de projet, la solitude aggravée par le regard permanent porté par les quelques voisins.

Elle n’est guère tentante la « ruralité » de Valmont. Elle est grise, déprimante, flirte souvent avec la folie, et peut se révéler salement agressive, voire mortelle.

L’auteur rend magnifiquement tout cela, en tendant son récit dès le début avec le mystère qui entoure Céline. Et arrive très habilement à remettre de la tension en cours de récit en faisant remonter les secrets des différents protagonistes.

Le roman a la beauté de la noirceur, éclairée par moment de raies de lumière, d’instants miraculeux d’empathie, de joie simple, ou éclaboussée d’explosions de violence. On navigue entre la chronique d’une mort annoncée et Les chiens de paille, avec parfois des relents de Délivrance … Une découverte.

Patrick Delperdange / Si tous les dieux nous abandonnent, Série Noire (2016).

11 réflexions au sujet de « Campagne noire »

  1. belette2911

    Ma foi, si on veut du rose, va falloir soit relire la Bibliothèque Rose ou se taper du Harlequin… Si tu passes à la chronique du Harlequin, mon portefeuille et moi-même te remercierons infiniment !

    Parce que là, ça fait un deuxième ajout et nous ne sommes que le 9 janvier !!! 👿

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      1. belette2911

        Ok, je vais récupérer la carabine de papy… juste que je trouve les bonnes cartouches et je suis prête à mettre fin à ton existence si tu nous lis des Harlequin…

  2. Françoise

    Très en retard, je viens juste de finir ce Delperdange. Et à aucun moment je n’ai accroché. Je suis sûrement passée à côté de quelque chose moi qui, d’habitude, aime bien le noir serré sans sucre. Mais, peut-être à cause du trop plein d’horreurs en tout genre, tout ce qui arrive à ces malheureux (Céline, Léopold), je m’en fous. Je suis juste peinée pour le chien je dois dire, même s’il est pas sympa. Pour moi les personnages n’ont aucune existence, aucune épaisseur, peut-être que l’auteur aurait dû aller plus loin dans leur passé pour que je m’intéresse à eux. Non, par contre la noirceur (sûrement les descriptions de la nature que j’ai bien aimées) m’a étouffée et c’est avec un grand bonheur que je passe à un Italien pétri d’humour (non, pas Camilleri mais dans le genre) en la personne de Antonio Manzini que je découvre avec « Froid comme la mort ».

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  3. Fred

    Pas du tout aimé.
    Je n’ai trouvé dans ce roman qu’une accumulation de poncifs et des incohérences en pagaille.
    La volonté très louable d’accorder une voix bien distincte à chaque personnage principal ne se traduit malheureusement que par une pauvreté du style qui ne permet pas de donner corps et épaisseur à des personnages qui auraient mérité mieux.
    J’en attendais bien mieux.

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