Un polar en Sologne

J’avais raté le premier roman de Pierric Guittaut paru à la série noire, je ne comptais pas rater le second : D’ombres et de flammes.

guittautSuite à une bavure, le major de gendarmerie Fabrice Remangeon est muté dans l’endroit de France qu’il fuit depuis des années : sa Sologne natale. Là-bas, il est certes gendarme, mais il est surtout le fils du sorcier, celui qui a hérité de son sang et de ses pouvoirs. C’est aussi là-bas que son épouse Elise a disparu dix ans plus tôt. Dix ans de souffrance.

Dès son arrivée il est appelé sur une chasse privée : trois cerfs et biches ont été braconnés, une clôture arrachée. Le propriétaire, avec sa morgue de notable prend les gendarmes de haut. Tout ce qu’il voulait fuir. Puis il est confronté à Tristan Lerouge, braconnier connu, à la réputation de sorcier lui aussi, dont la femme, très discrète, ressemble tant à Elise …

Contre lui-même, contre Lerouge, contre ceux qui veulent qu’il reprenne l’héritage du sang paternel … La vie de Remangeon devient une lutte de tous les instants.

Quand on découvre un nouvel auteur, on ne peut s’empêcher de le comparer à d’autres que l’on connaît déjà, même si cela n’est pas forcément pertinent. Et là, l’auteur qui m’est immédiatement venue à l’esprit, c’est l’irlandais John Connolly.

Comme lui, Pierric Guittaut excelle dans la description de la nature brumeuse, des fantômes qui se cachent derrière les arbres, des silhouettes qui s’estompent dans la brume. Comme lui il dose parfaitement le côté fantastique, touche de couleur, épice inattendue qui rehausse le récit sans qu’il ne cède jamais à la facilité de résoudre une situation grâce à un prétendu pouvoir.

La forêt est un personnage à part entière du roman, tour à tour inquiétante, magnifique, intimidante ou familière. Et face à cette nature, et à des gens qui vivent en partie dans le passé, Fabrice Remangeon, (comme le Charlie Parker de Connolly), résiste longtemps à reconnaître sa nature, son sang, son héritage, avant, petit à petit, d’accepter l’inacceptable.

Un très beau roman, très dense. Un roman sur la douleur, sur la folie, un roman d’amour, un roman sur l’héritage, sur la solitude, sur le courage … Un roman tout en oppositions, entre deux hommes, entre des forces éternelles et immuables et le monde qui change, entre l’amour et la folie …

Et aussi et avant tout, une belle histoire, magnifiquement racontée, avec ses moments lyriques, ses accélérations, ses contemplations, ses plongées dans les doutes et les rêves des personnages, ses moments sombres et ses éclairs de lumière. La découverte d’une écriture et d’un monde littéraire qui sortent de l’ordinaire et méritent vraiment qu’on les découvre.

Si, comme Charlie Parker, Fabrice Remangeon devenait un personnage récurrent, j’en serais le premier enchanté.

Pierric Guittaut / D’ombres et de flammes, Série Noire (2016).

16 réflexions au sujet de « Un polar en Sologne »

      1. keisha41

        Les bracos, les sorciers… ça fait un peu exagéré, non? Prochain bouquin, le Berry? (tu auras compris que je suis du coin)

      2. actudunoir Auteur de l’article

        Il y a aussi des gros cons en 4×4 … Tu devrais essayer quand même, si tu aimes le mélange des genre, style Connolly.
        Dans le Berry aussi il y a des gros cons en 4×4 ?

  1. Pierric Guittaut

    Bonsoir Jean-Marc. Merci beaucoup pour votre intérêt.
    Keisha41, vous avez raison de pointer les clichés, mais c’est totalement délibéré de réaliser un travail sur ces thématiques « folkloriques » du braconnier et du sorcier, pour les remettre au goût du jour. Ce qui est intéressant dans un cliché, c’est la part de vérité qu’ils contient. Après, c’est sa forme d’expression qui peut éventuellement être médiocre. L’un des axes du roman, c’est de voir en quoi la sorcellerie, par delà le cliché folklorique, est une part de l’âme de la Sologne, un héritage autant culturel que psychologique que ses habitants, à l’instar du gendarme, peuvent assumer ou non, avec plus ou moins de violence. La force d’un déni est souvent un révélateur. C’est aussi un récit très romantique, presque wagnérien, où la sombre forêt magique joue tout son rôle.
    Bonne soirée.

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  2. keisha41

    Oooh sympa l’intervention de l’auteur, voilà qui finalement me pousserait à lire ce roman , qui j’en suis persuadée devrait attirer l’oeil du responsable de la bibli estampillée sologne que je fréquente! j’aurais mieux fait de donner ma confiance à Actu du noir, comme d’hab’! Surtout que je suis la première à râler contre l’occupation de la sologne par les estrangers…
    Côté braconnage, il a sa maison dans le coin, côté sorciers, ma foi, ici encore aujourd’hui certains guérisseurs ont des ‘pouvoirs’ ou en tout cas les revendiquent.
    Je me moquais donc bêtement, je l’avoue.
    @actu du noir : ouais, les 4×4, à la limite, dans les chemins boueux ou les pistes, ça peut être utile, plus que sur le bitume citadin, mais c’est une autre histoire.

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